Le Sahara est redevenu central sur la scène géopolitique internationale en raison notamment de l’instabilité due aux révoltes armées, aux prises d’otages de réseaux islamistes considérés comme terroristes (AQMI)[1], au banditisme, à la contrebande et, ajoute-t-on souvent, aux migrations internationales transsahariennes devenues clandestines. Le contrôle des flux et le renforcement de l’encadrement territorial apparaissent aujourd’hui comme une priorité pour les Etats saharo-sahéliens, mais aussi pour la communauté internationale, notamment les Etats-Unis, la Chine, l’Union européenne, etc. Les questions de sécurité internationale se doublent d’intérêts géostratégiques majeurs liés à la prospection et à l’exploitation des richesses minières sahariennes (uranium, pétrole, gaz, charbon, or, étain, phosphate, etc.). Ainsi, d’aucuns évoquent aujourd’hui une ruée (scramble[2]) sur les ressources naturelles sahariennes. En outre, les sécheresses et le processus de désertification, les crises alimentaires et les tensions politiques ont renforcé la compétition entre acteurs individuels et collectifs pour l’appropriation foncière. La pression pour la clôture des espaces sahariens s’opère donc à toutes les échelles.
The Sahara has once again become a central issue on the international geopolitical scene, especially because of the instability due to armed revolts, kidnappings by Islamist networks considered to be terrorist networks (AQIM)[1], crime, contraband and, some would add, international trans-Saharan migrations that have increasingly become clandestine. The control of migratory flows and the strengthening of territorial management today appear to be a priority for the Saharo-Sahelian States, but also for the international community, especially the USA, China, the European Union, etc. These international security issues are coupled with important geo-strategic interests linked to the prospecting and mining of the Sahara’s mineral wealth (uranium, oil, gas, coal, gold, tin, phosphate, etc.). That is why there is so much talk about the current scramble[2] for the Sahara’s natural resources. In addition, droughts and the desertification process, food crises and political tensions have increased competition between individual and collective actors for the appropriation of land. Pressure for enclosing several areas of the Sahara is being felt at all levels.
Cette étude a pour objectif principal de mettre en lumière les enjeux et les conflits, aussi bien à l’échelle globale que locale, qui se jouent autour de l’accès ou de l’appropriation des ressources naturelles. Il s’agit aussi d’en appréhender les effets sur les conditions d’existence et les transformations actuelles du nomadisme pastoral. Le terrain retenu est celui du Sahara nigérien et plus particulièrement l’Aïr, vaste région désertique peuplée majoritairement par des Touaregs pasteurs, agro-pasteurs ou citadins, au Nord-Niger[3]. En outre, il comporte une dimension stratégique emblématique. Il s’agit d’une région riche en minerai d’uranium. S’ajoutant aux sites d’Arlit et Akokan (exploités depuis 1968 et 1974), Imouraren deviendra à partir de 2013-2014 la deuxième plus grande mine d’uranium au monde, exploitée par une filiale d’Areva ; une société chinoise débute non loin de là l’exploitation du site uranifère d’Azélik.
The main purpose of this study is to highlight the issues and disputes involved, both at the international and the local level, based on access to natural resources or their appropriation. The study shall also attempt to understand the effects of these trends on living conditions and the changes taking place in pastoral nomadism. The area of study is that of Niger’s Sahara, especially Aïr – a vast, desert region with a pastoral, agro-pastoral or city-dwelling Tuareg majority, in Northern Niger[3]. Moreover, it has an emblematic strategic dimension. This is a region that is very rich in uranium ore. In addition to the sites of Arlit and Akokan (mined since 1968 and 1974), as of 2013-2014, Imouraren will become the world’s second biggest uranium mine, mined by a subsidiary of Areva. Nearby, a Chinese company is starting to mine for uranium in Azélik.
Après avoir examiné la spatialité propre au pastoralisme nomade touareg et ses transformations actuelles, nous traiterons des tensions locales, liées à la concurrence pour l’accès aux pâturages ou à l’eau, qui conduisent bien souvent à des formes de privatisation des ressources et de sédentarisation partielle ou totale. Nous examinerons ensuite cette dynamique actuelle à la lumière des enjeux nationaux (les politiques de sécurisation du pastoralisme et le processus de décentralisation en cours). Nous replacerons enfin l’ensemble dans le cadre des pressions internationales autour de la question de l’exploitation des richesses naturelles souterraines (hydrocarbures, minerais et aquifères).
This paper will first consider the spatial dimensions of Tuareg nomadic pastoralism and the changes it is going through currently, as well as local tensions related to the competition for access to pastoral land or water, which often leads to forms of resource privatization and partial or total sedentarization. We will then look at the current dynamic in the light of national issues (pastoralism securing policies and the decentralization process underway). Finally, all this will be set against the framework of international pressure related to the issue of mining the region’s natural underground wealth (hydrocarbons, ores and aquifers).
Ce sont en définitive les effets de l’inscription de logiques territorialisatrices dans l’espace nomade que questionne cet article. Car, au regard des conditions d’existence du pastoralisme nomade, tout processus de territorialisation relève d’enjeux de pouvoir produisant de l’injustice spatiale ; qui plus est lorsque ces enjeux de pouvoir ne sont pas considérés comme tels mais agissent de façon souterraine dans des conflits dont l’enjeu semble autre. Sous couvert d’adaptation à la désertification, de stabilisation et de sécurisation foncières, les conditions d’une ouverture de l’espace sont rendues impossibles.
This article questions the effects of the introduction of the territorialization logic within a nomadic area. In the light of living conditions under nomadic pastoralism, all territorialization processes bring power games into play, leading to spatial injustice. Issues of power are often not seen as such, as they often remain implicit and hidden in conflicts that seem caused by other issues. Under cover of adaptation to desertification, stabilisation and securing the land, it is becoming impossible to maintain the openness of space.
1- Les effets sur le nomadisme des nouvelles formes de gouvernance territorialisée
1- Effects of new forms of territorialized governance on nomadism
L’exploitation pastorale des ressources naturelles par les Touaregs nomades et semi-nomades.
Pastoral use of natural resources by nomadic and semi-nomadic Tuaregs
Les pasteurs nomades ou transhumants constituent toujours une part importante de la population touarègue nigérienne. Le mode d’élevage basé sur la mobilité du troupeau permet de valoriser les maigres ressources fourragères. Il consiste en un ensemble de déplacements pastoraux flexibles, répondant au caractère aléatoire des ressources en eau et en pâturages. Dans ces régions désertiques, l’activité pastorale nécessite une grande mobilité du cheptel sur de vastes espaces, qui seule permet de s’adapter, par des mouvements réguliers et saisonniers, à la variabilité dans l’espace et dans le temps des ressources fourragères. Pour les années « normales », ces migrations se font de manière ordonnée, selon un calendrier et des itinéraires stables. Les migrations pastorales obéissent ainsi à un cycle annuel. Il est généralement distingué deux types de mouvements, au cours de la courte saison des pluies et au cours de la longue saison sèche. Si lors de la saison des pluies, la gestion pastorale obéit aux principes d’une utilisation/occupation éphémère des lieux, la saison sèche contraint progressivement les campements à observer une relative stabilité autour des rares points d’eau qui subsistent. Chaque unité domestique de nomadisation[4] s’approprie par l’usage un certain nombre de vallées (ou de portion(s) de vallée(s)) au sein desquelles elle se stabilise pour passer la période la plus difficile de l’année, la saison sèche chaude (awélan). Ce n'est qu'en cas de conflits ou de sécheresse que les nomades quittent leurs itinéraires ou changent de pâturages et de points d'eau.
Nomadic or seasonally transhumant pastoralists still constitute a large part of Niger’s Tuareg population. The traditional cattle-raising method, based on the mobility and seasonal migration of livestock, makes it possible for them to make the best use of meagre fodder resources. The system involves a series of flexible pastoral migrations, in response to the unpredictable nature of water and pasture resources. In these barren lands, pastoral activities call for the mobility of livestock over vast areas – the only way of adapting to the variability of fodder resources in space and time, through regular and seasonal movements or migration. In « normal » years, such migrations are carried out in an orderly fashion, according to a stable schedule and itinerary. Pastoral migrations therefore follow an annual cycle. Two types of movements can generally be distinguished: during the short rainy season and during the long dry season. Whereas during the rainy season, pastoral management is in line with the principles of the temporary use/occupation of land, the dry season gradually forces herdsmen to set up camps around the few remaining water points for a relatively stable period. Each nomadic domestic unit[4] appropriates for its use a certain number of valleys (or valley sections) within which it settles for the most difficult period of the year – the hot, dry season (awélan). It is only in case of drought-related disputes that nomads change their itineraries, pastures or water points.
Le point d’eau constitue l’élément fondamental pour l’exercice des activités pastorales. Il est d’usage public, mais il existe des droits d’accès prioritaires favorisant celui qui a fourni la main d’œuvre pour le forage et qui l’exploite régulièrement, notamment en saison sèche. Pour les groupes de passage, l’abreuvement est autorisé, mais il est de plus en plus soumis à une redevance en nature ou en espèces. En outre apparaissent aussi des puits que l’on appelle généralement dans l’Eghazer « puits-boutique ». L’objectif est d'accaparer ou de construire un puits dans un espace pastoral que l’on s’approprie par ce geste. Le propriétaire fait construire une petite « maison » en banco (adobe) à côté du puits, qui est transformée en boutique (kanti) vendant des produits alimentaires (mil, riz, semoule de blé, sucre, thé, etc.) ou manufacturés (tissus, piles, sandales, etc.). On parle alors du puits d’un tel (anu n mandam). D’autres pasteurs s’installeront sur les lieux : ce processus aboutit à la fixation du campement autour du puits et à sa transformation en « village », qui cherchera à se faire reconnaître comme tel par l’administration grâce à l’appui d’une personnalité politique. En retour, les villageois seront considérés comme clients et protégés de cette dernière, et les votes lui seront acquis.
Watering places are fundamental for the existence of pastoral activities. They are for public use, but priority access rights exist, favouring those who provided the labour for drilling and therefore use them regularly, especially during the dry season. Transient groups are allowed to water their animals there, but the practice is increasingly subject to the payment of charges in cash or kind. Moreover, small wells, generally called « well shops » in Eghazer, have also started appearing. The objective is to corner or build a well in a pastoral area, which is therefore appropriated by virtue of doing so. The owner then builds a small, adobe « house » next to the well, which is gradually transformed into a shop (kanti) selling food products (millet, rice, wheat semolina, sugar, tea, etc.) or manufactured goods (cloth, batteries, sandals, etc.). Then people refer to so-and-so’s well (anu n mandam). Other herdsmen settle down there itself, and this process slowly leads to the permanent establishment of a camp around the well and its transformation into a « village », which then tries to gain recognition as such by the administration, through political support. In return, the villagers are considered by politicians to be their “clients » and are protected by them, while the politicians gain votes in exchange.
Cette privatisation des points d’eau, allant ainsi de pair avec une fixation partielle des pasteurs, comporte un autre aspect nouveau, inversant les rapports de primauté entre l’accès à l’eau et aux pâturages. B. Thébaud (1990) a énoncé trois principes de base nécessaires à l’équilibre de l’économie pastorale : l’existence d’un lien indissociable entre l’eau et les pâturages, la relation directe entre la capacité d’abreuvement d’un point d’eau et le rythme de consommation du pâturage environnant et le troisième principe fait intervenir l’homme et son travail. Aujourd’hui, ces trois principes ont pu être contournés par les grands éleveurs. L’emploi de citernes pour abreuver les bêtes permet ainsi d’exploiter les pâturages sans points d’eau toute l’année. Mais les grands éleveurs, commerçants et citadins investissant dans le bétail, sont aussi très souvent à l’origine du fonçage de nouveaux puits. Cela leur permet d’obtenir de facto des droits d’usage prioritaire sur les pâturages alentour, qu’ils n’auraient pu obtenir autrement. Tout fonçage implique un droit officieux sur les pâturages alentour puisque l’administration interdit la création de tout autre puits dans un rayon de 10-15 km d’un puits existant et exige de 20 à 30 km entre les forages. Or ce maillage est de moins en moins respecté. Les pasteurs voient d’un mauvais œil la fondation d’un nouveau point d’eau qui déstabilise la gestion sociale des pâturages. Mais le nombre de puits et de forages s’est accru grâce à l’appui financier et technique des projets de développement et aux autorisations accordées complaisamment par l’administration. Bref, la relation entre l’eau disponible et la capacité de charge des pâturages est mise à mal. Avec la multiplication des forages et des puits, l’accès à l’eau ne pose plus les mêmes difficultés. Ce qui prévaut, ce n’est donc plus directement le point d’eau qui permettait l’exploitation de pâturages alentour, mais l’appropriation voire la privatisation des pâturages. Creuser un puits empêche le fonçage d’un autre par un individu ou un groupe concurrent et permet de réserver l’accès prioritaire ou exclusif aux pâturages. Le contrôle des puits et la sédentarisation sont donc devenus essentiellement un outil d’appropriation des pâturages, inversant les rapports de primauté entre l’eau et les pâturages.
This privatization of watering holes, which therefore goes hand-in-hand with the partial settlement of herdsmen, also includes a new feature, reversing the relationship of primacy between access to water and pastures. B. Thébaud (1990) has stated three fundamental principles necessary for the pastoral economy’s equilibrium: « the existence of an indissociable link between water and pastures, the direct relationship between a water point’s watering capacity and the pace of consumption of the surrounding pasture land, and the third principle introduces man and his work ». However, major cattle farmers have been able to side-step these three principles. The use of tanks to water the animals allows them to use pastures that have no water points throughout the year. Big livestock owners, traders and city-dwellers who invest in cattle are also very often responsible for drilling new wells. This enables them to obtain de facto priority usage rights on the surrounding pasture land, which they would not otherwise have been able to obtain. Any drilling means unofficial rights over the surrounding pasture land, since the authorities forbid the drilling of a well within a 10-15 km radius of another and require a distance of 20-30 km between deep wells. However, this rule is less and less complied with. Herdsmen view the establishment of a new water point negatively as it destabilizes the social management of pasture land. But the number of wells has grown along with fresh drilling, thanks to financial and technical support from development projects and to the authorisations obligingly granted by the administration. In short, the relationship between available water and the bearing capacity of pastures is being damaged. With the mushrooming of drilling work and wells, access to water no longer causes the same problems. What is happening is that instead of using water points to directly enable the use of the surrounding pastures as was the case in the past, what happens now is the appropriation or even privatization of pasture land. Drilling a well prevents competing individuals or groups from drilling another one in the same area, thereby making it possible to reserve priority or exclusive access to pasture land. Control over wells and sedentarization have therefore essentially become a tool for the appropriation of pastures, reversing the relationship between water and pastures.
Certains grands éleveurs sont allés jusqu’à clôturer leurs pâturages dans l’Azawagh et dans l’Eghazer, faisant apparaître les barbelés dans le paysage saharien. Le droit d’accès dans cet espace clôturé reste exclusivement réservé au propriétaire. Les grands éleveurs ouvrent leurs ranchs à leurs troupeaux une fois seulement que les pâturages naturels accessibles à tous sont dégradés. Les opérateurs en question, au motif de créer des ranchs, ont occupé des superficies importantes qu’ils tentent aujourd’hui de légitimer en faisant établir des concessions rurales individuelles ou communautaires à travers les structures associatives pastorales et les commissions foncières. Cette dynamique locale et interne est largement redevable de pressions externes, liées aux effets de nouvelles formes de gouvernance territorialisée.
Some large cattle farmers have gone as far as to enclose their grazing land in Azawagh and Eghazer, raising barbed-wire fences in the midst of the Sahara. The right to access in such enclosed spaces remains exclusively reserved for their owners. Large livestock owners open their ranches to their herds only once the accessible natural pastures open to all have deteriorated. On the grounds of ranch creation, they have occupied large areas that they are now trying to have recognized -through associative pastoral bodies and land commissions. This local and internal dynamic is largely the result of external pressures, related to the effects of the implementation of new forms of territorialized governance.
Quand sécuriser le pastoralisme, c’est faire disparaître le nomadisme
When securing pastoralism means putting an end to nomadism
L’espace saharien est progressivement clôturé, morcelé, privatisé et/ou sanctuarisé. On assiste ainsi à la remontée vers le nord des cultures sous pluies dans l’Azawagh et le Damergou[5] ; au développement du jardinage irrigué prés des kori (oueds) de l’Aïr ; à la constitution de périmètres irrigués pour l’exploitation des aquifères fossiles de l’Eghazer[6] ; à la multiplication des ranchs, des réserves de chasse privées mais aussi des aires protégées[7] ; enfin à la distribution à tout-va de permis de prospection et à l’octroi de zones d’extraction minière (pétrole, charbon, phosphate, métaux précieux, sel et surtout uranium), au cours des mandats présidentiels du président déchu, Mamadou Tandja, renversé par un coup d’Etat le 18 février 2010 (E. Grégoire, 2010). Face aux pressions sur les ressources naturelles, l’Etat, les institutions internationales et les ONG ont mis en place une politique visant à sécuriser le pastoralisme.
The Saharan region is gradually becoming enclosed, divided, privatised and/or « sanctuarized ». It is therefore witnessing the northward movement of rain-fed crops, towards Azawagh and Damergou[5]; the development of irrigated gardening close to the kori (wadis) in Aïr; the establishment of irrigated perimeters so as to use the fossil aquifers of Eghazer[6]; the mushrooming of ranches, private hunting grounds but also protected areas[7]; and finally, the random distribution of prospecting permits and granting of mining concessions (oil, coal, phosphate, precious metals, salt and, above all, uranium), during the terms in office of the former President, Mamadou Tandja, who was deposed by a coup d’état on 18 February 2010 (E. Grégoire, 2010). Given the pressure on natural resources, the State, international institutions and NGOs have instituted a policy aimed at safeguarding pastoralism.
On n’en est plus aujourd’hui à la législation héritée de l’époque coloniale qui considérait l’espace pastoral comme constitué de « terres vacantes et sans maîtres », appartenant à l’Etat, et donc déclarées d’accès libre (R. Hammel, 2001). La reconnaissance de la gestion spécifique des pasteurs sur leurs terrains de parcours (et des droits qui vont avec) semble de plus en plus envisageable au Niger. Mais l’inscription de la logique des droits d’usage nomade est autant un casse-tête juridique qu’un enjeu politique et économique. Un code rural a été adopté en 1993 pour faire face à la pression croissante sur les ressources naturelles et à la compétition (entre pasteurs d’une part et entre agriculteurs et pasteurs d’autre part) qui ont favorisé la multiplication de conflits fonciers, parfois violents, notamment au Sud-Niger. Le code rural a permis aux agriculteurs d’obtenir un titre foncier, tout en garantissant aux éleveurs l’accès aux ressources en eau (les puits et les mares) et à des aires de pâturage (les enclaves pastorales comme les forêts classées, les champs après récolte). Les parcours entre les zones pastorales ont été facilités par des couloirs de transhumance, parfois balisés par les projets, avec des aires de transit et de repos.
The laws inherited from the colonial era, that described pastoral space as consisting of « vacant, owner-less land » belonging to the State and, therefore, free of access (R. Hammel, 2001), are no longer valid. The recognition of the specific management by herdsmen of the lands they pass through (and of associated rights) seems increasingly likely in Niger. But nomadic rights of use are as much of a legal headache as they are a political and economic issue. A rural code was adopted in 1993 as a result of growing pressure on natural resources and increasing competition (between herdsmen on the one hand, and between farmers and herdsmen on the other), which caused the multiplication of occasionally violent land disputes, especially in Southern Niger. The rural code enabled farmers to obtain a title to their land, while guaranteeing herdsmen access to water resources (wells and ponds) and to pasture land (pastoral enclaves such as classified forests, fields post-harvest, etc.). Moving in different pastoral areas was facilitated by seasonal migration corridors, sometimes marked out by projects, with transit and rest areas along the way.
Mais, de fait, les pasteurs ont été défavorisés. N’ayant eux-mêmes aucun droit exclusif sur leurs terrains de parcours, ils n’ont donc aucun recours face à l’accaparement de terrains autrefois ouverts mais réservés de fait au pastoralisme. La reconnaissance de « terroirs d’attache » aux pasteurs, par décret en 1997, a permis de remédier en partie à ces iniquités même si l’adoption d’un code pastoral a été plusieurs fois reportée. Le terroir d’attache est défini comme une « unité territoriale » propre aux pasteurs sur laquelle ils ont « un pouvoir d’occupation, de jouissance et de gestion ». Même si cette notion est une avancée dans la reconnaissance de droits des nomades, ce pouvoir ainsi défini reste virtuel et n’empêche nullement d’autres usages que l’élevage. Les droits d’usage prioritaire des pasteurs n’ont ainsi pas été déterminés précisément et l’activité pastorale n’a pas été reconnue comme une « mise en valeur ». En pratique, les nomades sont toujours démunis face à l’appropriation privative de leurs terrains de parcours.
However, pastoralists were disadvantaged. As they themselves did not enjoy exclusive rights to the land along their migratory routes, they did not have any recourse when the land that was previously open – though reserved de facto for pastoralism – was taken over. The recognition by a 1997 decree of « terroirs d’attache » or « home grazing territory » for pastoralists partly helped remedy this iniquity, although the adoption of a pastoral legal code was postponed several times. A “home grazing territory” is defined as a « territorial unit » belonging to herdsmen, which they have « the power to occupy, use and manage ». Although this notion does represent progress in the acknowledgement of nomadic rights, the « power » thus defined remains virtual and in no way prevents uses other than cattle-breeding. Herdsmen’s priority rights of use have not been determined precisely and pastoral activities have not been recognized as « adding value ». In practice, nomads have no recourse against the private appropriation of the land along their migratory corridors.
Permettant l’accaparement des ressources pastorales par d’autres activités, les textes ne garantissent aucunement l’appropriation collective des ressources pastorales contre elles. Mais alors le problème semble insoluble : comment en effet sécuriser les pratiques pastorales face aux pressions foncières externes tout en évitant des appropriations territoriales exclusives, qui figent le pastoralisme et vont à l’encontre du nomadisme ? La contradiction est manifeste. Certes, l’objectif majeur affiché par les bailleurs de fonds internationaux (la Banque mondiale notamment), l’Etat nigérien et les programmes de développement est la sécurisation foncière des pasteurs, non pas le maintien des conditions du pastoralisme mobile et fluide traditionnel. De fait, les politiques foncières ont provoqué des effets contre-productifs par rapport à leurs objectifs d’accroissement de la production pastorale[8]. Ainsi, en zone pastorale et surtout agro-pastorale, d’autres études que la nôtre ont montré que cette dynamique d’appropriation privative des puits et des pâturages contribue à une sédentarisation ou du moins à une fixation accrue des pasteurs (R. Hammel, 2001 ; H. Beidou et S. Yacouba, 2005, T. Hilhorst, 2008). Cela tend aussi à figer les capacités des nomades à surmonter les périodes de sécheresse, en rendant difficile leur seule stratégie de survie, celle de l’extrême mobilité. Face aux pressions externes, les pasteurs n’ont ainsi d’autres choix que de se fixer, non plus saisonnièrement mais à l’année pour au moins une partie du groupe. Ils se transforment en agro-pasteurs transhumants ou en bergers salariés pour des propriétaires citadins (P. Colin de Verdière, 1995). On s’aperçoit qu’il s’agit d’un repli quasi inéluctable du pastoralisme nomade. Car pour garantir leur prise sur leur milieu de vie, tout se passe comme si les pasteurs n’avaient pas d’autres choix que d’adopter la logique territoriale, qui paraît pourtant la compromettre.
By allowing pastoral resources to be taken over by other activities, the legislation offers no guarantees to collective appropriation. But how can pastoral practices really be secured, given the external pressure on land, while avoiding exclusive territorial appropriations, that would imply settling and go against nomadism? The contradiction is obvious. It is true that the main objective stated by international funding agencies (the World Bank, in particular), Niger’s government and development programmes is to secure pastoral land and not to maintain the conditions of traditional, mobile and fluid pastoralism. In fact, land policies have resulted in counter-productive effects in terms of growth in pastoral production[8]. Hence, in pastoral and, especially, agro-pastoral areas, studies other than ours have shown that the dynamic of the private appropriation of wells and pastures contributes to the sedentarization or, at least, the increased settlement of herdsmen (R. Hammel, 2001; H. Beidou and S. Yacouba, 2005, T. Hilhorst, 2008). This also tends to limit the ability of nomads to overcome periods of drought, by making their sole survival strategy – that of extreme mobility – difficult, if not impossible. Faced with such external pressures, herdsmen therefore have no choice but to settle down, no longer solely on a seasonal basis, but for the entire year – at least, in the case of a section of this group. They become transhumant or wage-earning herdsmen for city-dwelling owners (P. Colin de Verdière, 1995). What is happening is an almost inevitable retreat of nomadic pastoralism, for in order to guarantee their control on their living environment, herdsmen have no option but to adopt a territorial logic – although it does seem to compromize their existence.
Décentralisation et/ou nomadisme ?
Decentralization and/or nomadism?
L’impératif territorial (D. Retaillé, 1996) se généralise aussi et surtout à travers la politique de décentralisation en cours au Niger[9]. Il a été opéré une communalisation intégrale du territoire nigérien. Mais comment administrer dans les limites du niveau communal des nomades, des transhumants et des agro-pasteurs caravaniers, qui vivent la majeure partie de l’année en dehors des limites de cette même commune ? Outre les perspectives de conflits locaux, la fixation de limites communales, d’ailleurs remise à plus tard, peut aller à l’encontre de la mobilité des hommes et de la fluidité des activités économiques (pas uniquement pastorales). Par exemple, les ressources financières des communes étant insuffisantes, certains maires de l’Aïr ont décidé de taxer la circulation, avant de faire machine arrière à cause des mécontentements, les camions des coopératives et les véhicules privés ont dû s’acquitter d’une taxe d’entrée et sortie de la commune. Les caravanes ont été logées à la même enseigne. Plus au sud, ce sont les transhumances qui ont été fiscalisées. Avec la décentralisation (et la monétarisation de l’accès à l’eau des puits), plus on est mobile, plus on risque d’être pénalisé financièrement. L’imposition de limites en contexte environnemental fragile se fait toujours en défaveur du plus mobile.
The territorial imperative (D. Retaillé, 1996) is also gaining as a result of the decentralization policy underway in Niger[9]. The whole of Niger’s territory has been divided into « communes« . But how can nomads, seasonal migrants and transhumant breeders, who live a part of the year outside their « commune » of origin, be managed outside the commune‘s limits? Apart from prospects of local disputes, the establishment of commune borders, which has been postponed, may work against people’s mobility and the fluid flow of economic (and not only pastoral) activities. For instance, as the communes have insufficient financial resources, some mayors in the Aïr region decided to tax the movement of goods and traffic, but had to recant owing to massive discontent. Trucks belonging to cooperatives and private vehicles had to pay an entry and exit tax in every commune they went through, as did caravans. Further South, seasonal migrants were taxed. With decentralization (and the monetization of access to well water), the more mobile one is, the more likely one is to be charged. Setting borders in a fragile environmental context always takes place to the disadvantage of the most mobile groups.
Face à ces entraves à la mobilité et à la fluidité, pourtant au fondement du système pastoral surtout en période de sécheresse, les experts avertis (par exemple A. Marty et A. Mohamadou, 2005) préconisent de faire jouer le consensus, de ne pas imposer de force et trop rapidement une limite communale. De plus, la souplesse de limites multiples, infra ou supra-communales, est préférable à la rigidité d’une seule limite et d’un seul niveau de gestion. A l’échelle la plus grande, les autorités centrales recommandent aux commissions foncières la constitution de documents d’urbanisme et de planification pour la gestion des ressources naturelles et l’extension du bâti. Elles ont aussi pour objectif la délimitation plus précise des limites communales[10]. D’autre part, l’intercommunalité, qui est rendue possible sans être précisément définie par les textes, pourrait permettre d’encadrer les mobilités, sans les limiter, et de renouveler l’approche des complémentarités entre les zones pastorales et les zones agricoles au Sud Niger. Enfin, l’Etat et les bailleurs de fonds prônent un découpage interne à la commune. Ainsi, selon le guide d’élaboration des Plans de Développement Communaux[11], ce sous-zonage constituerait « la base de réussite (…) indispensable pour assurer l’opérationnalité de l’approche ». Elles seraient « bien adaptées au contexte socio-institutionnel de la zone et permettent la différentiation spatiale des activités planifiées en fonction des potentialités et contraintes rencontrées »[12]. Ce découpage sert de cadre territorial à un inventaire des ressources naturelles et à un état des lieux détaillé des infrastructures et des services de la commune. Il sert aussi à élaborer une planification communale : dans le village-centre de chaque sous-zone est établi un « Programme d’Investissement Pluriannuel », à partir d’un « diagnostic participatif communautaire ». Tout en opérant le transfert vers le Niger de normes de gestion et d’action liées au modèle français (décentralisation, cadastre, planification, etc.), on pense déjà aux effets pervers potentiels, tels qu’ils ont été envisagés encore une fois en France. La solution retenue est identique : la complexité territoriale, c’est-à-dire la multiplicité des échelles de concertation, de décision et d’action territorialisées.
Given these hindrances to mobility and fluidity, the very foundation of pastoral systems, particularly during droughts, informed experts (for instance, A. Marty and A. Mohamadou, 2005) recommend basing such decisions on consensus and avoiding to set commune borders forcibly or too quickly. Moreover, the flexibility of several borders – infra- or supra-communal borders – is preferable to the rigidity of a single border and a single managerial level. At the local level, the central government’s recommendation to land commissions is to constitute urban development and planning plans for the management of natural resources and the expansion of built-up areas. They should also aim at a more accurate demarcation of communal borders[10]. « Intercommunalité« ,the cooperation between several communes, is possible though not defined properly by legislation, but could help include and organize mobility without limiting it, and allow to rethink the complementarity between pastoral and agricultural areas in Southern Niger. Finally, the State and funding agencies are recommending the internal division of communes themselves. Thus, according to the guide on how to draft Commune Development Plans[11], this kind of zoning would constitute « the very basis for success, (…) indispensable for ensuring the operationality of the approach ». It should be « well-adapted to the socio-institutional context of the area and enable the spatial differentiation of planned activities, depending on the potentialities and constraints prevailing »[12]. This sub-division serves as a territorial framework for the inventory of natural resources and a detailed status report on each commune‘s infrastructure and services. It also helps prepare commune-level plans: in the central-village of each sub-zone, a « Programme d’Investissement Pluriannuel » or Multi-year Investment Programme is drawn up, on the basis of a participatory community diagnosis. With this transfer to Niger of management and action norms based on the French model (decentralization, land registry, planning, etc.), pernicious effects similar to those found in France are likely to occur: to deal with these, the choice has been made of territorial complexity, with multiple tiers of consultation, decision-making and territorialized action.
Mais n’est-ce pas l’insertion même de logiques territorialisées dans un espace fluide et ouvert qui crée des effets néfastes ? Autrement dit, la multiplication des échelles ne crée-t-elle pas elle-même les problèmes en y apportant des solutions qui ne peuvent être que partielles ? Si le diagnostic de fragilité et de marginalisation du pastoralisme est juste, le remède adopté (la sécurisation foncière, l’impératif territorial) ne fait qu’aggraver les symptômes. La décentralisation consiste alors, en prenant au sérieux ces dispositifs auto-justificateurs, à amplifier ou à créer des problèmes et simultanément les moyens de leur règlement. Créer de nouveaux problèmes permet de justifier la pertinence des solutions adoptées.
But in a way, it is the very imposition of a territorial logic in a fluid, open space that has a negative impact. It is also the multiciplication of scales that creates more problems than solutions. While the diagnosis of fragility andmarginalization of pastoralism is correct, the solution adopted (securing land, territorial imperatives) can only further aggravate the symptoms. Decentralization has therefore ended up magnifying or even creating problems along with means for their resolution, in a self-referential system: creating new problems justifies the relevance of the solutions adopted.
Ainsi, nous assistons au Niger à la reconfiguration des pouvoirs locaux et de la captation de la rente du développement par l’imposition de ces nouveaux principes de gouvernance territorialisée à différentes échelles. Même la reconnaissance partielle des droits d’usage des pasteurs sur les terroirs qu’ils exploitent une bonne partie de l’année, rendue nécessaire par les pressions sur les ressources naturelles, participe de la rigidification de la fluidité nomade. Sécuriser le pastoralisme, c’est aller souvent à l’encontre de ses capacités de mobilité et de flexibilité, c’est contribuer à le détruire.
Hence, in Niger, local authorities are being re-configured and development rent captured by imposing these new territorialized governance principles at different levels. Even a partial recognition of herdsmen’s rights to the use of pastures in their habitual areas for a good part of the year, made necessary by the pressure on natural resources, is playing a role in making nomadic circulations more rigid. Trying to safeguard pastoralism often means limiting its mobility and flexibility, which leads to its destruction.
Longtemps tenu sous cloche par le pouvoir colonial, puis l’Etat nigérien qui a hérité du principe d’une séparation franche entre nomades et sédentaires (A. Marty, 1999), le Nord-Niger est donc très mal préparé à entrer dans les logiques territoriales sédentaires. La logique de gestion de l’espace fondée sur le modèle du terroir villageois (« un terroir, un village »), est aujourd’hui étendue à celle de l’espace pastoral : après avoir créé le statut de terroir d’attache pour les pasteurs, les autorités encouragent désormais le « principe : un village, une aire de pâturage »[13]. La logique de la décentralisation et de la politique foncière perpétue le mythe de la superposition d’une unité villageoise et territoriale africaine close sur elle-même.
Long kept behind glass by the colonial administration and then the State of Niger, that inherited the principle of a clear separation between nomadic and sedentary populations (A. Marty, 1999), Northern Niger is therefore not well prepared to adopt sedentary territorial principles. The traditional principle for space management, that of village-based areas (« un terroir, un village« ), has been extended to include pastoral land. After having created the concept of specific « home » areas for herdsmen, the authorities are now encouraging the principle of « one village, one pasture area » (un village, une aire de pâturage)[13]. Decentralization and land management policy perpetuate the myth of the match between an African village and a territorial unit closed in on itself.
2- Rébellion touarègue, extraterritorialité minière et dépossession des terrains de parcours nomades
2- Tuareg rebellion, extraterritoriality in mining and dispossession of nomadic pathways
Si nous avons évoqué jusqu’alors ces transformations comme relevant d’une injustice spatiale, c’est dans la stricte mesure où les logiques nomades, pour se reproduire, doivent assurer les conditions d’un espace pastoral relativement ouvert et fluide. Il s’agit de garantir la primauté des activités pastorales et caravanières sur l’appropriation des ressources localisées. La période de domination nomade est depuis longtemps révolue, mais l’héritage colonial de l’administration indirecte par la chefferie traditionnelle, tout en fragilisant économiquement et en marginalisant politiquement le Nord-Niger, a permis de perpétuer une certaine ouverture et autonomie de l’espace pastoral. C’est le découpage de l’espace opéré par la décentralisation et soutenue par les revendications territoriales des rébellions touarègues, qui a remis en cause cet état de fait.
The transformations described so far come under the heading of spatial injustice, only because nomadic ways of life require a relatively open and fluid pastoral space. The primacy of pastoral and caravan-related activities over the appropriation of local resources must be asserted. The time of nomadic predominance has long gone but the colonial legacy of indirect rule by traditional chefferies, while economically weakening Northern Niger and marginalizing it politically, has allowed to maintain a degree of openness and autonomy of pastoral space. But the carving up of land resulting from decentralization and supported by the territorial claims of Tuareg rebellions is challenging these.
La décentralisation : l’impératif territorial issu des revendications des rébellions touarègues
Decentralization: the territorial imperative as a consequence of the claims of Tuareg rebellions
Même si la situation reste fragile, la paix est revenue depuis quelques mois au Nord-Niger après quasiment deux ans de conflits depuis l’attaque d’Iférouane en février 2007. Les trois mouvements rebelles de cette seconde rébellion (MNJ, FPN et FFR) ont déposé les armes grâce à la médiation de la Libye. Constatons au préalable que les forces sociales touarègues qui se sont opposées à l’Etat nigérien ne considèrent pas l’impératif territorial comme un problème mais comme une ressource politique et économique. Les rébellions du début des années 90 et de la fin des années 2000 ont œuvré dans le sens d’un renforcement de l’encadrement territorial. Après les cinq années de conflits de la première rébellion, les accords de paix du 24 avril 1995, qualifiés de « Pacte national », ont été plus qu’un simple armistice. Ils ont conduit notamment à l’adoption de la loi de décentralisation, remplaçant les velléités de sécession ou de fédéralisme.
Although the situation remains tense, peace returned to Northern Niger in the past few months after almost two years of conflicts since the Iférouane attack in February 2007. The three rebel movements of the second rebellion (MNJ, FPN and FFR) laid down arms thanks to Libya’s mediation. Tuareg social forces that opposed Niger’s government did not consider the territorial imperative as a problem but as a political and economic opportunity. Rebellions in the late 90s and early 2000s worked towards a strengthening of territorial control. After five years of conflicts following the first rebellion, the 24 April 1995 peace agreements, called the « National Pact », were more than a mere armistice. In particular, they brought on the adoption of the decentralization law, which squashed secessionist or federalist temptations.
La prise d’armes de 2007-2009 était motivée par ce qui est vécu comme une marginalisation du Nord-Niger et une confiscation par le pouvoir central de ses ressources naturelles. Le régime de Tandja, jugé corrompu et ethniciste, aurait volontairement délaissé cette région qui produit pourtant la principale source de richesse du Niger, l’uranium. Seul ce principe territorial permettrait donc à la population touarègue de pouvoir gérer et contrôler son territoire de façon beaucoup plus autonome vis-à-vis de Niamey. Sans évoquer les rapports équivoques entre les sociétés minières et les mouvements rebelles[14], il est clair que les rébellions ne se sont pas opposées à l’exploitation minière, mais ont cherché à imposer des retombées financières locales et régionales. Il n’est pas surprenant de constater que le premier point du programme de revendications a porté sur le « découpage administratif et l’aménagement du territoire ». Tout en soutenant la mise en fonction des collectivités territoriales (communes, arrondissements, départements et régions), le MNJ a proposé un redécoupage de l’espace national en quatre régions, qui tiendrait mieux compte de la configuration socio-économique et culturelle du pays. La région du Nord-Niger s’en trouverait étendue, intégrant alors la majeure partie de la population touarègue nigérienne, mais aussi d’autres populations[15].
The taking up of arms in 2007-2008 was motivated by what was seen as the marginalization of Northern Niger and the confiscation of natural resources by the central authorities. It seemed that the Tandja regime, deemed to be corrupt and ethnicist, was deliberately neglecting this region even though it produced Niger’s main source of wealth, uranium. Only by embracing the territory could the Tuareg population manage and control space in a manner that was more autonomous vis-à-vis Niamey. Without going into the murky relationships between mining companies and rebel movements[14], it was obvious that the rebellions were not opposed to mining activities as such but wanted local and regional spin-offs. It is not surprising that the first item in the list of demands dealt with « administrative divisions and territorial planning ». While supporting the establishment of autonomous regions (administrative divisions such as communes, city districts, departments and regions), the MNJ proposed a re-division of the national territory into four regions that would take better account of the socio-economic and cultural nature of the country. The Northern Niger region would be expanded to include the largest section of Niger’s Tuareg population but also other populations[15].
Alors qu’une partie de la population vit de la mobilité, voire de la transgression des frontières nationales, tout se passe comme si les leaders de la rébellion eux-mêmes ne pouvaient aujourd’hui penser la reconfiguration du pouvoir en dehors d’un maillage territorial. Pour les têtes pensantes du MNJ comme pour les élites touarègues légitimistes, la sédentarisation est actuellement un objectif car elle est un mode d’accès aux ressources politiques et économiques. Elle permet d’accéder au « développement », c’est-à-dire aux équipements et aux services de la modernité (éducation, santé, confort), tandis que le nomadisme l’en détournerait. Le nomadisme pastoral est aujourd’hui synonyme de pauvreté et, à tort ou à raison, la sédentarisation est généralement perçue par les leaders locaux comme une condition préalable au développement ; la décentralisation contribuant de fait à l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle élite politico-économique (« courtiers » en développement, leaders des coopératives agricoles, patrons d’agences touristiques, grands commerçants).
Whereas mobility and even crossing national borders was a way of life for a section of the population, it was almost as if the rebellion’s leaders themselves could not imagine any reconfiguration of power outside the framework of territorial divisions. For MNJ’s heads and for the Tuareg elite, settlement is a primary objective today because it is a way of gaining access to political and economic resources. It makes « development » possible, in that it gives access to facilities and modern services (education, health, comforts), whereas nomadism would not. Today, pastoral nomadism means poverty and, rightly or wrongly, sedentarization or settlement is generally viewed as a prerequisite for development by local leaders. In fact, decentralization has allowed a new politico-economic elite (development brokers, farming cooperative leaders, tourist agency owners, big traders) to come to power.
Toutefois la décentralisation a permis l’émergence de nouvelles formes de revendications et d’équité spatiale. Jusqu’à récemment, l’extraction de l’uranium au Niger, pour l’Etat comme pour Areva, n’a pas été présent une question d’aménagement mais, en quelque sorte, de prédation sur le local. C’est la montée récente de la question des conséquences, notamment par les enjeux environnementaux (O. Soubeyran, à paraître), qui a changé la donne. La décentralisation a ouvert une brèche politique contre la mainmise du pouvoir central sur les retombées financières et contre l’anesthésie des conséquences sur le local et des possibles contreparties face aux impacts sanitaires et environnementaux de l’extraction minière. Sous la pression, à la fois des bailleurs de fonds et de la société civile, le gouvernement a donc fait voter, après maintes tergiversations, une loi en 2006 attribuant aux collectivités territoriales 15% des revenus de l’Etat issus de la redevance minière.
However, decentralization has led to the emergence of new demands for spatial justice. Until now, uranium extraction in Niger, both for the State and for Areva, has not been considered as a planning issue but as a predatory treatment of local resources. The question of the consequences of these activities, especially environmental ones (O. Soubeyran, forthcoming), has been posed only recently and changed the deal. Decentralization has made possible a challenge to central government’s control over financial profits and also made obvious the local consequences, raising the issue of possible compensations for health and environmental impacts of mining. Under pressure from donors and civil society, the government finally passed a law allocating 15% of the revenue from mining royalties to local authorities in 2006.
Exploitation minière et pastoralisme nomade : l’exemple d’Imouraren
Mining and nomadic pastoralism – the example of Imouraren
Officiellement, ce ne sont pas moins de 125 conventions minières (permis de recherche ou d’exploitation) qui ont été octroyées entre 2000 et 2008 par le gouvernement nigérien à 36 compagnies étrangères de 12 nationalités (122 pour la prospection ou l’exploitation d’uranium et 3 permis pétroliers). 75 autres permis pour l’uranium et 7 pour le pétrole n’ont pas encore été officiellement attribués. Après un long bras de fer avec le président Mamadou Tandja, Areva maintient pour l’instant en grande partie sa mainmise sur la production d’uranium grâce à ses filiales exploitant les mines d’Arlit-Akokan et le futur site de production d’Imouraren. En raison notamment de l'accroissement spectaculaire des cours mondiaux entre 2004 et 2007, Areva a dû néanmoins revoir à la hausse ses accords de longue durée. La concurrence chinoise y a également contribué. Les filiales chinoises monopolisent les autres concessions prometteuses et rapidement exploitables. Les compagnies canadiennes, australiennes, sud-africaines, indiennes, britanniques, russes, états-uniennes et des Iles Vierges britanniques se sont partagé le reste des 90 000 km2 alloués à la prospection minière, et qui sont aussi les pâturages des pasteurs de l’ouest de l’Aïr.
Officially, no fewer than 125 mining agreements (exploration or mining permits) were granted between 2000 and 2008 by Niger’s government to 36 foreign companies of 12 nationalities (122 for uranium prospecting or mining and 3 oil permits). 75 other permits for uranium and 7 for oil have not yet been officially allocated (see Map 1). After a long period of arm wrestling with President Mamadou Tandja, Areva currently retains most of its control over uranium production thanks to its subsidiaries in Arlit-Akokan and on the future production site of Imouraren. Because of the spectacular rise in world prices in 2004-2007 and Chinese competition, Areva still had to review of its long-term agreements. Chinese subsidiaries monopolize other promising and rapidly operable mining concessions. Canadian, Australian, South African, Indian, British, Russian, American and British Virgin Island companies share the rest of the 90,000 sq. km. allocated for mining prospecting, which are also pastures used by herdsmen from western Aïr.
Prenons l’exemple d’Imouraren. Quelle place sera accordée à la préservation de l’environnement et du nomadisme pastoral face à ce qui sera à Imouraren, la deuxième plus grande mine d’uranium au monde, à ciel ouvert[16] ? Le site industriel représentera 200 km2et le gisement seul couvrira une surface de 8 km de long sur 2,5 de large (voir carte 2). Que deviendront les villages de Tshin Taghat, Anu Zaggaren et Téshilé qui se situent à quelques kilomètres du futur « trou » de la mine ? Sans compter les problèmes liés à l’urbanisation (création d’un « base-vie », d’un aéroport, de sites industriels et d’une ville champignon[17]), comment pourra se poursuivre l’exploitation pastorale près d’une zone bientôt dévégétalisée et contaminée par les résidus de l’extraction minière ? La poussière dégagée par la mine, le transport du minerai sur d’immenses camions[18], et le dépôt de stériles[19] radioactifs à ciel ouvert, aura évidemment des conséquences environnementales. Quel sera l’impact sur le niveau de la nappe phréatique fossile dite des grès d’Agadez de la consommation d’eau liée à l’exploitation de l’uranium à Imouraren[20] ?
In the case, for instance, of Imouraren, the question seems to be what part the preservation of the environment and pastoral nomadism will be granted, in what will soon be the world’s second biggest, open air uranium mine[16]. The industrial site covers an area of 200 sq. km. and the deposit alone will cover a surface area 8 km by 2.5 km (see Map 2). What will happen to the villages of Tshin Taghat, Anu Zaggaren and Téshilé, located a few kilometres from the future mining « hole »? Not to speak of the problems related to urban development[17] (development of « site facilities », an airport, industrial sites and a boomtown) – how will pastoralism survive near an area devoid of vegetation, likely to be contaminated by mining residues? The dust from the mine, uranium ore transportation in massive trucks[18], and open air deposits of radioactive sterile material[19] are bound to have serious environmental consequences. What will be the impact of the unavoidable increase in water consumption on the Agadez sandstone groundwater[20]?
Qu’en est-il plus précisément de la « juste et préalable indemnisation » à la privation des droits d’usage pastoraux prévue par l’article 9 du décret portant création des terroirs d’attache ? Comment se fera l’expulsion et/ou l’interdiction faite à une partie des groupes de pasteurs nomades et semi-nomades Touaregs Kel Tédélé, Kel Gharous et Ikazkazan d’accéder à des itinéraires de transhumance et à des pâturages exploités selon des droits d’usage traditionnels ? Ces groupes disposent d’au moins un terroir d’attache reconnu avec un puits à l’intérieur même du permis d’exploitation octroyé à Areva. Situé sur le site de la dynamitière, le puits sera nécessairement comblé.
What of the « fair and prior compensation » for the deprivation of pastoral rights of use provided for by Article 9 of the decree that created « home grazing territories »? How will the eviction and/or banning of some groups of nomadic and semi-nomadic Kel Tédélé, Kel Gharous and Ikazkazan Tuareg herdsmen’ from seasonal migratory routes and pastures used on the basis of traditional rights of use actually be implemented? These groups have at least one recognized « home grazing territory » with a well in it within the area covered by the mining permit granted to Areva. Located on the dynamite storage site, the well will necessarily be filled in.
Le problème foncier est déjà réglé pour Areva. Selon le porte-parole d’Areva, les nomades de la zone n’auraient pas de biens fonciers, mais se partageraient, ou plutôt « défendent », de simples zones de pâturages se limitant uniquement aux rives des koris ; donc aucune expropriation, ni aucune « gêne », ni même « risque » de gêne pour les nomades : « le droit foncier n'étant pas abouti au Niger - même si l'Etat est en train de mener une réflexion de fond sur le sujet -, peu de personnes possèdent un terrain dans les deux tiers nord du pays. Si les populations locales, majoritairement nomades, n'ont quasiment pas de biens fonciers, elles défendent en revanche des zones de pâturages, qui se situent au niveau des oueds […]. Un sujet sur lequel nous avons beaucoup travaillé. Nous avons organisé plusieurs journées d'audience publique et nous avons réussi à délimiter une surface d'exploitation qui ne risque pas de gêner les éleveurs »[21]. En accord avec l’Etat nigérien et moyennant une redevance annuelle pour les collectivités locales, Areva s’est donc adjugé une zone réservée et délimitée en excluant de facto les nomades par une lecture restrictive et partiale du décret sur les terroirs d’attache (ce qui leur permet en outre de nier le fait de relever de l’objet de l’article 9 dudit décret). Sous prétexte qu’il n’y a pas de terroir d’attache dans la zone d’Imouraren (en omettant consciemment celui d’Alkhuriya), la question de l’expropriation ni même celle de l’impact ne sont envisagées. Il est évidemment totalement inexact d’affirmer que le pastoralisme nomade ne se limiterait qu’aux oueds. Ces derniers comportent des pâturages et des points d’eau de repli en saison sèche, reconnus aujourd’hui dans la législation foncière comme un terroir d’attache vital pour les pasteurs nomades. Mais ceux-ci ne pourraient survivre dans un espace aussi exigu, les excluant de fait des pâturages saisonniers des plaines d’Imouraren. Ce n’est qu’en dernier lieu que les nomades se résignent en saison sèche à se replier sur les puits permanents et corrélativement à exploiter les ressources arborées des oueds. Constatons que la sécurisation du foncier pastoral avec la notion de terroir d’attache a inversé le rapport des nomades aux oueds et aux puits de saison sèche. Il en a fait le fondement de l’aire de nomadisation alors qu’il n’est que l’ultime recours, lorsque la rareté des ressources est à son paroxysme. La base ultime de repli vital devient alors le strict cadre territorial des droits pastoraux.
The land use problem has already been settled for Areva. According to Areva’s spokesperson, the area’s nomads do not have any landed property but share – or rather « defend » – simple pasture land limited solely to the banks of koris (wadis); therefore, there has been no expropriation, nor any « inconvenience », nor even any « risk » of inconvenience for the nomads: « as land use laws have not been fully established in Niger – although the State is currently conducting work on the subject – very few people own land in two-thirds of the northern part of the country. While local populations, for the most part nomadic, have barely any landed property, they nonetheless defend grazing areas along the wadis (…) We have held several public hearings and have managed to demarcate a mining area that does not risk inconveniencing the herdsmen »[21]. In agreement with the State of Niger and against the payment of annual charges for local governments, Areva has therefore granted itself an area that is reserved and clearly demarcated by excluding nomads de facto through a restrictive and partial interpretation of the decree on « home grazing territories » (while exonerating themselves from Article 9 of that decree). Under the pretext that there are no “home grazing territories” in the Imouraren area (deliberately overlooking that of Alkhuriya), they deal neither with expropriation nor with environmental impact. It is obviously totally incorrect to assert that nomadic pastoralism is limited to the wadis alone. These comprise fallback pastures and water points for the dry season, recognized as vital « home grazing territory » for nomadic herdsmen. But the latter cannot survive in such a restricted area, which in fact excludes them from the seasonal pastures of the Imouraren plains. It is only as a last resort in the dry season that the nomads resign themselves to using their permanent wells and, correlatively, to use the tree-shaded resources of the oueds. Official policies for pastoral lands, with the notion of « home grazing territories » has in fact inverted the nomads’ relations with wadiss and with dry season wells. These are represented as the foundations of nomadic areas whereas they are only the last resort, when the scarcity of resources is at its height. The ultimate fallback solution has been turned into the sole territorial framework of pastoral rights.
L’esprit du décret portant création des terroirs d’attache n’est d’ailleurs pas d’assigner territorialement le nomadisme. Mais tout se passe dans les faits comme si la reconnaissance, très limitée dans l’espace et très partielle dans la législation foncière, de droits territoriaux aux nomades d’un côté, permettait de l’autre de justifier leur exclusion totale des terrains situés hors des terroirs d’attache et de légitimer ainsi l’accaparement de vastes espaces riches en ressources naturelles. Concéder à très peu de frais d’une main permet d’empoigner ailleurs à pleines mains. C’est l’avis du maire de la commune de Dannet, sur le territoire de laquelle est situé Imouraren : « Areva ne voulant rien donner, se serait abrité derrière certaines lois nigériennes (…) incomplètes pour dire que la terre n’appartient à personne, mais à l’Etat nigérien et par conséquent ces problèmes sont minimes, car n’ayant pas trouvé de populations sur l’espace attribué »[22]. C’est aussi celui d’Almoustapha Alhacen, président de l’ONG Aghir in’man : « Areva a tout dit mais n’a pas dit l’essentiel c'est-à-dire ce que vont devenir les nomades d’Imouraren. En plus, Areva a fui Dannet pour venir à Agadez faire cette audience[23] parce qu’ici les gens ignorent la situation des populations de Dannet (…) Areva ne tient même pas compte des populations à Imouraren, on dit d’ailleurs qu’il n’en existe pratiquement pas sur le périmètre ! C’est faux ! Archi-faux ! Nous allons défendre ces pauvres populations ! Pour lui répondre, M. Moussa Souley du groupe Areva[24] soutient mordicus que les chiffres rapportés n’émanent pas du promoteur mais d’une étude de terrain menée par un groupe d’indépendants à qui on peut bien faire confiance ». En effet, dans le cadre de l’étude d’impact environnemental, Areva a financé des recherches de terrain d’universitaires nigériens sur le nomadisme dans la zone d’Imouraren. Mais Areva en arrive ni plus ni moins à inverser les résultats de l’enquête pour affirmer qu’il n’y a pas de nomades sur le permis d’exploitation[25]. Comme l’a confirmé notre propre travail de terrain, il existe plusieurs campements exploitant les pâturages dans la zone du permis et cela même pendant la saison sèche.
The spirit behind the decree on the creation of « home grazing territories » was, in fact, not to assign nomadism territorially. But what is happening is that the recognition – highly limited in space and very partial in land laws – of territorial rights for nomads made it possible to justify their total exclusion from land located outside the « home grazing territories » and to legitimize the monopolization of vast areas, rich in natural resources. Granting minimal rights with one hand makes it possible to grab fully with the other hand. That is the opinion of the Mayor of the Dannet commune, on which Imouraren is located[22]: « Areva, since it didn’t want to give anything, has made use of some of Niger’s incomplete laws (…) to claim that the land did not belong to anybody but to the State of Niger and that, consequently, such problems are minimal, as no population was found in the area allocated ». Almoustapha Alhacen, Chairperson of the NGO Aghir in’man, concurs: “Areva has said everything but what’s most important – i.e. what will happen to Imouraren’s nomads. What’s more, Areva fled from Dannet and came to Agadez to conduct this hearing[23] because people here are not aware of the situation of those in Dannet (…). Areva doesn’t even take Imouraren’s population into account – they say that there are no people within the perimeter! That’s wrong! Completely wrong! We will defend these poor people!” In answer to this, Mr Moussa Souley from the Areva group[24] claims that the figures were not produced by the developer but by a field survey conducted by a reliable independent group. In fact, as part of the environmental impact study, Areva funded field research by academics from Niger on nomadism in the Imouraren area. But Areva deliberately misinterpreted the results of the survey to assert that there are no nomads in the area covered by the mining permit[25]. As our own fieldwork has confirmed, there are several camps using pastures in the area, even during the dry season.
L’injustice spatiale nous paraît ici double : cette notion de terroir d’attache censée « sécuriser » les nomades en les stabilisant, permet de justifier leur refoulement et leur cantonnement. Et parce que le pastoralisme n’est pas considéré comme une forme de mise en valeur et d’appropriation territoriale, ils n’ont pas droit aux indemnisations prévues par la loi, au même titre que les agriculteurs[26]. La sécurisation de l’exploitation des ressources naturelles stratégiques passe ainsi par la création d’espaces extraterritoriaux interdisant toute maîtrise locale dans la gestion des ressources naturelles. Le site d’Imouraren est de fait sanctuarisé, c’est-à-dire clôturé, interdit d’accès pour la population locale et surveillé militairement par des dizaines d’hommes armés : Areva finance et équipe des unités militaires nigériennes (FAN et FNIS) et emploie des nomades comme gardiens.
Cette extraterritorialité est encore plus manifeste dans l’exploitation des sites miniers chinois. Celle-ci se fait dans des conditions d’exception encore plus explicites, au mépris des pratiques locales mais aussi des lois nationales nigériennes. L’ONG Aghir in’man voit dans les compagnies chinoises « le même mode opératoire », fait « d’opacité » et de « piétinement des lois nigériennes », au détriment d’une industrie minière « qui s’intègre convenablement dans les territoires où elle s’implante »[27]. Le rapport de l’étude d’impact environnemental du projet de raffinerie de pétrole au bloc d’Agadem (par la compagnie chinoise CNPC) a été réalisé à la hâte par des experts chinois d’après les normes environnementales et la législation chinoises. En outre, certains ingénieurs nigériens, formés en Chine, ont refusé de signer le contrat de travail pour la SOMINA, filiale d’une société chinoise exploitant les mines d’uranium d’Azélik : ils sont en effet sous-payés par rapport à leurs collègues travaillant pour les filiales d’Areva et doivent se plier aux horaires et aux conditions de travail et de rémunération imposées en Chine et externalisées au Niger[28]. Tout se passe avec les sites d’exploitation chinois comme si ces espaces extraterritoriaux jouissaient d’une grande autonomie par rapport à la souveraineté nationale et d’une pleine autonomie par rapport au milieu local.
Dans les faits, la pression sur les ressources naturelles (eau, terres arables, etc.) et les richesses minérales (uranium, pétrole, etc.) concourt à un retour en force du vieux principe colonial du cantonnement des tribus (I. Merle, 1999 et L. Gagnol, 2009). Il s’agit de transformer un droit d’usage non limité spatialement en droit de propriété collective. A Imouraren, c’est bien grâce à la reconnaissance d’un accès prioritaire sur un petit espace (terroir d’attache) qu’Areva en accord avec l’État nigérien justifie l’idée de l’inexistence des nomades et l’accaparement des terres situées en dehors de ces espaces restreints. Mais contrairement à ce qui s’est passé en Algérie à l’époque coloniale, la notion de terroir d’attache cantonne les nomades dans les vallées d’oueds sans qu'il n'y ait pour autant de reconnaissance d'un droit de propriété collective, ni même d’indemnisation à ce cantonnement. Tout se passe comme si les nomades d’Imouraren se faisaient refouler sans autre forme de procès qu’un droit de conquête, c’est-à-dire un droit du plus fort puisque la terre, propriété de l’Etat, a été concédée sans prendre en compte leur existence.
This extraterritoriality is all the more visible in Chinese mining sites. It is done in even more explicitly « exceptional » conditions, with respect to local practices but also to Niger’s national laws. The NGO Aghir in’man views Chinese companies as adopting « the same operational modalities », while « trampling Niger’s laws underfoot », to the detriment of a mining industry that « integrates itself properly in the territories where it establishes itself”[27]. The environmental impact report for the Agadem block oil refinery project (owned by the Chinese company, CNPC) was hurriedly prepared by Chinese experts on the basis of Chinese environmental standards and laws. Moreover, some of Niger’s engineers who were trained in China refused to sign the work contract for SOMINA, a subsidiary of a Chinese company mining uranium in Azélik – in fact, they were underpaid as compared to their colleagues working for Areva’s subsidiaries. They had to accept working hours and payment conditions imposed in China and outsourced to Niger[28]. In Chinese sites, everything happens as if these extraterritorial areas enjoyed extensive autonomy with regard to national sovereignty and full autonomy with regard to the local milieu.
Conclusion
In reality, the pressure on natural resources (water, arable land, etc.) and mineral wealth (uranium, oil, etc.) has combined to lead to the return of the old colonial principle of confining tribal people within a given area (I. Merle, 1999 and L. Gagnol, 2009). The aim is to transform a spatially unlimited right to use land into a collective ownership right. In Imouraren, thanks to the recognition of priority access over a small area (« home grazing territory »), Areva, in agreement with the State of Niger, is justifying the idea of the non-existence of nomads and the monopolization of land located outside these limited territories. But unlike what occurred in Algeria during the colonial period, the notion of « home grazing territories » confines nomads to wadi valleys without recognizing the right to collective ownership, nor even any compensation for such confinement. It is as if Imouraren’s nomads were being pushed out with no legal proceedings other than the right of conquest, i.e. the law of « might is right », since the land, State property, was transferred without taking their existence into account.
Depuis l’époque coloniale, s’était maintenue au Niger une administration certes centralisée, mais en grande partie non-territorialisée et indirecte par le biais de chefs de tribus et de groupements nomades. C’est précisément ce que remet en cause aujourd’hui la décentralisation, sorte de révolution politique territorialisante, qui s’applique uniformément à tout le territoire nigérien. Il s’agit de la fin de ce que l’on pourrait appeler l’exception administrative nomade. La communalisation est vécue en zone nomade comme le démembrement du pays, l’imposition d’un nouveau pouvoir par le partage de l’espace. La décentralisation a pour principal effet, complètement éludé nous semble-t-il, la destruction des conditions du maintien du nomadisme (L. Gagnol, 2009).
Conforté par un travail de terrain, notre propos sur l’injustice spatiale en milieu nomade est simple : tout ce qui est territorialisé relève de l’injustice spatiale d’un point de vue nomade. La justice spatiale en milieu nomade ne pourrait être que la négation même de l’impératif territorial : il s’agit de garantir la mobilité et la fluidité au sein d’un espace fondamentalement ouvert ou « lisse » selon l’expression de G. Deleuze et F. Guattari (1980).
Conclusion
Au-delà, c’est la question de la maîtrise du local sur les ressources naturelles qui est en jeu face à la multiplication des espaces extraterritoriaux. Nous avons travaillé sur les mines mais nous aurions tout aussi bien pu travailler sur l’achat ou la location de terres arables par des institutions étrangères. Ces enclaves de la mondialisation, symboles de l’économie extravertie, se greffent sur le milieu local en finissant progressivement par créer leur propre milieu associé. Elles participent à la transformation de la société locale qui n’a d’autres choix que de s’adapter, c’est-à-dire se sédentariser, ou disparaître.
Since the colonial era, Niger has had a centralized but largely non-territorialized and indirect administration through tribal chiefs and nomadic groups. This is being challenged by the decentralization process today – a sort of territorializing political revolution that is being applied uniformly across Niger’s territory. It means the end of what could be called the nomadic administrative exception. The division of the territory into communes is viewed in nomadic areas as the break-up of the country, the imposition of a new power by the division of space. The primary – and according to us, completely overlooked – effect of decentralization is the destruction of the conditions necessary for the continuance of nomadism (Gagnol, 2009).
Reinforced by fieldwork, our position with regard to the spatial injustice being meted out in nomadic areas is simple – everything that is territorialized constitutes spatial injustice from the nomadic point of view. Spatial justice in nomadic lands could only mean the denial of the territorial imperative – the aim being to guarantee mobility and fluidity within a fundamentally open or « smooth » area, according to the expression used by G. Deleuze and F. Guattari (1980).
[1]Cet article a été soumis peu après le coup d’état contre le président nigérien en février 2010 et donc avant les événements récents de prises d’otage à Arlit de sept travailleurs des mines d’uranium d’Areva (dont cinq ressortissants français) dans la nuit du 15 ou 16 septembre. D’après le témoignage des gardiens qui sont sortis dans la presse, il s’agirait d’une opération menée par une trentaine d’individus parlant l’arabe et peut-être le tamashaq (Touaregs maliens). On sait depuis qu’il s’agit d’une action menée par la « brigade » d’Abou Zeid d’Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Les Touaregs, notamment nigériens, n’adhèrent pas, dans leur immense majorité, à l’idéologie islamiste. Quoi qu’il en soit, le kidnapping d’occidentaux tend à devenir un business comme un autre dans le Sahara (et ailleurs dans le monde).
[NOTES]
[1] This article was submitted a little after the coup d’état that overthrew Niger’s president Mamadou Tandja in February 2010, hence before seven of Areva’s uranium mine workers (five of which are French nationals) were kidnapped on September 15th or 16th. According to published reports based on guards’ accounts, this operation was carried out by about thirty people speaking arabic and perhaps tamashaq (Malian Tuaregs). It was later claimed by Abou Zeid’s squad, part of the Al-Qaeda in the Islamic Maghreb (AQIM) network. An overwhelming majority of Tuaregs, particulary Niger’s Tuaregs, don’t support islamist ideology. However, kidnapping Westerners tends to become an ordinary business in Sahara (and elsewhere in the world).
[2] Voir le n° 101 (vol. 31, 2004) et 117 (vol. 35, 2008) de la Review of African Political Economy et en particulier un article de M. Klare et D. Volman (2006) de cette même revue.
[2] Review of African Political Economy, n° 101 (vol. 31, 2004) et 117 (vol. 35, 2008), and M.Klare et D. Volman (2006).
[3] Début 2010, la région administrative d’Agadez possède une population estimée à 400 000 habitants.
[3] It is estimated that 400 000 inhabitants lived in the Agadez administrative area in early 2010.
[4] Regroupement de campements fondé sur une relation de parenté ou, aujourd’hui, sur une simple entente de bon voisinage, et formant une unité de production pastorale.
[4] A group of several camps, gathering on the basis of kinship, or nowadays increasingly good neighbourly relations. It constitutes a pastoral production unit.
[5] Face à la diminution des terres disponibles et à l’augmentation de la population, les agriculteurs à la recherche de nouvelles terres s’installent de plus en plus au nord, qui est pourtant réservé juridiquement au pastoralisme. Depuis l’époque coloniale, il existe une ligne fictive (le long de l’isohyète de 350 mm de précipitations par an) en deçà de laquelle les cultures sous pluie sont théoriquement interdites.
[5] Faced with a decrease in available land and an increase in population, cultivators in search of new lands move further and further north, although Northern Niger is legally reserved for pastoralism. Since colonial times, the 350 mm per year isohyetal line is theorically considered as a border over which rainfed cultivation is forbidden.
[6] Il s’agit pour l’instant de petits périmètres privés, mais la Libye s’est dite prête à investir 19 milliards de FCFA pour un programme de développement de l’agriculture irriguée. Treize forages ont été réalisés mais les 50 000 hectares qui devaient être mis en valeur n’ont finalement pas été alloués par le gouvernement nigérien. Le « projet Irhazer » a été repris par Areva qui a annoncé en 2006 l’aménagement de périmètres irrigués sur 5 000 hectares pour un montant de 11 milliards de FCFA sur 5 ans. Une « société privée de mise en valeur de la vallée de l’Irhazer » devrait voir le jour en 2010.
[6] Presently there are only small private irrigated perimeters, but Libya declared itself ready to invest 19 billion FCFA for an irrigated farming development project. Thriteen wells have been drilled, but the 50 000 hectares that were supposed to be cultivated were finally withheld by the State. The “Irzaher project” was taken over by Areva, which announced in 2006 that 5000 hectares of irrigated land would be made available, at a cost of 11 billion FCFA over five years. The “private company for the cultivation of Irzaher valley” was to be made official in 2010.
[7] La Réserve naturelle nationale de l’Aïr-Ténéré notamment, classée patrimoine mondial de l’UNESCO, comprend un « sanctuaire » de protection des addax d’où les nomades sont juridiquement exclus.
[7] Aïr-Tenere national natural reserve, listed as world heritage by UNESCO, contains a “sanctuary” area devoted to addax protection, to which nomads are not allowed to access.
[8] Dans les conditions environnementales saharo-sahéliennes, le pastoralisme extensif est le plus productif. Des études ont montré que le coût énergétique et écologique du ranching ne le rendait pas plus productif et efficace économiquement. Cela sans compter le coût humain de la disparition de dizaines de familles de pasteurs pour la création d’un ranch à la superficie suffisante pour être rentable.
[8] Extensive nomadic grazing is the most productive in Saharo-Sahelian natural conditions. Studies have shown that ranching’s energetic and ecologic cost did not make it more productive or economically efficient. Not to mention the human cost : creating a ranch large enough to be profitable means dozens of nomadic pastoralists families have to leave.
[9] Ce processus est contemporain à de nombreux pays sahéliens. Pour une comparaison avec le Mali, voir entre autres les travaux de Stéphanie Lima (2005) et de Claude Fay (2006). L’Observatoire de la décentralisation au Niger du LASDEL a produit d’intéressantes études de cas.
[9] This process is currently occuring in many Sahelian countries, for instance Mali (see Stéphanie Lima, 2005 and Claude Fay, 2006). LASDEL’s Observatory of Niger’s decentralization published interesting case studies.
[10] L’Atelier régional de réflexion sur le foncier et la décentralisation, organisé par le Haut commissariat à la modernisation de l’Etat, qui s’est tenu à Agadez en mai 2007, a fait, entre autres, ces deux recommandations. Les commissions foncières ont en charge l’immatriculation des propriétés foncières au « dossier rural », sorte de nouveau cadastre rural. La chefferie traditionnelle, autrefois seul juge en matière de reconnaissance des droits d’usage, n’a maintenant plus qu’une voix consultative.
[10] These two recommendations, among others, were made by a Regional Workshop on land and decentralization, organized by the Haut commissariat pour la modernisation de l’Etat in Agadez in May 2007. Land commissions are responsible for recording land ownership in the “dossier rural” (land register). Traditional chefferies, which used to be the sole authority on rights of use, are now merely consulted about them.
[11] Institués par la Banque mondiale (par le biais du Programme d’Actions Communautaires), ces plans de développement ont été réalisés sur le même modèle et grâce à l’appui des coopérations bilatérales, notamment du programme LUCOP (Lutte Contre la Pauvreté) de la coopération allemande.
[11] These development plans were set up by the World Bank through Community Actions Program. They were carried out using the same pattern, thanks to bilateral aid and particulary to the LUCOP Program managed by German cooperation.
[12] Bulletin d’information du LUCOP n° 6 (avril 2006, p. 4).
[12] Bulletin d’information du LUCOP n° 6 (avril 2006, p. 4).
[13] 3ème recommandation de la commission 3 sur les niveaux de gestion de la décentralisation, 2005, Rapport Général de l’Atelier National sur la Problématique de la Décentralisation et Communautés Nomades au Niger, Haut commissariat à la réforme administrative et à la décentralisation, 8 p.
[13] Rapport Général de l’Atelier National sur la Problématique de la Décentralisation et Communautés Nomades au Niger, Haut commissariat à la réforme administrative et à la décentralisation, 8 p, 2005.
[14] Tandis qu’Areva est accusé en France de spolier le Nord-Niger de ses richesses, ce qui aurait conduit les Touaregs à prendre les armes, au Niger, Areva a été dénoncé par la presse et le gouvernement nigériens, sinon comme étant le commanditaire de la rébellion, du moins de l’avoir financée et de profiter de la déstabilisation de la région pour préserver ses intérêts contre la Chine et en vue des renégociations de contrats d’exploitation de ses mines. Pour Niamey et une bonne partie de la société civile nigérienne, le MNJ n’est qu’un instrument de déstabilisation orchestré de l’extérieur, notamment par Areva et/ou la Libye. Ainsi, malgré l’attaque d’Imouraren en avril 2007, et après celle des installations de prospections chinoises (avec l’enlèvement d’un ingénieur chinois), Areva a été soupçonné par Niamey d’armer et de soutenir financièrement la rébellion, en échange de la sécurité de ses activités. La stratégie d’Areva qui vise à employer des anciens rebelles touaregs pour la protection de ses sites et de sa main d’œuvre fait aujourd’hui polémique avec la prise d’otages des ressortissants français à Arlit en septembre.
[14] While in France Areva has been accused of spoliating North Niger’s wealth, which is seen as the cause of the Tuareg rebellion, Niger’s national media and government have blamed Areva for instigating or at least funding the rebellion, and for taking advantage of local insecurity in order to defend its interests against China, and when its mining contracts will come under review. MNJ is viewed by Niamey and most of Niger’s civil society as a destabilizing instrument driven from abroad, by Areva and/or Libya. Therefore, despite the attack on Imouraren’s in April 2007, and another attack against Chinese prospection sites (including the kidnapping of a Chinese engineer), Areva has been suspected of providing arms and funds to the Tuareg rebellion, in order to secure its activities. Since the abduction of French nationals in September 2010 in Arlit, Areva’s strategy of hiring former Tuareg rebels in order to guard its sites and workers has become a contentious issue.
[15] Par crainte de l’autonomie partielle des régions, la communalisation intégrale a précédé les régions et les départements, pourtant plus aisément mis en place et plus viables financièrement. Même si cette région Nord n’est pas nettement délimitée, ressurgit en outre le fantôme de l’éphémère Organisation Commune des Régions Sahariennes de la fin de l’époque coloniale, qui avait déjà fait polémique lors de la présentation des revendications territoriales par la précédente rébellion (voir A. Bourgeot, 2000).
[16] L’objectif de production est de 5000 tonnes par an pendant 35 ans (grâce à 1,2 milliards d’euros d’investissement initial). Le Niger passera du quatrième au deuxième rang mondial pour la production d’uranium.
[15] Because partial autonomy of the regions was feared, communes were instituted before regions and départements, although these larger administrative subdivisions are easier to set up and financially more viable. This Northern region is still not precisely bounded, but brought back memories of the short-lived Organisation Commune des régions sahariennes at the end of the colonial period, which had already courted controversy when earlier territorial claims were made (A. Bourgeot, 2000).
[16] Planned production is 5000 tonnes per year for 35 years, thanks to a 1,2 billion euros initial investment. Niger will go from the fourth to the second rank for worldwide uranium production.
[17] Si la croissance d’Imouraren est similaire à celle d’Arlit, la population dépassera 60 000 habitants dans une trentaine d’années. Arlit est actuellement une ville de 80 000 habitants, vivant sur les 1900 emplois directs des deux mines (faisant vivre 21 000 personnes selon Areva). Pour Imouraren, 1350 emplois directs (Areva et sous-traitants) et 3375 emplois indirects sont prévus. Même si le projet de construction d’une cité ouvrière sur le site a été abandonné (elle serait implantée à Arlit à 90 km de là), il faut s’attendre à l’afflux de personnes étrangères à la région et à l’apparition d’une ville nouvelle spontanée.
[18] Les camions transportent jusqu’à Cotonou les fûts hautement radioactifs de yellow cake. Les accidents qui surviennent sur ce trajet de 1600 km engendrent des catastrophes écologiques.
[19] Les stériles sont les roches qui contiennent trop peu d’uranium pour être exploitées de façon rentable. Ils sont déposés sans aucune protection. Le vent chargé de poussières diffuse dans l’air des radons et des particules radioactives tandis que le ruissellement et l’infiltration des eaux de pluie contaminent les nappes phréatiques. Sur les pollutions, la situation sanitaire des travailleurs et des habitants d’Arlit, voir les prises de parole de l’ONG nigérienne Aghir in’man et les rapports de la CRIIRAD (2010).
[17] If Imouraren’s population growth is similar to Arlit’s, it will have over 60 000 inhabitants in about 30 years. 1350 direct jobs, and 3375 undirect jobs are expected to be created by Areva and subcontractors. Even if the project for a housing estate for workers in Imouraren was abandoned, the inflow of people from other regions and the construction of a spontanous new city are very likely.
[20] Voir les prédictions alarmantes de l’hydrogéologue A. Joseph, 2008, « Quand l’uranium menace le pastoralisme nomade », Aïr-Info, n° 72. A partir de 2013, l’exploitation de l’uranium demandera 56 000 m3 d’eau par jour, puisés dans les aquifères fossiles (aux ressources non renouvelables).
[18] Trucks carry containers of highly radioactive yellowcake up to Cotonou, that is 1600 km from Imouraren. Accidents on the road cause ecological disasters.
[22] Cité dans M. Diallo, 2008, Bulletin d’information du ROTAB, n°8, p. 2.
[20] See alarming predictions of hydrogeologue A. Joseph, 2008, « Quand l’uranium menace le pastoralisme nomade », Aïr-Info, n° 72. Starting from 2013, uranium mining will need 56 000 cubic metres of water each day. They will be drawn from fossile aquifers, that are non-renewable resources.
[23] Il s’agit de l’audience publique qui s’est tenu en mai 2008 à Agadez pour valider le « rapport d’étude d’impact environnemental » réalisé par Areva pour obtenir le « certificat de conformité environnemental » exigé par le ministère de l’environnement. Ce rapport, trop technique pour être compris de la plupart des participants, n’a même pas été remis au « comité ad-hoc » chargé pourtant par le ministère de conduire les audiences publiques. Aucune contre-expertise indépendante n’a permis de contrebalancer ces résultats. Voir Ousseini Issa, « Impact environnemental du projet Imouraren : les inquiétudes des populations d’Agadez », Le Républicain du 15-05-08. L’atelier de validation a par ailleurs émis les observations et recommandations suivantes : nécessité de sensibiliser et d’indemniser les nomades (ce que refuse Areva), élaboration de plans de surveillance environnemental et sanitaire, plans de gestion des risques et de traitement des résidus d’extraction, etc.
[21] Yves Dufour, Areva’s mining activities communication director, interviewed by Journal du dimanche, March 26, 2009.
[25] Ce texte est inaccessible en France mais il est consultable dans certaines mairies de l’Aïr. Il est impossible d’utiliser les informations qui y sont contenues sans autorisation écrite préalable d’Areva.
[23] A public hearing took place in Agadez in May 2008, to validate the “environmental impact study report” done by Areva, in order to obtain the “environmental compliance certificate” required by the Environment Ministry. This very technical report could not be understood by most of the participants, and was not handed over to the “ad hoc committee” responsible for public hearings. No second independent expert study has been done. See Ousseini Issa, « Impact environnemental du projet Imouraren : les inquiétudes des populations d’Agadez », Le Républicain du 15-05-08. The following recommendations were given at this public hearing : consciousness-raising campaigns and compensations to nomads (which Areva refused), environmental and health monitoring, risk management program, mining waste processing program, etc…
[26] Des procédures d’expropriation et d’indemnisation sont en cours en ce qui concerne la construction de la raffinerie de pétrole par une société chinoise prés de Zinder. Les populations visées sont des agriculteurs, qui eux-seuls ont pu enregistrer leurs titres fonciers au dossier rural.
[24] Areva-Niger’s Director in charge of communication, sustainable development and health, Aïr-Info (n° 76, 2008).
[28] Voir le Bulletin d’information du réseau des organisations de la société civile pour le transparence dans les industries extractives et l’analyse budgétaire, n° 9, mars 2009.
[26] Expropriation and compensation proceedings have begun for an oil refinery built by a Chinese company near Zinder. Only farmers who could register their land property rights in the “dossier rural” (land register) are concerned.
[28] See Bulletin d’information du réseau des organisations de la société civile pour la transparence dans les industries extractives et l’analyse budgétaire, n° 9, Marsh 2009.
[/NOTES]
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