Violence et production de l’espace

Violence and the production of space

La violence occupe une place particulière dans les sciences sociales. Malgré le grand nombre de discussions, de critiques et d’ouvrages qui lui est consacré plusieurs de ses dimensions restent encore sous-théorisées, notamment la relation entre la violence et l’espace. Stéphane Rosière le souligne dans l’article inaugural du premier numéro de la revue L’Espace politique, « la violence paraît une grande absente de la géographie contemporaine alors qu’elle accapare, mais d’une certaine manière, la réflexion en géopolitique. [...], la violence reste trop souvent considérée comme effet d’une politique de puissance, mais pas réellement comme objet central » (2007, p. 10). À cet égard, il est intéressant de noter que l’ouvrage fondateur de Claude Raffestin sur le pouvoir n’aborde que peu la violence, dont il offre une définition très étroite en la considérant essentiellement en tant qu’« une forme extrême et brutale du pouvoir » (2019, p. 156).

Violence has quite a peculiar standing in the social sciences. Despite the large number of discussions, critiques and literature dedicated to it, several of its dimensions still remain under-theorized. Among them is the relation between violence and space. As Stéphane Rosière (2007) observed in the inaugural paper of the first issue of the journal L’Espace politique, “violence has been neglected by contemporary geography while it monopolizes, but in a certain way, the reflection in geopolitics. […] violence remains too often considered as an effect of power, but not really as a central object.” In this regard, it is interesting to note that Claude Raffestin’s seminal work on power takes little interest in violence, of which he offers a very narrow definition by considering it essentially as “an extreme and brutal form of power” (2019, p. 156).

Les choses ont commencé à changer récemment et les dimensions spatiales de la violence sont devenues l’objet d’une attention et d’une conceptualisation significatives (Springer et Le Billon, 2016 ; Tyner et Inwood, 2014, p. 771) – poussant certains à considérer qu’un « tournant spatial » s’est opéré dans la recherche sur la question de la violence. Ce numéro spécial contribue de deux manières à mieux saisir l’articulation entre production de l’espace et violence et à ce que cela implique en matière de justice spatiale. Tout d’abord, en rassemblant des contributions très variées, tant d’un point de vue empirique que théorique, ce numéro spécial atteste que la notion de violence occupe, même si c’est souvent de façon implicite, une place majeure dans les travaux critiques en géographie humaine, particulièrement ceux réalisés par les jeunes chercheurs. Plutôt que d’envisager ce numéro comme un panorama exhaustif, nous le concevons comme une fenêtre thématique et analytique qui invite le lecteur à poursuivre et à approfondir les approches géographiques de la notion de violence.

Things have started to change lately, as the spatial dimensions of violence have become the object of significant attention and conceptualization (Springer and Le Billon, 2016; Tyner and Inwood, 2014, p. 771)—pushing some to consider that a “spatial turn” to research in the field of violence has occurred. This special issue contributes in two ways to the articulation of the production of space and violence—and to the implications for spatial justice. First, by bringing together very varied contributions from both an empirical and a theoretical point of view, this special issue attests that the notion of violence occupies, if often implicitly, an important place in critical works in human geography, with an especially important role being taken by new generations of researchers. Rather than thinking of this issue as presenting an exhaustive panorama, we think of it as a thematic and analytical “window” that invites the reader to pursue and deepen geographical approaches to the notion of violence.

Ensuite, l’objectif de ce numéro est de montrer que les recherches récentes sur la violence sont révélatrices de certains des principaux moteurs de la production actuelle de l’espace (une notion que nous discutons plus loin). En particulier, prenant acte du positionnement éditorial de la revue JSSJ, ce numéro révèle que la réflexion sur la relation entre la violence et l’espace permet de mieux aborder les injustices spatiales en général.

Second, the aim of this issue is to show that recent research on violence is indicative of some of the major driving forces of the current production of space (a notion we discuss below). In particular, in the framework of the editorial positioning of the JSSJ journal, this issue wishes to show that thinking about the relation between violence and space allows us to better address spatial injustices in general.

 

 

Thèmes fondamentaux sur les dimensions spatiales de la violence

Foundational themes on the spatial dimensions of violence

Les dimensions spatiales de la violence ont traditionnellement été étudiées sous deux angles principaux. D’une part, la violence a longtemps été au cœur des travaux universitaires sur la guerre, c’est-à-dire les conflits armés et ethniques, soit à l’échelle locale ou nationale (Dorier-Apprill et Ziavoula, 1995 ; Walraet et Yéré, 2008) soit dans une perspective plus géopolitique (Chauvin et Magrin, 2020 ; Magrin, 2008 ; Turco, 2007). Dans ces travaux, la violence (armée) est principalement entendue comme découlant directement des relations de pouvoir, l’État et ses moyens de coercition et de contrôle étant le plus souvent au centre de l’analyse (Clochard, 2007). Ces travaux soulignent souvent que les conflits physiques produisent des espaces de violence particuliers, comme les camps par exemple (Cambrézy, 2001 ; 2007 ; Doraï, 2013), ou des processus spatiaux spécifiques, comme les déplacements de masse (Rosière, 2006) ou les bidonvilles (Bourgey, 1985).

The spatial dimensions of violence have traditionally been investigated from two main angles. First, violence has long been explicitly at the center of scholarly works on war, that is, armed and ethnic conflicts, either at the local scale (Dorier-Apprill and Ziavoula, 1995; Walraet and Yéré, 2008) or from a more geopolitical perspective (Chauvin and Magrin, 2020; Magrin, 2008; Turco, 2007). In these works, (armed) violence is mainly understood as directly stemming from power relations, often with the state and its means of coercion and control at the center of the analysis (Clochard, 2007). Such scholarly works often stress that physical conflicts produce specific spaces of violence, such as “camps”, for instance (Cambrézy, 2001; 2007; Doraï, 2013), or specific spatial processes, such as mass displacements (Rosière, 2006) or shanty towns (Bourgey, 1985).

D’autre part, les villes ont également été des espaces privilégiés de l’étude de la violence, et cela depuis fort longtemps. En effet, la sociologie urbaine est née de tentatives cherchant à comprendre comment l’urbanisation industrielle en Europe et en Amérique du Nord affectait la socialité, notamment en favorisant l’anonymat, l’animosité, l’aliénation et la violence (Mubi Brighenti et Pavoni, 2019). L’approche « écologique » de l’école sociologique de Chicago, et surtout la réflexion de Louis Wirth sur « l’urbanisme comme mode de vie » (1938), a cristallisé ces idées : l’urbain était devenu, et à bien des égards est toujours, le lieu de prédilection pour l’exploration des relations entre l’espace et la violence (criminelle).

Second, cities have also been privileged spaces for the study of violence. In a way, urban sociology was born out of attempts to understand how industrial urbanization in Europe and North America was affecting sociality, including by fostering anonymity, animosity, alienation and violence (Mubi Brighenti and Pavoni, 2019). The “ecological” approach of the Chicago school of sociology, and above all Louis Wirth’s reflection on “urbanism as a way of life” (1938), crystallized these ideas: the urban had become, and in many senses still is, the place of choice for the exploration of the relations between space and (criminal) violence.

Le tournant néolibéral des années 1980 et la transition postindustrielle dans les pays du Nord, ainsi que les approches plus globales des théories urbaines, ont conduit à une diversification des travaux de recherche sur la violence et le développement urbain. L’émergence des villes globales et mondiales, par exemple, a été décrite comme un processus violent impliquant l’exclusion d’une partie importante des citadins au nom de la modernisation et du développement économique (Burte et Kamath, 2017 ; Sassen, 2014). Pour d’autres, la violence et son corollaire, la peur, favorisent la diffusion de développements urbains spécifiques, tels que les quartiers résidentiels fermés (Colombijn, 2018). La violence est donc considérée en tant que facteur déterminant de diverses formes d’exclusion et de fragmentation urbaine (Coy, 2006 ; Landman et Schönteich, 2002 ; Low, 2001). Dans les pays du Sud également, la ville est de plus en plus souvent décrite comme un espace où se déroulent des formes spécifiques de violence sociale, ou comme le reflet privilégié d’une violence sociétale plus large (voir par exemple Bourdin et Bertrand Chancelier, 2019 ; Calas, 1998 ; Dory, 2018 ; Folio, 2007 ; Ninnin, 2014 ; Pourtier, 2000 ; Théry, 2018).

The neoliberal turn of the 1980s and the postindustrial transition in the Global North, together with urban theory becoming more global, have led to a diversification of scholarly work relating to violence and urban development. The production of global and world cities, for instance, has been described as a violent process implying the exclusion of an important part of urban dwellers in the name of modernization and economic development (Burte and Kamath, 2017; Sassen, 2014). For others, violence—and its corollary, “fear”—favors the spread of specific urban developments, such as gated communities (Colombijn, 2018). Violence is thus considered to be a key determinant of various forms of exclusion and urban fragmentation (Coy, 2006; Landman and Schönteich, 2002; Low, 2001). In the Global South as well, the city is increasingly depicted as a space where specific forms of social violence take place, or as a privileged reflection of broader societal violence (see for instance Bourdin and Bertrand Chancelier, 2019; Calas, 1998; Dory, 2018; Folio, 2007; Ninnin, 2014; Pourtier, 2000; Théry, 2018).

Enfin, il est également important de souligner que la violence aujourd’hui n’est pas considérée comme l’apanage des processus urbains, comme le font valoir les contributions de Mara Duer et Estefania Martinez Esguerra dans ce numéro. Un certain nombre d’études ont analysé les différentes formes de violence qui se produisent dans les zones rurales en relation, notamment, avec les déplacements forcés, les accaparements de terres (voir entre autres Baviskar, 1999 ; Hall, Hirsch et Li, 2011), l’exploitation des ressources (voir Le Tourneau, 2020) et les conflits sociaux en général (voir par exemple Krishnan, 2005).

Finally, it’s also important to emphasize that violence today is not considered the exclusive preserve of urban processes, as highlighted by the contributions of Mara Duer and Estefania Martinez Esguerra in this special issue. A number of studies have analyzed the various forms of violence that occur in rural areas in relation, for instance, to forced displacement and land grabbing (see for instance Baviskar, 1999; Hall, Hirsch and Li, 2011), the exploitation of resources (see Le Tourneau, 2020), and social conflicts in general (see for instance Krishnan, 2005).

Que ce soit en géographie ou en études urbaines, la littérature montre que la notion de violence a souvent été comprise comme un acte physique ou un processus tangible, tandis que les espaces urbains sont considérés comme un « contenant » de cette violence. Dans la continuité de cette conception de la relation entre espace et violence, d’autres travaux scientifiques défendent l’idée que l’espace peut être une forme de violence en soi, ce que certains auteurs ont nommé la « violence de l’espace » ou la « violence spatiale » (voir Forde, 2022 ; Kolovou Kouri et al., 2021 ; Shaw, 2019). Ces expressions renvoient souvent à des organisations délibérées de l’espace qui sont créées pour maintenir un ordre social violent, pour perpétuer les inégalités sociales ou pour exclure physiquement des groupes socio-économiques spécifiques. Toutefois, de telles notions peuvent être problématiques lorsqu’elles suggèrent que l’espace et les lieux sont « en eux-mêmes » capables de violence ou peuvent en être porteurs. L’idée que des espaces spécifiques peuvent être violents rappelle également l’idée que certaines parties du monde, ou certains espaces – essentiellement la ville –, ont une plus grande propension à la violence que d’autres, ou sont intrinsèquement propices à la violence, une idée qui a perduré pendant longtemps à propos des pays du Sud (voir entre autres Gallais, 1994).[1]

Whether in geography or urban studies, the literature shows that the notion of violence has often been understood as a physical act or a tangible process and that the notion of urban space is mostly understood as a “container” of this violence. In the continuity of this conception of the relation between space and violence, other scholarly works defend the idea that space may be a form of violence in itself that is often encapsulated by the notion of “violence of space” or “spatial violence” (see Forde, 2022; Kolovou Kouri et al., 2021; Shaw, 2019). These expressions often point to deliberated organizations of space that are created to maintain a violent social order, to perpetuate social inequalities, or to physically exclude specific socioeconomic groups. However, such spatial approaches to violence may be problematic when they suggest that space and places are “in themselves” capable of, or may bear, violence. The idea that specific spaces can be violent also recalls the idea that certain parts of the world, or some spaces—quintessentially, the city—have a greater propensity for violence than others, or are inherently conducive to violence, an idea that has lasted for a long time in the Global South, for example (see Gallais, 1994, for instance).[1]

 

 

Un « tournant spatial » dans l’étude de la violence

A “spatial turn” in the study of violence

L’étude des dimensions spatiales de la violence a connu d’importantes transformations au cours des deux dernières décennies. Inspirées par plusieurs dizaines d’années de critiques philosophiques et anthropologiques qui ont mis en lumière la façon dont la violence existe et agit de manière multiple, subtile et omniprésente, la géographie et les études urbaines ont cherché à dépasser la compréhension réductrice de la violence comme phénomène limité à l’utilisation de la force (c’est-à-dire la violence physique directe). S’appuyant sur divers penseurs tels que Walter Benjamin, Pierre Bourdieu, Johan Galtung, Slavoj Zizek et Frantz Fanon, les chercheurs ont accordé une attention particulière aux deux notions interdépendantes de violence structurelle et de violence symbolique/culturelle. Celles-ci renvoient respectivement aux formes de violence résultant de la manière dont les structures imposent les inégalités de pouvoir et de chances, et aux processus symboliques et culturels qui rendent la violence structurelle invisible ou justifiable.

As anticipated, the study of the spatial dimensions of violence has experience important transformations during the last two decades. Inspired by several decades of philosophical and anthropological critiques that have unraveled how violence exists and acts in multiple, subtle and pervasive ways, geography and urban studies have looked beyond the reductive understanding of violence as the use of force (i.e., direct, physical violence). Relying on various thinkers such as Walter Benjamin, Pierre Bourdieu, Johan Galtung, Slavoj Zizek and Frantz Fanon, scholars have paid particular attention to the two interrelated notions of structural and symbolic/cultural violence—which refer, respectively, to the forms of violence resulting from the way structures impose unequal power and chances in life and to the cultural/symbolic forms that make structural violence invisible or justifiable.

À ce titre, le concept de violence structurelle développé par Johan Galtung (1969) et complété par des notions complémentaires comme celles de violence « abstraite » (Tyner et Inwood, 2014), « coloniale » (Fanon, 1961) et « silencieuse » (Watts, 1983) permet de rendre particulièrement bien visibles les relations entre l’espace et la violence. Les chercheurs en écologie politique, par exemple, ont montré comment le lien structurellement violent entre race, classe et espace est au cœur des impacts variés de la pollution et de la destruction de l’environnement à travers de multiples formes de « violence lente » (Davies, 2022).

Structural violence, a concept developed by Johan Galtung (1969), complemented by, and indeed complementary to, notions like “abstract” (Tyner and Inwood, 2014), “colonial” (Fanon, 1961) and “silent” (Watts, 1983) violence, is crucial in order to make the relations between space and violence visible. Political ecologists, for instance, have shown how the structurally violent nexus between race, class and space is at the core of the variegated impacts of pollution and environmental destruction through multiple forms of “slow violence” (Davies, 2022).

Par ailleurs, la notion de « violence infrastructurelle » (Rodgers et O’Neill, 2012) a permis d’enrichir la théorisation de la violence structurelle en mettant l’accent sur certaines de ses matérialisations concrètes et spatiales. Étant donné que les infrastructures – entendues au sens large comme les dispositifs et les appareils qui relient les choses, les espaces et les personnes – jouent un rôle de plus en plus probant dans l’organisation des dynamiques sociopolitiques contemporains, l’analyse des infrastructures révèle comment « les relations de pouvoir et de hiérarchie se traduisent par des formes palpables de préjudice physique et émotionnel » (ibid., p. 402). En bref, la violence infrastructurelle examine la manière dont la violence (structurelle) « circule [aussi] à travers des formes infrastructurelles matérielles » (ibid., p. 405).

The lenses of “infrastructural violence” (Rodgers and O’Neill, 2012) have been developed to enrich the theorization of structural violence by emphasizing some of its concrete, spatial materializations. Because infrastructures—understood in broad terms as the dispositives and apparatuses that connect things, spaces and people—are increasingly crucial to contemporary sociopolitical arrangements, analyzing infrastructures reveals how “relationships of power and hierarchy translate into palpable forms of physical and emotional harm” (ibid., p. 402). Infrastructural violence, in short, considers how (structural) violence “flow[s] through material infrastructural forms” (ibid., p. 405).

La notion de violence symbolique a également joué un rôle de premier plan dans le renouvellement des études sur les dimensions spatiales de la violence, en particulier dans le monde francophone. Par exemple, Marie Morelle et Fabrice Ripoll (2009) utilisent la notion de violence symbolique, ou « morale », à laquelle les chercheurs peuvent être confrontés sur leurs terrains de recherche. Dans sa recherche sur les enfants des rues dans les villes africaines, Marie Morelle (2006) distingue en outre les formes physiques et visibles de la violence sociale de celles, plus « invisibles », qui se déploient dans les contextes familiaux ou autour des questions de santé. Dans son travail sur Jakarta, Jérôme Tadié (2006) fait de la violence un concept géographique central. L’auteur y critique l’« ethnocentrisme » et la tendance à la normativité des travaux sociologiques sur la criminalité et rejette l’idée que la violence n’est qu’un problème social parmi d’autres. En analysant les différentes formes de violence – physique, structurelle et symbolique par exemple – à différentes échelles (du national au très local), il soutient que la violence fait partie intégrante de la vie urbaine, des luttes sociales et des stratégies d’appropriation des ressources dans les territoires urbains. Dans ce contexte, elle est comprise comme une dynamique intrinsèque aux relations de pouvoir qui organisent les rapports sociaux et les luttes dans les contextes urbains, ce qui permet « de mieux comprendre la ville et la société urbaine dans son ensemble » (ibid., p. 11).

The notion of symbolic violence has also played a leading role in the renewal of studies about the spatial dimensions of violence, particularly in the Francophone world. For instance, Marie Morelle and Fabrice Ripoll (2009) use the notion of symbolic, or “moral”, violence that researchers may face in their research fields. In her research on street children in African cities, Marie Morelle (2006) also distinguishes physical and visible forms of social violence from more “invisible” ones that unfold in family contexts or with regard to health issues. In his work on Jakarta, Jérôme Tadié (2006) makes violence a central geographical concept. He criticizes the “ethnocentrism” and normative propensity of sociological work on criminality and rejects the idea that violence is just another social problem. However, by analyzing different forms of violence—not only physical, but also structural and symbolic violence, for instance—at various scales (from the national to the very local), he argues that violence is an integral part of urban life, social struggles, and strategies for appropriating resources in urban territories. In this context, violence is understood as a dynamic that is intrinsic to the power relations that organize social relations and struggles in urban contexts, which “allows a better understanding of the city and the urban society as a whole” (ibid., p. 11).

Si les notions de violences structurelle et symbolique ont permis de mieux considérer le rôle de la violence dans l’organisation de l’espace, de récents travaux témoignent aussi d’un renouvellement des approches ayant trait aux spatialités de la violence.

While the literature that is broadly influenced by structural and symbolic violence has contributed to exploring how space mediates pervasive forms of violence, a complementary field is that which considers how violence acts in and through different spatialities.

 

 

Les « nouvelles » spatialités de la violence

The “new” spatialities of violence

Le renouveau de la recherche sur les différentes dimensions spatiales de la violence couvre de nombreux sujets de recherche en géographie et en études urbaines. Les développements dans les études sur les migrations (voir l’article de Luna Vives dans le présent numéro), par exemple, ont intégré des compréhensions plus larges de la notion de violence (physique, intime et genrée, entre autres) liée à différentes formes de contrôle de l’État et de la population ainsi qu’à la manière dont les individus et les familles vivent les processus de migration (Bachellerie, 2020 ; Faret, 2020 ; Quiminal et Blum Le Coat, 2013 ; Schmoll, 2020). Récemment aussi, l’étude de l’évolution des mouvements sociaux et de leurs stratégies de contestation, que ce soit à propos des actions liées aux luttes climatiques ou au sujet des violences policières (voir également la rubrique Espace public de ce numéro), témoigne du renouvellement des études spatiales de la violence (en France, voir par exemple Chevalier et Sibertin Blanc, 2021 ; Egon et Laslaz, 2020 ; Gondreau et Bridier, 2020). Les révoltes de juin et juillet 2023 en France ont démontré une fois de plus que la violence se situe à l’interface des logiques d’exclusion et des stratégies de lutte contre les injustices spatiales.

The renewal of research on the different spatial dimensions of violence covers many research topics in geography and urban studies. Developments in migration studies (see Luna Vives in this special issue), for instance, have integrated wider understandings of the notion of violence (e.g., physical, intimate, gendered) related to different forms of state and population controls and to the way individuals and families are experiencing migration processes (Bachellerie, 2020; Faret, 2020; Quiminal and Blum Le Coat, 2013; Schmoll, 2020). And the notion of violence continues to be questioned in another subject area, the study of the evolution of social movements and their strategies of contestation (in France, see for instance Chevalier and Sibertin-Blanc, 2021; Egon and Laslaz, 2020; Gondreau and Bridier, 2020). Research on issues concerning police violence (see also the Public Space section of this special issue), climate-related actions and identity-based struggles is now increasingly contributing to work on the “geographies of violence”. The uprisings in June and July 2023 in France demonstrated once again that violence is at the heart of both the mechanisms of exclusion and the social struggles against spatial injustice.

Dans les contextes urbains, certaines recherches ont par ailleurs montré comment les processus de développement urbain et la fabrication de la ville et de son imaginaire génèrent diverses formes de violence (Handel, 2021 ; Rodgers, 2016). D’autres ont souligné comment la montée de nouvelles formes de violence, comme la « violence financière » par exemple (Fields et Raymond, 2021 ; Ponder et Omstedt, 2022) est la conséquence de changements plus larges dans la gouvernance municipale, la production de logements et la financiarisation.

Some scholars have also shown how urban development processes and the making of the city and its imaginary are generating various forms of violence (Handel, 2021; Rodgers, 2016). Others have also recently pointed to the rise of new forms of violence—such as “financial violence” for instance—which echoes broader changes in municipal governance, housing production and financialization.

Le renouvellement des théories critiques a également nourri la diversification des travaux sur les dimensions spatiales de la violence, notamment en ce qui concerne l’exclusion de classes sociales et de groupes genrés et racialisés spécifiques (Davis, 2020 ; Fields et Raymond, 2021 ; Jolivet, Khelifi et Vogler, 2021 ; Kern et Mullings, 2013 ; Najib, 2019 ; Recoquillon, 2020). Les approches par le genre et le féminisme ont privilégié les expériences individuelles ainsi que l’usage et les représentations d’espaces particuliers comme la rue ou les espaces publics et domestiques (Bonté, 2021 ; Kelly et Tillous, 2019 ; Prieur, 2015 ; Raibaud, 2011 ; Tillous, 2022 ; Tillous et Lachenal, 2021 ; voir aussi la rubrique Espace public de ce numéro).

The renewal of critical theories has also nourished the diversification of works on the spatial dimensions of violence, especially with regard to the exclusion of specific classes and specific gendered and racialized groups (Davis, 2020; Fields and Raymond, 2021; Jolivet, Khelifi and Vogler, 2021; Kern and Mullings, 2013; Najib, 2019; Recoquillon, 2020). Gendered and feminist approaches have prioritized individual experiences as well as the use and representations of specific spaces, such as the street, or public and domestic spaces; see also the Public Space section of this special issue).

La littérature que nous avons brièvement évoquée ci-dessus montre que de multiples formes de violence et diverses façons d’appréhender la notion d’espace se chevauchent. L’une des implications des approches relationnelles que nous préconisons est que la relation entre l’espace et la violence ne peut jamais être expliquée par des causalités binaires : si les structures produisent effectivement de la violence, l’espace est un médiateur crucial qui complexifie les formes et causalités de la violence.

The literature we have briefly touched upon above shows that multiple forms of violence and multiple understandings of the notion of space overlap. One of the implications of the relational approaches we advocate is that the relationship between space and violence can never be explained by binary causalities—if structures do produce violence, violence is never just the result of those structures, and space is a crucial mediator of such relations.

En résumé, le défi consiste à conceptualiser la relation entre la violence et l’espace tout en évitant plusieurs formes de réductionnisme et de déterminisme spatial. Avec cet objectif en tête, nous suivons James Tyner et Joshua Inwood qui soutiennent que « la violence doit être théorisée comme n’ayant pas de qualité universelle – mais comme étant produite par, et produisant, des modes de production dépendants de facteurs sociospatiaux contingents » (2014, p. 771). En outre, le fait de se limiter à une compréhension structuraliste de la violence pose le risque d’une forme de réductionnisme, ce qu’Andrea Pavoni et Simone Tulumello (2023 ; chapitre I) nomment l’« abstraction de la violence », idée selon laquelle la violence serait simplement le résultat de facteurs structurels et de relations de pouvoir. Bien que le capitalisme soit l’un des principaux moteurs de la violence, elle ne peut être réduite à un épiphénomène de celui-ci – et l’espace a son importance. Les récentes réflexions sur les infrastructures (voir ci-dessus) nous montrent la nécessité de considérer les enchevêtrements complexes entre les structures, les espaces, les lieux et les choses dans la matérialisation locale de phénomènes plus globaux. En ce sens, la nature de la relation entre la violence et l’espace dépend en grande partie de la conceptualisation et de la définition de ces deux termes, ainsi que des relations qui les unissent. Cela signifie qu’une compréhension relationnelle, processuelle et matérialiste de l’espace et de la violence devient nécessaire (Springer, 2011).

The challenge, in sum, is conceptualizing the relation between violence and space while avoiding several forms of reductionism and spatial determinism. With this goal in mind, we follow James Tyner and Joshua Inwood, who argue that “violence must be theorized as not having a universal quality—but as being produced by, and producing, sociospatially contingent modes of production” (2014, p. 771). At the same time, purely relying to a structuralist understanding of violence risks falling into yet another reductionism, what Andrea Pavoni and Simone Tulumello (2023; chapter 1) define the “abstraction of violence”: the idea that violence is simply a result of structural factors and power relations. Although capitalism is indeed one of the main drivers of violence, it cannot be reduced to an epiphenomenon of capitalism—and space matters. Here, we are helped by recent reflections on infrastructures (see above), which point us to the need to consider the complex entanglements among structures, spaces, places and things in the local materialization of global phenomena. In this sense, the nature of the relation between violence and space very much depends on the conceptualization and definition of both terms, as well as on the relations that tie them together. This means that a relational, processual and materialist understanding of space and violence becomes necessary (Springer, 2011).

 

 

La violence et la production d’espace

Violence and the production of space

Plusieurs décennies d’études urbaines critiques ont contribué à déconstruire les limites de l’analyse de la violence « dans la ville » héritées de l’écologie urbaine. Ces approches s’appuyaient sur une vision cloisonnée du monde et sur la proposition de théories universelles tirées de l’étude de quelques villes du Nord seulement. La compréhension de l’urbain et de ses dynamiques sociales y était rigide et peu dynamique. Au contraire, comprendre l’urbain comme un processus plus global permet de penser la violence urbaine de manière relationnelle et processuelle (voir Pavoni et Tulumello, 2020 ; 2023).

Several decades of critical urban studies have thus contributed to deconstructing the limits of the study of violence “in the city” inherited from ecological approaches: its parochial worldview, whereby universal theories were drawn from the study of only a few Northern cities, and its rigid understanding of the urban as an unquestioned “condition”. Thinking about the urban through a global lens has profound implications for thinking about urban violence relationally and processually (see Pavoni and Tulumello, 2020; 2023).

Nous supposons que ces réflexions sont précieuses pour comprendre le lien entre l’espace et la violence au-delà du champ de l’« urbain » – parce que ce dernier, ici, est compris conformément aux discussions récentes remettant en question à la fois son assimilation à la « ville » et la dichotomie urbain/rural (voir ci-dessous). Dans ce contexte, la notion de production de l’espace semble particulièrement bien adaptée pour développer une analyse relationnelle des dynamiques spatiales de la violence.

These reflections, we surmise, have a value for understanding the link between space and violence that lies beyond the field of the “urban”—also because “urban”, here, is understood in line with recent discussions that have challenged the equating of the urban with the “city” and also the urban/rural dichotomy (more on this below). By considering space in processual terms—the production of space—in this special issue, we aim to contribute to a processual and relational understanding of the relations between violence and space in and beyond the urban.

Bien que la notion de production de l’espace ait fait l’objet de nombreux débats (voir, entre autres, Elden, 2004 ; Schmid, 2008 ; Soja, 1996), l’objectif de cette introduction n’est certainement pas de discuter de ses diverses implications épistémologiques. Présentons plutôt brièvement les trois principales raisons pour questionner les interrelations entre violence et espace. Premièrement, en s’appuyant sur le postulat que l’espace est avant tout un « produit social » (Lefebvre, 2000 [1974]), la notion de production de l’espace permet de considérer les dimensions tant matérielles que discursives ou symboliques de l’espace social. Par ailleurs, elle renvoie également à des conceptions plus phénoménologiques de l’espace (Schmid, 2008) en soutenant que ce dernier est aussi perçu, conçu et vécu par les individus et à travers les relations sociales. En suivant Christian Schmid, nous comprenons donc l’espace en tant que « réseau complexe de relations qui est continuellement produit et reproduit » (ibid., p. 41). Dans ce contexte, la violence est comprise telle une dimension à la fois matérielle et immatérielle de cette production et reproduction de l’espace, ainsi que comme un élément clé des relations et des processus sociaux qui produisent l’espace en général.

Although the notion of the production of space has been the subject of much debate (among others, see Elden, 2004; Schmid, 2008; Soja, 1996), the purpose of this introduction is certainly not to discuss its various epistemological implications. Rather, let us briefly present the three main reasons we use this concept to question the violence/space articulation. First, starting from the premise that space is, above all, a “social product” (Lefebvre, 2000 [1974]), the notion of the production of space is a powerful one that can be used to unravel various aspects of social production, be it material, discursive or symbolic. Besides, the production of space also points to more phenomenological conceptions of space (Schmid, 2008) by arguing that space is also perceived, conceived and lived by individuals and through social relations. Following Christian Schmid, we thus understand space as an “intricate web of relationships that is continuously produced and reproduced” (ibid., p. 41). In this context, violence is understood as both a material and an immaterial dimension of this production and reproduction of space, as well as a key element of the social relations and processes that produce space in general.

Deuxièmement, notre utilisation du terme « production » renvoie aux grandes forces qui contribuent à façonner l’espace en tant que produit social (non seulement le capitalisme, mais aussi le patriarcat, le racisme, le pouvoir, etc.), ainsi qu’aux actions, discours et représentations des individus et des groupes qui sont confrontés à ces forces et les organisent. Il s’agit aussi d’une perspective essentielle pour saisir l’importance de la violence dans les modes de production de l’espace qui accompagne l’émergence, la consolidation et la généralisation du modèle de l’État-nation. Par exemple, la production de frontières est cruciale pour la reproduction des privilèges de ceux qui sont du bon côté de la ligne (Jones, 2017). Comme le révèlent les articles de Mirna Pedalo et de Luna Vives dans ce numéro, la frontière en soi est un espace de violence. Par ailleurs, les frontières démontrent qu’il ne faut pas réduire la relation entre espace et violence à un épiphénomène du développement capitaliste, non seulement parce que les frontières deviennent de plus en plus des dispositifs multiscalaires, mais aussi parce que c’est dans le franchissement des frontières que beaucoup voient la possibilité d’une politique radicale (Mezzadra et Neilson, 2013).

Second, our use of the word “production” points to global forces that contribute to shaping space as a social product (not only capitalism, but also patriarchy, racism, power, etc.), as well as to the actions, discourses and representations of individuals and groups that are both facing and organizing these forces. On the one hand, this is a powerful lens to understand the importance of violence in the production of space, and the emergence, consolidation and generalization of the nation-state model. The production of borders is crucial to the reproduction of privileges for those who are on the right side of the line (Jones, 2017): the border is in and of itself a violent space, as we shall see in Mirna Pedalo’s and Luna Vives’ articles in this issue. At the same time, on the other hand, the border is a quintessential example of the need to not reduce the relation between space and violence to an epiphenomenon of capitalist development, not only because borders are increasingly becoming multiscalar dispositives but also because it is in the crossing of borders that many see the possibility for a radical politics (Mezzadra and Neilson, 2013).

Troisièmement, notre discussion approfondit l’engagement actuel avec l’une des conceptualisations les plus fécondes, et à la fois les plus contestées des études urbaines, dérivées de la production d’espace, à savoir l’idée que l’urbanisation devrait être considérée comme un processus global et planétaire. Henri Lefebvre (1970) l’a soutenu il y a longtemps, l’urbanisation rapide à l’échelle mondiale montre que le capitalisme mondial met la planète entière au service des villes et de l’urbanisation. La généralisation de ce phénomène conduit à la naissance d’une nouvelle condition humaine, un phénomène qu’il a appelé « urbanisation planétaire ». Selon lui, l’urbain ne doit plus être conçu comme le simple résultat du capitalisme industriel, mais plutôt comme sa raison d’être et son moteur. En tant que tel, l’urbain est une logique sociospatiale « complète » qui modifie et façonne, à l’échelle mondiale, les relations de production ainsi que les forces politiques et sociales. L’idée de l’urbanisation comme processus planétaire (Brenner, 2013 ; Brenner et Schmid, 2014) a été notamment mobilisée pour saisir les formes de violence engendrées par la restructuration sociospatiale nécessaire à l’expansion et à la consolidation du capitalisme dans et au-delà des villes (Valayden, 2016 ; Arboleda, 2020 ; Pavoni et Tulumello, 2020). Dans le même temps, les critiques de l’urbanisation planétaire et les appels à enrichir la théorie urbaine par le postcolonialisme, les approches comparatives, les théories des réseaux d’acteurs ou les études féministes (Buckley et Strauss, 2016 ; Merrifield, 2013 ; Peake et al., 2018) résonnent parfaitement avec notre volonté d’éviter de considérer la violence comme un processus abstrait et théorique qui découlerait directement des grandes forces qui organisent la production de l’espace en général.

Third, our discussion furthers the current engagement with one of the most productive, and at the same time contested, conceptualizations that is derived from the production of space, namely the reflections on urbanization as a global, planetary process. As Henri Lefebvre (1970) argued long ago, the fast urbanization worldwide shows that global capitalism is putting the entire planet at the service of cities and urbanization. The generalization of this phenomenon is leading to the birth of a new human condition, a phenomenon he called “planetary urbanization”. In his view, the urban should no longer be conceived as the simple result of industrial capitalism, but rather as the raison d’être and driving force of capitalism. As such, the urban as a “complete” sociospatial logic that modifies and shapes, at the global scale, relations of production as well as political and social forces. On the one hand, the idea of urbanization as a planetary process (Brenner, 2013; Brenner and Schmid, 2014) has been productively used to capture the forms of violence that are engendered by the sociospatial restructuring necessary for the expansion and consolidation of capitalism in and beyond cities (Valayden, 2016; Arboleda, 2020; Pavoni and Tulumello, 2020). At the same time, critiques of planetary urbanization and calls to enrich urban theory through postcolonialism, comparative approaches, actor-networks theories or feminist studies (Buckley and Strauss, 2016; Merrifield, 2013; Peake et al., 2018) resonate perfectly with our interest in avoiding abstracting violence as a direct effect of dominant modes of production.

La production d’espace reste donc un concept puissant pour articuler la violence et l’espace, car il offre une perspective épistémologique à travers laquelle nous pouvons considérer la manière dont l’expansion de l’urbain génère de la violence au sein et au-delà de la ville. À travers la notion de production de l’espace, nous gardons également à l’esprit la nécessité de considérer les « frictions » (Tsing, 2011) qui émergent de la rencontre entre des processus qui agissent aux échelles tant globales que locales, nationales ou nationales. C’est bien à l’interface de ces échelles que les multiples facettes spatiales de la violence se font jour.

At this intersection, the production of space remains a powerful concept to articulate violence and space as it offers an epistemological lens through which to consider the macroscale dynamics set in motion by global processes—and, in particular, how the expansion of the urban generates violence within and beyond the city. Through the notion of the production of space, we also keep in mind the necessity to consider the “frictions” (Tsing, 2011) of global processes with local, regional and national conditions—namely the emergence of violence as a multifaceted social process.

 

 

À propos des articles de ce numéro

About the issue’s articles

Les cinq articles de ce numéro spécial abordent différentes catégories, ou modes, de production de l’espace et examinent diverses formes de violence. Les articles portent par ailleurs sur des études de cas située en Amérique du Sud (Colombie et Argentine), en Asie du Sud-Est (Cambodge) et en Europe occidentale et orientale (Espagne, Bosnie-Herzégovine).

The five articles in this special issue address different categories, or modes, of the production of space and look into various forms of violence in relation to diverse geographies across South America (Colombia and Argentina), South East Asia (Cambodia) and Western and Eastern Europe (Spain, Bosnia and Herzegovina).

Deux articles de ce numéro traitent spécifiquement de la violence générée par les frontières, dans la lignée des travaux de Reece Jones sur les « frontières violentes » (2017). En se concentrant sur le contrôle migratoire, l’analyse de Luna Vives sur les enfants migrants aux frontières de l’Espagne met en évidence deux formes de violence étatique : la violence administrative des procédures de détermination de l’âge et celle de l’exclusion spatiale par le refus d’assistance et l’expulsion. Mirna Pedalo, quant à elle, analyse le rôle conjoint des frontières, de la financiarisation et de l’urbanisation dans la production de l’espace. Elle examine plus particulièrement la violence d’après-guerre liée aux discontinuités émergeant de la ligne de démarcation de la Bosnie-Herzégovine issue de l’accord de paix de Dayton. Les flux d’investissements spéculatifs différentiels dans les secteurs foncier et immobilier le long de cette « ligne de démarcation invisible » ont ouvert la porte à une « violence lente ».

Two articles of this issue specifically address violence generated by the production of space through borders, in line with the work by Reece Jones on “violent borders” (2017). With a focus on border control, Luna Vives’ analysis about migrant children at the borders of Spain unravels two forms of state violence: the administrative violence of age-determination procedures and violence by spatial exclusion through denied assistance and expulsion. Mirna Pedalo looks at the production of space by combining the effects of borders, postwar financialization and urbanization. She examines more specifically the postwar violence linked to the discontinuities emerging from the Dayton Peace agreement’s Inter Entity Boundary Line of Bosnia and Herzegovina. The differential speculation investment flows in the land and real estate sectors along this “invisible divider” have opened the door to “slow violence”.

L’article de Gabriel Fauveaud s’intéresse à la production de l’espace par la marchandisation des terres, la financiarisation et l’urbanisation à Sihanoukville au Cambodge. Cette contribution se concentre sur la dimension historique de la violence foncière pour montrer les logiques transversales de l’exclusion sociospatiale dans la production de l’espace. Si la violence liée aux dynamiques foncières est surtout analysée comme la conséquence des évictions et des expulsions, Gabriel Fauveaud montre qu’elle découle aussi de relations de pouvoir construites sur le temps long. Celles-ci participent de l’invisibilisation et de la criminalisation des populations précaires, ce que l’auteur nomme la « subalternité foncière », en s’inspirant des concepts des études subalternes (Roy, 2011 ; Spivak, 2005).

Gabriel Fauveaud’s article considers the production of space by land commodification, financialization and urbanization in Sihanoukville in Cambodia. This case study focuses on the historical dimension of land violence to show the transversal logics of land exclusion in the production of space. Although violence arises from the mere use of “force” for evictions, it also stems from power relations built over time that have rendered disadvantaged people invisible, informal and even criminal, and results in what Gabriel Fauveaud calls “land subalternity”, drawing from concepts of subaltern studies (Roy, 2011; Spivak, 2005).

Dans une même dynamique, Estefania Martinez Esguerra analyse elle aussi les dimensions historiques de la violence liées aux appropriation foncières. L’autrice prend l’exemple de la production postconflit de l’espace dans l’Orénoque, en Colombie. Elle y examine les effets de la mise en œuvre de la loi ZIDRES qui favorise le développement agro-industriel à grande échelle sur des terres présumées « vacantes ». L’autrice souligne la manière dont cette politique conduit formalisation et à une privatisation de l’appropriation du foncier sur des terres accaparées illégalement par le passé. Par cet exemple, elle montre que les spoliations violentes du passé se prolongent aujourd’hui sous des formes plus institutionnelles et formelles. Cette étude de cas représente ainsi une contribution importante aux travaux existants portant sur les conflits en Colombie (voir notamment Grajales, 2017a ; 2017b).

Similarly, Estefania Martinez Esguerra also analyzes the historical dimensions of violence linked to land appropriation. The author takes the example of the postconflict production of space in Colombia’s Orinoco region. She examines the effects of the implementation of the ZIDRES law, which promotes large-scale agro-industrial development on lands presumed to be “vacant”. The author highlights the way in which this law has led to the formalization and privatization of land ownership on previously illegally grabbed land. Through this example, she shows that the violent dispossessions of the past are continuing today in more institutional and formalized forms. This case study thus represents an important contribution to existing works on conflicts in Colombia (see in particular Grajales, 2017a; 2017b).

Enfin, l’article de Mara Duer porte sur l’agro-industrie rizicole à San Salvador en Argentine, laquelle s’est développée sur les prémisses coloniales de l’extractivisme agraire. L’autrice analyse comment la pollution générée par les activités agricoles de l’agroville engendre une « violence environnementale » forte qui se traduit spatialement par l’émergence de « zones de sacrifice » où les taux de cancer sont anormalement élevés. Cette violence s’inscrit finalement un « continuum de dommages » (Maldonado, 2018 ; Randolphe, 2021).

Finally, Mara Duer’s article looks into the rice agroindustry in San Salvador, Argentina, which developed on the colonial premises of agrarian extractivism. The author analyzes how the pollution linked to the agro-city’s agricultural activities engenders a strong “environmental violence” that is spatially reflected in the emergence of “sacrifice zones” where cancer rates are abnormally high. This violence ultimately lies within “continuum of harm” (Maldonado, 2018; Randolphe, 2021) between rural and urban spaces.

Bien que ces cinq articles et les contributions de la rubrique Espace public ne visent pas à l’exhaustivité, ils mettent en lumière différents liens entre la violence et la production de l’espace. Ils s’intéressent à la violence étatique émanant de la production de territoires, qu’il s’agisse de nations, de zonages, de projets urbains ou de propriétés individuelles. Ils donnent un aperçu de la spatialisation de l’accumulation du capital (urbanisation, marchandisation, financiarisation, processus d’extraction, etc.) et des manifestations spatiales d’un ordre social violent dans lequel la violence à l’égard de certains groupes tels que les migrants, les soi-disant squatters ou les villageois devient une « pratique sociale » qui est finalement considérée comme acceptable (Gervais-Lambony et Dufaux, 2009).

Although these five articles and the contributions of the Public Space section do not aim to be exhaustive, they shed light on different linkages between violence and the production of space. They look at state-led violence emanating from the production of territories, whether these are nations, zoning areas, urban projects or individual properties. They provide insights into the spatialization of capital accumulation (urbanization, commodification, financialization, extractive processes, etc.) and the spatial manifestations of a violent social order in which violence towards certain groups such as migrants, so-called squatters or villagers becomes a “social practice” that is eventually considered acceptable (Gervais-Lambony and Dufaux, 2009).

Toutes ces contributions montrent également comment la violence est un élément central dans la perpétuation et l’aggravation des injustices sociales et spatiales. Pour aborder ces questions, il est essentiel de dépasser une approche « individualiste » de la violence et d’interroger les forces collectives qui l’organisent et perpétuent les logiques d’oppression de groupes sociaux spécifiques (North, Wallis et Weingast, 2009 ; Tilly, 2003 ; Young, 2011). Dans cette optique, la violence doit être considérée comme le résultat d’organisations et de relations sociales qui produisent de l’espace de diverses manières. La façon dont les sociétés définissent la violence et l’intègrent dans leurs processus institutionnels révèle toujours comment elles perçoivent l’« ordre social » (North, Wallis et Weingast, 2009) et les moyens de le maintenir. Puisque la violence existera toujours, les forces spatialisées qui dictent son intensité, son mode opératoire et ses cibles doivent continuer à être analysées. Dans ce contexte, aborder la justice spatiale à travers le prisme de la violence nous permet de saisir de manière intersectionnelle le spectre des logiques d’exclusion qui alimentent les injustices et les luttes déployées contre celles-ci. Dans un contexte de disparition des États-nations (Appadurai, 2006), d’une représentation politique défaillante (Thomassen et van Ham, 2014), de « démocraties menacées » (Amin, 2014) ou de « politiques antidémocratiques » (Brown, 2019), les anciens débats révolutionnaires sur la nécessité de recourir à la violence pour faire progresser la justice spatiale trouvent un terrain propice à un renouveau populaire. Par conséquent, le débat sur les interrelations entre la violence et la justice spatiale pourrait être plus nécessaire que jamais.

All these contributions also show how violence is a central element in the perpetuation and aggravation of social and spatial injustices. In order to address these issues, it is essential to go beyond an “individualistic” approach to violence and to question the collective forces that organize it and perpetuate the logics of the oppression of specific social groups (North, Wallis and Weingast, 2009; Tilly, 2003; Young, 2011). Seen in this way, violence has to be considered the outcome of social organizations and relations that are producing space in various ways. The way societies define violence and integrate it into their institutional processes always reveals how they perceive the “social order” (North, Wallis and Weingast, 2009) and the means to maintain it. If violence will always exist, the spatialized forces that dictate its intensity, modus operandi and targets must continue to be analyzed further. In this context, approaching spatial justice through the lens of violence allows us to grasp in an intersectional manner the spectrum of exclusionary logics that feeds injustices and the struggles deployed against these. In a context of fading nation-states (Appadurai, 2006), failing political representation (Thomassen and van Ham, 2014), “democracies under threat” (Amin, 2014) or “antidemocracy politics” (Brown, 2019) that are unable to address people’s interests, the old revolutionary debates about the need for violence as an instrument to advance spatial justice find a ground for a popular revival. Therefore, the debate on the interrelations between violence and spatial justice may be more necessary than ever before.

 

 

Pour citer cet article

To quote this article

Allaverdian Céline, Fauveaud Gabriel, Tulumello Simone, 2023, « Violence et production de l’espace » [“Violence and the production of space”], Justice spatiale | Spatial Justice, 18 (http://www.jssj.org/article/violence-et-production-de-lespace/).

Allaverdian Céline, Fauveaud Gabriel, Tulumello Simone, 2023, « Violence et production de l’espace » [“Violence and the production of space”], Justice spatiale | Spatial Justice, 18 (http://www.jssj.org/article/violence-et-production-de-lespace/).

[1] Une idée, soit dit en passant, qui peut être implicitement reproduite simplement en utilisant le Sud Global comme contexte de choix pour enquêter sur la violence, ce qui est souvent le cas pour les travaux portant sur la violence urbaine (pour d’autres discussions sur ce problème, voir Glass, Seybolt et Williams, 2022 ; Pavoni, Tulumello, 2023).

[1] An idea, incidentally, that may be implicitly reproduced even by simply using the Global South as the context of choice for investigating violence—an approach that is dominant in the field of urban violence, for instance (for further discussions of this problem, see Glass, Seybolt and Williams, 2022; Pavoni and Tulumello, 2023).

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