Travailler avec des mots

Working with words

« Nous prenons sur nous pour trouver des mots alors même que nos mots sont fatigués, répétés, épuisés et à bout. Nous refusons de nous déclarer “tellement fatiguées” et trouvons malgré tout des mots chaque jour. C’est notre tâche. Nous sommes des travailleuses de mots. Beaucoup de nos mots ne font qu’amplifier les cris de mères et de pères éplorés, d’enfants qui hurlent, et de témoins horrifiés » Khawla Badwan et Alison Phipps, « Keep telling of Gaza », Sidhe Press, 2024

“We take it upon ourselves to find words even when our words are fatigued, repeated, exhausted and overused. We refuse to state that we are ‘so tired’ but instead find words every day. This is our task. We are workers with words. Many of our words amplify the cries of wailing mothers and fathers, screaming children, and horrified witnesses”. Khawla Badwan and Alison Phipps, “Keep telling of Gaza”, Sidhe Press, 2024

Travailler avec des mots, ces jours-ci, semble bien dérisoire et inutile ; est-ce vraiment tout ce dont nous sommes capables, face à des violences et injustices intolérables ? Nous nous inspirons de Refaat Alareer, poète de Gaza, disant que face à une attaque violente il n’aurait, en tant qu’enseignant, qu’un marqueur pour se défendre, mais qu’il n’hésiterait pas à lancer son marqueur sur ses agresseurs. Voici donc les mots dérisoires, et le travail dérisoire, qu’il nous est possible de produire en ce temps de crise multiforme.

Working with words, these days, feels extremely hopeless and helpless; is this really the best we can do, in the face of intolerable levels of violence and injustice? We take inspiration from Gazan poet Refaat Alareer who stated that, as a professor, he had little at his disposal but a marker to throw at violent attackers, but that if need be, throw this marker he would. So these are the puny words, and the puny work, that we are able to put forward in these times of unbearable crisis on so many fronts.

Le thème de ce numéro, les luttes pour le territoire et leur lien avec la justice, semble approprié. Il peut nous aider à penser la façon dont des portions d’espace se chargent de sens et de valeurs au-delà de leur rôle comme lieux habités, et comment des « territoires » deviennent à la fois des points d’ancrage, et des objets, de luttes. La revendication d’un espace, pour contrer une injustice spatiale, peut prendre des formes multiples, comme l’illustrent les articles du dossier thématique. On en retient également que toute revendication spatiale n’a pas forcément comme objectif plus de justice, et l’un des entretiens de la rubrique Espace public rappelle à juste titre que certaines injustices ne suscitent pas de mobilisation collective. Les autres entretiens de cette rubrique soulignent la nécessité d’une justice épistémique qui permette aux exilé·e·s de prendre la parole et produire leurs propres représentations.

The theme of this issue, the struggles for territory and their relation to justice, feels apt. It may help us to think about the ways in which portions of space become imbued with meanings and values beyond their material role as places we inhabit, and how “territories” become both places of struggle, and places to struggle for. Claiming space, as a way to address spatial injustice, occurs in many shapes and forms, as illustrated by the articles in this issue. That not every claim to territory is a pursuit of justice is also a take-away from this collection of pieces, and an interview in the Public Space section also documents the fact that some injustices do not necessarily result in collective mobilisations. Other Public Space interviews remind us of the need for greater epistemic justice in the ways we allow the exiled to speak up and produce their own representations.

Bien des décolonisations nécessaires nous occupent l’esprit tandis que nous continuons à prêcher la justice spatiale et appeler de nos vœux la justice rendue par les Cours internationales.

Many needed decolonisations are on our mind as we keep preaching spatial justice, and keep hoping for International Courts to enforce justice.