La revue Justice Spatiale / Spatial Justice est née à la suite d'un colloque tenu sur le campus de l'Université de Paris Ouest Nanterre en mars 2008. Certains se souviennent sans doute des affiches apposées sur les murs de l'université pour annoncer cet événement : y figuraient quatre images urbaines, des collages de Michel Coquery réalisés et donnés pour l'occasion à notre demande. Ces collages servent depuis aussi aux couvertures des actes publiés du colloque (et d'autres s'affichent aussi sur tant et tant de couvertures d'ouvrages de géographie et d'urbanisme). C'est ainsi, notamment, que Michel nous a accompagnés, à sa manière si modeste mais si importante, et l'équipe de la revue souhaite le saluer et le remercier ici.
The journal Justice Spatiale / Spatial Justice was born after the conference which took place at the Université de Paris Ouest Nanterre in March 2008. Some of you may remember the posters of the event on the walls of the university: they included four urban images, collages made by Michel Coquery donated for the occasion. These collages have since been used on the covers of the volumes of proceedings of the conference (and many others are to be found on the covers of other publications in geography or urban studies). It was Michel’s way of wishing us well, and it was characteristically modest and important. We all wish to thank him.
En effet, Michel Coquery nous a quittés en novembre 2011. Il était ce qu'il avait été : ancien élève de l'Ecole Normale de Saint-Cloud (1953 à 1958), agrégé de géographie, co-fondateur de l'Institut Français d'urbanisme, enseignant à l'Ecole des Ponts et Chaussées et à l'Université de Paris 8, directeur de l'Ecole Normale Supérieure de Fontenay-Saint-Cloud (1990-1995). Mais il était beaucoup plus encore, comme enseignant, comme chercheur, comme artiste, comme être humain. De ces points de vue, quelques leçons nous semblent pouvoir être tirées qui correspondent à ce que nous tentons de mettre en œuvre dans les « pages » de cette revue : que le métier d'enseignant-chercheur ou de chercheur repose fondamentalement sur le don (don de sa personne, de ses idées et de ses enseignements) ; que la rigueur intellectuelle ne doit jamais interdire la part de poésie, de compréhension et d'empathie sans laquelle la science prend le risque de la stérilité ; que nos outils scientifiques doivent aussi pouvoir être « opératoires » ; que le politique est essentiel et que l'engagement, quelle que soit sa forme, est indispensable ; que nous avons le devoir d'un effort d'utilité.
Michel Coquery left us in November 2011. He was what he had been: an alumnus of the Ecole Normale de Saint-Cloud (1953 to 1958), agrégé de géographie, co-founder of the Institut Français d’urbanisme, a lecturer at the Ecole des Ponts et Chaussées and the Université de Paris 8, head of the Ecole Normale Supérieure de Fontenay-Saint-Cloud (1990-1995). But he was also much more, an outstanding teacher, scholar, artist and human being. What he taught had a lot to do with what we have attempted to demonstrate within the pages of this journal: that our job as professors or researchers is basically to give away freely (give our time, our ideas or our knowledge); that a concern for accuracy doesn’t exclude poetry or empathy, and that sound knowledge gains from these; that scholarly research should also prove operational; that politics are essential and that personal involvement is necessary; that it is our duty to attempt to be useful.
« Un géographe qui est aussi poète » disait Gilles Sautter à propos de Michel Coquery. Et en effet celui-ci, tel un chat, a eu plusieurs vies, les vies d'un « géographe qui est aussi... », sans doute parce qu'un de ses traits de caractère était la gourmandise pour la vie, pour les découvertes, pour les relations avec les humains et leurs lieux. Vies scientifiques qui l'ont fait devenir « africaniste » après avoir été un spécialiste reconnu et fondateur dans le domaine de la géographie du commerce en France. Vies scientifiques encore de géographe devenu urbaniste mais aussi d'urbaniste resté profondément géographe. Vies parallèles d'artiste collagiste et d'universitaire. Vies successives mais mêlées d'enseignant et d'administrateur. Vies aussi en plusieurs langues car Michel Coquery a été un passeur essentiel de la littérature anglophone en France (et en Afrique, avec son épouse Catherine Coquery-Vidrovitch, avec aussi Jean-Pierre Raison, il a tant contribué à faire sortir la géographie francophone de son pré carré historique), et nous espérons poursuivre ici cette tâche qui a ouvert des champs nouveaux à de très nombreux étudiants.
« A geographer who is also a poet » said Gilles Sautter about Michel Coquery. And, like a cat, he did indeed have several lives, the lives of a « geographer who is also… », probably because one of his features was an appetite for life, for discoveries, for relations with human beings and their places. His manifold scholarly life made him an « Africanist » after he had become a leading specialist of French geography of commercial activities, a geographer who became an urbanist, but an urbanist who remained first and foremost a geographer. He had parallel lives as artist and scholar, as professor and head of higher education institutions; lives lived in several languages since Michel Coquery was committed to making Anglophone literature known in France, and in Africa, where, along with his wife Catherine Coquery-Vidrovitch, and also Jean-Pierre Raison, he worked hard to drag French geography out of its traditional backyard. Our hope is to be able to take after someone who did so much to open up new horizons to many students.
Ces vies avaient des fils conducteurs intangibles qui faisaient toujours lien : l'urbain, le politique, l'amour, dans l'ordre que l'on voudra. Peut-être est-ce dans l'expérience du service militaire à Oran que plusieurs de ces fils se sont noués à la fin des années 1950 ? Et peut-être est-ce dans l'image du collage que l'on peut le mieux comprendre, nos vies sont-elles autre chose que cela ? Et les villes peuvent-elles finalement être comprises mieux que comme telles : collages complexes, harmonieux ou disharmonieux, de pièces hétéroclites qui nous donnent des paysages à voir, décrypter et comprendre ?
All his lives were connected by invisible threads: cities, politics, love, in whatever order. Those threads may have become intertwined in his experience of military service in Oran, Algeria, in the late 1950s. Maybe this is best illustrated in his collages, what better image of life? And can’t cities also be best understood as collages, whether harmonious or not, of motley pieces, cityscapes to gaze upon, decipher and learn from?
Alors nous saluons Michel Coquery, tous les Michel Coquery.
We salute Michel Coquery, all the Michel Coquery.
Une chose reste certaine, nous savons maintenant que « les chats peuvent sourire » et nous voulons bien être les Alice qui le découvrent. Nous voulons aussi que, comme celui du chat du Cheshire, le sourire de Michel Coquery nous reste :
One thing is sure, we now know that « cats can grin » and we’re happy to be the Alices who find it out. We believe that, like the Cheshire Cat’s, Michel Coquery’s smile will stay with us after he has left:
« il disparut lentement (...) en finissant par le sourire, qui demeura après que le reste se fût effacé.
« it vanished quite slowly (…) ending with the grin, which remained after the rest had gone.
« Eh bien, j'ai souvent vu un chat sans sourire » pensa Alice ; « mais un sourire sans chat ! C'est la chose la plus étrange que j'aie jamais vue dans toute ma vie. » »
« Well, I’ve often seen a cat without a grin », thought Alice; « but a grin without a cat! It’s the most curious thing I ever saw in all my life ». »
Les rédacteurs en chef
The editors