Violence d’État à la frontière : enfants migrants non accompagnés en Espagne

State violence at the border: unaccompanied migrant children in Spain

Introduction

Introduction

En quelques jours, au printemps 2021, près de deux mille enfants migrants non accompagnés[1] ont traversé la frontière entre le Maroc et les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Face à l’inaction des douaniers marocains, les forces de sécurité espagnoles ont repoussé certains des enfants vers le territoire marocain (El País, 2021). Au cours des mois qui ont suivi, ces mineurs ont été enfermés dans des locaux suroccupés (Martín, 2021) ou refoulés sommairement vers le territoire marocain (Fundación Raíces, 2021a). Ceux qui sont restés en territoire espagnol ont subi des procédures invasives de détermination de l’âge. S’ils étaient déclarés mineurs, les autorités les plaçaient dans des centres de protection de la jeunesse financés par l’argent public, mais gérés par des entités privées. Certains sont notoires pour leurs conditions sanitaires déplorables (Asociación Pro Derechos Humanos de Andalucía, 2019) et l’utilisation qui y est faite de sanctions physiques ayant causé la mort d’enfants résidents (Ortega Dolz, 2020). Si, au contraire, on les considérait comme adultes, ils étaient, faute de papiers en règle, détenus, déportés ou refoulés des centres de protection de la jeunesse (Fundación Raíces, 2014).

Over a couple of days in the spring of 2021, about two thousand unaccompanied migrant children[1] crossed the border between Morocco and the Spanish enclaves of Ceuta and Melilla. Faced with the inaction of Moroccan border agents, Spanish security forces pushed some of the children back to Moroccan territory (El País, 2021). Over the following months, these minors were placed in overcrowded, closed facilities (Martín, 2021) or summarily pushed back to Moroccan territory (Fundación Raíces, 2021a). Those who stayed in Spanish territory underwent invasive age determination procedures. If they were declared minors, authorities placed them, as children, in publicly-financed privately run youth protection centers, some of which are known for their insanitary conditions (Asociación Pro Derechos Humanos de Andalucía, 2019) and the use of physical discipline that has resulted in the death of child residents (Ortega Dolz, 2020). If, on the contrary, they were considered adults, they became undocumented and could therefore be detained, deported, or expelled from youth centers (Fundación Raíces, 2014).

Cet article étudie la violence infligée aux enfants migrants non accompagnés par des acteurs étatiques censés, aux termes du droit et des politiques publiques, les protéger. Dans un premier temps, j’aborde la façon dont l’architecture hostile des frontières de l’Union européenne et de l’Espagne est déployée pour refuser aux enfants migrants non accompagnés (ainsi qu’à d’autres groupes protégés) l’accès à leurs droits. Ensuite, j’expose le rôle de certaines agences d’État dans ce refus : pour ce faire, j’analyse l’exclusion spatiale du territoire de l’Union européenne (UE) par des pratiques répressives à la frontière et l’exclusion administrative par l’usage courant de procédures médicalisées de détermination de l’âge. Enfin, ma réflexion se porte sur une définition restreinte, mais cruciale, de la justice : le droit pour les migrants mineurs d’être traités comme des enfants par l’État, et d’avoir accès aux droits et aux mécanismes existant pour leur protection.

This article addresses the violence inflicted upon unaccompanied migrant children by state actors bound, by law and policy, to protect them. First, I explore how the European Union (EU)-Spain’s hostile border architecture is designed to refuse unaccompanied migrant children (and other protected groups) access to their accrued rights. Second, I illustrate the role that (some) state agencies play in this refusal. To do this, I focus on spatial exclusion from EU territory through repressive practices at the border and on administrative exclusion through the widespread use of medicalized age determination procedures. The discussion addresses a narrow but crucial definition of justice: minor migrants’ right to be treated as children by the state, so that they can access the rights and mechanisms in place for their protection.

 

 

Méthodologie

Methodology

Ce travail s’appuie sur des recherches antérieures (Vives et Williams, 2021 ; Vives, 2020 ; 2021 ; à paraître), des collaborations informelles avec des organisations non gouvernementales (ONG) et des études rarement mobilisées par la recherche universitaire, mais fréquemment utilisées par les acteurs de terrain et les bénévoles. L’objectif ici n’est pas de rapporter la parole des enfants ou des personnes travaillant avec eux. J’entends plutôt faire un pas de côté afin d’éclairer les conditions structurelles englobantes qui permettent aux gouvernements d’exploiter la géographie, les compétences juridictionnelles et les zones grises du droit pour dénier aux enfants l’accès à leurs droits acquis, malgré les dispositifs institutionnels complexes mis en place pour les protéger. C’est dans ce contexte qu’il convient d’interpréter à la fois les stratégies migratoires des enfants et les agissements d’autres acteurs à leur égard.

This discussion draws from previous research (Vives and William, 2021; Vives, 2020; 2021; forthcoming), behind-the-scenes collaboration with non-governmental organizations (NGOs), and literature seldomly mobilized in academic research but widely used by community and voluntary actors. My goal here is not to give a voice to the children or the stakeholders who work with them. Rather, I want to take a step back to examine the broader structural conditions that enable governments to use geography, jurisdiction, and the gray areas of the law to refuse children access to their accrued rights, despite the complex institutional arrangements in place to protect them. It is in this context that both children’s migratory strategies and other actors’ actions must be interpreted.

Pour mieux saisir la migration d’enfants non accompagnés vers l’Europe, il serait opportun de savoir qui ils sont, où ils se trouvent, et comment leur nombre et leur profil ont évolué au fil du temps. De telles informations sont difficiles à obtenir (Vives et Williams, 2021). Les données statistiques officielles sur les enfants migrants non accompagnés sont incomplètes, fragmentaires, peu accessibles et souvent impossibles à comparer d’un endroit à un autre ou d’une période à l’autre (Fundamental Rights Agency, 2019 ; Schumacher et al., 2019 ; Singleton, 2018). Le manque de données fiables affaiblit encore « la position socio-politique fragile des mineurs dans l’UE […] qui restent invisibles aux yeux du public » (Vives et Williams, 2021, p. 125). Des estimations certes imparfaites donnent un aperçu du volume des migrations d’enfants et de leur évolution dans la région (voir par exemple la figure 1 qui illustre l’évolution des arrivées par voie maritime des migrants non accompagnés entre 2015 et 2019). Dans le cas de l’Espagne, les données administratives sur les enfants migrants non accompagnés sont fournies annuellement par le procureur général de l’État, sur la base des données de la police de l’immigration et des frontières (pour les arrivées maritimes) et par les procureurs régionaux (pour les procédures de détermination de l’âge conduites sur l’année).

To understand unaccompanied child migration in Europe, we first need to know who these children are, where they are, and how their number and profile have changed over time. Yet these questions are not easy to answer (Vives and Williams, 2021). Regional official statistics on unaccompanied migrant children are incomplete, fragmented, difficult to obtain, and often not comparable among jurisdictions or consistent through time (Fundamental Rights Agency, 2019; Schumacher et al., 2019; Singleton, 2018). The lack of good-quality data further weakens “minors’ fragile sociopolitical position in the EU […] as they remain hidden from public view” (Vives and Williams, 2021, p. 125). Although imperfect, estimates give us a glimpse of the size and evolution of child migration in the region (see for example figure 1, which shows the evolution of unaccompanied migrant arrivals by sea between 2015 and 2019). In the case of Spain, administrative data on unaccompanied migrant children is provided annually by the State Attorney General, based on data collected by the Police’s Immigration and Borders Unit (arrivals by sea) and regional prosecutors (age determination procedures conducted that year).

carte montrant les arrivées de migrants mineurs non accompagnés en Europe méditerranéenne 2015-2019

Figure 1 : Arrivées de migrants mineurs non accompagnés en Europe méditerranéenne 2015-2019. Carte d’Elizabeth Rose Hessek, octobre 2021. Sources : Vives et Williams (2021), Fiscalía General del Estado (2020)

Figure 1: Unaccompanied minors arriving in Mediterranean Europe 2015-2019. Map created by Elizabeth Rose Hessek, October 2021. Sources: Vives and Williams (2021), Fiscalía General del Estado (2020)

Les sources secondaires utilisées ici suivent la procédure bureaucratique à laquelle sont soumis les mineurs, et reposent donc sur des documents juridiques, des rapports gouvernementaux et des rapports d’ONG. Pour définir ce qu’est un mineur non accompagné et le traitement qui devrait lui être réservé, je me réfère aux textes légaux en vigueur à l’international, au niveau de l’UE et de l’Espagne, en retenant ceux qui s’appliquent directement. Les analyses de l’exclusion spatiale et des procédures de détermination de l’âge s’appuient sur des rapports des agences compétentes de l’État qui traitent la réception initiale et les dossiers des mineurs, c’est-à-dire le ministre de l’Intérieur espagnol, le procureur d’État et le ministre du Développement (chargé du système national de Search and Rescue, ou recherche et secours en mer en français). Leur travail est documenté et supervisé par d’autres institutions régionales, nationales et supranationales dont les travaux me sont également utiles ici, par exemple l’Agence des droits fondamentaux (FRA) de l’UE et notamment le Défenseur du Peuple[2] à l’échelon national et régional. Les mineurs, une fois que leur dossier est accepté (s’il l’est), passent sous la responsabilité des agences régionales de protection de l’enfance et de la jeunesse, des acteurs privés mandatés par l’État pour cette mission. Pour illustrer des expériences de migrants ayant réussi à traverser la frontière, je m’appuie sur les rapports d’ONG renommées (comme le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés et la Fundación Raíces) et des extraits de presse pour plus de détails. La trajectoire d’un mineur dans la procédure administrative n’étant pas nécessairement linéaire, je mobilise ces différentes sources d’information au long de ma discussion.

Secondary information used here also follows the bureaucratic procedure minors go through and draws from legal documents, government policy reports, and NGO reports. To define what an unaccompanied minor is and how they should be treated, I use legal texts currently in force at the international, EU, and Spanish levels, selected for their immediate pertinence. The sections on spatial exclusion and on age determination procedures draw from reports by the state agencies involved in the initial reception and treatment of minors’ files, namely the Spanish Minister of Interior, the State Prosecutor, and the Ministry of Development (which oversees the national Maritime Search and Rescue, or SAR, system). Their work is documented and overseen by other supranational, national, and regional public institutions whose work I also echo here, such as the EU Fundamental Rights Agency (FRA) and the national and regional Ombudsman agencies, notably the Defensor del Pueblo[2]. Once (and if) their files are accepted for processing, minors become the responsibility of regional children and youth protection agencies, private actors subcontracted by the state for this purpose. To illustrate minors’ experiences once they have made it across the border, I draw from reports by reputed NGOs (e.g., European Council on Refugees and Exiles, and the Fundación Raíces) and use media coverage for additional detail. Since a minor’s progression through the administrative procedure is not necessarily linear, the discussion moves between these different sources of information.

 

 

Enfants migrants non accompagnés à la frontière

Unaccompanied migrant children at the border

Si la migration d’enfants n’est pas un phénomène nouveau, en revanche sa prise en compte politique et juridique l’est (Lems et al., 2020; Bhabha, 2014a). L’idée que l’enfance est « un moment d’innocence qui a besoin d’être protégé » (Lems et al., 2020, p. 325) a fait son apparition après la Seconde Guerre mondiale et a gagné en influence dans les décennies qui ont suivi avec la création de l’United Nations International Children’s Emergency Fund ([UNICEF] 1946), la Déclaration des droits de l’enfant des Nations unies (1959), et la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies ([CDE] 1989). Par ailleurs, la protection des mineurs fait partie du droit coutumier international.

The migration of children is as old as human history: what is new is its political and legal salience (Lems et al., 2020; Bhabha, 2014a). The idea of childhood “as a time of innocence that needed to be protected” (Lems et al., 2020, p. 325) first appeared after the Second World War and took hold in the following decades with the creation of the United Nations International Children’s Emergency Fund ([UNICEF] 1946), the United Nations Declaration on the Rights of the Child (1959), and the United Nations Convention on the Rights of the Child ([UN CRC] 1989). Furthermore, the protection of minors is part of customary international law.

Le droit international définit les enfants migrants non accompagnés comme les personnes de moins de 18 ans qui ne sont pas dans leur pays d’origine et ont été séparés de leurs parents, du reste de leur famille et d’adultes qui, du fait du droit ou de la coutume, sont considérés responsables d’eux (United Nations General Assembly, 1989). Le concept d’enfant migrant non accompagné est toutefois problématique et difficile à mettre en œuvre. Tout d’abord, ces enfants sont rarement tout à fait non accompagnés : ils voyagent souvent avec des adultes qui ne sont pas leurs responsables légaux, ou avec d’autres enfants (Bhabha, 2014a ; Arnold et al., 2014). Ensuite, l’enfance est une construction sociale et juridique : à défaut d’une documentation complémentaire comme un acte de naissance, il est impossible de démontrer avec certitude qu’un enfant relativement âgé a vraiment moins de 18 ans (García García, 2017 ; Kenny et Loughry, 2018). Enfin, la catégorie d’enfant migrant non accompagné est élaborée avant tout dans une perspective légaliste, qui en fait un agent politique largement passif – un objet de protection approuvée par l’État (Bhabha, 2014a). Cependant, il s’agit d’un concept crucial en raison des protections spécifiques assurées aux personnes définies comme telles dans le contexte de dispositifs internationaux, régionaux et nationaux (Bhabha, 2014a ; 2014b ; Crock et Benson, 2018).

As for unaccompanied migrant children, international law defines them as persons under the age of 18 who are outside their country of origin and have been separated from their parents and any other relatives and adults who, by law or custom, are responsible for their care (United Nations General Assembly, 1989). The concept of the unaccompanied migrant child is problematic and hard to implement, however. First, these children are rarely truly unaccompanied: they usually travel with adults other than their legal guardians or even with other children (Bhabha, 2014a; Arnold et al., 2014). Second, childhood is a sociolegal construction: lacking additional documentation such as a birth certificate, it is impossible to demonstrate that an older child is exactly under 18 (García García, 2017; Kenny and Loughry, 2018). Third, unaccompanied migrant children are framed primarily on legalistic terms and conceived as a largely passive political actor—an object of state-sanctioned protection (Bhabha, 2014a). Nonetheless, the concept is crucial because of the specific protections offered to those defined as such, and this under a broad range of international, regional, and domestic instruments (Bhabha, 2014a; 2014b; Crock and Benson, 2018).

Le principal cadre juridique de protection des mineurs non accompagnés est la CDE des Nations unies, qui concerne tous les enfants (United Nations General Assembly, 1989, articles 1 et 22) et dont tous les États de l’UE sont signataires. D’autres traités, comme la Convention de Genève de 1951 et le Protocole de 1967, sont également pertinents. Enfin, la Charte des droits fondamentaux de l’UE et le Plan d’action pour les mineurs non accompagnés (désormais caduc ; European Commission, 2010) encadrent également les obligations des États membres. Les pays de l’UE (dont l’Espagne) sont légalement tenus de transposer ces normes dans leur législation et leurs politiques nationales.

The main legal instrument for the protection of unaccompanied migrant children is the UN CRC, which targets every child (United Nations General Assembly, 1989, Arts. 1 and 22) and to which all EU member states are parties. Other treaties, such as the 1951 Geneva Convention and the 1967 Protocol are also relevant. Finally, the EU’s Charter of Fundamental Rights and the Action Plan on Unaccompanied Minors (now outdated; European Commission, 2010) also outline Members States’ obligations. EU countries (including Spain) are legally required to transpose these norms into their domestic legislation and policy.

La notion clé de ce cadre normatif est le principe des intérêts supérieurs de l’enfant (ISE) qui requiert que les États « veillent à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l’existence d’un contrôle approprié » (United Nations General Assembly, 1989, article 3.1). Les États signataires de la CDE sont tenus d’appliquer ce principe dans leur législation, leurs politiques et leurs services et doivent traiter tous les enfants de manière égale indépendamment de leur origine nationale ou de leur statut migratoire. Cela suppose que les agents frontaliers soient formés à des approches adaptées aux enfants, que les procédures de demande d’asile soient également adaptées aux enfants demandeurs et que la détention d’enfants soit progressivement éliminée[3].

The cornerstone of this normative framework is the principle of the Best Interests of the Child (BIC), which establishes that states “shall ensure that the institutions, services and facilities responsible for the care or protection of children shall conform with the standards established by competent authorities, particularly in the areas of safety, health, in the number and suitability of their staff, as well as competent supervision” (United Nations General Assembly, 1989, article 3.1). State signatories to the CRC must implement this principle into their legislation, policy, and provision of services and treat all children equally regardless of their national origin and immigration status. At the border, this means training border agents in child-friendly approaches, putting in place asylum procedures adapted to child claimants, and move towards the elimination of child detention[3].

L’application de ce cadre englobant de protection des enfants migrants a été freinée par une crise de la gestion de la migration qui a obéré à la fois le discours et les dispositifs mis en place pour la protection des droits des migrants (Bhabha, 2014b ; Lems et al., 2020). Dans ce contexte de conflit perçu entre sécurité nationale et droits des migrants, la frontière[4] est un lieu où l’État est l’instigateur de beaucoup de violence envers les enfants migrants. Au cours des trois dernières décennies, les frontières extérieures de l’UE se sont progressivement transformées en « technologies de contrôle et de gouvernement qui légitiment des pratiques d’exclusion extrême et de destitution, et créent ce qui a été défini comme un état d’urgence et d’exception permanent » (López-Sala, 2015, p. 517). Achille Mbembe (2019) va plus loin encore : en s’appuyant sur le concept de biopouvoir de Michel Foucault (l’usage du pouvoir social et politique pour contrôler les vies des gens ; Foucault, 2004 [1977]), il montre que les espaces frontaliers sont des lieux clé de la nécropolitique contemporaine, où le pouvoir politique détermine qui peut vivre et comment d’autres vont mourir. Dans le contexte de la migration entre Afrique et Europe, cette nécropolitique est intimement liée à la race et au racisme, dont la définition par Ruth Wilson Gilmore semble si pertinente ici : « la production et l’exploitation, entérinées par l’État ou extérieures au droit, de la vulnérabilité différenciée de certains groupes à la mort prématurée, déployées selon des géographies politiques distinctes et pourtant fortement interconnectées » (2007, p. 261). En conjuguant ces approches, il est possible de montrer que la frontière sud de l’UE (qui articule les espaces de mobilité africains et européens) fonctionne comme dispositif de perpétuation de la suprématie blanche qui affecte les enfants migrants non accompagnés (souvent racisés) de façon spécifique et encore peu documentée.

The implementation of this broad framework for the protection of migrant children has been forestalled by a crisis of migration governance that has undermined both the narrative and the instruments put in place for the protection of migrant rights (Bhabha, 2014b; Lems et al., 2020). In this context of perceived conflict between national security and migrants’ rights, the border[4] is where much of the state-led violence against migrant children occurs. Over the last three decades, the EU’s external borders have gradually turned into “technologies of control and government that legitimize extreme exclusion and destitution practices and create what has been defined as a permanent state of emergency and exception” (López-Sala, 2015, p. 517). Achille Mbembe (2019) furthers this argument. Drawing from Michel Foucault’s concept of biopower (the use of social and political power to control people’s lives; Foucault, 2004 [1977]), he argues that border spaces are key to understanding contemporary necropolitics: the use of political power to determine who may live and how others will die. In the context of migration from Africa to Europe, necropolitics are intimately linked to both race and racism. Ruth Wilson Gilmore’s definition of the latter seems particularly apt here: “the state-sanctioned or extralegal production and exploitation of group-differentiated vulnerability to premature death, in distinct yet densely interconnected political geographies” (2007, p. 261). Bringing these ideas together, we can conclude that the EU’s southern border (which articulates African and European spaces of human mobility) is an instrument for the perpetuation of white supremacy that impacts racialized unaccompanied migrant children in distinct and still largely unknown ways.

Les organisations de lutte pour les droits des enfants ont riposté à cette violence étatique avec des efforts accrus pour intégrer le principe ISE dans les politiques et le droit internationaux, de l’UE et des États (Vives, 2020), efforts restés assez vains pour l’instant. Tout d’abord, et surtout, les normes et les régulations renforcées dans tout le sud de l’Europe n’ont pas nécessairement amélioré les pratiques. De plus, les demandes des enfants sont de plus en plus délégitimées par les accusations qui les accusent d’être des « enfants imposteurs » ou des adultes tentant de se faire passer pour des mineurs (Silverman, 2016, p. 31). Cette délégitimation permet à l’État de construire les enfants migrants à la fois comme à risque et comme étant eux-mêmes un risque pour la sécurité nationale, ce qui conduit à de nouvelles articulations des logiques humanitaires aux frontières de l’Europe (Pallister-Wilkins, 2018). Ce résultat est paradoxal : à la frontière anti-immigration, les enfants non accompagnés sont à la fois les objets d’une attention protectrice, parce qu’on les perçoit comme vulnérables, et l’objet d’une attention punitive, parce qu’ils appartiennent à la catégorie des migrants en situation irrégulière (Bhabha, 2014a, p. 3).

Children’s rights groups and organizations have responded to state violence at and beyond the border with renewed efforts to integrate the BIC principle into international, EU, and domestic law and policy (Vives, 2020). These efforts have largely fallen short. First, and foremost, improved norms and regulations throughout southern Europe have not necessarily resulted in better practices. Second, children’s claims are increasingly delegitimized through a discourse that accuses them of being “imposter children” or adults posing as minors (Silverman, 2016, p. 31). This delegitimization makes it possible for the state to construct child migrants as both at risk and a risk to national security, leading to new articulations of humanitarian logics at the borders of Europe (Pallister-Wilkins, 2018). The result is paradoxical: at the anti-immigration border, unaccompanied children are at once the object of protective attention, because of their perceived vulnerability, and the object of punitive attention, because of their belonging to the category of the irregular migrant (Bhabha, 2014a, p. 3).

 

 

L’exclusion spatiale des enfants migrants non accompagnés

The spatial exclusion of unaccompanied migrant children

La frontière maritime méridionale de l’UE est la plus meurtrière au monde. Ces décès sont la conséquence de pratiques de répression anti-immigration qui forcent les migrants à prendre des itinéraires de plus en plus périlleux pour atteindre le territoire européen, ce sont donc des morts évitables (Mbembe, 2019 ; Mountz, 2020 ; Williams et Mountz, 2018). Dans cette partie, je souhaite insister sur la pratique du néo-refoulement (violation très courante du principe de non-refoulement[5] au nom de la sécurité nationale) qui affecte les enfants tout au long la frontière sud de l’UE.

The EU’s southern maritime border is the deadliest border in the world. These deaths are the result of repressive anti-immigration practices that force migrants to take increasingly dangerous routes to reach European territory and are therefore preventable (Mbembe, 2019; Mountz, 2020; Williams and Mountz, 2018). In this section, I focus on the practice of neo-refoulement (or the widespread violation of the principle of non-refoulement[5] in the name of national security) as it impacts children on the external Spanish-EU border.

Le néorefoulement résulte à la fois de l’action et de l’inaction de l’État. Par exemple, en se défaussant de leur obligation légale de protéger la vie humaine en mer dans les zones relevant de leur responsabilité et/ou en déléguant cette responsabilité à des pays tiers, les États membres, dans les faits, maintiennent les personnes dans leurs pays d’origine ou de transit, ou causent leur mort par inaction (Cusumano, 2019 ; Tazzioli, 2018 ; Vives, 2021). Malheureusement, nous ne disposons pas d’une étude systématique des impacts de la militarisation et de l’externalisation du sauvetage en mer Méditerranée sur les enfants migrants. Mais l’Agence des droits fondamentaux de l’UE a déclaré que le refus d’accorder l’autorisation d’accoster aux vaisseaux de sauvetage a eu pour conséquence, pour la seule année 2019, que plus de 780 enfants sont restés bloqués sur des bateaux de sauvetage en mer « pendant plus d’une semaine dans le mauvais temps, dans de mauvaises conditions sanitaires, au point de manquer d’eau et de nourriture avant d’être autorisés à débarquer » en Méditerranée centrale et orientale (Fundamental Rights Agency, 2020, p. 7). Cette même source estime que la militarisation de la frontière maritime et le durcissement des politiques de sauvetages ont causé la mort par noyade de 16 511 migrants, dont 710 enfants (ibid.).

Neo-refoulement results from both state action and inaction. For example, by relinquishing their legal obligation to protect human life at sea in the zones under their responsibility and/or delegating this obligation onto Third Countries, EU member states effectively keep people in spaces of origin and transit or cause their death by inaction (Cusumano, 2019; Tazzioli, 2018; Vives, 2021). Unfortunately, there is no research systematically exploring the impacts of SAR militarization and externalization across the Mediterranean on the protection of migrant children. However, the EU’s Fundamental Rights Agency stated that the denial of docking permission to SAR vessels in 2019 alone resulted in over 780 children stranded on rescue boats “for more than a week in bad weather, under poor health conditions, and running out of drinking water and food before being allowed to disembark” in the Central and Eastern Mediterranean (Fundamental Rights Agency, 2020, p. 7). The same source estimates that the militarization of the sea border and the toughening of rescue policies resulted in the drowning of 16,511 migrants at sea, including 710 children (ibid.).

Il n’existe pas de données de cet ordre pour l’Espagne. Mais la militarisation du système civil national de sauvetage en mer et l’implication croissante des autorités marocaines sur les routes migratoires atlantiques et de l’Ouest méditerranéen (Vives, 2021) ont conduit à un refus systématique d’assistance dans la zone de sauvetage marocaine et à une absence presque totale de transparence, les deux inquiétant fortement les organisations de lutte pour les droits humains de la région (European Council on Refugees and Exiles, 2022). Bien que la violence qui résulte du retrait et/ou de l’externalisation des services de sauvetage affecte tous les migrants, dans le cas d’enfants non accompagnés, elle constitue une forme claire de manquement aux obligations légales des États membres de l’UE.

No similar data exist for Spain. However, the militarization of the existing (civil) national SAR system and the increased involvement of Moroccan authorities along the Atlantic and Western Mediterranean migratory routes (Vives, 2021) have resulted in a systematic denial of assistance in the Moroccan SAR zone and a near-total lack of transparency, both of great concern to human rights organizations in the region (European Council on Refugees and Exiles, 2022). Although the violence resulting from the withdrawal and/or externalization of rescue services affects all migrants, in the case of unaccompanied children, it represents a distinct form of relinquishment of EU Member States’ legal obligations.

D’autres formes d’exclusion spatiale reposent sur une action de l’État. Par exemple, à la frontière, les enfants sont envoyés (avec d’autres migrants) vers des lieux où ils risquent de subir des violence par des refoulements ou « pushbacks » (lorsque des acteurs étatiques du pays de destination repoussent les migrants vers le territoire d’un pays de transit), des « pullbacks » (lorsque les acteurs étatiques des pays de transit font revenir les migrants vers leur territoire) et des « drift backs » (lorsque des acteurs étatiques transfèrent des migrants en mer vers des canots sans moteur et les laissent dériver)[6]. Des agences étatiques militaires ou entretenant des liens étroits avec l’armée sont souvent responsables de ces pratiques qui ont se déroulent sans contrôle judiciaire, comme dans le cas évoqué au début de cet article.

Other forms of spatial exclusion require the state to act. For example, at the border, children are sent (along with other migrants) to places where they may experience violence through “pushbacks” (where state actors from the destination country “push” migrants back to the territory of the transit country), “pullbacks” (where state actors from transit countries “pull” migrants back to their territory), and “drift backs” (where state actors transfer sea migrants to rafts without engines and let them float away)[6]. State agencies belonging to or with close links to the military are often responsible for these practices which happen without judicial review, as seen in the case discussed at the beginning of this paper.

Les pushbacks, pullbacks et driftbacks sont des expressions du néorefoulement, dans le sens où les États n’évaluent pas les risques potentiels pour chacun des migrants quand ils mettent en œuvre ces pratiques. De cette manière, ils violent leurs engagements nationaux, régionaux et internationaux, y compris la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Convention européenne des droits de l’homme, les règles communes de 2008 de l’UE sur le retour, la Convention relative au statut de réfugié et la CDE des Nations unies, entre autres (Bhabha, 2014b). De plus, une décision du Comité des droits de l’enfant de 2016 impose aux États de procéder au moins à une évaluation de l’âge et de la vulnérabilité avant de refouler un enfant, ainsi qu’à une évaluation des risques potentiels encourus par les enfants déportés, y compris le risque lié au manque de nourriture et de soins de santé (Fundamental Rights Agency, 2019). Ces préconisations ne sont pas suivies lors des expulsions extra-légales, par définition et de manière délibérée. Il est impossible de savoir combien de mineurs les acteurs étatiques ont renvoyés vers des pays où leur sécurité est en péril.

Pushbacks, pullbacks, and drift backs are expressions of neo-refoulement because states do not evaluate the potential risks to individual migrants when they engage in these practices. Thus, they violate domestic, regional, and international commitments, including the Universal Declaration of Human Rights, the European Convention on Human Rights, the EU’s 2008 common rules on return, the Convention Relating to the Status of Refugees, and the UN CRC, among others (Bhabha, 2014b). In addition, a 2016 decision by the Committee on the Rights of the Child held that states must conduct, at a minimum, an age and vulnerability assessment before proceeding to the removal of a child, as well as an evaluation of potential risks to the children once deported, including the risk of lack of proper nutrition and sanitary services (Fundamental Rights Agency, 2019). These conditions are not met during these extralegal expulsions, by definition and by design. However, it is impossible to know how many minors state actors have sent to countries where their safety is at risk.

Les déportations formelles relèvent d’un dispositif différent, dans la mesure où les migrants passent un certain temps sur le territoire du pays récepteur (y compris en détention) avant d’être expulsés. Elles impliquent également le système judiciaire de l’État. Les mineurs sont soumis à des risques particuliers face à ces déportations formelles, en général lorsqu’ils essaient de faire reconnaître leur âge. Ce processus (sur lequel je reviens dans la partie suivante) est crucial parce que, souvent, seuls les migrants adultes peuvent être déportés. Contrairement à ce qui se passe en Italie ou en Grèce, où la déportation de mineurs n’est généralement pas autorisée, en Espagne, ils peuvent l’être à destination des pays avec lesquels il existe un accord. Par exemple, un accord bilatéral signé en 2007 avec le Maroc autorise l’Espagne à y déporter les mineurs non accompagnés. Pourtant, l’expulsion de mineurs est généralement mal vue, ce qui explique peut-être pourquoi l’Espagne a déporté des mineurs en attente des résultats de leurs tests d’âge, sans prendre contact avec leurs tuteurs légaux (Defensor del Pueblo, 2018 ; Fundación Raíces, 2014). Quoiqu’il n’existe pas de données longitudinales sur la déportation d’enfants, nous savons néanmoins que la majorité des enfants qui ont rejoint Ceuta en août 2021 ont été déportés vers le Maroc dans les semaines qui ont suivi (Europa Press, 2021).

Formal deportations are a separate instrument in that migrants spend a significant amount of time within the territory of the receiving state (including in detention) before they are expelled. They also involve the judicial system of that state. Minors face specific challenges when it comes to these formal deportations, usually when they try to have their age recognized. Age determination (which I discuss in the following section) is crucial, because, for the most part, only adult migrants can be deported. Unlike in the cases of Italy or Greece, where the deportation of minors is usually not allowed, in Spain, minors can be deported to countries with which there is an agreement. For example, a bilateral agreement signed in 2007 with Morocco allows Spain to deport unaccompanied children to this country. Still, the deportation of minors is generally frowned upon. This may explain why Spanish authorities have deported minors while they waited for their age test results, without communicating with their assigned guardians (Defensor del Pueblo, 2018; Fundación Raíces, 2014). Although long-term data on the deportation of children is not publicly available, we know for example that the majority of children who crossed into Ceuta in August 2021 were deported to Morocco within a few weeks (Europa Press, 2021).

En résumé, les acteurs étatiques veillent à tenir les enfants éloignés du territoire espagnol (où ils auraient plus de chances d’avoir accès à leurs droits et à des protections spécifiques) de différentes façons : en refusant des services de recherche et sauvetage en mer susceptibles de sauver des vies ou en les déléguant aux pays de transit ; en les expulsant sans que leurs cas soient soumis à l’autorité judiciaire ; et en les déportant vers des pays où ils sont exposés à la violence. Nous n’avons que très peu d’information sur ce qu’il advient des mineurs refoulés ou déportés depuis l’Espagne. La seule information dont nous disposons sur la violence à l’encontre des enfants migrants dans les pays de transit concerne l’est et le centre de la Méditerranée. Par exemple, une étude conduite, en 2017, auprès de migrants empruntant ces deux voies maritimes par l’Organisation internationale pour les migrations a montré que 75 % des enquêtés avaient été victimes de traite d’êtres humains ou avaient subi d’autres pratiques d’exploitation ; les pourcentages étaient encore plus élevés pour les personnes originaires d’Afrique (près de 90 %) et les enfants (88 % ; International Organization for Migration, 2018). L’étude a également montré que les filles subissaient majoritairement des violences sexuelles. Ces données confirment la présentation faite plus haut de la frontière comme instrument du racisme qui aggrave la précarité des migrants et cause leur décès prématuré (Gilmore, 2007 ; Mbembe, 2019 ; Mountz, 2020). L’absence totale de données administratives concernant les mineurs déportés depuis l’Espagne ne nous permet pas de connaître les expériences des enfants migrants renvoyés vers des pays d’Afrique.

To summarize the information presented so far, state actors keep children away from Spanish territory (where they would be more likely to have access to specific rights and protections) in several ways: by refusing life-saving SAR services or delegating them to transit countries; by expelling them without judicial review of their files; and by deporting them to countries where they are exposed to violence. Unfortunately, we have very little information about the outcome of minors who are pushed back or deported from Spain. The only information we have on violence against migrant children in countries of transit pertains to the Central and Eastern Mediterranean routes. For example, in a 2017 survey with sea migrants along these two routes, the International Organization for Migration found that 75% of participants had been victims of human trafficking or had experienced other exploitative practices; the percentage was much higher for those from African countries (close to 90%) and children (88%; International Organization for Migration, 2018) than for others. In this survey, girls were found to be overwhelmingly exposed to sexual violence. These data support the arguments presented earlier about the border as a racist instrument that increases migrant precarity and vulnerability and results in premature death (Gilmore, 2007; Mbembe, 2019; Mountz, 2020). The total absence of administrative data for minors deported from Spain, however, means we are blind to the experiences of migrant children sent back to African countries.

 

 

L’exclusion bureaucratique par les approches médicalisées de détermination de l’âge

Bureaucratic exclusion through medicalized approaches to age determination

Une fois en Espagne, les enfants se trouvent pris dans une toile de pratiques administratives qui les empêchent d’avoir accès à leurs droits, et cette réalité montre bien que les frontières contemporaines relèvent de dispositifs plus que spatiaux. Des procédures faussées de détermination de l’âge constituent le noyau dur de la frontière administrative à laquelle se heurtent les enfants. Comme mentionné plus haut, « l’évaluation de l’âge est une tâche complexe et qui manque de précision » (Kenny et Loughry, 2018, p. 15). Cependant, c’est l’ensemble du système de protection des mineurs non accompagnés qui repose sur le fait qu’ils doivent précisément avoir moins de 18 ans.

Once in Spain, children find themselves entangled in administrative practices that prevent them from accessing their accrued rights, a reality that highlights contemporary borders as a more-than-spatial dispositif. Flawed age determination procedures are at the core of the administrative border that children encounter. As mentioned above, “the task of assessing age is complex and lacking in determinative accuracy” (Kenny and Loughry, 2018, p. 15). And yet, the entire system for the protection of unaccompanied migrant children rests on their being precisely under the age of 18.

Il existe trois modalités pour déterminer l’âge dans l’UE. La première, et la plus conforme au principe ISE, est d’accepter les documents attestant de l’âge (passeport, acte de naissance ou autre preuve d’âge fournie par le pays d’origine de la personne). Mais les gouvernements du sud de l’Europe refusent systématiquement les documents comme preuve d’âge pour les enfants les moins jeunes (García García, 2017 ; Hjern et al., 2018). Une autre modalité, recommandée quand la preuve de l’âge n’existe pas ou que son authenticité est mise en doute, repose sur des évaluations du développement psychosocial conduites par des professionnels. Mais ceux qui conduisent ces évaluations ne disposent souvent pas d’une formation suffisante (ibid.). Enfin, les gouvernements peuvent demander des tests de maturité du squelette, des dents ou de l’appareil génital. Ceux-ci sont souvent peu fiables, notamment à la puberté[7] (ibid. ; Kenny et Loughry, 2018), mais ils produisent un sentiment infondé de certitude (Defensor del Pueblo, 2011).

There are three main approaches to age determination in the EU. The first and best attuned to the BIC principle is accepting documental proof of age (passport, birth certificate, and other evidence of age produced by the person’s country of origin). However, Southern European governments systematically refuse identification documents as proof of age for older children (García García, 2017; Hjern et al., 2018). A second approach—recommended when proof of age does not exist or when its authenticity is in doubt—involves psychosocial development evaluations conducted by professionals. However, professionals conducting these evaluations often lack proper training (ibid.). Finally, governments may request skeletal, dental, or sexual maturity tests. These are often inaccurate, particularly during puberty[7] (ibid.; Kenny and Loughry, 2018), but they create a false sense of certainty (Defensor del Pueblo, 2011).

Depuis 2015, les normes et les régulations d’évaluation de l’âge ont tendu à mieux tenir compte du principe ISE et à s’harmoniser davantage en Europe du Sud (Allsopp et Chase, 2019 ; Vives, 2020). En lien avec cette perspective qui met plus l’accent sur la protection, les critères internationaux des droits humains établissent que « dans l’évaluation de l’âge, tout conflit devrait être résolu en donnant le bénéfice du doute à l’individu, ce qui assure que les personnes vulnérables recevront bien la protection dont elles ont besoin » (Kenny et Loughry, 2018, p. 20). La logique sous-jacente est qu’il est préférable d’accorder à un adulte les protections destinées à l’enfance que d’en exclure un enfant. Néanmoins, en pratique (et à l’exception de très jeunes enfants), les autorités acceptent rarement les preuves écrites de minorité, même quand la validité des documents n’est pas en cause (Digidiki et Bhabha, 2018 ; Fundación Raíces, 2014). En d’autres termes, les normes se sont améliorées dans la perspective de protéger les droits des enfants, mais ce n’est pas le cas des pratiques.

Since 2015, age assessment norms and regulations have tended towards a better alignment with the BIC principle and a certain harmonization throughout Southern Europe (Allsopp and Chase, 2019; Vives, 2020). Also in line with this expansive perspective on protection, international human rights standards establish that “in assessing age, any conflicts should be resolved by giving the benefit of the doubt to an individual thus ensuring those who are vulnerable are given the protection they need” (Kenny and Loughry, 2018, p. 20). The logic is that it is better to have an adult receive the protections intended for a child than for a child to receive none. Nevertheless, in practice (and with the exception of very young children) authorities seldom accept documental evidence of a person’s minority, even when the veracity of such documentation is confirmed (Digidiki and Bhabha, 2018; Fundación Raíces, 2014). In other words, while norms have improved from the perspective of the protection of children’s rights, practices have not.

Le cas de l’Espagne démontre cet écart croissant entre politiques et pratiques entre 2015 et 2019. Par exemple, la loi 26/2015 stipule qu’un mineur non accompagné doit subir une évaluation d’âge médicale seulement en l’absence d’autres preuves fiables ; que cette évaluation doit se faire promptement, avec le consentement éclairé de la personne et « toujours dans le respect de leur dignité » (article 12.4). La loi interdit également aux autorités de conduire ces tests de manière « indiscriminée ». En pratique, le procureur général espagnol a demandé 7745 de ces tests en 2019, principalement par les méthodes Greulich Pyle et Tunner Whintehouse (radio du poignet gauche pour évaluer la maturité osseuse). Sur les 6708 tests effectivement conduits, 3732 (55,6 %) ont été reconnus comme mineurs par les radiologues sans intervention d’un spécialiste de médecine légale, bien que ces tests soient considérés comme particulièrement peu fiables concernant les enfants non-Blancs les moins jeunes (Defensor del Pueblo, 2011). Le procureur a justifié cette approche restreinte et médicalisée en arguant du nombre élevé de migrants indiquant être mineurs :

The case of Spain demonstrates this growing gap between policy and practice during the 2015-2019 period. For example, law 26/2015 established that an unaccompanied minor must only undergo a medical age assessment when their age cannot be determined through other reliable means; this assessment must be done in a timely fashion, with the person’s informed consent, and “always respecting their dignity” (Art. 12.4). The law also instructs authorities not to use these tests “indiscriminately”. In practice, the Spanish Public Prosecutor ordered 7,745 such medical tests in 2019, primarily using the Greulich Pyle and Tunner Whintehouse methods (X-ray of the left wrist to assess bone maturity). Of the 6,708 tests that were completed, 3,732 (or 55.6%) were deemed minors by radiologists without the intervention of a forensic specialist, despite the fact that these tests are considered particularly unreliable on older children from non-white backgrounds (Defensor del Pueblo, 2011). The Public prosecutor justified this narrow and medicalized approach based on the sheer number of migrants claiming to be minors:

« à cause du grand nombre de [demandes d’évaluation d’âge] en peu de temps, et de la rareté des ressources, il n’est possible de mettre en œuvre qu’une radio du carpe gauche, sans l’avis d’un médecin légiste. Comme nous l’avons souligné [dans le rapport annuel de 2018], l’autorité judiciaire accepte qu’il s’agisse d’une approche minimale en situation d’urgence, avant l’entrée dans le système judiciaire où un examen plus approfondi peut être demandé au moyen de l’aide juridique gratuite » (Fiscalía General del Estado, 2020).

“due to the number of [age assessment requests] in short periods and the scarcity of resources, it is only possible to apply the single X-ray of the left carpus, without intervention from a forensic specialist. As highlighted [in the 2018 annual report], judicial review accepts this approach as the bare minimum in a situation of emergency, prior to the judicial route where a more detailed exam can be requested under free juridical assistance.” (Fiscalía General del Estado, 2020).

Autrement dit, la situation exceptionnelle (un grand nombre d’arrivées) justifiait l’usage de tests d’âge peu précis relevant d’une « approche minimale ». Cependant, le Defensor del Pueblo a relevé que le gouvernement utilise systématiquement cet argument pour éviter de se conformer à ses obligations, y compris celle de fournir à chaque migrant un avocat, ce qui est essentiel pour une procédure judiciaire juste si ces mineurs font appel des résultats de ces tests (Defensor del Pueblo, 2021, p. 60). Ainsi, même le minimum légal n’est pas respecté.

In other words, the exceptional situation (large numbers of arrivals) justified the use of largely inaccurate age determination tests considered the “bare minimum”. However, the Defensor del Pueblo has observed that the government routinely uses the large numbers argument to circumvent the obligation to respect its own obligations, including that to provide migrants with individualized legal representation, which is essential for an effective judicial review should these minors appeal the results of their age determination tests (Defensor del Pueblo, 2021, p. 60). Thus, even the legal bare minimum is not met.

Le gouvernement espagnol lui-même reconnaît qu’il ne respecte pas ses obligations de signataire de la CDE. Par exemple, le procureur général a déclaré que ces recommandations sont « inconciliables » avec la législation espagnole (même si la majeure partie de cette législation respecte la CDE) et la jurisprudence de plusieurs tribunaux nationaux, et qu’elles ne peuvent pas, en conséquence, être appliquées. À l’inverse, les autorités espagnoles s’appuient de plus en plus sur des tests de maturité médicaux et sexuels. Dans ce dernier cas, les mineurs (dont certains ont subi des violences sexuelles) doivent se soumettre à un examen physique complet par une équipe médicale qui vérifie le développement sexuel de leurs corps et leur appareil génital. Cette approche médicalisée de l’âge est douteuse d’un point de vue strictement procédural, puisque les résultats n’en sont pas nécessairement concluants (Defensor del Pueblo, 2018). De plus, ces tests violent à la fois le principe ISE et les règles nationales et régionales destinées à protéger les mineurs (Defensor del Pueblo, 2018 ; Fundación Raíces, 2020).

The Spanish government itself admits it does not abide by its obligations as a signatory of the CRC. For instance, the Public Prosecutor has argued that the CRC recommendations are “irreconcilable” with Spanish legislation (even though most of this legislation abides by the CRC) and the jurisprudence of several domestic tribunals and cannot be applied. Instead, Spanish authorities increasingly rely on medical and sexual maturity tests. The latter require minors (some of whom have been victims of sexual violence) to undergo a full-body exam by a medical team to have their bodies and genitals checked for signs of sexual development. This medicalized approach to age assessment is questionable from a purely procedural point of view, since the results are not necessarily meaningful (Defensor del Pueblo, 2018). Moreover, these tests violate both the BIC principle and domestic and regional regulations designed to protect these minors (Defensor del Pueblo, 2018; Fundación Raíces, 2020).

Les procédures médicales de détermination de l’âge sont intrinsèquement violentes dans leur exécution, leur intention et leurs résultats. Si on les déclare adultes, les enfants sont privés du droit à des documents légaux, déclarés en situation d’illégalité et ne peuvent bénéficier des services de protection ; ils sont susceptibles d’être placés en détention avec les migrants adultes ou la population carcérale générale ou déportés. Par exemple, en 2018, une enfant de 16 ans non accompagnée venant du Cameroun pour demander l’asile en Espagne a été déclarée adulte du fait d’un test médical concluant qu’elle avait « des poils pubiens et de la poitrine » indiquant qu’elle avait 18 ans. Cette mineure a été immédiatement exclue des services de protection de la jeunesse, et s’est retrouvée à la rue sans papiers (Fundación Raíces, 2021b). Deux ans plus tard, en 2020, un adolescent dont l’acte de naissance, la carte d’identité et le passeport étaient certifiés par le consulat de Gambie en Espagne a été contraint de subir un test de maturité sexuelle. Le Defensor del Pueblo espagnol explique que dans le cas des garçons, la maturité sexuelle est estimée « en fonction de la longueur du pénis, la taille des testicules et […] la quantité et la répartition des poils pubiens » (Defensor del Pueblo, 2011, p. 83). Le mineur ayant refusé a été, par conséquent, considéré comme adulte, expulsé d’un centre pour jeunes et laissé sans domicile pendant deux mois, jusqu’à ce qu’un juge statue qu’il devait être réintégré au système de protection de la jeunesse (La Vanguardia, 2020).

Medical age determination procedures are inherently violent in their execution, intention, and results. If declared adults, children are deprived of their right to proper documentation, becoming illegalized and ineligible for protection services, and potentially detained with the adult migrant or general prison population or deported. For example, in 2018, a 16-year-old unaccompanied girl from Cameroon seeking asylum in Spain was declared an adult based on a medical test that stated that her “pubic hair and breast development” were consistent with those of an 18-year-old. The minor was immediately cut off from youth protection services and became homeless and undocumented (Fundación Raíces, 2021b). Two years later, in 2020, a teenager whose birth certificate, identification card, and passport were confirmed as valid by the Gambian consulate in Spain was asked to undergo a sexual maturity test. The Spanish Defensor del Pueblo explains that in the case of boys, sexual maturity is estimated “according to penis length, testicular size, and […] amount and distribution of pubic hair” (Defensor del Pueblo, 2011, p. 83). The minor refused and as a result was determined to be an adult, expelled from a youth center and left homeless for two months, until a judge ruled the minor had to be taken back into the youth protection system (La Vanguardia, 2020).

Il ne s’agit pas de cas isolés. Entre 2019 et 2020, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a adopté 14 décisions énonçant que « les procédures espagnoles de détermination de l’âge des enfants migrants violent leurs droits fondamentaux » (United Nations High Commissioner for Refugees, 2020). Néanmoins, le gouvernement a amplifié l’usage de ces procédures, infligeant de nouvelles violences à des enfants qu’il est censé protéger.

These are not isolated cases. Between 2019 and 2020 alone, the UN CRC adopted 14 decisions concluding that “Spain’s procedures to determine the age of unaccompanied migrant children violated their fundamental rights” (United Nations High Commissioner for Refugees, 2020). Still, the government has expanded the use of these procedures, inflicting further violence upon the very children it is supposed to protect.

 

 

Conclusion

Conclusion

Cet article a étudié au prisme de la frontière espagnole deux types de violence déployés à l’encontre d’enfants migrants non accompagnés. Le premier consiste en une exclusion spatiale par le refus d’assistance en mer et le refoulement. Le second est une violence administrative qui s’exerce par l’utilisation de méthodes invasives et peu fiables de détermination de l’âge – qui à son tour facilite l’exclusion spatiale en produisant la déportabilité des enfants. Ces deux formes de violence empêchent les mineurs d’accéder à leurs droits et aux protections qui leur sont dues, avec des conséquences qui ne peuvent être adéquatement saisies faute de données de qualité.

This article has focused on the Spanish border to discuss two specific types of violence state actors deploy that result in violence against unaccompanied migrant children. The first is the spatial exclusion through the denial of assistance at sea and expulsion from the territory. The second is administrative violence through the use of unreliable and invasive approaches to age determination—which in turn enables spatial exclusion through the production of children’s deportability. Both forms of violence forestall minors’ access to their accrued rights and protections in ways and with consequences we do not fully understand because we lack quality data.

Comment est-il possible que le groupe de migrants le plus protégé se trouve ainsi desservi par les acteurs étatiques légalement mandatés pour le protéger ? L’écart croissant entre cadre légal et pratiques effectives fournit une partie de la réponse. Un ensemble solide de normes légales et de principes destinés à protéger ces enfants s’est développé depuis une trentaine d’années et a été traduit dans le droit européen et espagnol ainsi que dans les politiques publiques. Mais ce développement s’est fait en parallèle d’une montée sécuritaire et de la criminalisation de certaines migrations, de l’affirmation de frontières (entendues à la fois comme un lieu matériel et comme un ensemble de pratiques administratives) en tant que dispositifs tenant les migrants indésirables hors du territoire par l’exposition à la précarité, à la violence et à la mort. En d’autres termes, la tension entre protection et restriction a débouché sur un contexte où les enfants sont protégés en théorie, mais pas en pratique.

How is it possible that the most protected migrant group finds itself so profoundly undermined by state actors legally required to protect it? The growing gap between the regulatory framework and actual practices on the ground is part of the answer. A robust set of legal norms and principles designed to protect these children has evolved over the last three decades and has been translated into European and Spanish law and policy. These developments have run parallel to the securitization and criminalization of (some) migration and the emergence of borders (understood here as both a physical location and a set of administrative practices) as a critical instrument to keep undesired migrants out of the territory through exposure to precarity, violence, and death. In other words, the tension between protection and restriction has resulted in a context where children are protected in theory but not in practice.

Par un retournement désormais typique de la logique humanitaire à l’œuvre le long de la frontière sud de l’UE, ce paradoxe de protection-défense définit ces enfants comme à la fois exposés au risque de violence et d’exploitation et représentant un risque pour la sécurité nationale. Cette logique s’applique à toutes les étapes et dans tous les espaces où cette migration non désirée se produit, de sorte que l’exclusion spatiale et les pratiques bureaucratiques font partie d’un continuum plus large de violence exercée directement et indirectement par les acteurs étatiques. Cette constellation de pratiques violentes, promues par l’État, inclut des processus constants et imbriqués d’externalisation, de militarisation, un développement de la détention des migrants et l’abandon des engagements pris à l’international. Quoique ces tendances affectent tous les migrants considérés comme indésirables, mon but ici a été d’illustrer la façon dont cette violence touche tout particulièrement ceux qui sont dans des situations de vulnérabilité aiguë. En ce sens, les enfants mineurs non accompagnés sont comme des canaris dans la mine de charbon : si, malgré l’ensemble des règles de protection les concernant, ils subissent ces préjudices du fait de l’État, c’est l’ensemble du système international de protection qui est défaillant.

In a twist now typical of the humanitarian logic at work along the southern EU border, the protection-defense paradox that defines these children as both at risk of violence and exploitation and a risk to national security. The logics apply to all stages and spaces where undesired migration happens, so that spatial exclusion and bureaucratic practices are part of a larger continuum of violence inflicted directly and indirectly by state actors. This constellation of violent practices promoted by the state includes ongoing and intertwined processes of externalization, militarization, a growing reliance on immigrant detention, and the abandonment of international commitments. Although the result impacts all unwanted migrants, my goal here has been to illustrate how some of this violence affects those in situations of acute vulnerability in particular ways. In this sense, unaccompanied migrant children are like the canary in the coal mine: if, despite all the safeguards put in place, they are exposed to harm at the hands of the state, the whole international protection system is failing.

 

 

Remerciements

Acknowledgements

Je remercie mes assistantes de recherche, Marianne Turcotte-Plamondon et Elizabeth Rose Hessek, pour leur travail sur la carte incluse dans cet article. Ce travail a bénéficié du soutien du Fonds de Recherche du Québec-Société et Culture [2019-NP-253366] et celui du Social Sciences and Humanities Research Council of Canada [430-2020-00700]. Je suis seule responsable des éventuelles erreurs.

Thanks to research assistants, Marianne Turcotte-Plamondon and Elizabeth Rose Hessek, for their work on the map included in this article. This work was supported by the Fonds de Recherche du Québec—Société et Culture [2019-NP-253366] and the Social Sciences and Humanities Research Council of Canada [430-2020-00700]. All mistakes are my own.

 

 

Pour citer cet article

To quote this article

Vives Luna, 2023, « Violence d’État à la frontière : enfants migrants non accompagnés en Espagne » [“State violence at the border: unaccompanied migrant children in Spain”], Justice spatiale | Spatial Justice, 18 (http://www.jssj.org/article/violence-detat-frontiere-enfants-migrants-non-accompagnes-espagne/).

Vives Luna, 2023, « Violence d’État à la frontière : enfants migrants non accompagnés en Espagne » [“State violence at the border: unaccompanied migrant children in Spain”], Justice spatiale | Spatial Justice, 18 (http://www.jssj.org/article/violence-detat-frontiere-enfants-migrants-non-accompagnes-espagne/).

[1] La violence subie par ces mineurs non accompagnés (dont la majorité sont des adolescents) à la frontière est déterminée par leur race, leur genre, leur âge et par d’autres motifs de discrimination. Tout en reconnaissant ce fait, je n’étudie pas dans cet article la dimension intersectionnelle de la violence frontalière.

[1] The violence experienced by unaccompanied minors (the majority of whom are teenage boys) at the border is profoundly shaped by their race, gender, age, and other axes of discrimination. While I recognize that, in this article I do not explore the intersectional nature of border violence.

[2] Le Défenseur du peuple, élu par les membres du Parlement et du Sénat, a le statut de haut-commissaire au Parlement. Il est chargé de défendre les droits et libertés fondamentales des citoyens face à l’administration et aux autorités publiques (voir : https://www.defensordelpueblo.es/en/, consulté le 5 décembre 2023).

[2] The Defensor del Pueblo is the High Commissioner of the Parliament responsible for defending the fundamental rights and civil liberties of citizens by monitoring the activity of the Administration and public authorities (see: https://www.defensordelpueblo.es/en/, accessed on December 5, 2023).

[3] Le principe des intérêts supérieurs de l’enfant est également un objet de contentieux (Allsopp et Chase, 2019 ; Arnold et al., 2014).

[3] The BIC principle is also a matter of contention (Allsopp and Chase, 2019; Arnold et al., 2014).

[4] La frontière n’est pas considérée ici simplement comme un lieu, mais principalement comme un dispositif (Foucault, 2004 [1977]) : un ensemble de discours, d’institutions, d’aménagements architecturaux, de lois, de mesures administratives, d’énoncés scientifiques, de propositions morales, destiné, en l’occurrence, à stopper la migration illégale.

[4] The border is understood here not just as a place, but mainly as an apparatus (“dispositive”, Foucault, 2004 [1977]): a combination of discourses, institutions, architectural arrangements, laws, administrative measures, scientific declarations, and moral declarations aimed, in this case, at stopping irregular migration.

[5] Il s’agit d’un principe de droit international qui interdit aux États de refouler les migrants demandant protection vers un pays où ils sont exposés à la mort, la torture, les abus ou un préjudice irréparable.

[5] A key principle of international law that forbids states from sending migrants seeking protection to a country where they would face death, torture, abuse, or irreparable harm.

[6] Ces trois pratiques ont été observées à plusieurs reprises sur la frontière sud de l’Espagne et de l’UE.

[6] These three practices have been well documented along the southern Spanish-EU border.

[7] Par exemple, le Defensor del Pueblo espagnol a rendu compte d’un cas où trois procédures médicales reposant sur des radiographies, conduites en l’espace de deux mois sur une même personne, ont produit trois estimations d’âge différentes, avec deux années d’écart entre les plus éloignées (Defensor del Pueblo, 2011).

[7] For example, the Spanish Defensor del Pueblo has documented a case where three separate medical age procedures using x-rays performed within two months on the same person resulted in three different results that were two years apart (Defensor del Pueblo, 2011).

Bibliographie

References

Allsopp Jennifer, Chase Elaine, 2019, “Best interests, durable solutions and belonging: policy discourses shaping the futures of unaccompanied migrant and refugee minors coming of age in Europe”, Journal of Ethnic and Migration Studies, 45(2), p. 293-311 (https://doi.org/10.1080/1369183X.2017.1404265).

Arnold Samantha, Goeman Martine, Fournier Katja, 2014, “The Role of the Guardian in Determining the Best Interest of the Separated Child Seeking Asylum in Europe: A Comparative Analysis of Systems of Guardianship in Belgium, Ireland and the Netherlands”, European Journal of Migration and Law, 16(4), p. 467-504 (https://doi.org/10.1163/15718166-12342066).

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