Introduction : l'effet du climat sur la souveraineté alimentaire, la sécurité alimentaire et la justice alimentaire
Introduction: the effect of climate on food sovereignty, food security, and food justice
Nous présentons une étude de cas de l'archipel Saint-Pierre-et-Miquelon (France) pour souligner le lien entre la souveraineté alimentaire, la sécurité alimentaire et la justice alimentaire sous les climats froids. Depuis des siècles, les habitants sont attirés par l'archipel du fait les stocks de poisson abondants, malgré la terre aride et rocheuse et le climat rude qui ne facilite pas la production agricole (Berthier, 1962). Depuis des générations, les Autochtones et les colons du Nouveau Monde ont démontré qu’il est possible mais très précaire de mener des activités de subsistance. Les stocks de morues extrêmement abondants ont rendu la colonisation valable, cependant les ressources halieutiques sont la seule ressource alimentaire de valeur (Berthier, 1962; Fleury, 2006). Il est prouvé que les habitants dépendaient de l'échange du poisson pour obtenir les aliments de base et les produits originaires de France continentale (Omohundro, 1994; Omohundro, 1995). Nous affirmons que ce système d'alimentation se perpétue actuellement. Par conséquent, l'archipel reste vulnérable face à l'épuisement des ressources, à l’interruption des échanges commerciaux et à la complexité de la gouvernance locale et internationale.
We present a case study of the Saint-Pierre and Miquelon (France) archipelago to elucidate the nexus of food sovereignty, food security, and food justice issues in cold climates. Over centuries, inhabitants have been drawn to the archipelago for its abundant fish stocks despite the barren, rocky soils and harsh climate that are not conducive to agricultural production (Berthier, 1962). For generations, Aboriginal persons and New World settlers showed that subsistence living was possible but tenuous. Extraordinarily abundant cod stocks made colonization worthwhile, but essentially the only valuable dietary resource (Berthier, 1962; Fleury, 2006). Evidence suggests that inhabitants relied on trading fish for dietary staples and products from mainland France (Omohundro, 1994; Omohundro, 1995). We assert that this food system continues in modern times. As a result, the archipelago is vulnerable to resource depletion, trade disruption, and complex domestic and international governance.
Cet article propose de mener une analyse détaillée du droit maritime international et des règlementations internationales de la pêche, afin d’observer les effets de ces politiques sur la souveraineté alimentaire de Saint-Pierre-et Miquelon. Une série d'entretiens avec les résidents saint-pierrais réalisés suivant la méthode « boule de neige» (Biernacki and Waldorf, 1981) témoigne de l'importance de la pêche pour l'économie et l’identité de la région. Nous utilisons aussi les données des enquêtes biologiques concernant les ressources océaniques de la région (DFA, 2002; DFO, 2007).
In this manuscript, we conduct an in-depth analysis of international maritime law and international fishing regulations and the subsequent impacts of these policies on Saint-Pierre and Miquelon’s food sovereignty. Through a series of interviews with Saint-Pierre and Miquelon residents using snowball interviewing techniques (Biernacki and Waldorf, 1981), we document the significance of fisheries on the region’s economy and identity. We also review biological survey data of the region’s oceanic ecosystem resources (DFA, 2002; DFO, 2007).
Nos analyses juridiques, qualitatives et biologiques soutiennent l'hypothèse que les Saint-Pierrais ont perdu leur souveraineté sur les ressources naturelles locales et accessibles du fait de la décision de la Cour internationale d’Arbitrage (ICC) datant de 1992. Bien que cette décision ait été prise afin de réduire la surpêche, il y a sans doute eu une augmentation de l'insécurité alimentaire des habitants de St-Pierre-et-Miquelon une fois que les ressources ont été attribuées au Canada. Nous pensons que le prisme de la justice alimentaire pourrait fournir les bases pour rétablir la souveraineté de Saint-Pierre-et-Miquelon vis à vis de ces ressources.
Our legal, qualitative, and biological analyses support the premise that the Saint-Pierrais lost sovereignty over local, accessible natural resources with a 1992 International Court of Arbitration decision. Although the ruling was intended to curtail over-fishing, once resources were awarded to Canada, there was arguably greater food insecurity for Saint-Pierre and Miquelon residents. We believe that food justice could provide the basis for restoring Saint-Pierre and Miquelon’s sovereignty in relation to these resources.
Nous affirmons qu’il est possible d’atteindre la justice alimentaire lorsque les habitants atteignent la souveraineté alimentaire. Dans sa définition la plus courante, la souveraineté alimentaire désigne le droit d'une communauté à déterminer ses propres systèmes alimentaires et agricoles (Nyéléni Declaration, 2007). Mais comme le démontre notre étude de cas de Saint-Pierre-et-Miquelon, il est nécessaire de considérer de nombreuses autres dimensions de la souveraineté alimentaire. Ces dernières incluent en particulier le droit de définir l’importance de l’alimentation suivant ses origines culturelles, l'accès équitable aux ressources et le droit fondamental à l'alimentation (Schanbacher, 2010 ; Heynen et al., 2012 ; Windfuhr and Jonsén, 2005 ; Godfray et al., 2010).
We assert that food justice can be achieved when residents attain food sovereignty. The most common definition describes food sovereignty as a community’s right to determine its own food and agricultural systems (Nyéléni Declaration, 2007). As we demonstrate through our case study of Saint-Pierre and Miquelon, multiple food sovereignty dimensions must also be considered. These include the right to define culturally significant food, equitable access to resources, and the basic right to food (Schanbacher, 2010; Heynen et al., 2012; Windfuhr and Jonsén, 2005; Godfray et al., 2010).
Notre analyse de Saint-Pierre-et-Miquelon est comparée aux résultats des entretiens conduits auprès des habitants de Terre-Neuve et du Labrador (T.N.L.) au Canada, concernant la production alimentaire locale (Keske, 2015). Bien que les deux Nations soient éloignées seulement de 25 kilomètres, leurs réseaux de distribution alimentaire restent indépendants. Les régimes alimentaires et les pratiques locales de production alimentaire domestique des voisins terre-neuviens reflètent des différences entre cultures françaises et canadiennes. L’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon a été gouverné par la France pendant 200 ans et le régime alimentaire local relève pour une part significative de la cuisine française (Omohundro, 1995). Le port influence également la façon dont les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon acquièrent la nourriture et définissent leur système alimentaire. La route commerciale accroît l'influence de la France sur les marchés nord-américains, comme l’indiquent de fameux exemples telles la contrebande d'alcool à l'époque de la prohibition (Timothy, 2001) ou l’étendue de la distribution des poissons réfrigérés et congelés de l'Océan atlantique (Berthier, 1962).
Our analysis of Saint-Pierre and Miquelon is compared with findings from interviews conducted with residents of nearby Newfoundland and Labrador (NL), Canada about local food production (Keske, 2015). Although the two nations are only 25 kilometers apart, their food distribution networks are independent. The neighbors’ diets and home food production practices reflect distinctions in French and Canadian cultures, respectively. Saint-Pierre and Miquelon has been governed by France for 200 years and local diets commensurately reflect French cuisine (Omohundro, 1995). The port also influences how Saint-Pierre and Miquelon residents acquire food and define their food system. The trade route leverages France’s influence in North American markets, with famous examples like prohibition-era alcohol smuggling (Timothy, 2001) and wide spread distribution of Atlantic refrigerated and frozen fish (Berthier, 1962).
La propension des habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon à importer de la nourriture existe depuis des siècles. Nous postulons que ceci est directement lié aux conditions climatiques froides qui compromettent la production agricole de la région d'étude. La dépendance des Saint-Pierrais envers les importations, en complément des ressources de la pêche, est bien renseignée. Même si les habitants ont probablement vécu des situations d’insécurité alimentaire sur le long terme, la situation pourrait être exacerbée à l’époque contemporaine. Dans des pays développés comme la France et le Canada, qui disposent pourtant d’infrastructures sociales élaborées, la production agricole vivrière coûte excessivement cher et reste pratiquement infaisable sous un climat froid. Par conséquent, nous croyons qu'il est important de comprendre la façon dont le climat contribue à la fois au système alimentaire et à la vulnérabilité en matière de sécurité alimentaire dans les territoires isolés des nations relativement riches.
The proclivity for Saint-Pierre and Miquelon residents to import food has existed for centuries. We posit that this is directly tied to the study region’s cold climatic conditions that adversely affect agricultural production. It is well documented that the Saint-Pierrais relied upon imports to supplement fishing. Although residents have likely experienced long-term food insecurity, the situation may be exacerbated during modern times. In developed nations like France and Canada with elaborate social infrastructures, subsistence agricultural production in cold climates can be prohibitively costly and practically infeasible. Therefore, we believe that it is important to illuminate how climate contributes to food system and food security vulnerabilities in these remotely situated territories appurtenant to relatively wealthy nations.
En particulier, nous affirmons que les réseaux et la circulation des ressources agricoles dans l'hémisphère circumpolaire du nord - écosystème boréal ou écozone boréale (Brandt, 2009 ; Les ressources naturelles Canada, 2015) – diffèrent de ceux des régions sous climats chauds qui offrent des conditions plus favorables à la production agricole. Dans la mesure où l’on trouve peu de publications au sujet des systèmes alimentaires et agricoles de la région boréale, nous prendront le temps de définir et illustrer l'écosystème boréal et les conditions climatiques qui caractérisent la région d'étude. Nous pensons également qu'une connaissance précise de l'écosystème et des ressources naturelles est nécessaire au développement de politiques appropriées en faveur de la justice alimentaire.
Specifically, it is our assertion that the network and flow of agricultural resources within the circumpolar northern hemisphere known as a boreal ecosystem or boreal ecozone (Brandt, 2009; Natural Resources Canada, 2015) are different from warm climates that are more favorable for agricultural production. Since little has been published about boreal food and agricultural systems, we spend time defining and illustrating the boreal ecosystem and the climatic conditions that characterize the study region. We also believe that a sophisticated understanding of the ecosystem and natural resources is necessary to develop appropriate policies to facilitate food justice.
En résumé, les conditions climatiques et l'isolement géographique entre Saint-Pierre-et-Miquelon et la France continentale illustrent la relation complexe entre la sécurité alimentaire, la souveraineté alimentaire et la justice alimentaire sous les climats froids. Malgré ces défis, il est possible d'apprendre de l'expérience et de mettre en oeuvre des solutions qui amélioreront la souveraineté alimentaire, la sécurité alimentaire et finalement, la justice alimentaire à Saint-Pierre-et-Miquelon. Cet article nous offre l’occasion de souligner le fait que le climat et l'existence de l'insécurité alimentaire au sein des nations riches devraient être pris en compte dans la conceptualisation de la souveraineté alimentaire et de la justice alimentaire, et que les habitants devraient avoir le droit de définir une alimentation qui soit culturellement appropriée.
In summary, the climatic conditions and geographic isolation between Saint-Pierre and Miquelon and the mainland illustrates the complex connectivity between food security, food sovereignty, and food justice in cold climates. Despite these challenges, there is opportunity to learn from experience and implement solutions that will improve food sovereignty, food security, and ultimately, food justice in Saint-Pierre and Miquelon. We use this article as an opportunity to emphasize that climate and the presence of food insecurity within wealthy nations should be factored into conceptualizations of food sovereignty and food justice; furthermore, residents should have the right to define food that is of cultural importance.
1. La région d'étude de Saint-Pierre-et-Miquelon et l'agriculture de l'écosystème boréal
1. The Saint-Pierre and Miquelon study region and boreal ecosystem agriculture
Nous présentons maintenant une série de cartes et de photographies représentatives de l'écosystème boréal et de la région d'étude de Saint-Pierre-et-Miquelon. Elles sont accompagnées d'une description détaillée des ressources naturelles ayant attiré la colonisation dans la région. Ces éléments de détail permettent de mieux conceptualiser la façon dont le climat peut créer des vulnérabilités en matière de souveraineté et de sécurité alimentaires.
We now present a series of maps and photographs to depict the boreal ecosystem and the Saint-Pierre and Miquelon study region. These are accompanied by a detailed description of the natural resources that attracted settlement. These details provide context for how climate may create vulnerabilities for food sovereignty and food security.
Comme l’indique la carte 1, l’archipel français de Saint-Pierre (longitude -56.1809, latitude 46.7788) et Miquelon (longitude -56.3867, latitude 47.1031) se trouve approximativement à 25 kilomètres (km) des côtes de la province de Terre Neuve et du Labrador (T.N.L.) à l'extrême est du Canada, et à 3 800 km de la France métropolitaine, distance occupée par l’Océan atlantique. Il existe un ferry saisonnier entre Fortune (T.N.L., Canada) et Saint- Pierre et les opportunités de voyage en avion sont limitées. L’archipel compte 6 000 habitants, avec une population saisonnière en augmentation durant les mois plus chauds.
As shown in Map 1, France’s Saint-Pierre (longitude -56.1809, latitude 46.7788) and Miquelon (longitude -56.3867, latitude 47.1031) archipelago is located approximately 25 kilometers (km) from the coast of Canada’s most eastern province of Newfoundland and Labrador (NL), and 3,800 km across the Atlantic Ocean from France’s mainland. There is a seasonal ferry between Fortune, NL, Canada, and Saint- Pierre, and limited opportunities for air travel. There are approximately 6,000 inhabitants, with seasonal population increases during warmer months.
Carte 1 : La région d'étude, Archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon (France).
Map 1: Map of Study Region, Saint-Pierre and Miquelon Archipelago, France.
La région d'étude entourée en rouge correspond aux limites de la frontière maritime entre la France et le Canada, au niveau de la côte sud de Terre Neuve. La route du ferry entre la France et le Canada est aussi illustrée. La province de Terre Neuve et du Labrador est située à l'extrême est du Canada.
The study region, highlighted in red to reflect the France-Canada Maritime Boundary, is located near the south central coast of Newfoundland. The ferry route between France and Canada is also shown. The province of Newfoundland and Labrador is Canada’s most eastern province.
Cette collectivité d'outre-mer autonome de la France est un vestige de la « Nouvelle France » en Amérique du Nord. La frontière maritime complexe entre la France et le Canada, en rouge sur la carte 1, est considérée comme extrêmement litigieuse par la France et le Canada. Il s’agit également d’une source de conflits entre juristes (McDorman, 1990 ; Politakis, 1993 ; Blake, 2002), un élément auquel nous nous attachons plus tard en relation avec les questions de souveraineté alimentaire et de justice alimentaire. Les lecteurs intéressés par l'histoire et les détails du différend frontalier maritime entre la France et le Canada peuvent consulter McDorman (1990), Politakis (1993), Blake (2002), et Jacobs (2012), entre autres.
This self-governing overseas collectivity of France is the last remnant of “New France” in North America. The complex France-Canada Maritime Boundary, shown in red on Map 1, is viewed as highly contentious by both France and Canada. It is also a source of intrigue to legal scholars (McDorman, 1990; Politakis, 1993; Blake, 2002). Later in the paper, we take this a step further by connecting the region to food sovereignty and food justice. Readers interested in achieving a thorough understanding of the history and specifics of the France-Canada Maritime Boundary Dispute may consult McDorman (1990), Politakis (1993), Blake (2002), and Jacobs (2012), among others.
Comme on le voit sur la carte 1, en 1992, la Cour internationale d’Arbitrage a créé une zone économique exclusive de 12 000 km2 (ZEE) pour la France, qui s'étend sur 188 milles marins vers le sud dans un corridor de 10,5 milles marins. Ce corridor s'étend jusqu'aux eaux internationales, mais il fait entièrement parti des eaux territoriales canadiennes. La majorité de la ZEE créée autour de l'archipel est de 121 kilomètres de large et de 102 kilomètres de long (65,5 milles marins / 55 milles marins). La frontière de l'est est à mi-chemin entre l'archipel et la côte de Terre-Neuve. Les Saint-Pierrais décrivent la ZEE ironiquement comme « non rentable », notamment car l'océan y est plus profond par rapport aux eaux canadiennes (Fleury, 2006). Pour les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon, la résolution des problèmes de souveraineté alimentaire créés par la ZEE est une étape logique vers l'établissement de la justice alimentaire.
As shown in Map 1, a 1992 International Court of Arbitration created a 12,000 km2 Exclusive Economic Zone (EEZ) for France that extends 188 nautical miles south within a 10.5 nautical mile wide corridor. This corridor extends towards international waters, but it is fully enclosed within Canadian territorial waters. The bulk of the EEZ creation around the archipelago is 121 km wide x 102 km long (65.5 nautical miles x 55 nautical miles). The eastern boundary is half-way between the archipelago and Newfoundland coast. The Saint- Pierrais describe the EEZ somewhat ironically as “uneconomic”, in part because the ocean is deep relative to Canadian waters (Fleury, 2006). Resolving the food sovereignty issues created by the EEZ is a logical step towards delivering food justice for Saint-Pierre and Miquelon residents.
Le différend frontalier entre la France et le Canada montre l'histoire complexe de l'aménagement du territoire, des droits de pêche et de la gouvernance multinationale. Les pays concernés par cette histoire sont la France, l'Angleterre, les Etats-Unis, le Canada et Terre-Neuve, ce dernier étant une entité autonome du Commonwealth britannique jusqu'à la Confédération avec le Canada en 1949. En 2001, la province canadienne a été renommée Terre-Neuve et Labrador (T.N.L.) pour mieux prendre en considération la région géographique. La proximité entre la France et le sol nord-américain produit encore des rebondissements significatifs au sein des relations diplomatiques et de la stratégie militaire. Anglin (1970), Calgary (1999) et Auger (2003) présentent ainsi des débats fascinants concernant le positionnement global stratégique de Saint-Pierre-et-Miquelon et son importance dans la deuxième guerre mondiale.
The France-Canada Maritime Boundary reflects the complex history of settlement, fishing rights, and multi-national governance. Relevant countries include France, England, the United States of America, Canada, and Newfoundland, the latter of which was a stand-alone entity within the British Commonwealth until confederation with Canada in 1949. In 2001, the Canadian province was renamed Newfoundland and Labrador (NL) to better reflect the geographical region. France’s close proximity to North American soil still generates interesting twists in diplomatic relations and military strategy. Anglin (1970), Calgary (1999), and Auger (2003) present fascinating discussions of Saint-Pierre and Miquelon’s strategic global position and this significance in World War II.
Le système alimentaire s’est développé à partir des écosystèmes marins, dont la morue, l’une des espèces majeures sur lesquelles la communauté a établi son « paysage alimentaire » (Lowitt, 2012 ; Lowitt, 2014 ; Berthier, 1962). La morue reste l'espèce la plus fréquemment pêchée, représentant la moitié du volume pêché en 2014 et une partie de celui de 2015 (IEDOM, 2014 ; IEDOM, 2015). La crevette, le flétan noir, le limande, le calamar, les merluches blanches, les raies, l'albacore, le thon rouge et les espadons présentent également une valeur économique (Saint-Pierre et profil de la Communauté de Miquelon, 2015 ; DFA, 2002 ; DFO, 2007).
The food system developed around marine ecosystems, with cod as an important species upon which the community food scape was built (Lowitt, 2012; Lowitt, 2014; Berthier, 1962). Cod is still the most frequently fished species, producing over half the volume in 2014 and part of 2015 (IEDOM, 2014; IEDOM, 2015). Shrimp, Greenland halibut, yellowtail flounder, squid, white hake, skates, albacore, Bluefin tuna, and swordfish are also economically valuable (Saint-Pierre and Miquelon Community Profile, 2015; DFA, 2002; DFO, 2007).
Les témoignages concernant les installations indigènes et l’exploration européenne sont liés aux stocks halieutiques abondants de l'archipel. Des écrits rapportent que Jacques Cartier a revendiqué Saint-Pierre-et-Miquelon alors que les pêcheurs français étaient déjà en train de travailler le paysage (Timothy, 2001). Le 22 juin 1816, l'archipel est rendu à la France et il s’agit actuellement d’une collectivité territoriale. Pendant la deuxième moitié du 20ème siècle, les stocks de morue, historiquement abondants, ont été excessivement exploités du fait d’une série de facteurs, notamment l’absence de coordination dans la gouvernance de la pêche internationale (Coward, Ommer, and Pitcher, 2000); Berthier, 1962 ; Moguedet, 1975).
Aboriginal settlement and European exploration testimony have been tied to the archipelago’s abundant fish stocks. Some scholars report that Jacques Cartier laid claim to Saint-Pierre and Miquelon after French fishermen were already working the landscape (Timothy, 2001). On June 22nd, 1816, the archipelago returned to France and it is now a Territorial Collectivity. During the second half of the 20th century, historically abundant cod stocks were overly exploited for a confluence of factors, including lack of coordinated international fishing governance (Coward, Ommer, and Pitcher, 2000); Berthier, 1962; Moguedet, 1975).
L’accès à la pêche et à d'autres ressources naturelles (telles que les réserves d'énergie potentielles) a joué un rôle essentiel dans l'évolution des frontières maritimes au cours des siècles. Le climat froid et la piètre qualité des sols ont contribué, parmi d'autres facteurs environnementaux, à rendre la production agricole vivrière relativement chère et même infaisable, si l’on considère les infrastructures et les préférences de consommation contemporaines. Nous postulons que ce schéma n’est pas atypique pour des régions isolées situées dans des écosystèmes semblables.
Access to fish and other natural resources (such as potential energy deposits) played a critical role in the evolution of the maritime boundaries over the centuries. Other contributing environmental factors like cold climate and poor soil quality make subsistence agricultural production relatively expensive and arguably infeasible, given modern day infrastructure and consumption preferences. We posit that this is not an unusual pattern for isolated regions in similar ecosystems.
Saint-Pierre-et-Miquelon fait partie d'une des plus grandes zones majeures biogéoclimatiques du monde qui s'appelle la région boréale nord-américaine (Brandt, 2009). Malgré les écarts pour délimiter techniquement et précisément la zone (du fait de l’utilisation de multiples méthodologies et terminologies), les écosystèmes boréaux, quelle qu'en soit la définition, occupent sans conteste une grande partie des terres en Amérique du Nord et à travers le globe.
Saint-Pierre and Miquelon is part of one of the world’s largest major biogeoclimatic zones known as the North American boreal region (Brandt, 2009). Although there are technical discrepancies in precise boundaries due to various methodologies and terminologies, regardless of definition, it is indisputable that boreal ecosystems comprise a large amount of land in North America and across the globe.
La région boréale est définie par Brandt (2009) par 627 millions d’hectares (ha) ou 29% du continent nord-américain situé au nord du Mexique. Les données et les définitions du département des Ressources Naturelles du Canada sont intégrées à la carte 2, pour montrer la région boréale de l'Amérique du Nord. Comme on le voit sur la carte 2, la région boréale nord-américaine se compose de quatre zones boréales : haute-alpine, hémi-boréale, boréale-alpine et boréale. Pour cet article, il est également important de noter que la région d'étude, Saint-Pierre-et-Miquelon, fait partie de la même écozone boréale que le Canada, le Groenland et l'Alaska (États-Unis).
Brandt (2009) defines the boreal region as 627 million hectares (ha), or 29% of the North American continent north of Mexico. Natural Resources Canada data and definitions are integrated into Map 2 to illustrate North America’s boreal region. As shown in Map 2, the North American Boreal Region has been defined as consisting of four boreal zones: high alpine, hemiboreal, boreal alpine, and boreal. In the context of this paper it is also important to note that the study region, Saint-Pierre and Miquelon, is part of the same boreal ecozone as Canada, Greenland, and Alaska (U.S.).
Carte 2 : Les quatre types « d'écozones boréales » dans la région de l'écosystème boréal : haut-alpine, hémi-boréale, boréal-alpine, et boréale.
Map 2: North American Boreal Ecosystem Region.
Les quatre types « d'écozones boréales » dans la région de l'écosystème boréal : haut-alpine, hémi-boréale, boréal-alpine, et boréale.
Map 2 illustrates the four types of boreal ecozones in the North American boreal ecosystem region: high alpine, hemiboreal, boreal alpine, and boreal.
Un jeu de données collecté par Potapov et al. (2008) a été adapté pour délimiter la région boréale mondiale, comme on le voit sur la carte 3. A des fins d’illustrer l’ampleur mondiale de la zone, les données de Potapov et al. ont été choisies pour ajouter des écoregions de forêts de conifères tempérées et de forêts mixtes caractérisées par la saisonnalité de leur végétation et la présence d’une couverture neigeuse en hiver. Les régions couvertes de forêts des écoregions de forêts-steppe et des régions continentales de l'Amérique du Nord et de l'Asie, avec des écoregions transitionnelles de forêt-toundra, ont été également incluses à ce biome boréal. En raison du caractère limité de certaines données, une petite partie du biome de la forêt boréale (l'Islande et les régions situées au nord de la latitude 70° en Sibérie) n'a pas été traitée.
A dataset collected by Potapov et al. (2008) has been adapted to demonstrate the worldwide boreal region, as shown in Map 3. For the purposes of a world-wide illustration, the Potapov et al. data have been selected to add ecoregions of temperate coniferous and mixed forests characterized by similar seasonality and presence of winter snow cover. The forested areas of forest-steppe ecoregions within continental parts of North America and Asia, along with forest-tundra transitional ecoregions, were also included in the boreal biome. Due to data limitations, a small portion of the boreal forest biome (Iceland and areas greater than 70° latitude in Siberia) was not processed.
Carte 3 : L'immensité de « l'écozone boréale » dans l'hémisphère Nord
Map 3: Global Boreal Region.
L'immensité de « l'écozone boréale » dans l'hémisphère Nord
Map 3 illustrates the expansiveness of the boreal region across the northern hemisphere
Il est donc évident que les écosystèmes boréaux occupent une grande part des terres émergées à travers le globe. Tout comme à Saint-Pierre-et-Miquelon, une grande partie de la région boréale mondiale est peu peuplée, tributaire des systèmes halieutiques et isolée des grands centres de distribution de produits alimentaires. Les habitants des communautés rurales dans toute la région boréale sont fortement dépendants de l'extraction et de l'échange des biens, parce que le climat rend l'agriculture de subsistance difficile. Nous affirmons que parvenir à une bonne compréhension des circulations des ressources alimentaires à Saint-Pierre-et-Miquelon permet une meilleure compréhension de la production des ressources agricoles et des circulations alimentaires dans les climats froids, en général.
Clearly, boreal ecosystems comprise a large land mass across the globe. Not unlike Saint-Pierre and Miquelon, much of the world’s boreal region is sparsely populated, centered on marine systems, and distantly located from large food distribution centers. Inhabitants in rural communities throughout the boreal region rely heavily upon extraction and trade because the climate makes subsistence agriculture difficult. We assert that achieving an understanding of the food resource flows in Saint-Pierre and Miquelon lends insight into the agricultural resources and food flows in cold climates, in general.
À partir du mois de février 2015 jusqu'au mois d'octobre 2015, nous avons mené une série d'entretiens avec les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon, en employant des techniques d'entretien dites « boule de neige » (Biernacki and Waldorf, 1981) afin d’examiner les perceptions du différend frontalier entre la France et le Canada et leurs effets sur les infrastructures.
From February 2015 through October 2015, we conducted a series of interviews with Saint-Pierre and Miquelon residents using snowball interviewing techniques (Biernacki and Waldorf, 1981) to review their perceptions of the 1992 France-Canada Maritime Boundary dispute, and the subsequent impacts on their infrastructure.
Photographie 1 : L'écosystème urbain de St. Pierre et Miquelon
Photo 1: The urban ecosystem of Saint-Pierre and Miquelon.
Les maisons de couleurs vives sont caractéristiques des communautés vivant de la pêche côtière. À l'arrière-plan, on aperçoit l'île aux Marins. (Photographe : Christina Detcheverry)
The brightly coloured houses are characteristic of coastal fishing-based communities. L’île aux Marins is shown in the background. (Photo credit : Christina Detcheverry)
L'infrastructure économique et culturelle de Saint-Pierre-et-Miquelon s’est développée à partir de la pratique artisanale de la pêche (Berthier, 1962). Les caractéristiques géographiques de la région ont facilité ce lien, comme on le remarque sur la petite île de l'archipel, l'île aux Marins. La Photographie 1 montre ainsi l'église de l’Ile aux Marins et le cimetière où étaient enterrés les marins. Le poisson était salé et séché sur des étendues de cailloux appelées de façon emblématique « les graves ». « La Digue », l’infrastructure rocheuse entre les deux îles, a été construite dans les années 1950 pour faire barrière aux éléments naturels surtout pendant les mois d'hiver.
Saint-Pierre and Miquelon’s symbiotic economic and cultural infrastructure developed around traditional fishing practices (Berthier, 1962). The region’s geographical characteristics facilitated this connectivity, which is depicted on the small island, L’île aux Marins. Photo 2 shows the ȋles aux Marins church and the graveyard where sailors were buried. Fish were salted and dried on the pebbles emblematically described as « les graves ». “La digue”, the rocky infrastructure shown between the two islands was constructed in the 1950s as a barrier against the harshness of the natural elements especially during the winter months.
Photographie 2 : L'Île aux Marins, une des îles qui fait partie de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon (Photographe : Tiffany Hancock)
Photo 2: L’Ile aux Marins, an island in the Saint-Pierre and Miquelon archipelago. (Photo credit: Tiffany Hancock)
La photographie 2 illustre également l'usine de pêche « L'Interpêche » et les chalutiers de pêche. Les revenus issus de la pêche ont seulement représenté 1 % de l'activité économique du territoire en 2014 (IEDOM, 2014), mais les changements sont remarquables. Pour la deuxième année consécutive, on note le déclin du volume global de prises pour la pêche traditionnelle, avec une diminution de 17 % entre 2014-2015. La pêche industrielle a absorbé de façon modeste la transition depuis la pêche traditionnelle. La part de la pêche industrielle dans le total des prises a augmenté de 3 % entre 2014-2015, une première depuis 2008.
Photo 2 also illustrates the modern fish processing plant « L’Interpêche » and fishing trawlers. Fishing revenues only comprised 1% of the territory’s economic activity in 2014 (IEDOM, 2014), but the changes are noteworthy. For the second straight year, overall catch volume declined from traditional fishing, with a 17% decrease specifically between 2014-2015. Industrial fisheries have modestly absorbed the transition away from traditional fishing. The proportion of the total catch from industrial fisheries rose 3% between 2014-2015, and for the first time since 2008.
Près de la moitié de la population active est employée par les services gouvernementaux (IEDOM, 2014), avec une concentration stratégique des emplois dans le développement de secteur touristique. Les prévisions économiques pour Saint-Pierre-et-Miquelon sont légèrement optimistes et le chômage diminue lentement depuis la dernière décennie. Cependant, dans la réalité, les habitants sont toujours en train de récupérer de la réduction de leur accès aux ressources locales de pêche.
Approximately one-half of the labor force is employed in government service (IEDOM, 2014), and there is strategic focus on tourism sector development. Economic forecasts for Saint-Pierre and Miquelon are cautiously optimistic and unemployment has slowly declined over the past decade. However, the reality is that residents are still in transitional recovery from reduced access to local fishing resources.
Photographie 3 : L'aridité du paysage dans l'écosystème boréal et la topographie de la région d'étude.
Photo 3: The barrenness of the boreal ecosystem landscape and the topography of the study region.
Le climat froid et les terres pauvres rendent la production à grande échelle difficile. (Photographe: Tiffany Hancock)
The cold climate and poor soils make large scale agricultural production challenging. (Photo credit: Tiffany Hancock)
La rentabilité de la production agricole, mise au défi par le climat, vient soulever une question intéressante au sujet du rapport entre la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire. En effet, la situation devient plus compliquée encore quand l'accès aux ressources locales d'alimentation est limité, tel qu’on le voit depuis un certain temps à Saint-Pierre-et-Miquelon. Un état de l’art donne l'occasion d’affiner les définitions et de clarifier les liens entre la sécurité alimentaire, la souveraineté alimentaire et la justice alimentaire. L’article se poursuit donc par une analyse théorique de la littérature, suivie d'une mise en pratique à Saint-Pierre-et-Miquelon et au sein des écosystèmes semblables.
When climate poses challenges for cost-effective agricultural production, it raises an interesting question about the relationship between food security and food sovereignty. The situation is further complicated when access to local food resources are restricted, as has been the case in Saint-Pierre and Miquelon. An examination of the literature provides opportunity to refine definitions and to illuminate connections between food security, food sovereignty, and food justice. As follows is a theoretical analysis of the literature, followed by a practical application to Saint-Pierre and Miquelon and similar ecosystems.
2. Les liens entre souveraineté alimentaire, sécurité alimentaire et justice alimentaire
2. The connectivity of food sovereignty, food security, and spatial justice
La distinction entre sécurité alimentaire, souveraineté alimentaire et justice alimentaire est nécessaire pour pouvoir définir les réseaux et les circulations liées l'agriculture de l'écosystème boréal. Il est important de noter que ces termes sont souvent naïvement interchangés par des personnes non initiées, parce que les littératures académiques concernant la souveraineté alimentaire et la justice alimentaire sont émergentes et évoluent rapidement. Les objectifs fondamentaux de la sécurité alimentaire et de la souveraineté alimentaire peuvent se ressembler alors que les contextes et les politiques diffèrent, mais en réalité les pratiques associées sont souvent considérées comme très différentes (Windfuhr and Jonsén, 2005). Dans la plupart des cas, ces termes sont exclusifs l’un par rapport à l’autre et ne devraient pas être échangés (Schanbacher, 2010).
Distinguishing between “food security”, “food sovereignty”, and “food justice” is necessary in order to define the networks and flows of boreal ecosystem agriculture. It is important to acknowledge that the terms are often naively interchanged by lay persons, because the food sovereignty and food justice academic literatures are emerging and rapidly evolving. The fundamental goals of food security and food sovereignty may be similar under various policies and contexts, but the actual practices are often viewed as distinctively different (Windfuhr and Jonsén, 2005). Under most circumstances, the terms are mutually exclusive and should not be interchanged (Schanbacher, 2010).
La sécurité alimentaire est souvent associée à la production agricole conventionnelle et à la réduction de la pauvreté grâce à l’accroissement de la production. Dans cet article, nous utilisons la définition bien établie de la sécurité alimentaire, promulguée au Sommet mondial pour l’alimentation de 1996 et cité par Binimelis et al. (2014 : 325), “when all people, at all times, have physical and economic access to sufficient, safe and nutritious food to meet their dietary needs and food preferences for an active and healthy life” (« lorsque toutes les personnes, à tout moment, ont un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive qui réponde à leurs besoins et préférences diététiques pour une vie active et saine. »). La définition du Sommet mondial pour l’alimentation offre une explication première et fondamentale concernant les objectifs de l'accès à l’alimentation. Au fil du temps, des manques dans la littérature liée à la sécurité alimentaire ont émergé, ce qui a mené aux distinctions importantes proposées au sein des cadres d’analyse émergents de la souveraineté alimentaire et de la justice alimentaire (Alkon and Agyeman, 2011 ; Windfuhr and Jonsén, 2005 ; Schanbacher, 2010 ; Heynen et al., 2012 ; Godfray et al., 2010).
Food security is often associated with conventional agricultural production and reduced poverty through increased production. For the purposes of this article, we utilize the well-established food security definition promulgated by the 1996 World Food Summit as cited in Binimelis et al., 2014 (p. 325), “when all people, at all times, have physical and economic access to sufficient, safe and nutritious food to meet their dietary needs and food preferences for an active and healthy life”. The World Food Summit definition provides a preliminary and foundational understanding of food access goals. Over time, gaps in the food security literature have emerged, leading to important distinctions in the recently emerging food justice and food sovereignty frameworks (Alkon and Agyeman, 2011; Windfuhr and Jonsén, 2005; Schanbacher, 2010; Heynen et al., 2012; Godfray et al., 2010).
Par voie de définition, la justice alimentaire s’occupe essentiellement du « droit » humain à l'alimentation (Gottlieb et Joshi, 2010). Les questions d’équité sont considérées des deux côtés du marché, de depuis l’approvisionnement et la consommation. La qualité de l’environnement et la localisation de cet environnement sont également importants. Une définition de Alkon et Agyeman (2011 : 8) considère que la justice alimentaire “works to ensure equal access to the environmental benefit of healthy food” (“vise à assurer un accès equitable aux avantages d’une alimentation saine sur l’environnement »). En ce sens, des opportunités peuvent naître d’avantages spatiaux et environnementaux associés à des systèmes alimentaires spécifiques.
By way of definition, food justice essentially addresses a human “right” to food (Gottlieb and Joshi, 2010). Equity issues are considered for both the supply and consumption sides of the market. Environmental quality and location are also of importance. One definition written by Alkon and Agyeman, (2011, p. 8) is that food justice “works to ensure equal access to the environmental benefit of healthy food.” This implies that there might be opportunity to be gained from spatial or environmental benefits of specific food systems.
La souveraineté alimentaire peut être considérée tout simplement comme le droit d'une communauté de définir son propre système alimentaire et agricole (Nyéléni Declaration 2007). Selon la littérature, la souveraineté alimentaire est souvent considérée comme un terme générique désignant une variété d’approches qui visent à résoudre les problèmes de faim, de malnutrition, de développement rural, de justice environnementale et de vie durable (Windfuhr and Jonsén 2005). Les principaux thèmes identifiés dans la littérature sont : (1) le droit à l'alimentation, (2) l'accès équitable aux ressources, (3) l’agriculture durable, (4) la commerce et les marchés locaux équitables, (5) le contrôle démocratique, (6) l'éducation et le développement de compétences et (7) la signification culturelle de la nourriture (Schanbacher, 2010 ; Heynen et al., 2012 ; Windfuhr and Jonsén 2005 ; Godfray et al., 2010).
Food sovereignty can be considered simply as the community’s “right to define their own food and agricultural systems” (Nyéléni Declaration 2007). Through a synthesis of literature, food sovereignty is understood as an umbrella term for a collection of approaches towards solving issues of hunger, malnutrition, rural development, environmental justice and sustainable life (Windfuhr and Jonsén 2005). The major themes identified throughout the literature are: (1) the right to food, (2) equitable access to resources, (3) sustainable agriculture, (4) equitable trade and local markets, (5) democratic control, (6) education and skills development, and (7) the cultural significance of food (Schanbacher, 2010; Heynen et al., 2012; Windfuhr and Jonsén 2005; Godfray et al., 2010).
La souveraineté alimentaire est également décrite comme un mouvement politique d’empowerment des agriculteurs locaux afin qu’ils prennent le contrôle de leurs sources d'alimentation et enseignent ensuite ces connaissances à leurs communautés (McMichael, 2014). La Vía Campesina (Desmarais, 2012) est une publication pionnière souvent employée pour décrire « un mouvement paysan international » qui vise à redonner le pouvoir aux populations rurales. Certaines branches de la littérature considèrent le mouvement paysan international comme un synonyme de la souveraineté alimentaire. Le mouvement pour la souveraineté alimentaire de La Vía Campesina a attiré l'attention au Québec et dans d'autres régions du Canada, mais n’en est en général qu’à ses débuts (Desmarais and Wittman, 2014).
Food sovereignty has also been described as a political movement to empower local peasant farmers to take control of their food sources and for communities to learn from this knowledge (McMichael, 2014). La Vía Campesina (Desmarais, 2012) is a seminal publication often used to describe an “international peasant movement” to empower rural residents. Some parts of the literature consider the international peasant movement as synonymous with food sovereignty. La Vía Campesina food sovereignty movement has gained attention in Québec and in other parts of Canada, but it is viewed as being in its early stages (Desmarais and Wittman, 2014).
Il est évident que la notion de souveraineté alimentaire est importante et qu'il faut la distinguer de celle de sécurité alimentaire. Cependant, on manque d'études empiriques mesurant les différences entre la sécurité et la souveraineté alimentaires. Il existe également un creux dans la littérature concernant, d’une part, les indicateurs de la souveraineté alimentaire, ce qui permettrait de démontrer le rôle des communautés dans la définition de leurs propres systèmes alimentaires et, d’autre part, le niveau d’empowerment des habitants par rapport au contrôle de leurs réseaux alimentaires. L'évaluation empirique de la souveraineté alimentaire et de la sécurité alimentaire dans des régions rurales comme Saint-Pierre-et-Miquelon ou T.N.L. est compliquée car ce sont des zones rurales qui font partie de nations relativement riches. La France et le Canada fournissent des subventions considérables et des programmes sociaux à ces régions respectives, mais tirent par ailleurs des bénéfices de l'exploitation de leurs ressources naturelles. En outre, la France tire directement des bénéfices de la position géostratégique de Saint-Pierre-et-Miquelon. En d'autres termes, jusqu'à ce que des indicateurs supplémentaires soient mis en place pour mesurer distinctement la sécurité alimentaire de la souveraineté alimentaire, nous considérons les deux termes importants et liés, mais quelque peu distincts.
The notion of food sovereignty is clearly important and should be distinguished from food security. However, there is an absence of empirical study to measure differences between food security and food sovereignty. There is also a gap in the literature for food sovereignty indicators that demonstrate how well communities define their food systems, or the extent to which residents are empowered to control their food network. Empirically evaluating food sovereignty and food security in rural regions like Saint-Pierre and Miquelon or NL is complicated by the fact that these are rural areas within relatively wealthy nations. France and Canada provide considerable subsidies and social programs to these respective regions, yet benefit from the subsequent natural resource exploitation. France also directly benefits from Saint-Pierre and Miquelon’s strategic geo-spatial position. In other words, until additional measurements distinguish food security from food sovereignty, we consider both terms as important and related, but somewhat distinct.
Nous postulons que la souveraineté alimentaire et la justice alimentaire doivent être particulièrement prises en considération pour comprendre la façon dont la sécurité alimentaire « devrait » être atteinte. La justice alimentaire est liée à la justice environnementale et aux objectifs de justice sociale. La souveraineté alimentaire, ou la capacité des habitants à gérer leur propre approvisionnement alimentaire, implique d’appliquer une multitude de méthodes afin de faciliter la réalisation de ces objectifs (Schanbacher 2010). Alors que par certains aspects, il y a sans conteste incompatibilité entre la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire, nous pensons qu'il existe des liens entre la sécurité alimentaire, la souveraineté alimentaire et la justice alimentaire. La justice alimentaire ou le « droit à l'alimentation » dans les climats froids repose, au moins partiellement, sur la capacité des citoyens à atteindre à la fois la souveraineté alimentaire et la sécurité alimentaire. Nous croyons que cette situation diffère sous les climats tempérés qui favorisent la production agricole en comparaison des climats froids où la production agricole est coûteuse.
We posit that food justice and food sovereignty are especially important for understanding of how food security “ought” to be attained. Food justice is linked to environmental justice and social justice goals. Food sovereignty, or empowerment of local residents to govern their own food supply, involves a series of approaches to facilitate the process of reaching those goals (Schanbacher 2010). While food security is inarguably at odds with food sovereignty in some ways, we believe that there is connectivity between food security, food sovereignty, and food justice. Food justice or the “right to food” in cold climates relies, at least in part, upon citizens attaining both food sovereignty and food security. We believe that this plays out differently in temperate climates that are conducive to agricultural production compared to cold climates where agricultural production is costly.
3. Les problèmes de souveraineté alimentaire à Saint-Pierre-et-Miquelon
3. Food sovereignty issues in Saint-Pierre and Miquelon
Nous appliquons maintenant le débat académique au cas spécifique de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les résultats des entretiens menés par « boule de neige » avec les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon sont mis en regard avec les résultats de 47 entretiens semi-directifs conduits à T.N.L. entre octobre 2014 et janvier 2015 à propos de l'agriculture de l'écosystème boréal et des réseaux d'approvisionnement de T.N.L (Keske, 2015). Les résultats des entretiens se présentent comme une comparaison par paire entre deux recherches qualitatives, suivant une méthodologie de recherche mixte (Tashakkori et Teddlie, 1998). Les deux régions montrent des similitudes en termes de climat, de ressources naturelles et de sources potentielles de perturbation du système alimentaire. Cependant, l’importance culturelle de la nourriture est différente au sein des deux régions.
We now apply the academic discussion specifically to the Saint-Pierre and Miquelon case study. Results from the snowball interviews with Saint-Pierre and Miquelon residents are contrasted with results from 47 individual, semi-structured interviews conducted in NL from October 2014-January 2015 about the boreal ecosystem agriculture and the NL supply chain (Keske, 2015). Results of the interviews are presented as a paired comparison between two qualitative research studies, in a mixed methods research design (Tashakkori and Teddlie, 1998). Both areas exhibit similarities in climate, natural resources, and sources of potential food system disruption. However, the cultural significance of food is different for the two areas.
Puisque nous partons de climats similaires, il semble que les différences entre les deux régions relèvent de l'identité nationale construite sur le long terme. Ceci est probablement aggravé par le fait que, depuis des siècles, T.N.L. et Saint-Pierre sont tributaires des importations pour compléter la pêche et que leur besoin d’accéder à des produits spécifiques s’est renforcé avec le temps. La comparaison par paires entre les régions démontre que, malgré des similitudes, il existe des différences entre ce que les habitants estiment être une alimentation importante sur le plan culturel. Au sein de la littérature émergente au sujet de la souveraineté alimentaire, notre cas d’étude est singulier. La souveraineté alimentaire devrait en effet préserver le droit d'importer l'alimentation considérée par les habitants comme importante au niveau culturel. Nous souhaitons discuter ces concepts plus de détail en illustrant comment le conflit maritime du différend frontalier entre la France et le Canada a affecté la souveraineté alimentaire à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Since we control for similarities in climate, we believe that the differences arise from long-term national identity. This is likely exacerbated by the fact that both NL and Saint-Pierre have relied upon imports for centuries to supplement fishing and their access to specific products has been reinforced over time. The paired comparison between the regions demonstrates that differences exist between what residents deem as culturally significant food, despite other commonalities. Since the food sovereignty literature is still emerging, we believe that our case example presents a unique contribution to the literature. Food sovereignty should preserve the right to import food that is deemed of cultural importance. We discuss this in greater detail and we illustrate how the France-Canada Maritime Boundary dispute has affected food sovereignty in Saint-Pierre and Miquelon.
Le jardinage domestique est possible sous ces climats boréaux, mais il s’agit d’une tâche difficile. Une recherche ethnographique de T.N.L. relate que le mode de vie de subsistance s’est amélioré historiquement avec l'arrivée des produits par voie maritime (Omohundro, 1994). Les jardins privés des maisons et les jardins au bord des routes facilitaient la survie d'hiver des habitants jusqu'à ce que les navires de commerce livrent certains produits de base comme la mélasse, la farine, le beurre et le thé (Omohundro, 1994 ; Murray, 2002). Les récoltes telles que les pommes de terre, le chou, les carottes, les betteraves, les navets, les haricots et la rhubarbe venaient compléter une production animale limitée, y compris la production laitière (Murray, 2002). La chasse de subsistance à T.N.L incluait les orignaux, le caribou, les oiseaux de mer et leurs oeufs. Les Terre-Neuviens étaient tributaires de la pêche et des importations de la Couronne britannique pour leur survie (O' Flaherty, 1979). Ce cycle économique définissait le système alimentaire et le paysage alimentaire de T.N.L (Omohundro, 1994 ; Lowitt, 2014).
Home gardening is possible in these boreal climates, but it is not an easy row to hoe. Ethnographic study of nearby NL documents a history of subsistence lifestyles augmented by goods arriving by sea (Omohundro, 1994). Home and roadside gardens facilitated winter survival until trade ships delivered staples like molasses, flour, butter, and tea (Omohundro, 1994; Murray, 2002). Crops like potatoes, cabbage, carrots, beets, turnips, bean and rhubarb complemented limited animal husbandry, including dairy production (Murray, 2002). NL subsistence hunting included moose, caribou, sea birds and their eggs. Newfoundlanders relied upon fishing and imports from the British Crown for survival (O’Flaherty, 1979). This economic cycle defined NL’s food system and food scape (Omohundro, 1994; Lowitt, 2014).
Saint-Pierre-et-Miquelon a un climat, un écosystème et des pratiques commerciales semblables à ceux de T.N.L., mais le gouvernement de la France a donné naissance à d’autres sources commerciales et d’autres coutumes culturelles au cours des siècles. Les Saint-Pierrais consommaient les oiseaux de mer et les poissons, mais la colonisation s'est déroulée différemment, ce qui a influencé leur palais. Omohundro (1995) rapporte que les techniques de jardinage domestique de type lazy-bed [NDT : littéralement « parterre paresseux », cultures sur billons courantes en Grande Bretagne et en Irlande] qu'emploient les Saint-Pierrais sont semblables aux techniques des Terre-neuviens, mais les Saint-Pierrais y cultivent des produits de luxe comme la laitue et les poireaux qui sont importants pour la culture française. Le foie gras, la terrine, le confit, la crème fraîche et les pâtisseries comptent parmi les spécialités culinaires françaises incorporées au paysage alimentaire de Saint-Pierre-et-Miquelon (Walsh, 2015). Ces dernières sont complétées avec des fruits de mer récoltés localement et du bétail. L'expérience touristique culturelle et culinaire française est mise en avant car elle représente une petite poche de France située au bord de l’Atlantique canadien (Timothy, 2001). Par bien des aspects, cela perpétue la dépendance de Saint-Pierre-et-Miquelon face aux importations originaires de France métropolitaine, car l'activité économique touristique exige la disponibilité de ces produits.
Saint-Pierre and Miquelon has similar climate, ecosystem, and trade practices, but French governance gave rise to different trade sources and distinct cultural customs over the centuries. The Saint-Pierrais consumed sea birds and fish, but colonization unfolded differently, which influenced their palates. Omohundro (1995) reports that the Saint-Pierrais “lazy bed” home gardening techniques are similar to the Newfoundlander’s, but they instead grow “luxury crops” like lettuce and leeks that are of French cultural significance. Pâté de foie gras, terrine, confit, crème fraȋche and pastries are among many French culinary specialities incorporated into the food scape (Walsh, 2015). These are complemented with locally caught seafood and livestock. The French culinary and cultural tourism experience is promoted as a pocket of France at the edge of Atlantic Canada (Timothy, 2001). In many ways, this perpetuates Saint-Pierre and Miquelon’s reliance on mainland imports, because tourism economic activity requires the availability of these products.
Ces différences culturelles et culinaires de Saint-Pierre-et-Miquelon sont rendues compliquées par l'isolement de la région par rapport au gouvernement central français. Ceci met en évidence la nécessité de mieux définir la souveraineté alimentaire. Le processus qui permet d’obtenir une nourriture saine et appropriée au niveau culturel est très important pour atteindre l'objectif de garantir une alimentation « appropriée» et « saine» à toute la population au fil du temps (Levkoe 2006 ; Levkoe, 2013 ; Schanbacher 2010 ; Wittman 2011). Il inclut la possibilité de préserver le droit d'importer l’alimentation, si les citoyens décident que ces importations sont saines ou appropriées au niveau culturel.
Saint-Pierre and Miquelon’s distinct culture and cuisine is complicated by isolation from the French central government. This necessitates further clarity on how food sovereignty is defined. The process by which healthy and culturally appropriate food is procured is highly relevant to the goal of securing ‘appropriate’ and ‘healthy’ food for everyone over time (Levkoe 2006; Levkoe, 2013; Schanbacher 2010; Wittman 2011). This includes preserving the right to import food, if the citizens decide that imports are healthy or culturally appropriate.
Une grande majorité de l’alimentation à Saint-Pierre et Miquelon vient directement de France, mais une certaine quantité est importée par des partenaires internationaux. C’est le cas par exemple des canards canadiens vivants qui sont utilisés pour le foie gras (Walsh, 2015). Le tourisme exige un système alimentaire capable de soutenir son infrastructure et d’entrer en synergie avec la culture alimentaire (Timothy, 2001). Les données économiques de l'Institut d’émission des départements d’Outremer (IEDOM), qui agissent au nom de la Banque de la France et sous son autorité, soutiennent cette hypothèse (IEDOM, 2015). Ses résultats prouvent qu'il y a une importation élevée de produits frais et une exportation élevée de poissons (principalement la morue). En outre, les données de l’IEDOM démontrent que le tourisme est un secteur économique robuste. Plusieurs facteurs permettent d’offrir ce que les habitants considèrent actuellement comme une alimentation saine et appropriée au niveau culturel (Montevecchi et al., 2007).
Much of the food to Saint-Pierre and Miquelon comes directly from France although some is imported from international partners. This includes live Canadian ducks used in paté de foie gras (Walsh, 2015). Tourism requires a food system that supports its infrastructure and contributes synergy to the food culture (Timothy, 2001). Economic data from INSTITUT D’ÉMISSION DES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER (IEDOM), which acts on the behalf and authority of the Bank of France, supports our premise (IEDOM, 2015). Their numbers show that there is high importation of fresh produce and exportation of fish (primarily cod). IEDOM also shows that tourism is a robust economic sector. Many factors influence what modern-day residents deem as healthy and culturally appropriate (Montevecchi et al., 2007).
La souveraineté alimentaire repose également sur l’agriculture durable et l'accès équitable aux ressources. Ceci implique de comprendre comment le fonctionnement de l’écosystème et les processus biologiques sont liés à l'emploi de ces ressources au fil du temps. Les processus biologiques devraient être pris en compte quand les politiques sont mises en œuvre, afin de faciliter la souveraineté alimentaire et la gestion durable des ressources. Malheureusement, quand l'accès équitable aux ressources et la durabilité des ressources ont été pris en compte, Saint-Pierre-et-Miquelon n'avait pas atteint la souveraineté alimentaire sur ses ressources halieutiques. Des conflits de long terme avec T.N.L et le Canada au sujet des limites des zones de pêche et de la gestion durable des ressources ont contribué à l'épuisement des stocks de morue. Le Canada a mis en application un moratoire de pêche à la morue en 1992 qui est toujours effectif en grande partie. Ceci reflète un problème classique de l'économie de la mise en commun (Demsetz, 1967 ; Coward, Ommer, and Pitcher, 2000).
Food sovereignty also involves sustainable agriculture and equitable access to resources. This requires understanding how the underlying biological and ecosystem processes link to use over time. Biological processes should be considered when policies are developed so that food sovereignty and sustainable resource management can be facilitated. Unfortunately, when equitable access and sustainability are factored, Saint-Pierre and Miquelon has not attained food sovereignty over its marine resources. Long-standing disputes with NL and Canada about fishing boundaries and resource management contributed to cod stock depletion. Canada implemented a cod fishing moratorium in 1992 that is still largely in effect. This reflects a classic economic common pool problem (Demsetz, 1967; Coward, Ommer, and Pitcher, 2000).
En fait, une grande partie des dommages sur l'écosystème ont sans doute été faits avant que les deux nations entrent dans la situation d’arbitrage international qui a mené en 1992 à la délimitation de la frontière maritime. Le schéma 1 présente ainsi une chronologie qui résume les événements principaux qui ont affecté la souveraineté de Saint-Pierre et Miquelon dans la région.
Arguably, much of the ecosystem damage was already done before the two nations entered into international arbitration leading to the 1992 Maritime Boundary decision. Figure 1 presents a timeline summarizing the key events that affected Saint-Pierre and Miquelon’s sovereignty in the region.
Figure 1. Chronologie du différend frontalier entre la France et le Canada
Figure 1: Timeline of France-Canada Maritime Boundary Dispute
Le Canada cherchait à diminuer les gains territoriaux de la France, tandis que la France visait une plus grande portion de territoire étendue au sud jusqu'aux eaux internationales. La carte 4 montre la demande « originale » française qui comprenait les lits abondants de pétoncles du banc de Saint-Pierre. Ces informations sont démontrées par le poids des prises par heure issu d’un sondage récent. Les eaux dans la région de North Atlantic Fisheries Organization (NAFO) (Organisation de la pêche de l'Atlantique du Nord) sont moins profondes, elles ont plus de nutriments et sont donc plus favorables à la pêche, particulièrement le long du banc de Saint-Pierre.
Canada aimed to minimize territorial gains for France, but France sought a larger parcel extending as far south as international waters. Map 4 shows the “original” French request that includes the rich scallop beds of Saint-Pierre Bank. These are expressed in catch weight per hour according to one recent survey. The waters in the North Atlantic Fisheries Organization (NAFO) 3Ps Division region are shallower, have more nutrients, and are more favorable for fishing, especially along the Saint-Pierre Bank.
La Cour internationale d’Arbitrage a considéré les deux demandes fortement exagérées. La Cour a employé sa propre méthodologie pour créer une frontière maritime en forme de champignon, présentée en rouge sur la carte 4 (COURT OF ARBITRATION, 1992). De façon notable, on remarque que les lits de pétoncles du banc de Saint-Pierre se situent hors de la région. Le couloir délimité ne donne pas d’accès direct à la France aux eaux internationales sans traverser la frontière du Canada qui s'étend jusqu'à 200 milles de la rive. La France conserve son droit de pêche dans la région contestée, selon les termes de l'Accord de pêche de 1972 et le Procès-Verbal de 1994 (Vignes, 1995).
The International Court of Arbitration viewed both claims as highly exaggerated. The Court used its own methodology to create the mushroom-shaped Maritime Boundary shown in red on Map 4. (COURT OF ARBITRATION, 1992). Notably, the scallop beds of Saint-Pierre Bank are outside of the region. The limited corridor does not allow France direct access to international waters without traversing Canada’s boundary that extends 200-miles from shore. France retains the right to fish in the disputed area under the 1972 Fishing Agreement and 1994 Procès-Verbal (Vignes, 1995).
Carte 4 : Le différend frontalier entre la France et le Canada.
Map 4: France-Canada Boundary Dispute.
La carte 4 illustre le différend frontalier entre la France et le Canada concernant la requête présentée à la Cour internationale d’Arbitrage au sujet de la frontière maritime. La concentration de bulots et les lits de pétoncles font partie d'un « Plan du bulot » (DFA, 2002; DFO, 2007). La Cour d’Arbitrage a accordé ces riches zones de pêche principalement au Canada.
Map 4 illustrates the France-Canada Maritime Boundary relative to the maritime boundary request presented to the International Court of Arbitration. Whelk concentration and scallop beds are shown as part of a 2001 Whelk Survey (DFA, 2002; DFO, 2007). The 1992 Court of Arbitration awarded these rich fishing grounds predominantly to Canada.
La théorie économique démontre que l'attribution des droits de propriété constitue une réponse à l'épuisement des ressources de la propriété commune. Cela encourage le « propriétaire » à contrôler les ressources de manière durable au fil du temps (Demsetz, 1967). L'opinion de la majorité de la Cour internationale d’Arbitrage semble être fondée sur cette hypothèse. La Cour a noté que marquer l'accès et le contrôle de la pêche dans la région contestée devrait inciter à un usage plus durable des ressources (COURT OF ARBITRATION, 1992). Cependant, avec les droits de propriété accordés au Canada plutôt qu'à la France, les Saint-Pierrais n’ont pas réussi à obtenir la souveraineté sur des régions marines qui auraient pu leur fournir une grande opportunité économique.
Economic theory demonstrates that assigning property rights can address common property resource depletion. This provides incentive for the “owner” to sustainably manage the resources over time (Demsetz, 1967). The Court’s majority opinion seemed to form around this premise. The Court noted that designating access and control of fisheries in the disputed area would facilitate more sustainable resource use (COURT OF ARBITRATION, 1992). However, by allocating property rights to Canada rather than France, the Saint-Pierrais failed to gain sovereignty over marine areas that would have provided greater economic opportunity.
Avec leurs opinions minoritaires, les deux juges dissidents ont mentionné la perte des ressources et de la souveraineté économique de Saint-Pierre et Miquelon (COURT OF ARBITRATION, 1992). M. Weil (désigné par la France) et M. Gotlieb (choisi par le Canada) étaient les deux seuls membres nationaux dans le tribunal international composé de cinq membres. M. Weil ne croyait pas que la solution soit équitable pour les Saint-Pierrais, notamment car ces derniers ne pourraient jamais tirer bénéfice entièrement de la ZEE, à cause de la morphologie de la frontière. Il a déclaré que le tribunal n'a pas prêté suffisamment attention à tous les potentiels facteurs économiques ou sociaux, dont les zones de pêche. De son côté, M. Gotlieb a jugé que la délimitation de frontière était injuste et que le tribunal n'avait pas employé une méthodologie appropriée pour évaluer les capitaux de chaque partie. M. Gotlieb a partagé l'opinion de M. Weil sur le fait la France aurait dû bénéficier d’un accès supplémentaire à la région du plateau continental au-delà de la zone canadienne des 200 milles (United Nations Digest, 2006).
In their minority opinions, the two dissenting judges mention Saint-Pierre and Miquelon’s loss of resources and economic sovereignty (COURT OF ARBITRATION, 1992). Mr. Weil (appointed by France) and Mr. Gotlieb (selected by Canada) were the only two nationals on the five member international panel. Mr. Weil did not believe the solution was equitable to the Saint-Pierrais in part because they would never be able to fully benefit from the EEZ due to the boundary shape. He stated that the Court did not provide proper attention to all of the potential economic or social factors, including the fisheries. Meanwhile Mr. Gotlieb felt the boundary delimitation was inequitable and that the Court did not employ appropriate methodology to assess equity. Mr. Gotlieb concurred with Mr. Weil that France should have been granted additional access to the continental shelf area beyond Canada’s 200-mile limit (United Nations Digest, 2006).
Dans les décennies qui suivent la délimitation de la frontière maritime, les recherches scientifiques confirment l’abondance des ressources disponibles sur le banc de Saint-Pierre. La Cour a indiqué que les ressources minérales potentielles n'avaient pas compté pour décider de la délimitation (COURT OF ARBITRATION, 1992). Cependant, les évaluations géologiques récentes confirment que les ressources en hydrocarbures sous-marines situées près de la côte de Terre-Neuve s’étendraient selon toute probabilité à la région contestée. Les Enquêtes exploratoires de bulots de T.N.L en 2001 montrent la présence de ressources potentiellement viables et durables dans la division de 3Ps NAFO (DFA, 2002). Les trois lits de pétoncles séparés sur le banc de Saint-Pierre constituent une zone de pêche valide. L'écosystème est considéré stable en ce qui concerne la pêche, même si les stocks varient de sorte que les contingents annuels de pêche changent chaque année (DFO, 2007).
In the decades following the Maritime Boundary decision, scientific research verifies the rich resources available on Saint-Pierre Bank. The Court indicated that potential mineral resources did not affect the delimitation decision (COURT OF ARBITRATION, 1992). However, recent geological assessments verify subsea hydrocarbon resources situated off Newfoundland’s coast that in all likelihood may extend into the disputed region. The NL 2001 Exploratory Whelk surveys document potentially viable and sustainable resources within the 3Ps NAFO division (DFA, 2002). The three separate sea scallop beds on the Saint-Pierre Bank comprise a valid pulse fishery. The ecosystem is viewed as stable for fishing, although stocks fluctuate enough so that the annual fishing quotas vary every year (DFO, 2007).
Ces lits abondants de pétoncles font partie de la demande originale des Français, et ont été attribués ensuite au Canada. Si la Cour internationale d’Arbitrage appliquait d’autres directives pour l’évaluation scientifique, économique et l’évaluation de la situation d’équité, Saint-Pierre-et-Miquelon aurait eu évidemment un meilleur potentiel en ce qui concerne sa croissance économique et le bien-être des habitants. Dans une série d'entretiens, Fleury (2006) indique le ressentiment des Saint-Pierrais vis-à-vis de la perte de la souveraineté alimentaire et de l'accès aux ressources économiques. Ils sont énervés contre la France qui n’a pas avoir lutté plus fort en faveur de leur droit d'accès aux ressources économiques. Ils critiquent également Terre-Neuve et le Canada du fait de leurs pratiques de pêche non durables qui ont mené à l'épuisement des ressources. Ils expriment aussi leur déception envers la Cour internationale d'arbitrage qui a attribué les lits peu profonds et la majorité de la Division 3Ps de NAFO au Canada, ce qui relègue par conséquent les ressources océaniques de qualité inférieure à la France. Les Saint-Pierrais expriment avec amertume un sentiment d’humiliation, arguant que la frontière maritime de 1992 ne leur laisse rien de plus qu' « une baguette française » de France métropolitaine et des opportunités limitées pour leur autosuffisance. En outre, la décision du tribunal a empêché l'accès aux réserves d'hydrocarbures disponibles géologiquement, alors qu’elles auraient pu devenir une source de revenu pour le territoire (Plantegenest et al. 2003).
These rich sea scallop beds are within the original French request subsequently awarded to Canada. If the Court of Arbitration implemented different scientific, economic, and equitability assessments guidelines, clearly Saint-Pierre and Miquelon would have had greater potential for economic growth and well-being. In a series of interviews, Fleury (2006) reveals the resentment the Saint-Pierrais felt from loss of food sovereignty and access to economic resources. They are angry at France for not fighting harder for their right to access economic resources. They also criticize Newfoundland and Canada for unsustainable fishing practices leading to resource depletion. They express disappointment towards the Court of Arbitration for awarding the shallow ocean beds and majority of NAFO Division 3Ps to Canada, thereby relegating the poorer quality ocean resources to France. In bitter frustration, the Saint-Pierrais express humiliation that the 1992 Maritime Boundary leaves them as nothing more than a “French baguette” of mainland France with limited opportunity for self-sufficiency. The ruling also prevented access to geologically available hydrocarbon reserves, which would have served as a source of revenue for the Territory (Plantegenest et al., 2003).
On peut considérer que la perte de la souveraineté sur la pêche affecte l'identité individuelle et communautaire des Saint-Pierrais (Power, 2005). De toute évidence, la culture de l'archipel s’est fondée sur la pêche. Comme on le voit sur les photos, les éléments géographiques, tels les galets utilisés pour la préparation de poissons, ont servi à fabriquer la culture et l’esprit de l’Ile aux Marins. Ci-dessous, le « vieux frigo» conserve sa position proéminente dans le port de Saint-Pierre, tel un vieux château. Il a été construit à la fin de la Première Guerre mondiale pour la congélation et l'entreposage du poisson destiné au ravitaillement des Armées alliées en cas de conflit prolongé. Pendant une vingtaine d'années, à partir du début des années 1950, la S.P.E.C. a fonctionné comme une usine de pêche qui employait trois cents personnes. Cet ouvrage rappelle les changements sociaux et économiques apportés avec les améliorations des techniques de congélation, qui ont permis l’expansion du marché de la pêche en Amérique du Nord (Berthier, 1962). Tout comme l’alimentation importée de France métropolitaine, les ressources de pêche de Saint-Pierre-et-Miquelon apportent une haute valeur culturelle à l’archipel.
The loss of fishing sovereignty has been shown to affect individual and community identity (Power, 2005). The archipelago’s culture clearly formed around fishing. As shown in photos, geographical features like pebbles used for fish preparation evolved into the cultural and spiritual fabric of ȋles aux Marins. In the photos, below, “le vieux frigo” (literally, “the old fridge”) retains its prominent position on Saint-Pierre’s port much like an old castle. It was built in the 1920s at the end of World War 1 for storing frozen fish to supply food for the allied forces in case of prolonged conflict. For a brief period of time beginning in the 1950s, the S.P.E.C. operated as a fish plant employing 300 people. It is a reminder of the social and economic changes introduced with improvements in refrigeration technology that expanded the fish market to North America (Berthier, 1962). Like the French food imported from the mainland, Saint-Pierre and Miquelon’s fishing resources provide high cultural value.
Photographie 4: Le Vieux Frigo.
Photo 4: “Le Vieux Frigo”
Ce bâtiment est connu localement sous le nom de « vieux frigo» et son nom officiel est la S.P.E.C. (société de pêche et de congélation). (Photographe : Christina Detcheverry)
This building is locally known as « le vieux frigo » and is officially called the S.P.E.C. (société de pêche et de congélation). (Photo credit: Christina Detcheverry)
Photographie 5 : L'industrie de la pêche à Saint-Pierre-et-Miquelon
Photo 5: The components of the fishing industry in Saint-Pierre and Miquelon.
On observe sur la photo les anneaux de pêche, les chalutiers, et l'usine de pêche L'interpêche. (Photographe : Christina Detcheverry)
Shown are the fish rings, the fishing trawlers and the fish processing plant l’Interpêche. (Photo credit: Christina Detcheverry)
Le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon montre une connexion intéressante entre souveraineté alimentaire, sécurité alimentaire et justice alimentaire. La gestion durable de la pêche a toujours été liée à la sécurité alimentaire et il est incontestable que les ressources halieutiques au sein de cet écosystème boréal ont été endommagées au point qu’une intervention drastique était nécessaire. Même si Saint-Pierre-et-Miquelon a perdu sa souveraineté alimentaire sur les ressources de pêche, on ne peut pas prévoir comment les ressources auraient été contrôlées si la demande de délimitation de la frontière maritime avait été accordée. Il est possible que la surpêche dans cette région ait continué.
Saint-Pierre and Miquelon reflects an interesting nexus of food sovereignty, food security, and food justice. Sustainable fisheries management is linked to food security over time. There is no question that marine resources in this boreal ecosystem were damaged to the point where drastic intervention was necessary. Even though Saint-Pierre and Miquelon lost food sovereignty over the fishing resources, we cannot predict how they would have managed their resources if their Maritime Boundary delimitation request was granted. It is possible that over-exploitation of the region may have continued.
Cependant, les Saint-Pierrais ne peuvent pas être tenus pour seuls responsables de la gestion non durable de la pêche et de la crise de l'industrie de la morue à Terre-Neuve. De même, ce serait une erreur de poser la responsabilité entière sur leurs voisins de Terre-Neuve. Il a souvent été avancé que Terre-Neuve n’a pas la souveraineté sur son industrie ni ses usines de pêche (Coward, Ommer, and Pitcher, 2000 ; Omohundro, 1994 ; Power, 2005).
However, blame for unsustainable fisheries management and the Newfoundland cod industry crash cannot be laid at the feet of the Saint-Pierrais. Likewise, it is also a mistake to place full responsibility on their Newfoundland neighbors. It has also been argued that Newfoundland does not have sovereignty over its fisheries and fish processing plants (Coward, Ommer, and Pitcher, 2000; Omohundro, 1994; Power, 2005).
La connexion des écosystèmes signifie que l'épuisement des ressources d’une région affecte potentiellement d'autres régions, indépendamment des frontières politiques. En ce sens, la sécurité alimentaire est un problème d’échelle globale. Les acteurs mondiaux qui ont exploité les ressources halieutiques de la région contestée ont eu à l'esprit les intérêts de leur propre nation en matière de sécurité alimentaire. Mais il est possible de rétablir la souveraineté sur les ressources à Saint-Pierre-et-Miquelon, ce qui peut enfin mener à la justice spatiale. Dans la mesure où il est seulement possible d’aller de l’avant, il semble utile de passer en revue les différentes opportunités permettant aux Saint-Pierrais de rétablir la souveraineté et d’obtenir la justice alimentaire.
Ecosystem connectivity means that depletion in one region has the potential to affect other regions, frequently irrespective of political boundaries. Along these same lines of thought, food security is a global scale issue. Worldwide players that exploited fish resources from the region arguably had their own nation’s food security interests in mind. There is opportunity to restore Saint-Pierre and Miquelon’s sovereignty over its resources, which may ultimately lead to spatial justice. Since we can only move forward in time, it is useful to review opportunities for Saint-Pierrais to re-establish sovereignty and obtain food justice.
4. Le système alimentaire de Saint-Pierre-et-Miquelon : la souveraineté alimentaire facilite la justice spatiale
4. The Saint-Pierre and Miquelon food system: food sovereignty facilitates spatial justice
Nous pouvons conclure que les politiques qui facilitent la souveraineté alimentaire mèneront dans la durée à la justice alimentaire. Le droit de définir une alimentation appropriée au niveau culturel ou qui a une importance culturelle devrait également être considéré. Cette étude de cas concernant l'agriculture dans l'écosystème boréal présente une logique applicable à d'autres régions du monde qui connaissent des conditions climatiques difficiles, tels les climats arides avec des approvisionnements en eau restreints. Nous pensons également que la composante temporelle est particulièrement importante pour les territoires isolés qui font partie des nations relativement riches, où la logistique retarde l'exécution des politiques nationales.
We conclude that policies to facilitate food sovereignty will lead to food justice over time. The right to define food that is culturally appropriate or that is of cultural significance should also be considered. We develop a case study on boreal ecosystem agriculture, but this logic may apply to other regions of the world with oppressive climatic forces, such as arid climates with limited water supplies. We also believe that the temporal component is particularly important for remotely situated territories appurtenant to relatively wealthy nations, where logistics may delay the implementation of national policies.
Ce genre de politiques peut être en décalage avec les définitions strictes de la sécurité alimentaire. La production agricole indépendante, autosuffisante, coûte chère et est difficile au sein des communautés rurales de l'écosystème boréal comme Saint-Pierre-et-Miquelon. Comme décrit dans le fameux modèle économique de Hecksher-Ohlin, les habitants importent les produits agricoles de base qui exigent une exploitation des ressources plus intensive et exportent les produits qui sont relativement abondants (O' Rourke and Williamson, 1999). Dans certaines circonstances (comme ici dans la région d'étude), on peut estimer que le cycle perpétue une dépendance continue et un épuisement des ressources. Néanmoins, même si la nourriture peut être produite abondamment et de manière rentable grâce à l’implantation de serres sur place, la souveraineté alimentaire est toujours nécessaire. Par conséquent, nous croyons que l'avancement du « droit [des communautés] de définir leur propre alimentation et leurs propres systèmes agricoles », selon la Déclaration de Nyéléni, devrait être une priorité afin que la justice spatiale puisse être facilitée.
Such policies could be at odds with strict definitions of food security. Self-contained agricultural production is expensive and difficult in rural boreal ecosystem communities like Saint-Pierre and Miquelon. As described under the renowned Hecksher-Ohlin economic model, residents import agricultural staples that require relatively more intensive resources, and they export goods that are relatively abundant (O’Rourke and Williamson, 1999). Under certain circumstances (not unlike the study region), the cycle arguably perpetuates reliance and resource depletion. However, even if food can be produced abundantly and cost effectively on location in greenhouses, there is still a need for food sovereignty. Therefore, we believe that advancing the community’s “right to define their own food and agricultural systems” under the Nyéléni Declaration should be prioritized so that spatial justice can be facilitated.
Nous militons en faveur d’une mesure mieux formalisée de la façon dont les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon souhaitent définir leurs systèmes alimentaires et agricoles. Dans cet article, nous employons les résultats de deux études qualitatives pour comprendre la signification culturelle de l'alimentation, de l'agriculture durable et du commerce équitable, considérés comme représentatifs des différentes dimensions de la souveraineté alimentaire. Il serait naïf de croire que toutes les dimensions de la souveraineté alimentaire puissent être atteintes simultanément. La prochaine étape la plus évidente est d'intégrer les résultats des entretiens qualitatifs et de les compiler pour les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les avantages, les coûts et les compromis des différentes décisions devraient être mesurées avec précision de sorte qu'ils puissent exprimer leurs préférences et prendre des décisions en conscience. La population peu nombreuse et concentrée sur le territoire peut favoriser une grande participation aux réunions publiques ou peut au moins permettre qu’un nombre suffisant d’habitants soient engagés afin qu'un échantillon représentatif soit représenté. Comme on l’a vu dans des études précédentes au sujet des communautés rurales dépendantes du tourisme et de l'extraction des ressources naturelles, la technique du audience response system pourrait être employée pour conserver l'anonymat des discussions (Keske and Smutko, 2010). La France reconnaît également l'importance de la participation communautaire à la gestion de la pêche dans ses eaux territoriales (Picault and Lesuer, 2015). En d'autres termes, une étude empirique des préférences et des compromis possibles de la communauté pourrait être une étape importante à suivre pour rétablir la souveraineté alimentaire à Saint-Pierre-et-Miquelon.
We advocate for a more formalized measurement of how Saint-Pierre and Miquelon residents wish to define their food and agricultural systems. In this article, we use results from two qualitative studies to explore the cultural significance of food, sustainable agriculture, and equitable trade as dimensions of food sovereignty. It is naïve to believe that all dimensions of food sovereignty can be achieved simultaneously. The most obvious next step is to integrate results from the qualitative interviews and compile these into trade-offs for Saint-Pierre and Miquelon residents. The benefits, costs, and trade-offs of these decisions should be accurately quantified so that they can express their preferences and make informed decisions. The small, relatively concentrated population may encourage high participation at public meetings, or at least ensure that enough residents are engaged to ensure that a representative sample is drawn. As shown in prior studies of rural communities reliant on tourism and natural resource extraction, audience response system technology could be utilized to keep deliberations anonymous (Keske and Smutko, 2010). France also acknowledges the importance of community participation in governance of fishing within its territorial waters (Picault and Lesuer, 2015). In other words, an empirical study of community preferences and trade-offs could be an important step towards re-establishing food sovereignty in Saint-Pierre and Miquelon.
Afin d’agir en faveur de la justice spatiale, la France et le Canada devraient respecter les Saint-Pierrais et concevoir des politiques qui facilitent leur droit à définir leur propre alimentation (Loo, 2014). À titre d'exemple, il est essentiel que la France s'assure que les Saint-Pierrais peuvent accéder aux produits français à des prix socialement acceptables. Le secteur de tourisme ouvre des opportunités prometteuses pour le développement économique qui devraient être encouragées par la France métropolitaine. En tant que territoire autonome, Saint-Pierre-et-Miquelon est soumise à une politique fiscale régressive de la part de la France et des partenaires commerciaux internationaux. Le Canada pourrait envisager de réviser sa politique pour mieux soutenir le développement économique entre Saint-Pierre-et-Miquelon et T.N.L voisin, où il existe une demande de produits locaux (Walsh, 2015).
In order to achieve spatial justice, both France and Canada should respect the Saint-Pierrais and design policies that facilitate their right to define their own food (Loo, 2014). By way of example, it is critical for France to ensure that the Saint-Pierrais are able to access French goods at socially acceptable prices. The tourism sector exhibits promising economic development opportunities that should be fostered by mainland France. As a self-governing territory, Saint-Pierre and Miquelon is vulnerable to regressive tax policy from France and international trading partners. Canada may wish to consider revising policies to better support economic development between Saint-Pierre and Miquelon and nearby NL, where there is a demand for locally produced products (Walsh, 2015).
La frontière maritime entre la France et le Canada démontre une perte évidente de souveraineté pour les Saint-Pierrais. En attendant la récupération des stocks halieutiques, les deux nations pourraient revoir le problème frontalier et revoir les politiques en faveur d’une amélioration de la souveraineté alimentaire de Saint-Pierre-et-Miquelon. Entre temps, il faut noter que les droits de propriété peuvent être implantés en tant que politiques de gestion de la pêche. Le « propriétaire » est encouragé à contrôler la ressource au fil du temps. Dans ces situations, nous croyons que le contrôle et le règlement démocratiques sont importants. Foley et al. (2015) examinent les politiques canadiennes de la gestion de la pêche dans la province voisine de T.N.L. Une gestion des ressources qui donne la priorité à des capitaux propres est bénéfique à la petite pêche et aux communautés qui la pratiquent car l’accès aux ressources et leur répartition sont facilités. Cela favorise des ressources alimentaires bénéfiques pour les habitants dans des régions côtières rurales et isolées (Foley et al, 2015).
The France-Canada Maritime Boundary reflects an obvious loss of sovereignty for the Saint-Pierrais. As fish stocks recover, both nations may wish to revisit the boundary issue and revise policies that will improve food sovereignty for Saint-Pierre and Miquelon. In the interim, there should be recognition that property rights can be successfully implemented as a policy mechanism in fisheries management. The “owner” is provided incentive to manage the resource over time. In these situations, we believe that democratic control and regulation are important. Foley et al. (2015) examine Canadian policies surrounding fishing governance in nearby rural NL fisheries. Governance that prioritizes equity subsequently benefits small-scale fisheries and their communities by facilitating access and distribution. This encourages food resources of benefit to residents in rural and remote coastal regions (Foley et al., 2015).
En outre, il est possible que Saint-Pierre-et-Miquelon atteigne davantage de souveraineté alimentaire et de justice alimentaire en s’efforçant de surmonter les obstacles issus des règlements et du processus décisionnel concernant la pêche dans la région contestée. La part majeure de la gestion de la pêche dans la région partagée est issue de l'accord du Procès-Verbal entre la France et le Canada de 1994. Selon les espèces visées, un pourcentage du total admissible des captures (TAC) appartient au Canada et le reste appartient à la France. Mais la gestion et le processus de décision dans la région contestée restent obscurs. Les stocks de poissons migrateurs changent et le recrutement fluctue chaque année et il est par conséquent impossible de prédire le TAC annuel. Selon les termes de l'accord, l'attribution d'un TAC durable et viable au niveau économique implique la cogestion et la codécision. Puisque les éléments économiques et socio-économiques sont identifiés pour les deux régions en matière de responsabilité et de cogestion, nous pensons qu’ils devraient être pris en compte dans les décisions de quota de pêche, par rapport au statut des stocks de ressources visés.
Saint-Pierre and Miquelon may also be able to attain additional food sovereignty and food justice by muscling through the regulation and decision-making process of fisheries in the disputed region. The majority of the fisheries management in the shared region stems from the 1994 Canada-France Procès-Verbal agreement. Depending on the targeted species, a percentage of total allowable catch (TAC) belongs to Canada and the remainder falls to France. The management and decision-making process in the disputed region is still murky. Migratory fish stocks change and recruitment fluctuates each year and the annual future TACs cannot be predicted. Under the terms of the agreement, allocation of a sustainable and economically viable TAC involves co-management and co-decision making. Since economic and socio-economic factors arguably exist for both parties in relation to their co-management responsibility, we believe these factors should factor into the fisheries quota decisions as a supplement to the targeted resource stock status itself.
En résumé, nous pensons que si la souveraineté alimentaire est une priorité, les citoyens seront ensuite autorisés à développer leurs propres politiques et mécanismes pour contrôler les systèmes alimentaires et la sécurité alimentaire. Il existe une opportunité pour stimuler la relation entre la sécurité alimentaire, la souveraineté alimentaire et la justice alimentaire à Saint-Pierre-et-Miquelon. Si cela est mis en place, cela pourrait constituer un modèle à déployer pour réaliser la justice spatiale à une plus large échelle.
In summary, we believe that if food sovereignty is prioritized then citizens will be empowered to develop their own policies and mechanisms to manage food systems and security. There is opportunity to foster connectivity between food security, food sovereignty, and food justice in Saint-Pierre and Miquelon. If done successfully, it could present a model that can be used to achieve spatial justice across the world.