« Le droit à la ville se manifeste comme forme supérieure des droits: droit à la liberté, à l'individualisation dans la socialisation, à l'habitat et à l'habiter. Le droit à l'œuvre (à l'activité participante) et le droit à l'appropriation. », Lefebvre [1967].
« The right to the city manifests itself as a superior form of rights: right to freedom, to individualization in socialization, to habitat and to inhabit. The right to the œuvre, to participation and appropriation », Lefebvre [1967].
Traiter de l'intersection entre justice spatiale et sexualité reste une tâche complexe. En France, jusqu'à très récemment, la question du rapport à l'espace des populations gays[1] est restée absente des travaux de géographie culturelle (Blidon, 2008a) et elle intéresse peu la sociologie, dont la production s'est concentrée sur l'évolution des modes de vie et la rupture sanitaire qu'a supposé le sida. Ce silence est probablement à mettre sur le compte de l'hétérosexisme du milieu universitaire et du dérangement que suscite toute reformulation des frontières entre privé/public, homosexuel/hétérosexuel, féminin/masculin. De plus, les travaux se heurtent à des difficultés d'ordre méthodologique : à défaut de données portant sur le lieu de résidence des populations homosexuelles, les recherches partent d'une démarche par les commerces, tout en adoptant l'exemple des enclaves résidentielles gays nord-américaines, pourtant trop peu comparables avec les dits quartiers gays européens, qui se prêtent guère aux marquages communautaires par lesquels on tend souvent à les définir. L'étude des spatialités homosexuelles tend par ailleurs à oublier la dimension sociale de la sexualité, la sociabilité gay dominante étant souvent considérée comme l'unique manière de vivre l'homosexualité. Par là-même, on occulte les tensions et contradictions que l'espace de rencontres gay produit et/ou reproduit. Enfin, l'effet de survisibilité de quartiers centraux tel que le Marais fait oublier la persistance d'autres formes de production spatiale homosexuelle, moins visibles, et à rendre par là même invisibles les situations d'injustices spatiales. Dans ce contexte, j'ai choisi de présenter le sujet en renversant la perspective: plutôt que de penser l'existence de quartiers commerciaux ou résidentiels gays comme l'indice de l'« empowerment » des minorités sexuelles ou le reflet de leur «libération», nous partons de l'hypothèse inverse : le repli des populations gays sur le territoire, dans le cas parisien, serait lié aux exclusions socio-spatiales que celles-ci subissent dans d'autres contextes de leur vie sociale. J'appréhende un tel repli territorial non pas en termes de communautarisme, mais comme l'effet des normes hétérosexuelles qui inscrivent les comportements dans l'espace, l'essor d'un quartier tel que le Marais se rattachant à un processus d'agrégation lié à la recherche de lieux communs de rencontres en même temps que la conséquence de formes de ségrégation des pratiques et d'expressions de soi présentes en dehors du milieu gay.
To deal with the intersection between spatial justice and sexuality is a daunting task. In France, until recently, the question of gays’[1] relation to space was ignored in cultural geography (Blidon, 2008a) and there was little interest for it in sociology, where most work focussed on ways of life and the major change in health issues related to AIDS. This lack of interest probably has to do with academia’s heterosexism and unease in the face of any challenge to boundaries between private and public, homo- and heterosexual, female and male. Serious research also encounters methodological difficulties: since there are no data on homosexual people’s places of residence, research tends to focus on businesses, and follow the example of gay residential enclaves in North America. These however differ greatly from European « gay neighbourhoods », which hardly allow for the sort of « community inscription » that they are defined by. The study of homosexual spatialities also tends to omit the social dimension of sexuality, with the dominant model of gay sociability being seen as the only way of experiencing homosexuality. In this perspective, the tensions and contradictions that spaces of gay encounters produce or reproduce remain hidden. Lastly, the striking visibility of central neighbourhoods such as the Marais overshadows the persistence of other, less visible, forms of homosexual spatial production, and thus renders invisible some situations of spatial injustice. Taking all this into account, I chose to consider the question from a different perspective: rather than assume that gay commercial or residential neighbourhoods signal to « empowerment » or « liberation » of sexual minorities, I start from the opposite assumption. The territorial huddling together of gays, in the case of Paris, can be interpreted as a result of social and spatial exclusions suffered elsewhere. I see this spatial strategy not as an instance of « communitarianism », but as an effect of heterosexual normativity inscribed in space. The success of a neighbourhood like the Marais reflects a process of « aggregation », in the quest for common places in which to meet as well as a consequence of forms of segregation of practices and self-expression found outside the gay milieu.
L'exposition s'organisera en deux temps. Je décrirai d'abord l'évolution du Marais depuis l'installation des premiers bars gays, pour montrer que la spécialisation commerciale et la gentrification ont produit de nouvelles exclusions, accentué les inégalités et réduit le pluralisme. Puis, à partir d'entretiens réalisés auprès d'habitants et d'usagers gays du Marais[2], on portera notre attention sur les régimes d'engagement qu'ils entretiennent dans leurs expériences –tant intimes que publiques– du système de distribution de places qu'est la cité[3]. Il s'agit ainsi de montrer que le rapport au milieu gay et les stratégies d'exposition de l'orientation sexuelle sont plurielles, et dépendent des caractéristiques sociales des acteurs.
This paper is organized in two sections, the first of which reviews the evolution of the Marais since the first gay bars opened there, in order to show that commercial specialization and gentrification have produced new forms of exclusion, stronger inequalities, and decreased pluralism. The second section is based on interviews with gay residents and users of the Marais[2], and discusses regimes of engagement in their experiences, both intimate and public, of the system of place assignation active in the cité[3]. The aim is to show that relations to the gay milieu and individual strategies for exposing sexual orientation are diverse, and dependent on the social characteristics of the agent.
1- Le quartier gay, de l'agrégation à la gentrification
1- The gay neighbourhood, from aggregation to gentrification
Une définition écologique
An ecological definition
La concentration commerciale gay dans le Marais[4] commence en 1978 avec l'ouverture du bar Le Village et s'intensifie au cours des années 80. Elle est le fruit d'une triple transformation. Déplacement social d'une part, lié à une manière de vivre l'homosexualité chaque fois plus en décalage par rapport à la commercialisation de la drague de l'axe gay de la rue Sainte-Anne, durement critiquée par les militants de l'époque : l'installation dans le quartier a ainsi été assimilée au désir de certains d'entre eux d'établir des espaces ouverts à tous et aux yeux de tous (Sibalis, 2004), en marge de ce qui était considéré comme un « ghetto commercial », à la fois trop peu accessible et refermé sur lui-même. Par ailleurs, l'installation dans le Marais des premiers commerçants et militants est aussi liée à un déplacement politique ou symbolique. Elle participe d'abord d'une vision plus marginale et populaire de l'homosexualité, et concrétise ensuite le tournant pragmatique du mouvement gay. En effet, dans les années 80, la vision révolutionnaire fait place à une action militante centrée sur le développement d'une culture gay et caractérisée par le rapprochement entre militants et commerçants autour de la question sanitaire, qui se cristallisera lors de la création du Syndicat National des Entreprises Gaies (SNEG), en 1990[5].
Gay commercial concentration in the Marais[4] started in 1978 with the opening of the bar Le Village, and developed throughout the 80s.It results from a threefold transformation. First, a social displacement, with a claim for different ways of living homosexuality from that promoted on the very commercial cruising area of the rue Sainte-Anne, which came under severe criticism of activists at the time. The move to the Marais was related to the desire, on the part of some homosexual people, to establish places both open and visible to all (Sibalis, 2004), at a distance from what was seen as a « commercial ghetto », with its associated limited accessibility and openness. Secondly, the move to the Marais of pioneering entrepreneurs and activists went hand-in-hand with a political or symbolic shift. It had to do with a vision of homosexuality as more marginal, and working-class, as well as with the shift of the gay movement to pragmatism. In the eighties, revolutionary ambitions were sidelined by a different activism, centring on the development of a gay culture. Activism and business concerns came together around health issues, as evidenced in the creation of the National Syndicate of Gay Businesses (Syndicat National des Entreprises Gaies, SNEG), in 1990[5].
Mais cette spécialisation commerciale gay est aussi la conséquence de la consolidation progressive de cloisonnements entre les espaces de sociabilité parisiens fréquentés par des hommes ayant des rapports entre eux, en fonction du genre et de la classe sociale[6]. Rappelons avec Chauncey (2003) que la construction de l'identité homosexuelle est concomitante d'une construction spatiale. C'est-à-dire que 1) les espaces de sociabilité et de sexe entre hommes ont existé bien avant le coming out collectif des années 70 ; 2) ces espaces se sont spécifiés à mesure que s'inventaient de nouvelles catégories pour définir des formes de sexualité identifiables ; 3) la vision en termes de libération/répression, intimement liée au discours des mouvements associatifs gays, est insuffisante pour saisir l'évolution de ces espaces et leur signification sociologique. Or, à la fin des années 70, le succès croissant de la rue Sainte-Anne va engendrer une plus grande différenciation sociale, du fait des tarifs prohibitifs, et on interdit l'entrée aux femmes. Le mélange et l'ambiguïté, qui faisaient le piment de la drague homosexuelle dans les premiers espaces, ont disparu. L'homosexualité traverse alors un profond processus de redéfinition, qu'illustre l'utilisation croissante du terme revendicatif « gay ». Puis, le sida transforme le jeu des acteurs, leurs enjeux, les pratiques, ainsi que les représentations de l'homosexualité.
But this gay commercial specialization also resulted from the gradual consolidation of barriers between spaces of sociability for men having sex with other men, according to gender and social class[6]. As was demonstrated by Chauncey (2003), the construction of homosexual identity relies on a spatial construction. This means, 1) that spaces of sociability and for sexual activity between men existed well before the collective coming out in the 70s; 2) that spaces were specified as new categories were invented to define identifiable forms of sexuality; 3) the view in terms of liberation/repression, as apparent is the discourse of gay movements, is inadequate to account for the changes in these spaces and their sociological meaning. In the late seventies, the growing success of the rue Sainte-Anne caused a greater social differentiation, as prices became prohibitive, and women were denied access. The ambiguity which spiced up homosexual cruising in these original places disappeared. Homosexuality underwent a process of re-definition, exemplified by the spread of the use of the term « gay ». AIDS also played a part in redefining agents, their behaviours, and representations of homosexuality.
Le Marais tel que nous le connaissons aujourd'hui est l'aboutissement de ces changements générationnels, et sa genèse comme quartier gay est étroitement liée à la consolidation d'un discours unifié au travers de produits culturels et médias spécialisés pour un public gay. L'apparition de l'expression « quartier gay » dans les années 90, qui s'oppose au terme de « ghetto » utilisé auparavant par les groupes homosexuels radicaux, est plus le résultat d'une production sociale –dans le sens d'appropriation discursive– que le produit de la simple concentration géographique de commerces gays. Son usage est déterminé par des changements qui sont intervenus dans les manières de vivre et de se représenter l'homosexualité, sur lesquels nous reviendrons.
The Marais as we know it today is the result of these generational changes, and its history as gay neighbourhood is caught up in the consolidation of a unified discourse, in culture and specialized media, for a gay audience. The phrase « gay neighbourhood », which gained pride of place in the 90s, as opposed to « ghetto » which was used by radical homosexual groups, is the result of social, and discursive, rather than a mere description of a spatial concentration of gay businesses. It signals other changes in ways of life and representations of homosexuality, about which I shall say more later.
Il faut donc faire une lecture écologique du quartier gay, en allant au-delà du simple rapport de visibilité, puisque tout indique qu'en devenant un symbole du succès et de la libération gays, celui-ci s'est aussi constitué comme un lieu de reconnaissance pour une partie des populations homosexuelles, une sorte de région morale, dans le sens de Park (1929). Proth (2002, 127) signalait à juste titre que « l’inscription dans l’espace et la fixation d’une minorité dans un quartier relèvent en quelque sorte d’une installation dans une ségrégation délibérément choisie et consentie tout en renvoyant, de façon concomitante, à la revendication d’un droit à une reconnaissance (…) chaque homosexuel habitant, mais aussi fréquentant le quartier du Marais, substitue aux manières d’être communément admises dans la grande ville de nouvelles formes de sociabilité ». C'est ainsi qu'on peut saisir la relation dialectique entre agrégation et ségrégation dans les quartiers tels que le Marais ou Chueca : plutôt que d'appréhender les quartiers gays comme des « espaces de résistances » (Leroy, 2005), nous les comprendrons comme des espaces de reconnaissance[7].
It is therefore possible to read the gay neighbourhood in an « ecologic » perspective, that goes beyond mere « visibility ». Reading gay spaces from this perspective is all the more relevant since, by becoming a symbol of gay success and liberation, the neighbourhood was also established as a place of recognition for some homosexual people, a sort of « moral region » (Park, 1929). Proth (2002, 127) rightly pointed out that « the inscription in space and the stabilization of a minority in a neighbourhood is tantamount to the installation in a deliberately chosen, and consented, segregation, whilst also simultaneously laying a claim to recognition…every homosexual living in, or going to, the Marais neighbourhood, is substituting new forms of sociability to other, commonly accepted ways of being in a large city ». This is how the dialectics of aggregation and segregation can be read in the evolution of areas such as the Marais, or Chueca in Madrid: rather than see gay neighbourhoods as « spaces of resistance » (Leroy, 2005), I propose to see them as spaces of recognition[7].
La gentrification: l'homosexualité réhabilitée
Gentrification: homosexuality rehabilitated
Diverses études ont pu établir la contribution de la présence gay, tant résidentielle que commerciale, dans les processus de gentrification de quartiers centraux populaires (Castells, 1983; Knopp, 1990; Bouthillette, 1994). Dans le cas du Marais, la gentrification est attestée par l'installation de catégories socioprofessionnelles supérieures et le départ des ouvriers et d'une partie des employés, dès les années 80 (Carpenter, Lees, 1995). Les populations gays auraient été attirées par sa centralité et les bas prix des vieux logements et auraient largement participé à la réhabilitation privée du Marais. Djirikian (2004) montre ainsi que dans les studios, les familles d'ouvriers ont été remplacées par des étudiants et des ménages d'hommes seuls, de classes moyennes et supérieures. C'est dans ce parc de logements que des hommes gays se seraient installés.
Various studies have established the contribution of gay presence, both residential and commercial, to processes of gentrification of central working-class areas (Castells, 1983; Knopp, 1990; Bouthillette, 1994). In the case of the Marais, gentrification occurred with the arrival of professionals and the departure of workers, as early as the 1980s (Carpenter, Lees, 1995). Gays were attracted both by the centrality of the area and the lost cost of housing, and they were active in the private rehabilitation of it. Djirikian (2004) has shown how in studio flats, working-class families were replaced by students and one-person households, usually men of the middle or upper-middle class. This is the type of housing gay men took over.
Giraud (2009) constate par ailleurs des convergences entre le renouvellement de la population locale et l'évolution commerciale du Marais gay, c'est-à-dire entre gentrification résidentielle et gentrification de consommation (Beauregard, 2003). Au cours des dernières décennies, l'installation des établissements gays dans le Marais s'est faite sélective : les boutiques et services gays spécialisés s'y sont développés, alors qu'ils perdent du poids sur le reste du territoire parisien. Au contraire, les établissements à forte connotation sexuelle (backroom, saunas), sous-représentés dans le quartier, se trouvent plus dispersés. Les anciens bars gays tendent ainsi à laisser place à des boutiques de mode et salons de coiffure, et les bars plus populaires, économiquement accessibles, se font plus rares. Enfin, Leroy (2005) souligne l'augmentation des baux commerciaux et le fait que les commerces gays, qui ont consolidé l'attractivité du Marais et participé à sa valorisation immobilière, sont aujourd'hui victimes de leur propre succès. L'accès des populations gays aux lieux de sociabilité devient ainsi plus dépendant des ressources économiques.
Giraud (2009) underlines the convergences between the renewed social profile of residents and the commercial evolution of the gay Marais, i.e., between residential gentrification and consumption gentrification (Beauregard, 2003). In recent decades, only certain types of gay businesses have chosen the Marais: shops and services are on the increase, whereas they are shrinking in Paris overall. Conversely, businesses with a strong sexual connotation (backrooms and saunas), of which there are relatively few in the Marais, are more dispersed throughout Paris. Former gay bars tend to be replaced by clothing shops and hairdressing salons, and the cheaper, more affordable, bars are becoming rarer.Leroy (2005) has shown that this reflects the increase in prices for leases, and that the gay businesses that made the Marais attractive and consolidated rent values are victims of their own success. For gay people, access to places of sociability has become economically selective.
La normalisation gay du Marais
Gay normalization of the Marais
Mais cette gentrification commerciale est aussi le fruit de profonds changements survenus dans la manière même de vivre, de se concevoir et de s'afficher en tant qu'homosexuels. Certains auteurs ont évoqué la fonction de survisibilité des quartiers gays centraux européens en rapport à l'invisibilité d'autres pratiques, moins admises, qui prennent place dans des lieux plus périphériques (Grésillon, 2000 ; Redoutey, 2002). Dans notre travail sur Chueca (Boivin, 2010), nous constations que la gentrification permet de réhabiliter l'homosexuel dans les représentations, en renforçant des dynamiques qui ont trait à la normalisation[8]. Des styles de vie très visibles, considérés plus acceptables, se cristallisent dans le quartier gay, qui contribue à reproduire de telles images exemplaires par le biais d'institutions spécifiquement gays. Celles-ci alimentent une représentation masculine, virile, à la fois aisée et entrepreneuriale, de l'homosexuel : le gay en smoking et cravate de Têtu. Cette normalisation semble s'être produite au cours des années 80, en réponse à la stigmatisation du sida, dans une période de désexualisation de l'homosexualité, comme le perçoivent certains enquêtés :
This commercial gentrification also results from profound changes in modes of being, thinking of oneself as, and showing oneself to be homosexual. Some have pointed out the « over-visibility » of gay neighbourhoods, in Europe, tends to render invisible other practices, less well accepted and which take place in more peripheral areas (Grésillon, 2000; Redoutey, 2002). In fieldwork carried out in Chueca, Madrid, I found that gentrification contributes to more positive representations of homosexuals, by facilitating forms of normalization[8]. Very visible lifestyles, considered more acceptable, take form in the gay neighbourhood, which tends to reproduce exemplary images in specifically gay institutions. These rely on a manly, hyper-masculine representation, of the homosexual, as both well-heeled and full of entrepreneurial spirit: the gay in bow-tie and tuxedo as seen in Têtu[9]. This normalization seems to have taken place during the eighties, as a response to the stigmatization linked to AIDS, in a period of dissociation between sex and homosexuality, as perceived by some of my interviewees:
« Le sida évidemment il a un peu coupé court (…). Peut-être que, en dessous, en filigrane, en transparence, il y avait aussi la volonté de la population d’apparaître plus clean que clean et donc, voilà, plus normalisée. Je pense que c’est une volonté de la communauté homosexuelle, mais aussi une volonté politique extérieure et probablement, très probablement, une nécessité. » (Pierre, 46 ans, cadre de la fonction publique).
« Obviously AIDS cut things short(…). Perhaps there was this underlying, unconscious desire on the part of the population to appear squeaky clean, and therefore, that’s it, more normalized. I think that was what drove the homosexual community, but it was probably also a political will from the outside, and probably, most probably, a necessity. » (Pierre, 46 years old, middle-ranking executive in civil service).
L'adaptation des modes de vie homosexuels par le couple et le safer sex entraîne à son tour une stéréotypisation de la conjugalité gay[9], qui s'oppose au mode de vie du célibataire qui fréquente les backrooms (Broqua; De Busscher, 2003), plus centré sur certaines formes de drague, dont « le caractère égalitaire et grégaire (...) met à l'écart du monde ordinaire des hiérarchies et conventions sociales avec leurs contraintes de respectabilité » (Pollak; Schiltz, 1987, 88). Dans les années 90, les gays commencent à articuler leur sociabilité à partir du couple et le multipartenariat perd du poids : « la quête d'un bonheur dans la sphère privée combine aujourd'hui le désir de couple stabilisé autour d'un projet de vie avec un nouveau type de participation à la drague qui (…) la conçoit sous un mode plus récréatif qu'identitaire. » (Adam, 1999, 62).
The adaptation of homosexual lifestyles, its shift to couples and safer sex, brings about a stereotypification of gay « married life »[10], in opposition to the lifestyle of the unattached male who uses backrooms (Broqua; De Busscher, 2003), and cruises in places « of egalitarian and gregarious character(…) which set themselves apart from the ordinary world of hierarchies and social conventions and its imperative of respectability « (Pollak; Schiltz, 1987, 88). In the nineties, gays started articulating their sociability on the basis of the couple and multiple partners became less common: « the quest for happiness in private life nowadays combines the desire to be in a stable couple, with a life project, with a different relation to cruising(…) seen more as recreational than as part of one’s identity » (Adam, 1999, 62).
Or, la normalisation est concomitante d'une réduction du pluralisme : elle s'accompagne d'une transphobie croissante, d'un rejet de la « folle » et de tout ce qui peut délégitimer l'homosexuel. Les expressions non conventionnelles de la sexualité disparaissent et les dichotomies traditionnelles passif/actif ou féminin/masculin réapparaissent tant dans les discours que dans les pratiques. L'uniformisation va de pair avec une différentiation croissante :
This normalization sees pluralism reduced, transphobia has become more common, along with the rejection of the « queen » and anything or anybody likely to discredit homosexuals. Non-conventional expressions of sexuality are sidelined and earlier dichotomies, passive/active, feminine/masculine have resurfaced in discourse and in practice. There are dual processes of uniformization and differentiation:
« Quand ça s’est déplacé il y a eu petit à petit une uniformisation, parce que c’est alors qu’a commencé à y avoir une mode gay, et un racisme aussi. Et autant il y avait tellement peu d’endroits à Opéra que les gens préféraient être tous ensemble (...) il y avait 25% ou un tiers on va dire, de filles (...). Dans le Marais (...) ils étaient vachement plus méchants avec les gros (...), avec les poilus, et donc petit à petit sont apparus le café des poilus (…), il y a parallèlement des endroits de lesbiennes qui se sont ouverts. » (Jacques, 48 ans, employé).
« With the move there was a gradual uniformization, because that’s when we started having a gay fashion, and racism too. There were so few places in Opéra[11] that people preferred to be all together (…) there was 25%, or say, a third of girls(…) In the Marais (…) things got ugly for fat guys(…), for hairy guys, so gradually we got the café for hairy guys(…), and places opened for lesbians. » (Jacques, 48 years old, white-collar worker).
Par conséquent, on observe un renversement paradoxal : alors que l'installation des premiers bars gays dans le Marais était mue par une volonté de démocratisation, le succès du quartier a fini par engendrer de nouvelles exclusions, basées sur l'apparence, l'âge, le genre, voire, de plus en plus, les ressources socio-économiques. Le Marais est devenu un espace masculin, excluant, invisibilisant et discriminant les catégories considérées marginales, en particulier transsexuels et homosexuels efféminés. Il rassemble, représente et met en scène les homosexuels qui se reconnaissent dans une organisation socio-spatiale gay spécifique ; c'est-à-dire, caricaturalement, dans une homosexualité plutôt mondaine et respectable, en opposition avec l'homosexualité noire[10] à la fois populaire, ambiguë et excessive. L'agrégation est en même temps une ségrégation volontaire. Comme le rappelaient Pollak et Schiltz (1987, 81) : « La conquête des libertés sexuelles s'est faite grâce au renforcement d'une sociabilité spécifique et, indirectement, d'une ségrégation qu'indique le terme de « ghetto » qui en désigne les manifestations les plus visibles » et « ne représente qu'une minorité de tous les homosexuels », une telle transformation étant « décalée dans le temps quand on passe d'une classe sociale à l'autre », touchant surtout les classes moyennes.
Hence a paradoxical change: while the first gay bars that opened in the Marais were meant to promote democratization, the success encountered by the neighbourhood has fostered new exclusions, based on appearance, age, gender, and increasingly, on income. The Marais has become a male, exclusive space, that renders invisible and discriminates against categories designated as marginal, in particular transsexuals and effeminate homosexuals. It has become a meeting-place, representation and stage for homosexuals who subscribe to a specific gay social and spatial organization, which can be characterized, if somewhat simplistically, in a worldly and respectable homosexuality, opposed to the so-called « black homosexuality »[12] perceived as working-class, ambiguous and excessive. Aggregation also operates a deliberate segregation. As Pollak and Schiltz (1987, 81) point out: « The conquest of sexual liberties was gained by reinforcing a specific sociability and, indirectly, the segregation implied in the term « ghetto » which refers to its most ostentatious manifestations »and « this is representative of a minority of all homosexuals », the transformation taking place « at different times in different social classes », with the middle-class coming first.
Socialisation gay et ségrégations
Gay socialization and segregation
Jusqu'ici nous nous sommes concentrés sur l'évolution de l'espace de sociabilité gay, en observant que celui-ci est le produit d'une manière spécifique, dominante, de vivre l'homosexualité, le lieu d'expression d'une émancipation différentielle. Il nous faut maintenant changer d'échelle, et essayer de comprendre la ségrégation à partir des stratégies individuelles d'exposition de l'orientation sexuelle, qui guident aussi le rapport à l'espace métropolitain et au quartier gay des populations homosexuelles. Nous empruntons à Préteceille (2006) sa définition opératoire de ségrégation comme l'inégale distribution spatiale des groupes sociaux.
The previous sections of this paper centred on the evolution of spaces of gay sociability, and showed how they are produced by a specific, dominant way of living homosexuality. Furthermore, these places express a differential emancipation. Shifting now to a different scale of analysis, the following sections will attempt to delineate segregation on the basis of individual strategies of exposure of sexual preference, which also influence relations with metropolitan space and the gay neighbourhood of homosexual populations. I rely here on Préteceille’s (2006) definition of segregation as the unequal spatial distribution of social groups.
L'espace résidentiel homosexuel
Homosexual places of residence
Selon les résultats de la géographie du Pacte Civil de Solidarité (Ruelland, 2005), les gays se concentrent au centre de Paris, dans les 2e, 3e, 4e et 10e arrondissements[11], suivant de près la distribution des établissements commerciaux gays, dont la densité diminue à mesure qu'on s'éloigne du centre. L'espace de sociabilité gay exerce par conséquent une forte attractivité résidentielle pour la population gay francilienne. Il représenterait une « halte dans un itinéraire socio-spatial assez complexe »(Leroy, 2005, 591) ayant pour fonction le coming out des plus jeunes (Schiltz, 1998).
A geographic analysis of the distribution of the Pacte Civil de Solidarité[13] (Ruelland, 2005) shows a concentration in central Paris, in the 2nd, 3rd, 4th and 10tharrondissements[14]. This distribution conforms with that of gay businesses, which become much rarer in peripheral arrondissements. It appears from this research that gay sociability also determines residential choices to some extent, as « one stop in quite complex social and spatial itineraries »(Leroy, 2005, 591), allowing for the coming out of younger men (Schiltz, 1998).
Cette double concentration –résidentielle et commerciale– est un indicateur du poids du quartier gay dans les stratégies de vie, les choix résidentiels des homosexuels et dans la construction d'un mode de vie gay. Or, les quartiers investis par ces couples gays sont aussi traversés par des processus de gentrification. Il existerait donc une double ségrégation volontaire, en fonction des dispositions sociale et sexuelle. L'accès à ce mode d'habiter est donc restreint à une minorité de jeunes indépendants et aux couples gays plus âgés. La distance géographique pourrait notamment renforcer l'isolement social pour les jeunes homosexuels de banlieue, les plus défavorisés et les plus éloignés du centre gay de la métropole, qui « reste(raient) (...) contraints de se « cacher », de se conformer au respect des règles dominantes, et ceci d'autant plus qu'ils habitent souvent avec leur famille, qui ignore ou feint d'ignorer leurs désirs homosexuels. » (Pollak, Schiltz, 1987, 80). Par conséquent, à la logique de micro-ségrégation que suppose le placard gay –à la nécessité de se cacher et de dissimuler– se superposerait une logique sociale, du fait de la double inaccessibilité, économique et géographique, à l'espace de reconnaissance qu'est le quartier gay. La ségrégation des pratiques affectives homosexuelles serait ainsi en étroit rapport avec la ségrégation résidentielle et commerciale gay.
This concentration, both residential and commercial, points to the importance of the gay neighbourhood in strategies, choices, and gay lifestyles. Areas occupied by gay couples are also the ones undergoing processes of gentrification, which indicates a double deliberate segregation, linked to social and sexual preferences. Access to this place of residence is restricted to a small number of young people with independent means, and to older gay couples. It is likely that geographic distance reinforces social isolation for young homosexuals in the banlieue, both more deprived and physically remote from the gay centre of the metropolis, and « who still endure the constraint of « hiding », conforming to dominant rules, all the more as they often live with their family, who knows nothing or does not want to know of their homosexual proclivities » (Pollak, Schiltz, 1987, 80). Consequently, over and above the micro-segregation of the « closet » (the need to hide and pretend) they are the victims of both economic and geographic exclusions from the space of recognition granted by the gay neighbourhood. Segregation of homosexual love is therefore related to residential and commercial gay segregation.
Les déterminants socio-économiques du placard
The closet’s socio-economic determinations
Cependant, dans un article récent où elle commente les résultats d'un sondage effectué auprès des lecteurs de têtu.com, Blidon (2008b) met en évidence le fait que, contrairement à l'idée reçue, la taille des villes n’influe pas systématiquement sur les pratiques affectives en public des populations homosexuelles : s'embrasser, se tenir par la main, sont des actes qui dépendraient plus de la distance à l'espace d'interconnaissance que du lieu de résidence. Ces résultats indiquent que le fait d'afficher son orientation sexuelle est déterminé par des facteurs d'ordre social plus que géographique. Partant de ce constat, nous adoptons ici la thèse de Marcuse (2009) selon laquelle « l'injustice spatiale est à la fois résultante et cause de l'injustice sociale », en considérant que les injustices faites aux homosexuels n'ont pas la même portée pour tous, et qu'elles sont aussi fonction des caractéristiques socio-économiques et des compétences individuelles, qui à leur tour engendrent des effets sur leur motilité[12], certains se voyant restreindre l'accès au quartier gay. Ainsi, le coming out, qui peut s'interpréter comme un double processus d'intégration au milieu gay et d'affirmation vers l'extérieur, suppose une identification avec un style de vie plus communautaire. Les différents degrés de coming out ou d'affichage public de l'homosexualité dépendent notamment de la position dans le cycle de vie, de l'existence du couple et de la stabilité de celui-ci (Blidon, 2008b) ainsi que du niveau d'études, de la catégorie socio-professionnelle, de l'origine sociale des individus et le rapport au milieu gay est lié au niveau d'acceptation dans le milieu professionnel ou familial. Pollak et Schiltz (1987, 80) avaient ainsi repéré trois grands groupes d'homosexuels, qui se distinguaient selon les catégories professionnelles, par leur niveau de participation à la socialisation gay et la possibilité ou non d'affirmer leur orientation sexuelle en dehors du « ghetto ». Ils considéraient que « l'acceptation sociale et les chances de pouvoir assumer une disposition homosexuelle augmentent plus encore avec le capital culturel que le capital économique. »Dans les classes intermédiaires, définies par leur capital scolaire, l'homosexualité serait donc relativement mieux acceptée et plus affirmée. Enfin, le lien d'attachement avec le milieu gay serait plus fort chez ceux qui sont d'origine modeste et de province, qui ont souvent vécu le rejet dans leur milieu, la stigmatisation sociale renforçant alors les formes communautaristes de repli (Adam, 1999). Or, nos observations suggèrent que la distance entre ces formes de sociabilité homosexuelle, entre l'idéal de vie en couple et l'idéal du ghetto gay, est aussi conséquence d'un processus de distinction sociale, qui se manifeste sur le territoire par une division entre un mode de vie normalisé (accepté parce que jugé respectable) dans les quartiers gentrifiés et centraux, et des styles plus périphériques en dehors.
In a recent analysis of a survey conducted among readers of têtu.com, Blidon (2008b) has shown that, contrary to a commonly held assumption, the size of cities does not systematically have an influence on public displays of affection on the part of homosexuals: kissing or holding hands vary more in accordance with the distance from places where one is known than in accordance with city size. The determinations at play here seem to be social in nature rather than geographic. Therefore, injustices faced by homosexuals are not felt equally by all, they vary according to economic means and individual competences, which in turn have effects on motility[15], as some have no access to the gay neighbourhood. The process of coming out, which can be interpreted as both an « integration » in a gay milieu, and an assertion towards others, requires a degree of identification with a communitarian lifestyle. Degrees in one’s coming out, or public exposure of one’s homosexuality, vary according to one’s age, and on whether one is part of a couple, and how stable the partnership is (Blidon, 2008b), as well as other factors such a education, social position and background. The relation to the gay milieu is correlated to the degree of acceptance in one’s professional or family environment. Pollak and Schiltz (1987, 80) described three broad categories of homosexuals: different in terms of professional backgrounds;, in terms of degree of implication in gay sociability; and of the ability, or not, to assert their sexual preferences outside the « ghetto ». They considered « social acceptance and the chances of being able to comes to terms with homosexual dispositions are correlated with cultural capital more than with economic capital ».In the middle classes, as defined in terms of their educational achievements, homosexuality would therefore be better accepted and more assertive. The degree of attachment to the gay milieu appears stronger in those from a modest background and from outside Paris, who often experienced rejection in their place of origin, with social stigmatization reinforcing communitarian forms of withdrawal (Adam, 1999). My own observations suggest that the distance between the two ways of life, the couple ideal, on the one hand, and the gay ghetto, on the other, is in fact a function of a process of social distinction, which on the ground takes shape in the division between a normalized lifestyle (more widely acceptable and considered respectable) in gentrified central areas, and more « peripheral » lifestyles outside these areas.
2- Les régimes d'engagement dans le Marais
2- Regimes of engagement with the Marais
Les rapports des individus au milieu et à l'espace gays semblent donc se diversifier et se complexifier. Pour comprendre les différentes modalités par lesquelles les populations gays s'inscrivent dans le quartier du Marais, nous avons mobilisé deux types de notions. Un premier ensemble, basé sur diverses recherches réalisées en sociologie urbaine dans les années 80, replace l'identité sociale dans sa double construction entre champ résidentiel et vie professionnelle en identifiant différents modes de compensation par l'inscription territoriale (Collet, 2008). En les élargissant à tous les modes d'habiter, nous utilisons ces catégories analytiques pour comprendre les différents régimes d'engagement qu'entretiennent les populations homosexuelles avec leur environnement et le quartier-référent symbolique du Marais. La notion de régime d'engagement (ou action qui convient) permet de se défaire des catégories sociologiques rigides conçues a priori, afin d’appréhender l'agir dans sa diversité sociale et sa flexibilité individuelle[13] : « Le pluralisme ne peut être rapporté à une division spatiale des lieux publics et privés, ou à une différenciation d'identités conçues comme des costumes que l'on emprunterait à loisir. En circulant d'un rapport à l'autre, les conséquentes sont plus pesantes que celles qui résultent d'un changement de casquette. Il faut sans cesse passer du proche au public selon une géométrie variable. » (Thévenot, 2006, 54). Ma démarche tente de restituer le sens du rapport au monde et d'appréhender à un niveau plus fin comment les gays (s') investissent (dans) la cité. Je me concentre ici sur le vécu des plus jeunes, afin de focaliser notre attention sur les autres facteurs pouvant donner lieu à différents modes de vivre, d'exprimer et d'afficher son homosexualité.
The relationship of individuals to the gay milieu and gay spaces appear to be becoming more diverse and complex. To account for ways in which gays engage with the Marais area, two types of notions appear useful. A first subset, based on research conducted in urban sociology in the 1980s, sees social identity as dually constructed between residential and professional contexts, and identifies differentmodes of compensation through territorial inscription (Collet, 2008). By extending them to all modes of habitation, these analytical categories can be used to understand the different regimes of engagement that homosexuals can have with their environment and the symbolic reference area of the Marais. The notion of regime of engagement (or suitable action) enables one to work beyond rigid, a priori sociological categories, and to account for the diversity and individual flexibility of action[16] : « Pluralism cannot boil down to a spatial division of public and private places, or to a differentiation in identities conceived as suits that can be worn whenever. By circulating from a relation to another, consequences are more weighty than those from just switching hats. There is a constant tension between the close and the public, with a variable geometry » (Thévenot, 2006, 54). In my research I attempt to work out the meaning of people’s relation to the world, and more precisely, how gays « invest in » the cité. I focus here on the life experiences of younger men, in order to concentrate on factors other than age that are likely to influence ways of living, expressing and exposing one’s homosexuality.
Le Marais : un désir d’ascension sociale
Thee Marais: a desire for upward mobility
« Je devais me démerder pour trouver une solution (…), je me suis arrêté dans un bar qui s'appelait l'Amnésia que j'ai tout de suite aimé, énormément (…). J'ai rencontré des journalistes, j'ai rencontré un chanteur qui voulait m'emmener (...), des avocats (…), des personnes bien placées et formidables, et qui m'ont aimé, et que j'ai aimées aussi d'ailleurs, c'était réciproque. Donc c'était comme un signe. Pour m'en sortir, je devais rester dans le Marais. Toute ma vie a été ponctuée par des signes (…). Et j'ai pris ça pour un signe, alors du coup j'ai prospecté pour trouver un travail que dans le Marais. »
« I had to find a solution(…), I stopped in this bar that was called the Amnésia, that I instantly liked, a lot(…). I met journalists, I met a singer who wanted me to go with him(…), lawyers(…), fantastic people with good positions, who loved me, and that I loved too, incidentally, it was mutual. I took that as a sign. To make it, I had to stay in the Marais. All my life I believed in signs(…). And I took that as a sign, so I started looking for a job in the Marais ».
Arrivé à Paris avec quelques centaines d'euros, Alex décroche un poste de serveur dans le 1er et se loge chez un ami rencontré dans le Marais. Après quelques mois, il repartira finalement chez ses parents, pour revenir deux ans plus tard, muni d'un diplôme lui permettant ne pas avoir à être serveur.
Alex arrived in Paris with a couple of hundreds of euros, found a job as waiter in the 1st arrondissement and stayed with a friend in the Marais. A few months later, he went back to his parents’ home, before returning two years later, with a qualification that meant he didn’t have to wait tables any more.
Chez Alex –âgé de 23 ans, originaire d'une ville de province et agent commercial résidant en proche banlieue–, l'émancipation sexuelle est étroitement liée à un désir d'ascension sociale : il accumule les relations platoniques avec des hommes plus mûrs que lui et ayant une excellente situation économique, grâce auxquels il accède à un style de vie gay :
For Alex, 23 years old, from a provincial town, who became a salesman and lives in the banlieue, sexual emancipation is strongly related to a desire for social mobility: he has had a large number of platonic relations with well-heeled older men, which gave him access to a gay lifestyle:
« L'ambiance, les rencontres, le côté personnes intéressantes (…) il se trouve que les personnes intéressantes ont généralement un bon poste (…). On fait un jeu de séduction: ils m'invitent, on va dans de très bons restaurants, on boit tout le temps, ils aiment le vin, on va dans les bars (...), ça m'amuse, on s'amuse ensemble. Parce que pour eux, le but c'est de réussir à me saouler suffisamment pour coucher avec moi. Donc on dort, on s'embrasse et au bout de deux semaines généralement (…) je pars et que je trouve quelqu'un d'autre. [Je suis pas] pas gigolo, à aucun moment je demande de l'argent. »
« The atmosphere, the encounters, the interesting people(…) as it happens interesting people usually have good jobs(…). We play the seduction game: they invite me to good restaurants, we drink a lot, they like wine, we go to bars(…) I enjoy myself, we have fun together. Their objective is to get me drunk enough to get me to bed with them. So we sleep together, we kiss and after two weeks, usually, I go off and find someone else. (I’m) not a gigolo, I never ever ask for money ».
Alex ne se déclare pas ouvertement bisexuel auprès de ses proches ni de ses collègues de travail. Sa stratégie se fonde sur le maintien des apparences :
Alex is not openly bisexual with his friends or colleagues. His strategy is to preserve appearances:
« J'ai jamais eu aucun problème parce que je suis un gars passe-partout et même si je m'habille serré, c'est pas pour autant que tu peux pas te comporter comme un mec (…). Les gens quand ils me voient, ils voient quelqu'un d'ouvert, de respectable, et ça te permet d'avoir une image euh... une ouverture de toutes les portes ! »
« I’ve never had any trouble because I’m your average guy, and even if I wear tight clothes, it doesn’t prevent you from acting like a guy(…) People see me, they see me as open, respectable, which allows you to have an image, err, you fit in everywhere! ».
Chez lui, le respect des normes et des frontières qui séparent les milieux gay et hétérosexuel; l'impossibilité d'afficher son homosexualité en dehors du Marais, sont totalement intériorisés :
Respect for the norms and boundaries between the gay and heterosexual milieus, and the impossibility of being openly gay outside the Marais, are totally interiorized by Alex:
« C'est même pas en termes de honte, c'est en termes d'éducation, c'est une affaire de respect, c'est exactement comme quand t'es invité chez quelqu'un (…). C'est à toi de respecter le lieu où tu es et de t'intégrer. Moi je considère que quand tu es dans un milieu hétéro il faut que tu te comportes comme... même si tu ne l'es pas : deux hommes se tiennent pas la main, et bien tu respectes ça (…) »
« It doesn’t have to do with shame, it’s a matter of education, it’s a matter of respect, it’s like when you’re invited to someone’s place(…). You have to be respectful of the place you’re in and to integrate. Me, I think in a heterosexual environment, you have to act straight… even if you aren’t: two men don’t hold hands, you respect that(…) ».
Se cacher, c'est donc se rendre à la fois digne de respect d'autrui et paraître masculin.
Hiding therefore makes one worthy of others’ respect, and it is also to appear masculine.
At home in public[17] : the familiar mode
Un chez soi en public[14] : le mode familier
Fabien, 27 years old, from a tourist village, arrived in Paris aged 17. He left home very early and started working at a young age to finish his secondary schooling. His parents were employed in a football club, and he broke away from his traditional family for years, feeling he couldn’t admit his homosexuality to them:
Fabien, de 27 ans, né dans un village touristique de province, est arrivé à Paris à l'âge de 17 ans. Il quitte très tôt le domicile familial et commence à travailler jeune pour finir ses études secondaires. Ces parents étaient employés dans un club de football. Un milieu familial traditionnel avec lequel il rompt pendant plusieurs années, cachant systématiquement son homosexualité, inavouable :
« All around me there were these tough playboys, so you had to show you were a real man, you see, no way you could, err… then after a while, well, I asserted myself ».
« J'étais entouré de machos playboy, donc fallait montrer que t'étais un homme tu vois, fallait pas que euh... puis au bout d'un moment bah je me suis affirmé. »
He went off to Paris « on impulse » and found a refuge at the Tropic Café. He quickly became friendly with waiters and regulars, who took charge of him and helped him find a job as waiter in a gay restaurant, and then a flat right opposite his workplace. He rapidly became integrated in local life and enjoys its tight-knit character:
Il part à Paris sur un « coup de tête » et trouve refuge au Tropic Café. Très vite, il fait connaissance avec les serveurs et les habitués qui le prennent en charge et l'aident à trouver un emploi de serveur dans un restaurant gay, puis un appartement en face de son lieu de travail. Il intègre la vie locale et apprécie l'unité spatiale :
« You’re in the Marais, you work in the gay milieu, you meet lots of people, you go out often, there you are, and then (…) you have lots of acquaintances, say. Because they’re not really friends before a while ». He’s also familiar with gay night-life, the « debauchery and bad trips ».
« En plus t'es dans le Marais, tu travailles dans le milieu gay, tu rencontres pas mal de gens, t'es amené à sortir régulièrement, enfin voilà, puis après (…) tu te fais énormément de connaissances on va dire. Parce que pour être amis, il faut avoir passé un temps». Il fait ainsi l'apprentissage du milieu gay de la nuit, celui des «déboires et des débauches. »
His current friends and outings are all within the gay milieu, and his boyfriend is a waiter in the Marais. He prefers the cheaper gay bars that have been open for a while, as well as the backrooms and saunas, all of which are gradually disappearing. With slight nostalgia, Fabien explains that the Marais has changed: youngsters have overrun the neighbourhood and « heterosexuals have fucked it all up ». He experiences these changes as a denial of recognition:
Aujourd'hui, ses relations amicales et sorties se concentrent dans le milieu gay, et son petit ami est serveur dans le Marais. Il fréquente plutôt les bars gays anciens et populaires du quartier ainsi que les backrooms et saunas, repères qui progressivement disparaissent. Avec un brin de nostalgie, Fabien nous explique que le Marais a changé : les jeunes ont envahi le quartier et les « hétérosexuels viennent foutre la merde ». Il vit ces changements comme un déni de reconnaissance :
« I have to laugh when I hear what the young managers of new bars will say (…) You put your hand on their shoulder and say « do you have any idea who you’re talking to ». Take for instance (some newly opened bar), I met some pals there and the manager looks me up and down and says « who the hell are you? (…) You just shut up, you’re in my place, this is my bar ». Says I: « I didn’t come here for your bar, I didn’t come here for you, I came to see these guys I know ».
« Ce qui me fais rire c'est les réflexions que tu peux entendre des petits nouveaux patrons de bar (...). Puis alors là tu leur tapes sur l'épaule en disant «tu sais pas à qui tu parles». Je prends référence [à un nouveau bar gay du Marais] qu'a ouvert, j'allais retrouver des potes et il y a un patron de bar qui me regarde en me disant «Mais t'es qui toi?»(…). De toutes façons t'as juste à te taire et t'es chez moi, c'est mon bar». J'fais : «Mais j'viens pas pour ton bar, je viens pas pour toi, je viens là pour voir les personnes que je connais. »
This may be just about a personal conflict, but it seems also to point to two different, or even competing, modes of appropriation. These refer to divergent principles: Fabien challenges the underlying social inequality (« the boss, or, well, the boss, the manager, ’cause this young 24-year old lad is only the manager ») and invokes an undifferentiated, more egalitarian, homosexual culture: « We’re all equal, don’t you denigrate me ». He then calls not on his social capital (his friends), but on his economic capital: he switches from being a member of the same homosexual minority, to anonymous customer, on a different note: « I’m going elsewhere to spend my money ». Fabien feels threatened by the quick success of the new manager and takes on the language of social distinction vis-à-vis the newcomer. The time spent in the neighbourhood is what characterizes his relation to the gay milieu. He feels at ease in the Marais, in a relation of familiarity that is inherent to his sense of self and personal construction. Familiarity with others, gay sociability, grant him a degree of social recognition, coupled with his homosexual identity. The Marais is his home. He identifies with it, recognizes himself in it, in a singular relationship. Living there is his priority:
Au travers de ce conflit personnel, on entrevoit deux modes d'appropriation différents, voire concurrents. Ceux-ci renvoient à des principes divergents : Fabien questionne d'abord l'inégalité sociale sous-jacente (« le patron, enfin, le patron, le directeur, puisque ce jeune-homme de 24 ans n'est seulement que le directeur. »), en invoquant une culture homosexuelle socialement moins différenciée, plus solidaire : « Tout le monde est sur le même pied, tu vas pas dénigrer. » Puis, il met en avant non plus son capital social (les amis), mais son capital économique et ne se positionne plus comme un membre d'une même minorité homosexuelle, mais en client anonyme, changeant de régime : « Mon argent j'irai le dépenser ailleurs. » Fabien se sent menacé par le rapide succès du gérant et adopte le langage de la distinction du nouveau venu. C'est le rapport au temps vécu dans le quartier qui fait sens dans sa relation au milieu gay. Il se sent à l'aise dans le Marais du fait d'une relation familière qui le construit et qu'il a construit. Ici, l'inter-connaissance, la sociabilité gay, lui permettent de trouver une certaine reconnaissance sociale, en s'affirmant en tant qu'homosexuel. Le Marais, c'est chez lui. Il s'y reflète, s'y retrouve, c'est un tout indivisible. Y résider est une priorité :
« We’re still looking for a place to live together, D. and me. We want to settle in the Marais but it’s become impossible: way too expensive! But I’ve lived here for ten years, it’s really the place where I feel best. It may not sound like much, but it is a big deal. You walk out, you go out shopping, you have a drink, and people say « Hi Fabien, how are you? », in the end everybody knows you (…) No way I’m leaving the Marais! ».
« On continue de chercher un appart' pour vivre ensemble avec D. On voudrait s'installer dans le Marais mais c'est devenu impossible : trop cher ! Mais ça fait dix ans que je vis dans le quartier, c'est vraiment là où je me sens bien. Ça paraît pas, comme ça, mais c'est super important ça. Tu marches, tu vas faire tes courses, tu va prendre un verre, et là on te dit « Bonjour Fabien, tu vas bien ? » A la fin tout le monde finit par te connaître (...). Ah non, moi, je sors pas du Marais ! »
The Marais is other people: the detached mode
Le Marais, c'est les autres : le mode détaché
Nicolas has lived in the Paris area for the past five years, in the banlieue. Aged 31 years, he manages a wine-bar. When he was eighteen, he left his parents’ home in a rural area of southern France. He is from a humble background and his parents reluctantly « accepted » his homosexuality. He has little formal education and learned the cooking trade « on the job » in a number of places. He often finds seasonal employment, abroad in particular, and enjoys travelling.
Nicolas vit en Île-de-France depuis cinq ans et réside en proche banlieue. À 31 ans, il est responsable d'un bar à vin. Il a quitté, à l'âge de 18 ans, ses parents et une commune rurale du sud de la France. Il vient d'une famille modeste et ses parents ont « accepté » tardivement son homosexualité. Il n'a pas fait d'études et a appris son métier de cuisinier « sur le tas », au fil d'expériences diverses. Souvent saisonnier, notamment à l'étranger, il aime voyager.
« I came to Paris because I’d wanted to try for a while (…) it came to a point where I said to myself, maybe I can set up a different way of life, unlike my parents’, maybe a more « middle-class » lifestyle, so to speak(…) I figured in Paris it might work, I could make a good living. I was quite ambitious », he confides. He has a much more unstable lifestyle than he had imagined, « shacking up » with lovers, moving around, taking badly paid jobs, and often unemployed. Nicolas says he would have « enjoyed travelling regularly, having a job that calls for regular travel, like in relief work, something like that », but he also considers he has learnt a lot working in restaurants, enjoys the work and plans to open a bar some day. In professional contexts, he doesn’t discuss his sexual orientation but « after a while, people catch on, gradually, I don’t like to be placed in a category. I prefer to be judged on what I do ».
« Je suis venu à Paris parce que j'avais envie d'essayer depuis pas mal de temps (…) à un moment j'me suis dit que peut-être je peux mettre en place une autre manière de vivre que celle de mes parents, essayer d'avoir une vie peut-être plus bourgeoise entre guillemets (…). Je me suis dit à Paris ça peut le faire, je peux bien gagner ma vie. J'avais pas mal d'ambitions. », confie t-il. Il mène une vie beaucoup plus instable que celle qu'il s'était imaginée, entre « squats » chez les amants, multiples déménagements, emplois sous-payés, et longues périodes de chômage. Nicolas explique qu'il aurait « bien apprécié voyager régulièrement, avoir un boulot qui (lui) permette de voyager régulièrement comme dans l'humanitaire, un truc comme-ça. », mais il pense avoir beaucoup appris dans la restauration; se plaît dans ce métier et projette d'ouvrir un bar. Dans ses relations professionnelles, il préfère ne pas parler de sa sexualité mais « Au bout d'un moment ça se sait, c'est progressif, mais j'aime pas qu'on m'enferme dans des catégories. Je préfère qu'on me juge pour ce que je fais. »
It’s often through his relationships that he finds accommodation and jobs, in particular in a restaurant in the Marais. But when he discusses the neighbourhood, he’s very detached. He never identified to the place, and only goes there to « pick up guys », a phrase also used in the context of drug use, which implies that his explorations in the neighbourhood are purely functional, in relation to his desire, a craving for casual sex. He goes out alone, to clubs, and meets partners there. He admits he wouldn’t know how to meet them in other circumstances. His friends, even the gays, he met « outside the milieu » and he has more fun in environments that are not male-only. Even if he’s had a job in the neighbourhood, he describes it only as a night place, not a day-time one, and sees it strictly as a « ghetto ». The Marais, as far as he is concerned, is the others, their outlook, the lack of communication:
C'est souvent au travers de ses relations sentimentales qu'il trouve appartements et emplois, notamment dans un restaurant dans le Marais. Pourtant, quand Nicolas parle du quartier, c'est sur le ton du détachement. Il ne s'y est jamais reconnu et il n'y va que pour « pécho des mecs », un terme emprunté au lexique de la drogue par lequel on devine que l'espace-temps de ses traversées du quartier est fonctionnel, lié au désir, à la rencontre fortuite et sans avenir, au manque, au sexe. Il préfère sortir seul, pour danser, et rencontre ses partenaires en discothèque. Il avoue ne pas trop savoir comment s'y prendre pour draguer dans d'autres circonstances. Ses amis, même homosexuels, il les a connus « hors milieu » et il s'amuse plus facilement dans des lieux mixtes. Même s'il a travaillé dans le quartier, il ne le décrit que la nuit, jamais le jour, et se le représente systématiquement comme un « ghetto ». Le Marais, pour lui, c'est toujours les autres, leurs regards, l'absence de communication :
« I don’t find it all that fun. There’s a sort of concrete screed(…) and the kind of fussy « yeah I so want to meet someone, but I pretend I’m not trying to meet anyone » (…) I just don’t get it! ».
« J'trouve pas ça finalement aussi joyeux. Il y a toujours une espèce de chape de plomb (…) et puis un peu genre starlette : « Ouais je veux absolument rencontrer quelqu'un, mais je fais genre je veux pas rencontrer quelqu'un ! »(…). Moi, ça me dépasse ! »
A place to circulate in: the distanced mode
Un territoire circulatoire : le mode distancié
For others, the Marais is a place they pass through, a sort of territoire circulatoire (« circulatory territory », Tarrius, 2007). For instance Adrien, a national of Luxembourg and 31-year old architect, the son of farmers, owns a flat in the Marais. He’s in a stable relationship, but works in France frequently and likes to slum it in the Marais. I met him on a week night in a bar, where he was with two young provincials he’d just met, exhibiting with no perceptible embarrassment a piercing on his penis to the waiter. He invited all of us back to his place, to show off his best hospitality, and finally suggested we have an « orgy ». He said that he enjoys the Marais for « partying and sex », and boasted, always in the active form (« I fucked him »), of his many conquests and his accumulated orgasms.
Pour d'autres, le Marais est un quartier de passage, un territoire circulatoire (Tarrius, 2007). Ainsi Adrien, de nationalité luxembourgeoise, architecte de 31 ans, propriétaire d'un appartement dans le Marais, fils d'agriculteurs. En couple, il travaille régulièrement en France et aime s'encanailler dans le Marais. Nous le rencontrons un soir de semaine dans un bar, où il se trouve accompagné de deux jeunes de province qu'il vient de connaître, alors qu'il montre sans gêne un piercing, placé au niveau du sexe, au serveur. Il nous invite chez lui, où il déploie tous ses moyens pour prouver sa capacité à bien recevoir, et finalement nous propose de faire une « partouse ». Il apprécie le Marais pour « la fête et le cul »; vante, toujours en sujet actif (« je l'ai baisé »), ses nombreuses conquêtes; et fait le calcul des derniers orgasmes accumulés.
His choice of the Marais as residence, however « has nothing to do with being gay! I don’t give a shit for all those …! If I’m here, it’s because it’s the only place where I managed to buy a flat. Because in Paris, they won’t sell easily to foreigners, they need guarantees », he explains. Adrien accounts for his choice by the good reputation of the Marais, its art galleries, the fact that it is an expensive area with a longer tradition of sales to foreigners than other Parisian neighbourhoods. His purchase is first and foremost an investment, a way of profiting from his economic capital.
Son choix d'habiter dans le Marais « n'a rien à voir avec le fait d'être gay ! J'en ai rien à foutre de toutes ces p...! Moi, si je suis ici, c'est parce que c'est le seul endroit où on a bien voulu me vendre un appartement. Parce qu'à Paris, on vend pas facilement aux étrangers, du fait qu'ils ont besoin de garanties. », explique t-il. Adrien évoque, dans son choix, la bonne réputation du Marais, ses galeries, et le fait que ce soit un quartier cher, avec une tradition plus ancienne dans la vente aux étrangers que d'autres quartiers de Paris. Son achat est avant tout un placement, un moyen de mettre en valeur son capital économique.
According to Adrien « to be happy, gays have to remain hidden. I find it absolutely devoid of interest to lock oneself up in a ghetto! ». He claims homosexuals no longer encounter discriminations as used to be the case. The Marais, in his view, is an expression of what he calls « gayness », a place for those who have difficulties coming to terms with their homosexuality. He’s very critical of the « vulgar camps in the 11th arrondissement » and says:
Selon Adrien « pourvivre heureux les gays doivent vivre cachés.Je trouve ça sans intérêt, s'enfermer dans des ghettos ! » Pour lui, les homosexuels ne rencontrent plus les discriminations du passé. Le Marais serait avant tout l'expression de ce qu'il appelle « gaytude », le territoire de ceux qui vivent par ailleurs souvent mal leur homosexualité. Il fustige plus encore les « tapettes populasses du 11e » et s'indigne :
« You have to accept who you are! I’m myself in every circumstance, in my work relationships, with my family, my friends, I have no problem with that. In my life, people know I’m gay. You either like me as I am or pack up ».
« Il faut s'assumer!Moi, je suis toujours comme je suis : dans mes relations professionnelles, ma famille, mes amis, j'ai aucun problème pour m'exprimer. Dans la vie, les gens savent que je suis homo. Tu m'apprécies comme je suis et sinon tant pis. »
Adrien’s relationship with the Marais is instrumental: when one of his young acquaintances praises the friendliness and cheapness of a bar in the area, he retorts « you have it wrong, I pay and I want to be treated accordingly ». His social position allows him to dismiss economic constraints completely: « No, I just find the means. Of course, I do come from a well-off family, so today I’m well-off, because I have a good job, but you can always find means ». It also allows him to take the upper hand in his sexual relations. Adrien absolutely doesn’t identify with the gay milieu. His « indifferent ease » illustrates one way of experiencing homosexuality, between contempt and distance, already analyzed by Pollak and Schiltz (1987, 85) in professionals and the upper-middle class, from well-heeled and tolerant backgrounds, who in « setting themselves up as models for the others, are characterized by a common optimistic view of the homosexual condition, which they perceive less as a source of discrimination and marginality than as an asset allowing for a freer life ».
Le rapport d'Adrien au Marais est instrumental : alors que l'un des jeunes hommes commente la convivialité et les bas prix d'un bar du quartier, il réplique « c'est pas ça, mais moi je paye donc je veux qu'on me reçoive bien. » Sa position sociale lui permet d'évacuer toute détermination économique : « Non, mais moi, les moyens, je les trouve. Bien sûr, c'est vrai que j'ai eu une famille qui avait les moyens et donc aujourd'hui j'ai aussi les moyens, parce que j'ai un bon job, mais on peut toujours se les donner, les moyens. », tout en lui permettant de dominer dans ses rapports avec ses partenaires sexuels. Chez Adrien, on ne trouve aucune identification avec le milieu gay. Son « aisance indifférente » illustre une manière de vivre l'homosexualité, entre mépris et distanciation, que Pollak et Schiltz (1987, 85) avaient déjà repéré chez les cadres et professions intellectuelles supérieures, issus de milieux aisés et tolérants qui, « promus au statut de référence pour les autres, se distinguent par une commune vision optimiste de la condition homosexuelle qu'ils perçoivent moins comme source de discriminations et de marginalité que comme un atout favorisant une vie plus libre. »
The social distribution of the right to recognition
La distribution sociale du droit à la reconnaissance
Lefebvre saw the right to the city both as a right to difference and a right to appropriation. In this way, the right to the city is a function of access to space, either material or virtual, of recognition, which in turn depends on an individual’s social position. These portraits show that recognition is by no means shared equally between all homosexuals who live in the Marais or spend time there, and that the injustice of heterosexism in public space is not experienced in the same way by all. Individuals can call on different forms of capital to relate to the gay milieu, which influences their relation to the neighbourhood. This relation can be either familiar or detached, or completely distanced. Adrien boasts of his economic capital and uses the Marais as a means to assert his status, Fabien compensates for the rejection experienced in his family with his friendly relations, experienced as rootedness, and finds a degree of symbolic compensation. Nicolas’s position is intermediate, and stresses work life over the gay milieu: he constructs his social identity around the former, and its multiplicity. He is aware that going out in the Marais is the only way of meeting people like him, but he is critical of them and would like to detach himself from them. Alex, who keeps his sexual preferences secret, uses discretion as a strategy in social and professional mobility: respectability and respect for norms are central to his world-view, and the choice to remain silent has to do with the internalized obligation to adapt his behaviour according to the ruling principles of the spaces he finds himself in.
Lefebvre avait identifié le droit à la ville au droit à la différence et à l'appropriation. Dans ce sens, le droit à la ville dépend notamment des possibilités d'accès de chacun à l'espace, virtuel ou matériel, de reconnaissance, elles-mêmes liées aux positions sociales des individus. On a pu voir à travers ces portraits que la reconnaissance n'est pas distribuée de manière homogène chez tous les homosexuels fréquentant ou habitant le Marais et l'injustice que suppose l'hétérosexisme de l'espace public n'est pas vécue de façon similaire. Le capital mobilisé dans l'appréhension du milieu gay différencie le rapport à l'espace du quartier. On passe ainsi d'une relation familière à un mode plus détaché, voire même complètement distancié. Alors qu'Adrien met en avant son capital économique et ne recherche dans le Marais qu'un moyen d'affirmer sa position, Fabien compense le rejet vécu dans son milieu familial par ses relations amicales, vécues comme points d'ancrage, et y trouve un certain rétablissement symbolique. La position de Nicolas, intermédiaire, fait passer la vie professionnelle avant le milieu gay : c'est par la première qu'il construit son identité sociale, qu'il projette multiple. Il garde conscience que fréquenter le Marais reste encore la seule manière de retrouver ses pairs, qu'il critique et dont il aimerait pouvoir se détacher. Alex, qui vit sa sexualité dans le secret, adopte la discrétion comme stratégie de mobilité professionnelle et sociale : c'est la respectabilité et le respect des normes qui fondent son monde, et le choix du silence est lié à l'obligation intériorisée d'adopter son comportement en fonction des principes qui ordonnent les espaces qu'il traverse.
Finally, the degree of engagement with the gay neighbourhood also depends on how the interviewee experiences his homosexuality in other contexts: for Fabien, there is a local convergence between his work and residence, and if he goes elsewhere to show off with his partner, it’s because he wants to separate his work environment from his love life, in order to preserve it. The experience of discrimination has led him to emphasize community dimensions. Alex leads a double life, and his attachment to the Marais is related to his silence « outside ». He constructs his identity by going out with people he finds interesting in terms of their social position, people he envies and wants to emulate. Gay sociability is a part of his social capital, that allows for both identification and recognition. For Nicolas, detachment has to do with fleeing the obligation to confess. In between two worlds, he juggles his professional and his personal lives, and goes back and forth between gay and straight spaces. Paradoxically, the person who materially is most invested in the territory is also the one who takes most distance from it, and most deftly, because he belongs to a flexible, mobile, professional elite.
Enfin, on observe que le degré d'investissement dans le quartier gay dépend aussi de comment l'enquêté vit son homosexualité dans d'autres contextes : pour Fabien, il y a union sur le territoire entre vie professionnelle et vie résidentielle, et s'il prend ses distances pour s'afficher avec son partenaire, c'est surtout parce qu'il attache beaucoup d'importance à séparer le milieu professionnel et sa relation affective, afin de protéger cette dernière. L'expérience de la discrimination paraît l'avoir orienté vers une projection plus communautaire. Alex vit une double vie, et son attachement au Marais est lié au silence qu'il observe « en dehors ». Il construit son identité en fréquentant des personnes qu'il juge intéressantes du fait de leur position sociale, qu'il envie et à qui il aimerait ressembler. La socialisation gay est une manière de construire son capital social qui permet à la fois l'identification et la reconnaissance. Pour Nicolas, le détachement se présente comme une fuite face à l'obligation d'aveu. Dans l'entre-deux-mondes, il compose avec plus ou moins d'habileté entre le milieu gay et son milieu professionnel, entre espaces de sociabilité gay et mixtes. Constatons enfin que, paradoxalement, celui qui est le plus ancré matériellement dans le territoire est aussi celui qui s'en distancie le plus, et avec le plus d'agilité, du fait de son appartenance aux élites professionnelles mobiles et flexibles.
Return to the gay ghetto
Retour sur le ghetto gay
Rather than challenge the heterosexual norm and assert homosexuals’ right to the city, the gay neighbourhood appears as both a product and a producer of a specific gay sociability. It reinforces, through gentrification and normalization, the segregation of affective practices and self-expression for working-class groups, and displaces a culture of cruising that was more egalitarian and class-blind. Socio-economic and sexual hierarchies re-emerge, and polarize two homosexual cultures, even as they dominate sexual relations. The space of gay recognition, a crucial reference for a young homosexual, is steeped in social differences, which it reproduces by allowing only practices deemed acceptable; it excludes precisely the people who suffer most discrimination from their places of origin and who are likely to seek a refuge in community sociability. By projecting a representation of the gay as at peace with himself, well-off and proud, the gay neighbourhood ratifies the status quo, and renders invisible conflicts for spatial (the Marais) and social (homosexual identity) appropriation.
Plutôt que de contester la norme hétérosexuelle et d'affirmer le droit à la ville des populations homosexuelles, le quartier gay, à la fois produit et producteur d'une sociabilité gay spécifique, renforce, par le biais de la gentrification et de la normalisation, la ségrégation des pratiques affectives et des expressions de soi pour les catégories populaires et le déplacement d'une culture de la drague plus égalitaire et inter-classe. De même, les hiérarchies à la fois socio-économiques et sexuelles ressurgissent opposant deux cultures homosexuelles, d'une part, et dominant les rapports de sexe d'autre part. L'espace de reconnaissance gay, référence sociale incontournable pour le jeune homosexuel, est traversé de différenciations sociales, qu'il reproduit en ne permettant que les pratiques jugées respectables ; en excluant les catégories les plus discriminées dans leurs milieux, celles qui, précisément, trouvent refuge dans une socialisation communautaire. En projetant une représentation du gay bien dans sa peau, aisé et fier de l'être, le quartier gay entérine le statu-quo et rend invisibles les conflits d'appropriation spatiale (le Marais) et sociale (l'identité homosexuelle).
Life stories show that for some homosexuals, the investment in the neighbourhood allows for symbolic compensation, a way of finding a place of one’s own, a degree of social recognition that compensates for the rejection experienced in their work or family environment, and the constraint of having to hide in other places. For others, the spatial experience is recounted in a distant mode, as though it were mere recreation, and appearance mattered more than being.
Les biographies des homosexuels mettent en évidence que, alors que pour certains d'entre eux l'investissement dans le quartier donne lieu à un rétablissement symbolique, une manière de se faire une place, de trouver une reconnaissance sociale qui compense le rejet qu'ils vivent ou ont vécu dans leur milieu familial ou professionnel et la contrainte de dissimuler dans d’autres espaces; pour d'autres, l'expérience spatiale se fait sur un mode distancié et récréatif, où il importe plus de paraître que d'être.
The possibility of mobilizing the gay milieu as a resource is shrinking for those who do not have the competences to access this place of gay sociability, while those who are accepted as they are by their family or colleagues have easier access and a more detached relation with it. For some, it is a crucial necessity, for others, it is a mere stage, a choice. Issues of accessibility and motility therefore deepen the injustices associated with being in the closet: some do not have the necessary means to leave their isolation and are obliged to remain within their assigned place. Paradoxically, aggregation, in the long run, leads to segregation. It ratifies an unfair situation (the need to hide) and doesn’t challenge the city’s inability to accommodate diversity.
La possibilité de mobiliser le milieu gay comme ressource est de plus en plus réduite pour ceux qui ne disposent pas des compétences pour accéder à l'espace de sociabilité gay, alors que ceux qui font l'expérience d'une meilleure acceptation dans leur milieu familial et/ou professionnel s'en détachent et y accèdent avec plus de flexibilité. Pour les uns, il s'agit d'un destin nécessaire; pour les autres, c'est une étape, un choix. L'enjeu en termes d'accessibilité et de motilité peut ainsi dédoubler l'expérience injuste du placard : à défaut des ressources nécessaires pour rompre l'isolement, certains sont contraints de se tenir à la place qui leur est accordée. Paradoxalement, l'agrégation favorise, à terme, la ségrégation. En entérinant un état de fait injuste –la contrainte de se cacher–, elle cesse de remettre en cause l'incapacité de la ville à intégrer la diversité.
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Renaud Boivin, Université Paris-Est Marne-La-Vallée / Lab’Urba
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Renaud Boivin, “Aggregation and segregation: gays in the Paris urban area”, [«Entre agrégation et ségrégation, les gays en région francilienne»], justice spatiale | spatial justice | n° 03 mars | march 2011 | http://www.jssj.org/
Pour citer cet article
Renaud Boivin, «Entre agrégation et ségrégation, les gays en région francilienne», [“Aggregation and segregation: gays in the Paris urban area”], justice spatiale | spatial justice | n° 03 mars | march 2011 | http://www.jssj.org/
[NOTES]
[1] Le terme gay a une histoire: en France, il commence à s'utiliser dans le contexte de renversement positif du stigmate, dans le cadre du travail sémantique du mouvement homosexuel qui cherchait à rompre les dichotomies traditionnelles (passif/actif). Il est lié à une culture homosexuelle de classe moyenne (Pollak, 1982). Nous désignons avec le terme homosexuel les hommes ayant des rapports entre eux, sans qu'ils participent nécessairement d'une sociabilité gay.
[2] Twelve interviews, averaging more than three hours, were carried out. Respondents were recruited from various places in the Marais, and answered questions about their residential and professional experiences, their love lives and relation to the neighbourhood.
[2] Douze entretiens d'une durée moyenne de 188 minutes ont été réalisé. Les répondants, recrutés dans divers lieux de sociabilité gay du Marais, furent interrogés sur leurs trajectoires résidentielle, professionnelle, affective et leur rapport au quartier.
[3] I refer to Abel’s definition (1995), as quoted in Pattarroni (2009, 286) : « The cité is the city as institution of space and the political and social distribution of « places », locations, roles. And this distribution has to be justified by a principle of allocation of space, which both gives a rule for community space, and a rule of differentiation accepted by subjects ».
[3] Nous reprenons ici la définition d'Abel (1995), que cite Pattarroni (2009, 286) : « La cité c'est la ville comme institution de l'espace et distribution sociale et politique des « places », des emplacements, des rôles. Et il faut bien justifier cette distribution par un principe de répartition de l'espace, qui donne à la fois une règle de communauté de l'espace, et une règle de différentiation acceptée par les sujets. »
[4] The Marais is located in part of the 3rd and 4th arrondissements, in central Paris.
[4] Le Marais se situe sur une partie des 3e et 4e arrondissements, en plein cœur Paris.
[5] I can only outline very briefly the complex change in homosexual discourse between 1970 and 1985. The group Arcadie (1953-1982) promoted a discrete and respectable image of homosexuals (rejecting more effeminate, subversive, images of the ostentatious queen) which was challenged as early as the 1970s with the creation of the Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire (Homosexual Front of Revolutionary Liberation), and new mores (Jackson, 2006). The FHAR was dissolved in 1974 and the Groupe de Libération Révolutionnaire took over, then the Comité d’urgence anti-répression homosexuelle (CUARH, 1979-1987), which carried a more communitarian discourse during the move away from political action in the early 80s (Marchant, 2005).
[5] Je ne peux que résumer la complexité de la transition du discours homosexuel entre 1970 et 1985. Notons que le groupe homophile Arcadie (1953-1982) projette une image discrète et respectable de l'homosexuel (rejet de l'efféminement, des folles, de l'exposition publique) et passe par une première crise interne au début des années 70 (création du Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire). Sa conception se trouve chaque fois plus dépassée par les nouvelles mœurs (Jackson, 2006). L'action du Groupe de Libération Révolutionnaire (créé lors de la dissolution du FHAR, en 1974) puis du Comité d'urgence anti-répression homosexuelle (CUARH, 1979-1987) se fait plus communautaire pendant la dépolitisation du début des années 80 (Marchant, 2005).
[6] See depictions quoted by Martel (2001, 118-136)
[6] Voir à ce sujet, les descriptions citées par Martel (2001, 118-136)
[7] I refer here to recognition in another (identification) and by others (acceptance and respect). According to Honneth (2000), all social relations imply a quest for recognition: its denial, and social contempt, are fundamental in the experience of injustice. Nancy Fraser (2005) has shown that struggles for recognition of cultural difference have gained over class struggle and the quest for redistributive justice.
[7] J'entends ici la reconnaissance dans autrui (identification) et par autrui (acceptation et respect). Honneth (2000) indique que tous nos rapports sociaux sont traversés par une recherche de reconnaissance ; son déni et le mépris social étant donc au cœur de l'expérience de l'injustice. Enfin, Nancy Fraser (2005) insiste sur le fait que les luttes pour la reconnaissance de la différence culturelle se sont substituées à celles des intérêts de classes et redistribution.
[8] In the double sense of becoming more banal in relation to heterosexual majority, and gay normativity, in reference to a number of behaviours, lifestyles and fashions (translator note: this seems very close to what has been described by Lisa Duggan, in English, as homonormativity).
[8] Elle prend le double sens de banalisation en rapport à la majorité hétérosexuelle et de normativité gay, en référence à une série de conduites, styles de vie et modes.
[9] Têtu, which started appearing in 1995, is one of France’s best known magazines aimed at the gay readership (translator’s note).
[9] La normalisation et le couple vont de pair : « Le couple homosexuel constitue aujourd'hui un facteur d'intégration sociale lorsqu'il est perçu par l'entourage comme « conforme » au modèle du couple hétérosexuel. » explique en effet Adam (1999, 60).
[10] Normalization and couples go hand in hand: « The homosexual couple functions as a factor of social integration when it is perceived by others as « conform » to the model of the heterosexual couple », says Adam (1999, 60).
[10] Celle-ci se réfère à des pratiques de drague liées à l'anonymat des espaces publics, le sexe inter-racial/classe, et des imaginaires du sordide et de la transgression (Cf. Marchant, 2005). L'expression a été utilisée par Hocquenghem, militant du FHAR, dans les années 70, en rapport à « l'errance dans la drague qui faisait de l’homosexuel un court-circuit vagabond entre classes sociales. » (cité par Marchant, 2005, 95)
[11] Translator’s note: the area around the rue Sainte-Anne referred to above as the earlier concentration of gay bars.
[11] L'analyse des données des inscrits d'un site de rencontres (travail en cours de rédaction), confirment ces résultats : aux arrondissements cités s'ajouterait le 1er, où vivent les plus jeunes actifs.
[12] The phrase refers to practices of cruising in anonymous public spaces, picking up people of another race or class, and to images of the sordid and transgression (see Marchant, 2005). It was used by Hocquenghem, a FHAR activist, in the 70s, about the « cruising vagrancy that made the homosexual a short-circuit in the class system » (quoted in Marchant, 2005, 95).
[12] Cette notion de Vincent Kaufmann (2007, 179) intègre les différentes mobilités (spatiale, sociale, professionnelle, résidentielle, quotidienne et migrations). La motilité est définie comme la « capacité d'un acteur à être mobile, spatialement ou virtuellement. » et dépend du contexte, de l'accessibilité, des compétences de l'acteur mobile et de l'appropriation.
[13] Translator’s note: the Pacte Civil de Solidarité, or PACS, is a form of civil union (created in 1999) which concerns either same-sex or opposite sex couples (with the former a small minority).
[13] Thévenot analyse comment s'opèrent les ajustements que l'individu est amené à exécuter pour coordonner son action. Il cherche ainsi à dépasser la sociologie de la distinction de Bourdieu. Sa sociologie pragmatique se prête à l'étude de la justice spatiale puisqu'elle inclut le geste particulier dans la mise en commun ou coordination, notion qui insiste sur la saisie de l'environnement par l'acteur, et qui concerne directement son rapport à lui-même : « Le rapport à l'environnement est déterminant pour appréhender une conduite, pour guider la sienne propre à partir d'une certaine saisie d'éléments pertinents de la situation, et pour s'assurer celle d'autrui. » (Thévenot, 2006, 13).
[14] The analysis of data on people registered with a dating site that I am currently carrying out confirms this, with the 1st arrondissement, where many young workers live, added to the list.
[14] J'emprunte l'expression à Brawley (2009). L'idée du régime d'engagement familier de Thévenot est ici très présente.
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