Introduction
Introduction
En trois décennies, le développement des villes est-européennes s’est aligné sur les grandes tendances du capitalisme global en matière de développement urbain. Celles-ci sont marquées par un nombre croissant d’inégalités sociales et de disparités territoriales, non seulement aux échelles translocales, mais aussi en leur sein (Burdett, Philipp et al., 2018 ; UN Habitat, 2016). Souvent appréhendés au prisme de descriptions portant sur les dynamiques et les inégalités de revenus générées par le capitalisme néolibéral et ses politiques économiques et sociales, ces phénomènes tendent à être analysés comme s’ils avaient été déjà normalisés (Secchi, 2013). Ajuster la focale sur le rôle que jouent les inégalités de logement et les disparités territoriales dans l’accroissement des injustices sociales nous permet ici de réengager la discussion critique sur la nature inéquitable de l’économie politique capitaliste.
In the last three decades, the development of the cities from Eastern Europe aligned to the general urban developmental trends of global capitalism. These are displaying increased social inequalities and territorial unevenness not only at trans-local scales but also within their borders (Burdett, Philipp et al., 2018; UN Habitat 2016). Such phenomena are often analyzed through the description of income dynamics and inequalities created by neoliberal capitalism, by its economic and social policies, as something that is already normalized (Secchi, 2013). By focusing on how is social injustice reinforced by housing inequalities and territorial unevenness, we re-open critical discussion about the unjust political economy of capitalism.
En adoptant la perspective de la justice spatiale, nous nous inscrivons dans la continuité des apports de théorie critique, des sciences sociales réflexives (Burawoy, 2009) et d’une épistémologie située (Harding, 1993). Surtout, nous nous engageons dans un débat, initié par Harvey et poursuivi par d’autres chercheurs, qui associe au tournant spatial des sciences sociales une approche marxiste, axée sur la justice (à ce sujet voir Morange et Quentin, 2018). Nous assumons donc ici explicitement un discours normatif, animé par des valeurs spécifiques, qui représente non une déviance par rapport au travail scientifique considéré comme « normal » ou objectif, mais la dimension constitutive d’une forme engagée de production du savoir. Dans notre cas, ce positionnement contribue à la repolitisation du débat sur l’injustice en matière de logement, dans le contexte plus large d’une critique du capitalisme. Nous souscrivons avec conviction à l’idée que le concept de justice est « un outil critique normatif », qui pouss[e] l’analyste à assumer les fondements de sa normativité, à « dénaturaliser » l’injustice » (Morange et Quentin, 2018).
While adopting the spatial justice perspective, we position ourselves into the legacy of critical theory, reflexive social science (Burawoy, 2009) and standpoint epistemology (Harding, 1993). Most importantly, we engage in the debate advanced by Harvey and continued by several scholars who connected the spatial turn in social sciences with the justice perspective and with a Marxist approach (see about this in Morange and Quentin, 2018). Therefore, we explicitly assume a normative discourse informed by particular values not as a deviance from the supposedly ‘normal’ or objective sciencing, but as a constitutive part of a committed form of knowledge production. In our case, this promotes the repoliticisation of the debate about housing injustice in a broader critique of capitalism. We subscribe to the conviction, according to which the concept of justice is “a normative critical tool… that forces the analyst to acknowledge the foundations of his or her normativity and to ‘de-naturalize’ injustice” (Morange and Quentin, 2016, p. 18).
Selon nous, l’injustice spatiale comme l’injustice relative au logement sont des caractéristiques systémiques de l’économie politique capitaliste, indissociables d’un développement territorial inégal (Smith, 1984 ; Harvey, 2005, 2006). Ce dernier n’est pas seulement le résultat de politiques gouvernementales de décentralisation territoriales ou de politiques générales de dérégulation étatiques, mais aussi la conséquence endémique de la libre circulation des capitaux en fonction de leur intérêt lucratif. Ici encore, la politique et l’économie sont inextricablement liées dans la production des réalités sociétales, des hiérarchies de pouvoir et des inégalités.
In our understanding, both spatial and housing injustice are systemic features of capitalist political economy, being connected to uneven territorial development (Smith, 1984; Harvey, 2005, 2006). The latter is not only a result of governmental territorial policies of decentralization and general state policies of deregulation. It is also an endemic consequence of the free movement of capital according to its profit-making interests. In this case, too, politics and economics are interwoven in the production of societal realities, power hierarchies, and inequalities.
Considérant que le logement est un aspect central de l’injustice spatiale et des disparités territoriales (Madden et Marcuse, 2012 ; Brenner, Marcuse et Mayer, 2016 ; Vincze et Zamfir, 2019), nous souhaitons dans cet article :
Acknowledging that housing is at the core of spatial injustice and territorial unevenness (Madden and Marcuse, 2012; Brenner, Marcuse and Mayer 2016; Vincze and Zamfir, 2019), in this article:
• analyser l’injustice spatiale (Harvey, 1973/2009, 1992 ; Marcuse, 2009a et 2009b ; Soja, 2000, 2000, 2010a et 2010b, 2011 ; Chatterton, 2010 ; Iveson, 2011) comme le résultat de politiques de logement situées à l’intersection du local, du national et du transnational, dont la responsabilité incombe à des acteurs institutionnels répartis à différentes échelles ;
• we analyze spatial injustice (Harvey, 1973/2009, 1992; Marcuse, 2009a and 2009b; Soja, 2000, 2009, 2010a and 2010b, 2011; Chatterton, 2010; Iveson, 2011) as a result of housing policies functioning at the crossroads of local, national and transnational level, while observing that the institutional actors from different scales do have different responsibilities for the outcomes of this policy process;
• démontrer que ce type d’injustice, en matière de logement, est exacerbé par l’externalisation de la responsabilité de l’État (accountability) à des interventions au cas par cas, qui participent d’une politique de réingénierie de l’État, du marché et de la société civile, et de la relation de ces trois éléments entre eux (Harvey, 2005 ; Brenner, Peck, Theodore, 2010 ; Wacquant, 2012) ;
• we demonstrate that spatial injustice is also aggravated by the externalization of state accountability in what regards housing, to some project-based interventions, while this process is part of how neoliberal politics is reengineering the state, the market, the civil society and their relationship (Harvey, 2005; Brenner, Peck, Theodore, 2010; Wacquant 2012);
• défendre l’idée que les modèles de développement fondés sur l’empowerment du local et le phénomène du localisme ne créent pas forcément plus d’égalité spatiale – ni en termes de justice procédurale, qui cible la « participation » et « l’empowerment » (White, 1996 ; Cornwall et Brock, 2005), ni sur le plan de la « répartition juste et équitable dans l’espace de ressources socialement valorisées et des possibilités de les exploiter »[1] (Soja, 2009:2). Tant que ces modèles seront imprégnés par une gouvernance urbaine entrepreneuriale (Hackworth, 2007 ; Jessop, 2002 ; Brenner, 2004 ; Peck, Theodore et Brenner, 2013 ; Vincze, 2015 ; no 6 de la JSSJ, 2014, dont Costes, Dietrich, Mallet, Morange et Fol, Rousseau), le localisme continuera au contraire à contribuer à la production d’irrégularités, d’inégalités et d’injustices (Brenner et Theodore, 2002).
• we argue that development models empowering the local or the trend of localism do not necessarily create more spatial equality. This is not happening either in terms of procedural justice targeting “participation” or “empowerment” (White, 1996; Cornwall and Brock, 2005), not to speak about “the fair and equitable distribution in space of the socially valued resources and the opportunities to use them” (Soja, 2009, p. 2). On the contrary, if entrepreneurial urban governance informs these local models (Hackworth, 2007; Jessop, 2002; Brenner, 2004; Peck, Theodore, and Brenner, 2013; Vincze, 2015; issue no 6 of JSSJ, 2014, among others Costes, Dietrich, Mallet, Morange and Fol, Rousseau), localism might even contribute to the production of unevenness, inequality and injustice (Brenner and Theodore, 2002).
L’objectif est donc d’illustrer ces trois phénomènes interdépendants, en décrivant les cas d’injustices spatiales et d’injustices liées au logement que nous avons observés dans des villes distinctes en termes de taille, de développement et d’importance régionale, ainsi qu’à travers l’exemple de deux initiatives que nous avons étudiées en Roumanie : le projet Pata Cluj à Cluj-Napoca (département de Cluj, région de développement nord-ouest) et le projet Mălin-Codlea à Codlea (département de Brašov, région de développement centre). Ces études de cas ayant été réalisées dans le cadre du programme de recherche RELOCAL[2], elles ont par conséquent fait appel à la méthodologie que celui-ci a déployée dans treize pays d’Europe. Nous avons d’une part effectué des entretiens auprès d’acteurs institutionnels, de bénéficiaires et de non bénéficiaires des projets, et de spécialistes du sujet ; nous avons également analysé la documentation relative aux projets ainsi qu’aux politiques locales et nationales concernées. De l’autre, notre travail a porté sur les perceptions locales de l’injustice spatiale ainsi que sur les actions de lutte formulées en réponse, sur les structures institutionnelles de gouvernance, et sur la façon dont les groupes locaux se sont structurés à cet égard. Ces processus s’inscrivent en outre dans un contexte d’économie politique marqué par l’abandon du socialisme réel au profit du capitalisme néolibéral, dans lequel la privatisation, la marchandisation et la financiarisation de l’habitat occupent une place centrale (Vincze and Ciotlăuș, 2016 ; Vincze, 2017).
Our aim is to illustrate the three interlinked phenomena from above, via describing instances of spatial and housing injustice observed in cities of different sizes, economic development and regional importance, and by two actions studied in Romania, i.e. the Pata Cluj project in Cluj-Napoca (Cluj county, North Western Development Region) and the Mălin-Codlea project implemented in the town of Codlea (Brașov county, Central Development Region). Since these were case studies conducted under the RELOCAL research[1], we used the methodology applied by the latter across thirteen countries from Europe: did interviews with institutional stakeholders, with beneficiaries and non-beneficiaries of the projects, but also with experts of the subject; and we analyzed national and local policy documents and as well as project-related materials. RELOCAL looked for the local perceptions of spatial injustice and actions tackling them; for the institutional structures of local governance; and for how do local groups organize themselves to address spatial injustice. In Romania, we observed that the political economy context of these processes is that of the transformation of actually existing socialism into neoliberal capitalism with the privatization, commodification, and financialization of housing as its central element (Vincze and Ciotlăuș, 2016; Vincze, 2017).
De nombreux processus de transformation systémique ont participé à remodeler la Roumanie à partir de 1990 : transformation du rôle de l’État (qui passe d’un modèle développemental à la création de cadre législatifs chargés d’assurer le développement de l’économie de marché) ; privatisation des moyens de production et démantèlement des unités économiques industrielles privatisées (ouvrant de nouveaux débouchés économiques aux investisseurs étrangers et locaux) ; privatisation intégrale du marché du logement grâce à des politiques de « droit à l’achat », aux restitutions et à la création d’un nouveau parc de logement privé soutenu par l’État (faisant du logement et de l’environnement bâti une simple marchandise, objet d’investissements financiers) ; enfin réduction progressive des coûts dans le secteur de la protection sociale et des services publics, démantèlement de l’État social, et tendance à la privatisation des services publics (mesures qui ont toutes pris de l’ampleur dans le contexte des régimes d’austérité de la fin des années 2000). La Roumanie, soumise aux règles de la gouvernance néolibérale, présente parmi les taux les plus élevés de pauvreté et d’exclusion sociale, d’inégalités de revenus, de difficultés liées au logement, de logements surpeuplés, et de ménages qui écrasés par les frais de logement. En ce qui concerne l’organisation territoriale, la loi sur le développement régional (Loi 315/2004) a institué la création de huit régions de développement dans le pays, qui si elles ne bénéficient pas de compétences administratives propres, servent néanmoins de cadre à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation de politiques régionales, ainsi qu’à collecter pour le NUTS 2 certaines données statistiques selon les principes définis par EUROSTAT. Les résistances qu’ont opposées les gouvernements post-1990 à la régionalisation administrative du pays peuvent sans doute être expliquées par le fait que de leur point de vue, la régionalisation porte atteinte à l’unité nationale de la Roumanie, obtenue en 1918 lorsque la Transylvanie a rejoint les autres provinces roumaines.
The systemic transformative processes that reshaped Romania after 1990 included: the change of the state’s role from a developmental state to one that creates proper legislative frameworks ensuring the development of market economy; the privatization of the means of production and dismantlement of privatized industrial/ economic units, which created new business opportunities for foreign and local investors; the privatization of the total housing market through the right-to-buy policies, through restitution, and through state support for the creation of a new private housing stock that transformed the housing and building environment into a commodity and an object of financial investment; the gradual reduction of the costs associated with social protection and public services, the dismantlement of the social state, and the tendency to privatize public services, which all became more prominent in the context of the austerity regime implemented by the end of the 2000s. Under the rule of neoliberal governance, Romania currently displays some of the highest rates of poverty and social exclusion, income inequality, housing deprivation, over-crowdedness of homes and households’ overburden with costs of housing. In what regards its territorial organization, the Law of regional development in Romania (Law 315/2004) created eight development regions, without administrative abilities, to act as frameworks on which to elaborate, implement, and evaluate regional development policies, and to gather specific statistical data for NUTS 2 according to EUROSTAT rules. One may explain the resistance of the post-1990 Romanian governments towards the administrative regionalization of the country by the fact that, in their mind, regionalization means an attack to Romania’s national unity, which was fulfilled in 1918 by the unification of Transylvania with the historical Romanian provinces.
Carte 1. La municipalité de Cluj-Napoca (département de Cluj) et de Codlea (département de Brašov) sur la carte des régions de développement en Roumanie (crédit : Veress Ilka).
Map 1. Municipality of Cluj-Napoca (Cluj county) and Codlea (Brașov county) on the map of development regions of Romania (map courtesy Veress Ilka).
Tout d’abord, cet article considère que les initiatives sur projet mises en place par les organisations de la société civile et les partenariats public-privé ne peuvent que rectifier, faute de mieux, certaines formes d’injustices sociales, spatiales et relatives au logement. Nous reviendrons juste après l’introduction sur ce diagnostic, situé à l’intersection des échelles transnationales, nationales et locales. Les parties 2 et 3 nous permettront de poursuivre cette réflexion, en donnant à voir les processus structurels à l’œuvre dans la formation d’îlots d’habitat indigne dans les villes. La deuxième partie, en particulier, abordera certaines caractéristiques du contexte national roumain dans le champ de l’autonomie locale, des inégalités territoriales de développement et de la privatisation de l’habitat. La troisième partie décrira quant à elle plus précisément les processus locaux à l’origine de la formation et de la pérennisation des zones d’habitat indigne sur lesquelles porte notre travail à Cluj-Napoca et à Codlea. À travers la quatrième partie, nous aborderons enfin ces projets du point de vue des institutions et des mécanismes de financement qui participent à la conception et à la mise en œuvre de ces processus, ainsi que des aspirations et des réalisations qui les sous-tendent. Les caractéristiques de ces projets, mais aussi la défaillance des politiques publiques locales, expliquent au prisme de ces facteurs et processus locaux pourquoi la justice qu’ils promeuvent en matière de logement ne peut en effet être atteinte. En conclusion(s), nous mettrons l’accent sur la contribution théorique de cet article à l’analyse de l’injustice spatiale, du localisme et des politiques d’externalisation à l’œuvre dans le contexte néolibéral.
Altogether, our article sustains that the project-based initiatives implemented by the civil society organizations or public-private partnerships, at the most can only partially redress some of the manifestations of social, spatial, and housing injustice. Following this Introduction, we explain this diagnosis at the intersection of the transnational, national, and local scales. Chapters 2 and 3 contribute to our explanation by describing the structural processes that are responsible for the formation of deprived housing areas in the cities. Chapter 2 offers some details about the Romanian national context of local autonomy, uneven territorial development, and housing privatization as happened under the impact of global policies enforced by international organizations. Chapter 3 describes the local processes in Cluj-Napoca and Codlea that led to the formation and perpetuation of the deprived housing areas on which the studied projects focused on. Chapter 4 presents these projects from the perspective of the institutions and funding schemes involved in their conception and implementation – addressing their aims and achievements in what regards housing justice. These features of the projects, together with the gaps of the local public policies, explain by local factors and processes why the housing justice that they provided remained necessarily incomplete. In the Conclusions, we emphasize the theoretical contribution of our article to the analysis of spatial injustice, externalization policy, and localism practiced under a neoliberal rule.
L’injustice liée au logement dans le contexte national roumain
Housing injustice in the national context
L’autonomie locale et l’impact des irrégularités territoriales de développement sur l’accès au logement en Roumanie
Local autonomy in Romania and the impact of uneven territorial development on the access to housing
Pour comprendre ce que signifie « l’autonomie locale » en Roumanie, il faut rappeler que l’organisation administrative et territoriale du pays demeure inchangée depuis 1990. Les villes et les départements restent encore les entités au sein desquelles sont prises les décisions par les instances délibératives élues, bien que l’ensemble du système public d’administration ait été soumis à un processus de décentralisation. Membre du Conseil de l’Europe, et donc tenu de respecter la Charte européenne de l’autonomie locale telle que promulguée par la loi 215 du 23 avril 2001, l’État roumain reconnaît maintenir l’autonomie locale par le biais des « pouvoirs publics […], tels que les conseils locaux et les maires élus dans le respect de la loi ». En outre, la Loi de décentralisation no 195/2000 définit la décentralisation comme « le transfert des pouvoirs administratifs et financiers de l’État central aux entités locales ou au secteur privé ». En Roumanie, l’autonomie locale prend donc le sens de décentralisation administrative, et à ce titre appartient aux mécanismes qui délèguent aux services publics locaux la responsabilité du développement et de l’approvisionnement des services publics. De nouvelles formes de gouvernance territoriale, par ailleurs dénuées d’attributs administratifs ou politiques, ont également émergé afin d’absorber les financements européens : agences de développement régional, agences de développement intercommunal des agglomérations, pôles de croissance, et groupes d’action locale. Ils favorisent le développement de territoires dont le périmètre ne recouvre ni les frontières administratives (via le programme LEADER), ni des zones suburbaines spécifiques (via les programmes de Développement local par les acteurs locaux).
In order to get a sense about the meaning of ‘local autonomy’ in Romania, one should observe that the administrative-territorial organization of the country in localities and counties remained unchanged after 1990. The latter continues to be the units where the elected deliberative bodies make decisions. Nevertheless, the whole system of public administration did undergo a process of decentralization. As a response to its duties as Member State of the Council of Europe regarding the ‘European Charter for Local Autonomy’ through Law 215 from 23 April 2001, Romania acknowledged that local autonomy in this country is maintained through ‘the public authorities, …, such as the local councils and local mayors elected according to the law’. Furthermore, the Law of decentralization no. 195/2006 defines decentralization as ‘the transfer of administrative and financial powers from the central government to the local government or private sector.’ In Romania, local autonomy means administrative decentralization and, as such, is part of the mechanisms that place the responsibility of development and public service provisioning from the central government to the local public authorities. In addition, the state has formed new types of territorial governance structures that lack administrative/ political attributes, with the aim to facilitate the absorption of the EU funds: Agencies of Regional Development; Intercommunity Development Agencies of Metropolitan Areas; Growth Poles; Local Action Groups nurturing development in areas crossing the administrative borders of the localities via the LEADER program, or in specific sub-urban areas via the Community-Led-Local-Development programs.
Les données statistiques montrent qu’après la chute du socialisme réel, la Roumanie a intégré la « transition » avec un niveau relativement faible de disparités régionales par rapport à celui des nouveaux États membres, bien que ces disparités aient augmenté rapidement (sources : Commission européenne, in National Development Plan 2004-2006, p. 170). La première analyse consacrée aux disparités régionales de la Roumanie post-socialiste a été réalisée dans le cadre du programme PHARE, pour la période de mars à juillet 1996. Elle a permis de localiser spatialement la pauvreté et le sous-développement dans deux régions principales : le Nord-Est (qui inclut presque toute la région historique de la Moldavie) et le Sud (ou plaine valaque, plus grande zone agricole du pays). Une analyse ultérieure observe néanmoins que les disparités développementales du pays invitent à une approche plus nuancée, et que la prise en compte des inégalités interrégionales ne peut être dissociée de celle des inégalités intra-régionales. La « carte de la pauvreté » présentée dans un rapport de la Banque mondiale daté de 2016 témoigne de phénomènes identiques. En outre, deux atlas des zones urbaines et rurales marginalisées (Anton et al., 2014 ; Sandu et al., 2016) ont proposé à peu près à la même période une cartographie des zones territorialement défavorisées à l’échelle des entités administratives locales.
Statistical data show that after the collapse of actually existing socialism, Romania has entered ‘transition’ with a relatively low level of regional disparities, compared to other new Member States, but that these disparities have increased rapidly (sources of the European Commission quoted in the National Development Plan 2004-2006, p. 170). The first analysis of the regional disparities in post-socialist Romania was made under the PHARE program for the period March to July 1996. It allowed the spatial localization of poverty and under-development in two main areas: in North-East (which includes virtually all the historical region of Moldova); and in South (which is the largest agricultural area of the country called the Romanian Plain). Later analysis revealed that the developmental disparities in Romania need a more nuanced approach, and one should complete the awareness about the inter-regional inequalities with the acknowledgment of the intra-regional ones. The poverty maps and related policy brief made by the World Bank in 2016 emphasized precisely these realities. Around the same time, two Atlases on marginalized urban and rural areas (Anton et al., 2014; Sandu et al., 2016) mapped the territorially disadvantaged zones at the level of local administrative units.
Carte 2. Taux de risque de pauvreté, Roumanie – Départements (NUTS 3), Source : Banque mondiale – Pinpointing Poverty in Romania, mars 2016.
Map 2. At-Risk-of-Poverty Rates, Romania – Counties (NUTS 3), Source: World Bank – Pinpointing Poverty in Romania, March 2016.
Exemple : le taux de risque de pauvreté se situe entre 32,17 % et 43,66 % dans les comtés de Botoșani, Vaslui et Vrancea ; entre 29,7 % et 32,17 % dans les comtés de Caraș-Severin, Mehedinți, Olt, Teleorman, Călărași ; entre 3,9 % et 17,46 % à Cluj, Timiș, Hunedoara, Sibiu, Brașov, Argeș, Argeș, Prahova et Ilfov ; il est inférieur à 3,9 % à Bucarest.
Example: at-risk-of-poverty rate is between 32.17%-43.66% in Botoșani, Vaslui and Vrancea counties; it is between 29.7%-32.17% in Caraș-Severin, Mehedinți, Olt, Teleorman, Călărași counties; it is between 3.9%-17.46% in Cluj, Timiș, Hunedoara, Sibiu, Brașov, Argeș, Prahova and Ilfov countries; and it is below 3.9% in the capital city Bucharest.
L’État, qui après 1990 entend rompre radicalement avec les anciennes pratiques centralisatrices du régime et utiliser l’anticommunisme comme un moyen de légitimer la gouvernance néolibérale, va œuvrer parmi d’autres à la dérégulation du développement territorial et de l’urbanisme. Il faut attendre 2012 pour qu’une « Stratégie de développement territorial » commence à être élaborée en Roumanie, une initiative qui doit doter le pays d’un cadre politique unitaire en la matière. La Stratégie est adoptée en 2016 par le Gouvernement dans le cadre de l’« Accord de partenariat entre la Roumanie et l’Union européenne », mais n’a jamais été ratifiée par le Parlement. Les objectifs de développement présentés dans ce document ont été définis en fonction de l’écart qui sépare la Roumanie des autres États membres, mais prennent aussi en compte les disparités internes, lesquelles ont pour effet de restreindre l’accès aux services publics, notamment dans les régions les plus sous-développées du pays. Le modèle de développement proposé à la Roumanie dans le cadre de cette stratégie est un modèle dit « polycentrique », qui s’appuie sur les réalités du pays, c’est-à-dire sur le rôle territorial et les fonctions développementales des « villes aimants » (Cristea et al., 2017) à l’échelle des régions. Cette vision reflète également l’esprit de l’« Agenda territorial de l’Union européenne 2020. Vers une Europe inclusive, intelligente et durable, faite de régions diverses » (Territorial Agenda of the European Union 2020. Towards an inclusive, smart and sustainable Europe of diverse regions), qui préconise de sélectionner un ensemble de villes pour en faire des moteurs du développement, ou pôles de croissance. Ce modèle continue à être défendu, bien que l’idée sous-jacente – selon laquelle la croissance économique des « villes compétitives » (Ionescu-Heroiu, 2013) aurait un impact bénéfique sur le bien-être social des villes et sur les conditions de vie à la périphérie des grandes aires urbaines – échoue à tenir ses promesses.
After 1990, as part of the tendency for radically breaking with the former regime’s centralizing practices and justifying anti-communism as a means to legitimate neoliberal governance, the state deregulated territorial development and urban planning. It was only in 2012 when the Government started to elaborate on the ‘Territorial Development Strategy’ of Romania, as an initiative to provide the country with a unitary policy frame on this domain. The Government adopted the Strategy in 2016 in the context of the new ‘Partnership Agreement of Romania with the European Union,’ but it was not adopted by the Parliament ever since. The developmental goals defined in this document refer to the discrepancies between Romania and the other EU Member States but are also addressing its internal disparities, which led to people’s reduced access to public services primarily in the underdeveloped territories of the country. The model of development proposed for Romania in this Strategy is the so-called polycentric model relying on the realities of the country in what regards the territorial role and developmental function of the ‘magnet cities’ (Cristea et al., 2017) across its regions. This vision follows the spirit of the ‘Territorial Agenda of the European Union 2020. Towards an inclusive, smart, and sustainable Europe of diverse regions’, a strategy, which claims that a set of selected cities should be promoted as engines of development or growth poles. The idea, according to which the economic growth in the ‘competitive cities’ (Ionescu-Heroiu, 2013) will have a positive impact on social welfare in these cities and as well as on improving living conditions in the peripheries of the metropolitan areas, failed to deliver its promise. Nevertheless, decision-making actors continue to promote this developmental model.
En Roumanie, les inégalités de développement se traduisent avant tout par une concentration des ressources dans quelques grandes villes du pays, notamment en termes d’emploi. Ces pôles de croissance sont également marqués par l’investissement de capitaux dans la production de l’habitat privé. C’est par ce biais que la population active parvient à se loger, généralement à des prix très élevés – d’où le nombre croissant de jeunes qui s’endettent auprès des banques pour leur vie entière. Dans d’autres villes, qui se dépeuplent peu à peu en raison du manque de ressources économiques, des maisons restent à l’inverse inoccupées. D’après le recensement de 2011, 16,4 % des logements conventionnels du pays sont vacants, tandis que les villes, marquées par une croissance rapide, font face à une pénurie structurelle de logements, sans même parler d’habitat abordable ou d’habitat social public.
Uneven development in Romania means the concentration of resources, including jobs, in a few major cities or growth poles, where capital is also invested in the production of private housing. The labor force from these cities gains access to housing at very high prices, and more and more youngsters are becoming indebted to the banks for their whole lifetime. Parallel with this, in other localities, slowly depopulating due to the lack of economic resources for a living, houses remain empty. According to the 2011 Census, out of the conventional dwellings in Romania 16.4% were empty, while in the rapidly growing cities there is a structural shortage of houses, not to speak about affordable homes or public social housing.
En outre, comme le rappelle l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA, 2009), une grande majorité des Roms de Roumanie (mais pas seulement) vivent dans des logements précaires et insalubres, au sein de communautés souvent denses et isolées (Horváth, 2017), où infrastructures de base, titres de propriété et contrats de location se caractérisent par leur absence. La ghettoïsation, quand elle a lieu, ménage toujours une place à l’habitat indigne, à la jonction de la marginalité géographique et du travail racialisé (Vincze, 2018). Les autorités locales ferment les yeux sur la situation : elles ne cherchent ni à améliorer leurs conditions de vie, ni à leur accorder une reconnaissance légale. Ces difficultés se transmettent donc d’une génération à l’autre, contraignant un nombre croissant de personnes à faire le « choix », en l’absence d’alternative, de vivre dans l’informalité et dans de mauvaises conditions. De fait, l’incertitude qui entoure le statut des biens immobiliers se traduit souvent par l’expulsion et le déplacement de ceux qui vivent sur des terrains dont la valeur foncière augmente. En outre, sachant qu’en Roumanie l’obtention de papiers d’identité est conditionnée par le domicile, l’absence de lieu de résidence légal représente souvent un obstacle majeur au plein exercice de la citoyenneté. Une citoyenneté au rabais, couplée à un espace de vie indigne, peut néanmoins être obtenue grâce à l’émission de papiers d’identités temporaires, d’une validité d’un an, lesquels sollicitent l’effort permanent des personnes pauvres pour prouver leur existence aux marges géographiques et symboliques de la ville.
A vast majority of the Roma in Romania, but not only, live under inadequate housing condition, as studies of FRA show (2009), often in isolated compact communities (Horváth, 2017) lacking elementary infrastructure and ownership documents or rental contracts. Where it happens, their ghettoization always carves out a space for deprived housing at the juxtaposition of geographic marginality and racialized labor (Vincze, 2018). Local authorities often overlook this situation and do not invest in the improvement of living conditions in these areas or into their legal recognition. Therefore, these situations are transmitted intergenerationally, while more and more people are enforced ‘to choose’ living informally and in poor conditions, since they do not have other alternatives. The uncertainties regarding the status of property often lead to the eviction and relocation of those who happen to live on lands whose real estate value increases. Most importantly, given that issuing of identity documents is conditioned by domicile in Romania, lacking a legal domicile is an obstacle in accessing full citizenship rights. Temporary identity documents have to be renewed yearly and are putting an extra burden on the impoverished people to prove their existence on the geographic and symbolic margins of the localities. These documents are the symbols of second-hand citizenship and deprived and insecure housing spaces.
En ce qui concerne les possibilités et les limites de « l’autonomie locale », l’opinion des représentants de l’administration publique que nous avons rencontrés, indépendamment du degré de richesse ou de pauvreté des villes où ils ont travaillé, est unanime : tous déplorent que la décentralisation (c’est-à-dire le transfert des responsabilités du niveau central au niveau local) ne se soit pas accompagnée de fonds suffisants pour leur permettre d’assumer leurs obligations. Tous insistent par conséquent sur la nécessité de faire appel à d’autres sources de financement. Là encore, ils rappellent que si certains sont particulièrement aptes à rédiger des projets compétitifs, d’autres ont les moyens financiers d’externaliser ce travail à des entreprises privées. Les gouvernements locaux, en fonction de leur positionnement, ont de plus des conceptions divergentes de la solidarité territoriale. Les communes riches auraient ainsi préféré conserver des finances importantes à l’échelon local, en particulier les ressources fiscales générées par les impôts locaux et autres contributions. Les villes plus pauvres ont quant à elles misé sur de meilleurs mécanismes de distribution, qui doivent les aider à faire face aux difficultés qu’elles rencontrent localement vis-à-vis du sous-développement et de la pauvreté.
In what regards the opinion of the interviewed representatives of local public administration about the potential and limit of ‘local autonomy,’ regardless of whether they acted in economically richer or poorer localities, they all complained about the fact that the law does not couple properly decentralization (the transfer of responsibilities from central to local levels) with adequate transfers of funds for fulfilling these obligations. Therefore, they all acknowledged the need to apply for alternative financial resources. However, they also recognized that some are more capable of writing competitive projects, while others have money for externalizing this work towards private companies. Even more, the differently positioned local governments have divergent opinions about territorial solidarity. The more affluent localities would have liked to keep more funds at the local level, especially from the resources generated from local taxes and other contributions of the city dwellers; while the poorer localities would have favored better redistributive mechanisms that could support them in their effort to deal with their local problems of underdevelopment and lack of resources.
La privatisation de l’habitat au confluent des influences nationales et transnationales
Housing privatization at the crossroads of national and transnational forces
En Roumanie post-socialiste, la privatisation de l’habitat (combinée à celle des moyens de production), via la création d’un nouveau fonds privé pour l’habitat, a été déterminante dans l’émergence de l’économie de marché et d’un régime de propriété capitaliste (Vincze, 2017). L’État, qui a renoncé à son rôle de promoteur (en matière de logement, mais pas exclusivement), ne s’est pas pour autant contenté de rester passif. Il a su au contraire occuper une place centrale dans la création du marché (immobilier) en modifiant la législation et en créant à cet effet de nouvelles institutions. La régulation du secteur immobilier se situe à l’intersection de mesures prises par des institutions nationales, internationales ou transnationales (Pugh, 1991 ; Banque mondiale, 1993 ; Arnott, 2003). Le rapport Housing. Enabling Markets to Work (1993), consacré à la politique de logement de la Banque mondiale et à son évolution dans les années 80 et au début des années 90, a ainsi adressé des recommandations aux bénéficiaires des prêts (dont les anciens pays socialistes) accordés par les bailleurs de fonds internationaux. Le document est également très explicite sur la tournure que doivent prendre les choses en Roumanie : « il est recommandé aux gouvernements d’abandonner leur ancien rôle de promoteur immobilier pour adopter un rôle de catalyseur, qui assure la gestion du secteur immobilier dans son ensemble ». En d’autres termes, il s’agit de « rationaliser le cadre réglementaire général qui régit ce secteur d’activité ». D’après le document, plusieurs outils doivent permettre de répondre à cette injonction : développer les droits immobiliers et les prêts hypothécaires ; rationaliser les subventions ; créer des infrastructures pour les projets de développement résidentiels ; règlementer l’aménagement du territoire et la création de logements ; stimuler la compétition pour structurer l’industrie du bâtiment ; et développer un cadre institutionnel destiné à la gestion du secteur immobilier.
The privatization of housing (linked to the privatization of means of production), respectively the creation of a new private housing fund, have been crucial for the emergence of capitalist property regime and market economy in post-socialist Romania (Vincze, 2017). The state withdrew from its position as a developer (of housing stock, but not only); however, it did not remain passive. To the contrary, it assumed a central role in the creation of the (housing) market by modifying legislation and creating new institutions that administered this process. The regulation of the housing sector happened at the intersection of the local, national, and international or transnational institutions’ actions (Pugh, 1991; World Bank, 1993; Arnott, 2003). The housing policy recommendations given to the beneficiaries of the international financial organizations’ loans, including former socialist countries, were presented in the document entitled ‘Housing: Enabling Markets to Work’ (1993) that articulated the housing policy of the World Bank as it has evolved during the 1980s and early 1990s. The document explicitly stresses what had to happen in Romania, too: “governments are advised to abandon their earlier role as producers of housing and to adopt an enabling role of managing the housing sector as a whole, » which means “to rationalize the broad regulatory framework within which the sector operates”. States should reach this imperative via several instruments, continues the argument, such as: developing property rights, developing mortgage finance, rationalizing subsidies, providing infrastructure for residential land development, regulating land and housing development, organizing the building industry by creating greater competition, and developing the institutional framework for managing the housing sector.
Les deux projets sur lesquels porte cet article ont été mis en œuvre à partir de 2014, quelques années après l’entrée en vigueur des mesures d’austérité instaurées par le gouvernement roumain en réaction à la crise financière. Ils peuvent ainsi être considérés comme le reflet de politiques qui ont cherché à contrebalancer en partie les graves effets de la « réforme de l’État » de 2010. Ils continuent néanmoins à s’inscrire dans un régime de gouvernance néolibéral, caractérisé par la transformation du rôle de l’État vis-à-vis du développement : passé de promoteur à gestionnaire par voie législative, celui-ci est désormais chargé de préparer le terrain aux différents acteurs privés (entreprises, organisations non gouvernementales, organismes caritatifs, etc.) en ce qui concerne le développement. De plus, ce régime néolibéral part du principe que le développement des territoires sous-développés est conditionné par la compétitivité de la « communauté locale », laquelle réunit les pouvoirs publics, les entreprises privées, les organisations issues de la société civile, et les citoyens. Ainsi, la gouvernance peut répondre aux besoins de la population en fonction de la « valeur » conférée aux biens et aux services concernés, qui renvoie à leur capacité à capter des financements, européens ou non. Au nom des règles du développement entrepreneurial (Vincze, 2015), la justice sociale et spatiale risque en effet d’être subordonnée au seul mérite d’être compétitive sur le marché que représente ce genre de montages financiers. Dans ce contexte, la compétitivité des villes est de plus avantagée par le fait que celles-ci continuent à disposer d’une main-d’œuvre locale et bon marché. C’est pourquoi, même si ces villes parviennent un jour à attirer des capitaux privés censés créer du développement, l’amélioration des conditions de vie de la population ne suivra pas.
Both projects under the scrutiny of this article were initiatives implemented in Romania starting with 2014, a few years after the enforcement of governmental austerity measures as a reaction to the financial crises. In this sense, one might assess them as manifestations of policies, which aimed to counterbalance a little bit the severe effects of the ‘reform of the state’ in 2010. Nevertheless, they continue to be inscribed in the regime of neoliberal governance characterized by the changing role of the state in what regards development: its transformation from a developer to a manager of the domain by legislative measures, which prepares the field of development for different private actors (companies, non-governmental organizations, charity groups, and others). Moreover, this neoliberal regime also implies that the development of underdeveloped territories is conditioned by the competitiveness of the ‘local community’ including public authorities, private companies, civil society organizations, and regular citizens. Therefore, this governance responds to peoples’ need for services and goods pending on their ‘worthiness’ in what regards their capacity to absorb EU or other funds. Under the rules of entrepreneurial development (Vincze, 2015), social and spatial justice risks to be conditioned by the merit of being competitive on the market of these financial schemes. Furthermore, in this regime, the competitive advantage of the cities continues to remain the cheap labor force that is available locally. Therefore, even if the localities attract private capital, which is expected to create development, the improvement of people’s living conditions will not automatically follow.
La libre circulation des capitaux à des fins lucratives inclut notamment les investissements réalisés dans le domaine de la promotion immobilière à l’échelle internationale. En d’autres termes, il s’agit de produire des logements considérés avant tout comme des biens marchands et des actifs financiers, mais aussi d’évincer ceux qui ne peuvent pas contribuer à l’accumulation du capital en achetant des biens immobiliers à des prix élevés. L’État favorise donc l’accumulation du capital tout en cessant d’accompagner les personnes n’ayant pas les ressources nécessaires pour accéder à un logement convenable sur le marché. Il s’y emploie au moyen d’une politique de logement dont les différentes mesures génèrent de l’injustice : désengagement de la production de logements sociaux publics ; privatisation de l’immobilier public ; avantages fiscaux accordés aux promoteurs immobiliers ; soutien du crédit immobilier et plus généralement du marché immobilier ; désinvestissement des programmes gouvernementaux de logement social ; désinvestissement des territoires sous-développés n’attirant pas de capitaux.
The free movement of capital for profit-making includes investment into real estate development across borders, i.e., the production of homes as commodities and financial assets, while dislocating those who cannot contribute to the accumulation of capital by purchasing the expensive real estate assets. Parallel with this, the state supports capital accumulation and ceases sustaining people who do not have resources to access adequate housing from the market. It does this by the following means of a housing politics that generate injustice: withdrawal of the state from the production of public housing; privatization of the state-owned housing stock; creation of fiscal advantages to real estate developers; support given for the mortgage system and generally speaking to the housing market; disinvestment into governmental programs creating social and public housing; disinvestment into under-developed territories where the capital is not interested in investing.
Sous l’effet de ces changements politiques, le nombre de logements sociaux du pays est passé de 30 % avant les années 1990 à 2 % aujourd’hui. En ce qui concerne les deux villes de notre étude de cas, ce sont 142 411 logements sur 145 119 (soit 98,06 %) qui relèvent de la propriété privée à Cluj-Napoca ; ce pourcentage est de 98,57 % à Codlea (avec 8050 logements sur un total de 8166). Ces dernières années, la pénurie de logements sociaux et de logements abordables a abouti à plusieurs épisodes de crise du logement en Roumanie, comme en témoignent les statistiques EUROSTAT suivantes : en 2016, le taux de surpeuplement est de 65,1 % pour les jeunes de 15 à 29 ans, et 49 % pour la population totale ; il atteint 61,07 % pour les personnes vivant sous le seuil de la pauvreté. En outre, plus d’une personne sur cinq (soit 19,5 %) est concernée par des difficultés sévères de logement. En ce qui concerne l’accessibilité économique, 15,9 % de la population vit dans un ménage dépensant 40 % ou plus de son revenu disponible équivalent dans le logement. Ce pourcentage est encore plus élevé (45,7 %) dans le cas des locataires occupant un logement loué dans le secteur privé.
As a result of these policy changes, in Romania, the percentage of the public housing stock dropped from 30% as it was before 1990 to under 2% as it is today. In the context of the localities of our case studies, out of the 145119 houses of Cluj-Napoca, 142311 (98.06%) were in private property. This percentage was 98.57% in Codlea (8050 being in private property out of a total of 8166). In the past years, in Romania, the lack of public and affordable housing resulted in several manifestations of housing crises, as reflected by Eurostat statistics, such as: in 2016, the overcrowding rate for young people aged 15-29 years reached 65.1 %, while among the total population it was around 49% and among people living in poverty was 61.7 %. Besides, more than one in five persons (19.8 %) was faced with forms of severe housing deprivation. In what regards housing affordability, 15.9 % of the population of the country lived in households that spent 40% or more of their equivalent disposable income on housing, a percentage that was higher (45.7%) in the case of tenants with rents on the private market.
La production locale de l’habitat semi-informel et du logement indigne
The local production of semi-informal and deprived housing areas
Le site de Pata Rât à Cluj-Napoca
Pata Rât in the city of Cluj-Napoca
Carte 3. Zones d’habitat marginalisées à Cluj-Napoca : site de Pata Rât, dont la rue Cantonului, Dallas, la décharge (Rampa de Gunoi), et le Nouveau Pata Rât (Noul Pata Rât)
Map 3. Marginalized settlement in Cluj-Napoca: the Pata Rât area, including Cantonului street, Dallas, landfill (Rampa de Gunoi) and New Pata Rât (Noul Pata Rât).
Le quartier de Pata Rât est rattaché administrativement à la ville de Cluj-Napoca. Autrefois appelée Cluj, celle-ci a pris son nom actuel dans les années 1970, sous Ceaușescu, afin de mettre l’accent sur ses origines roumaines. Elle est située dans la région de développement Nord-Ouest de la Roumanie Il s’agit de la quatrième ville la plus peuplée du pays, qui fait partie des rares à avoir vu sa population augmenter depuis le recensement de 2002. Centre administratif du département de Cluj, elle est le siège de la Préfecture et du Conseil départemental. Le département présente le taux de pauvreté le plus faible du pays après celui de Bucarest. Cluj-Napoca est en outre la ville la plus dynamique et la plus compétitive de la région sur le plan économique. Considérée comme une « ville aimant » (Banque mondiale, 2017), elle compte un pourcentage élevé de cadres et professions intellectuelles supérieures dans sa population active. D’autre part, sur un total de 324 576 habitants, seul 1 % de la population (3 273 habitants) s’est déclaré rom en 2011. Néanmoins, le pourcentage de Roms vivant dans des zones marginalisées reste très élevé par rapport à la population totale (Vincze, 2018). L’aire métropolitaine de Cluj (AMC) englobe la ville de Cluj-Napoca ainsi que 17 circonscriptions administratives rurales ; toutes comptent des poches d’habitat indigne habitées par des Roms en situation de pauvreté.
Pata Rât administratively belongs to a city that was renamed from Cluj to Cluj-Napoca in the 1970s by the Ceaușescu regime. The city is situated in the North-West Development Region of Romania. It is the fourth most populated locality of the country, being among the very few ones whose population increased since the 2002 Census. It is the administrative center of Cluj County and hosts the Prefecture and County Council. This county has the second-lowest poverty rate in Romania (after Bucharest). Cluj-Napoca is the economically most important and most competitive area in this region, considered to act as a ‘magnet city’ (WB, 2017) with a high percentage of professionals among the employees working in the city. In 2011, out of its 324 576 inhabitants, only 1% (3273 persons) declared themselves ethnic Roma. However, the percentage of Roma who lived in marginalized areas was much higher compared to the total population (Vincze, 2018). Cluj Metropolitan Area (CMA) encloses Cluj-Napoca Municipality and 17 rural administrative-territorial units, which all include deprived settlements inhabited by impoverished Roma.
Pata Rât, situé à côté de la décharge municipale, compte actuellement une population d’environ 1500 habitants, dont la grande majorité est composée de Roms. Ses quatre « communautés » ont des histoires diverses, mais toutes ont de grandes difficultés, outre le mal-logement et l’insécurité, à accéder à une éducation de qualité, à un emploi stable, à des soins adaptés, ainsi qu’à la vie citoyenne (Vincze, 2012 ; Dohotaru, Vincze et Harbula, 2016). Les autorités locales ont joué un rôle dans la formation de cette zone résidentielle semi-informelle, en y orientant explicitement ou tacitement un certain nombre d’habitants, dont plusieurs familles, précédemment expulsés d’autres parties de la ville. Elles ont aussi contribué à la pérennisation de l’habitat indigne : non seulement elles n’ont pas investi dans le développement d’infrastructures au sein du quartier, mais elles n’ont pris aucune mesure pour améliorer l’accès des habitants au parc de logement social municipal et leur permettre de se réinstaller en ville. Les plus anciens habitants du quartier vivent dans les zones de « Dallas » et « Rampa de gunoi ». Les maisons improvisées qu’ils ont construites sur ces terrains, ou que des associations caritatives ont construites pour eux, sont « tolérées » par les autorités malgré l’absence de permis de construire de la mairie. De la sorte, « Dallas » et « Rampa de gunoi » constituent bien des zones d’habitat informel, dont les premiers habitants, arrivés à la fin des années 1960 comme chiffonniers, n’ont jamais réussi à trouver un autre logement en ville. La création de la zone Cantonului a quant à elle débuté à la fin des années 1990, dans le cadre du développement de la localité à l’époque post-socialiste. Les habitants de plusieurs quartiers centraux, expulsés par la municipalité, avaient à l’époque été expressément orientés vers la strada Cantonului par les pouvoirs publics. Si une partie d’entre eux possèdent une attestation de la mairie qui leur permet de justifier leur présence sur place, d’autres (arrivés de leur propre initiative) restent dépendants d’un simple accord verbal, faisant fonction d’accord tacite, qui les autorise faute de logement à s’y installer à titre provisoire. Au final, les habitants de la rue Cantonului n’ont jamais pu être reconnus comme des habitants légaux : ils n’ont pas réussi se faire domicilier à cette adresse, ni avoir accès aux logements sociaux de la ville. La zone Cantonului est donc bien un cas d’habitat semi-informel. Enfin, Pata Rât a connu un dernier grand épisode d’agrandissement majeur en 2010. Les autorités locales avaient requalifié une ancienne zone industrielle en zone résidentielle pour y faire construire dix maisons préfabriquées. Il s’agit des fameux « logements sociaux » destinées aux 76 familles de la rue Coastei (une partie de la ville dont la valeur immobilière a considérablement augmenté en dix ans) expulsées par la mairie en décembre 2010. Si cet ensemble de maisons modulaires constitue une zone d’habitat formel, cette dernière inclut néanmoins des logements informels, construits par ceux des expulsés qui n’ont pas eu de bail pour les maisons. Pour toutes ces raisons, lesquelles s’inscrivent dans l’histoire résidentielle des habitants et les circonstances actuelles que nous venons de décrire, nous pouvons définir Pata Rât comme un territoire à la fois résidentiel, semi-informel, et situé dans une zone industrielle.
Pata Rât is located in the vicinity of the municipality’s landfill, and today it is inhabited by circa 1500 persons, their vast majority Roma. Its four ‘communities’ have diverse histories and, besides housing deprivation and insecurity, all of them have very reduced access to quality education, to decent jobs, adequate healthcare and public participation (Vincze, 2012; Dohotaru, Vincze and Harbula, 2016). The local public administration played a role in the formation of this semi-informal residential area by explicitly or tacitly redirecting here several persons and families evicted from other parts of the city. It also contributed to its perpetuation as a deprived area since it did not invest in its infrastructural development; and last, but not least, because it failed to implement actions for people’s relocation to the city via improving their access to the local social housing stock. The dwellers informally inhabiting the sub-zones named “Dallas” and “Rampa de gunoi‘” are the oldest inhabitants of Pata Rât. The improvised homes that they constructed for themselves or that were built to them by charity organizations do not have authorization permits issued by the City Hall, but they were ‘tolerated’ by the authorities on this land. In this sense, “Dallas” and “Rampa de gunoi’” are informal settlements. Their ancestors established here since the end of the 1960s as waste pickers and ever since could not afford to find another home to themselves in the city. As part of the locality’s post-socialist development, Cantonului colony was formed in Pata Rât starting with the end of the 1990s. People evicted by the City Hall from several other, centrally placed neighborhoods were directed explicitly towards ‘strada Cantonului’ by the authorities. Some people do possess documents from the City Hall that acknowledge their presence on that territory; while others – who did move there individually – were told verbally to settle there as a temporary solution to their housing shortage, so their presence it is only tacitly acknowledged. Altogether, the dwellers from Cantonului street were never acknowledged as legal settlers, i.e., they were never issued ID documents on this address, and never got access to the city’s social housing stock. Therefore, Cantonului colony is an example of a semi-informal settlement. The last moment of Pata Rât’s significant enlargement dates in 2010. The local public administration transformed one of its areas formerly defined as an industrial zone into a residential area and started the construction of 10 modular houses in this location. The latter proved to be the so-called “social houses” provided for the 76 families evicted by the City Hall from Coastei Street on December 2010, an area whose real estate value increased a lot in the past ten years. The modular houses area is a formal settlement, but it also includes informally built homes by those evictees who did not get contracts in the houses. For all the reasons rooted in the housing histories and current situations outlined above, one may call Pata Rât as a whole a semi-informal residential territory formed in an industrial zone.
Au final, les autorités locales refusent encore aujourd’hui de reconnaître que le site de Pata Rât existe depuis la période du socialisme réel, et qu’il s’est considérablement étendu sous l’effet des politiques de logement et d’urbanisme post-1990. Quartier ghettoïsé situé à côté d’une décharge, Pata Rât continue à subir les effets cumulés de la pollution environnementale, de l’isolement géographique, de la ségrégation socio-territoriale, des difficultés de logement, de la stigmatisation culturelle et de la racialisation (Vincze, 2018). L’un des axes stratégiques de la Stratégie de développement pour Cluj-Napoca 2014-2020, présenté dans son chapitre « Cluj 2020 – une ville inclusive » incluait pourtant un « Plan intégré pour l’inclusion socio-territoriale des communautés marginalisées de Pata Rât ». Voté au Conseil local en 2014, ce plan d’action ne s’est jamais traduit par des mesures concrètes, ni par un soutien budgétaire.
Altogether, local public administration still refuses to publicly acknowledge the existence of Pata Rât as a housing area emerging during actually existing socialism but enlarging significantly under the impact of post-1990 housing politics and urban development. Today, the ghettoized area of Pata Rât nearby the city’s landfill continue to display the cumulative effects of a polluted environment, geographical isolation, socio-territorial segregation, housing deprivation, cultural stigmatization and racialization of both the space and people inhabiting it (Vincze, 2018). However, the ‘Cluj-Napoca Development Strategy 2014-2020’ in its chapter on ‘Cluj 2020 – inclusive city’ defined the ‘Integrated plan for the socio-territorial inclusion of the marginalized communities of Pata Rât’ as one of its strategic directions. Voted by the Local Council in 2014, this plan was never operationalized in concrete measures or sustained from the local budget.
Le quartier de Mălin à Codlea
Mălin district in the town of Codlea
Carte 4. Le quartier de Mălin sur la carte de la commune de Codlea.
Map 4. Mălin district on the map of Codlea municipality.
Zone d’habitat informel et indigne, le quartier de Mălin appartient à la commune de Codlea, fondée au XIVe siècle par des colons allemands. La ville fait partie du département de Brašov, au sein de la Région de développement centre, qui présente le taux de pauvreté le plus faible de Roumanie (25,7 %) après la région Bucarest-Ilfov (25 %). A l’époque du socialisme réel, Codlea était par ailleurs surnommée « la ville des fleurs ». D’après l’Institut national de statistique, la ville comptait 26 068 habitants en 2016 (contre 21 708 en 2011) ; sa population a donc augmenté, probablement en raison des entreprises installées récemment dans les environs.
The informal and deprived housing area of Mălin is a district in Codlea, a settlement formed by German colonists in the 14th century. Codlea is a municipality in Braşov County from the Center Development Region of Romania, which knows the second-lowest rate of poverty among the eight development regions (25.7%) after Bucharest-Ilfov region (25%). During actually existing socialism, Codlea was named ‘the town of flowers.’ According to the National Statistical Institute, in 2016 the town had 26068 inhabitants, which means that it knew a growth since 2011 (21708 persons) probably due to how the new companies established on its perimeter attracted people to move into this town.
Le quartier de Mălin est né dans les années 1960, dans le cadre de la politique de systématisation socialiste. Un vieux quartier rom d’une cinquantaine de maisons, qui occupait les abords de la route nationale au niveau de la sortie pour Sibiu, est alors détruit, et ses habitants relogés en bordure de forêt, au pied du mont Măgura Codlei. Un ensemble d’immeubles, appelé Codlea Nord, est construit à l’emplacement du quartier (Iaru, 2010). Dès lors, le quartier de Mălin n’a cessé de s’étendre, pour atteindre désormais un nombre de 405 ménages (Badic, 2016). Situé à côté de l’ancienne décharge municipale, Mălin est composé de six rues : Șcheilor, Răchitei, Mesteacănului, Plopului, Salcei, et Venus. La rue Şcheilor relie le quartier au centre historique, où elle prend fin au niveau de l’église protestante. Il s’agit de la seule rue goudronnée du quartier ; chaque averse brusque rend les autres à peine praticables. La majorité de ses habitants sont roms : selon une étude menée entre mars et août 2016, 1 302 personnes se sont en effet déclarées comme tels (Badic, 2016, p. 11). Environ 150 maisons sur 405 ont été édifiées sur des terrains publics, tandis que le reste est réparti entre différents propriétaires privés. L’enquête de 2016 souligne en outre qu’aucun des habitants ne possède de titre de propriété. En 2018, au moment de notre enquête, nous avons toutefois noté que 15 familles, grâce à un projet réalisé quatre ans plus tôt, avaient pu devenir propriétaires des terrains sur lesquels elles avaient construit leurs maisons. La situation des familles de Mălin n’ayant jamais été régularisée légalement depuis la création du quartier dans les années 1960, le quartier continue à se développer comme une zone d’habitat informel, à mesure des changements de régime politique. Pourtant, selon les données de l’enquête réalisée par Badic en 2016, 73 % des ménages du quartier s’acquittent chaque année de leurs impôts fonciers. En effet, la législation roumaine actuelle sur l’enregistrement foncier (décret gouvernemental 28/2008) permet à toute personne inscrite au Registre agricole de sa commune et payant ses impôts d’obtenir une adresse postale et une domiciliation, même si elle n’est pas propriétaire de son logement. C’est pour cette raison particulière que nous pouvons définir Mălin comme une zone d’habitat semi-informel : l’absence partielle de documents légaux est palliée par la reconnaissance partielle des autorités, à condition que les habitants soient bien répertoriés sur la liste des contribuables.
Mălin district came into being in the 1960s, in the context of socialist systematization. An old Roma neighborhood of about fifty houses situated nearby the national road towards the exit from Codlea to Sibiu was demolished by then, and its inhabitants were relocated nearby the forest to the foot of Măgura Codlei Mountain. A district of blocks of flats named North Codlea was built in the place of the old neighborhood (Iaru, 2010), while, since then, Mălin has grown to a neighborhood with approximately 405 households (Badic, 2016). Mălin is situated next to the former city landfill, which was closed down in 2009, and consists of six streets: Șcheilor, Răchitei, Mesteacănului, Plopului, Salcei, Venus. One part of Șcheilor Street belongs to Mălin district, and its other part continues until it reaches the historical center of the town, with the Evangelic Church in its middle. It is the only paved street in the district; after every more serious rain shower, the other streets are hardly suitable for walking. The majority of the inhabitants in the district is ethnic Roma; a study carried out in March-August 2016 acknowledged 1302 self-identified Roma in Mălin (Badic, 2016: 11). Out of its 405 households, approximately 150 are situated on public land. People built the rest of the houses on the lands of different private owners. The study from 2016 mentioned that none of the dwellings had ownership documents. However, in 2018, at the time of our research, we could note that 15 families became owners of the land on which they built their houses, due to the Mălin-Codlea project carried out in 2014. The situation of the households in Mălin was not legally regulated ever since its initial formation in the 1960s, so it continued to develop as an informal settlement across the changing political regimes. However, according to data from the Badic study (2016), 73% of the households from Mălin neighborhood paid yearly taxes. The current Romanian legislation on land registering (Governmental ordinance 28/2008) facilitates taxpaying in the case of people being in such situations. It allows that dwellers who do not legally own their house may receive a street and home address if they are recorded in the so-called Agricultural register of the locality and pay taxes accordingly. This specific situation makes us define Mălin a semi-informal settlement, i.e., partially without legal documents, but partially acknowledged by the authorities by registering the dwellers as taxpayers.
Mălin se révèle au final être un bon exemple du type de quartier qui, analysé par Suditu et Vâlceanu (2013), a émergé avant les années 1990 à la lisière des villes, sur des terrains au statut incertain, sans permis de construire pour les maisons. Les caractéristiques principales de ce type d’aménagement, à savoir le manque d’accès aux infrastructures de base et à de vraies conditions de logement, mettent en péril la sécurité et la santé de ceux qui y vivent. De même, Codlea n’aborde pas le cas de Mălin dans sa stratégie de développement, même si elle évoque en termes très généraux les Roms qui résident sur la commune. Le département de Brašov, dont dans la stratégie de développement n’associe pas non plus les questions d’espace et de logement à des exemples précis (Mălin ou autre), les mentionne cependant dans les grandes lignes, lesquelles se résument surtout à la présomption que les Roms occupent illégalement des terrains publics ou privés.
Altogether, Mălin is an example for the type of settlements analyzed by Suditu and Vâlceanu (2013) that emerged before the 1990s on the edge of localities on land with unclear status, including houses built without authorization permit. The essential features of such arrangements are the lack of access to elementary infrastructure, proper housing conditions, which jeopardize the safety and health of the residents. The development strategy of Codlea does not mention Mălin district; however, the later speaks about Roma from the town in general terms. Likewise, while the housing and space-related issues are not associated with concrete examples (nor with Mălin or others), they are acknowledged in general terms in the Brașov county development strategy (ADDJB 2010), as a problem supposedly resulting from how Roma illegally squat public and private lands.
Interventions locales contre l’injustice spatiale
Local interventions against spatial injustice
Cadres institutionnels et mécanismes de financement des interventions
The institutional frames and funding schemes of the interventions
Les deux projets étudiés ici prennent la forme d’opérations menées au niveau local en réponse à des manifestations locales d’injustices socio-économiques, lesquelles se traduisent dans l’espace, c’est-à-dire par l’émergence de zones d’habitat semi-informel et indigne. Cluj-Napoca et Codlea, les deux villes concernées, sont très différentes en termes de taille et de potentiel économique. L’apparition de ces zones résidentielles, nous l’avons mentionné plus haut, s’inscrit dans des configurations historiques différentes suivant la ville, qui changent en fonction des régimes politiques et créent chacune des conditions particulières d’injustice (spatiale). En revanche, nous pouvons en déduire que la formation de ces poches de sous-développement, quels que soit la taille ou le développement économique des villes concernées, est bien un processus urbain. Également, nous avons constaté que la conception et la mise en œuvre des deux initiatives se situe au carrefour de dispositifs institutionnels et de mécanismes de financement à la fois locaux et translocaux. Intitulé « Interventions sociales pour la déségrégation et l’inclusion sociale des groupes vulnérables dans l’aire métropolitaine de Cluj » (ci-après « Projet Pata Cluj » ou Pata Cluj), le premier projet a été conçu pour préparer la déségrégation du quartier de la décharge de Pata Rât à Cluj-Napoca, via le relogement de ses habitants dans d’autres quartiers ou hors des limites de la ville. Le nouveau programme de réduction de la pauvreté du Fonds norvégien, qui prend plus précisément la forme d’un instrument financier prédéfini, lui permet de voir le jour en 2014. L’équipe responsable de l’élaboration du projet avait déjà assuré la mise en place d’une intervention préparatoire dans le quartier, avec le soutien de la municipalité, sous l’égide du Programme des Nations-unies pour le développement (UNDP). Du point de vue institutionnel, c’est cependant l’Association intercommunautaire de développement – Aire métropolitaine de Cluj (AID-AMC) et non la municipalité de Cluj-Napoca qui en a finalement assuré la mise en œuvre. Certaines ONG étaient en outre partenaires du projet, comme la Fondation AltArt, l’Association communautaire des Roms de Coastei et Habitat for Humanity Cluj. Le second projet, intitulé « Responsabilité des citoyens dans le domaine du logement » (ci-après projet Mălin-Codlea ou Mălin-Codlea), a pour objectif de légaliser une zone d’habitat informel de la ville de Codlea. Sa création fait suite à un appel à projet de l’Agence nationale des Roms (ANR) paru en 2014. La légalisation de l’habitat informel constitue en effet l’une des priorités de la Stratégie nationale pour l’inclusion des Roms pour ce qui est du logement. Il s’agit, dans sa version actuelle, de l’une des composantes de la « stratégie-cadre européenne » de 2011. La version antérieure, en revanche, avait constitué l’une des conditions à remplir par la Roumanie dans le cadre du processus d’accession à l’UE. C’est en fait une ONG originaire d’une commune située à 52 km de Codlea, l’Association des Roms de Făgăraș, qui a élaboré et rédigé le projet et l’a ensuite présenté à l’ANR ; mais c’est bien la mairie de Codlea, en partenariat avec elle, qui s’est chargée de la mise en œuvre. Cette initiative fait partie d’un ensemble de 16 projets financés en 2014 par l’ANR sous le nom générique de « Participation et responsabilisation des citoyens ».
Both interventions under our scrutiny are projects implemented at the local level and are responding to manifestations of local socio-economic injustice manifested in space, i.e., the formation of semi-informal and deprived housing areas. The two cities where these happened, i.e., Cluj-Napoca and Codlea, are very different in terms of their sizes and economic potential. As described above, the formation of these residential areas happened through historically different patterns in the two localities across the changing political regimes, each of them creating specific instances of (spatial) injustice. However, one could conclude that the creation of such underdeveloped areas is part of urban processes regardless of the socio-economic development or size of the localities. Moreover, we observe that both actions under our scrutiny were envisaged and implemented at the crossroads of local and trans-local institutional arrangements and financial schemes. The ‘Social interventions for the de-segregation and social inclusion of vulnerable groups in Cluj Metropolitan Area’ project (hereinafter ‘Pata Cluj project’ or Pata Cluj) was conceived to prepare the desegregation of the Pata Rât landfill area of Cluj-Napoca via the relocation of its inhabitants to other parts of the city or outside of it. It was enabled in 2014 by the newly launched Poverty Alleviation Program of the Norwegian Funds, more concretely via a so-called predefined Norwegian financial scheme. It was elaborated by a team that beforehand implemented a preparatory intervention in Pata Rât under the auspices of the United Nations Development Program (UNDP), enjoying the support of the City Hall. However, eventually, from an institutional point of view, it was assumed by the Intercommunity Development Association – Cluj Metropolitan Area (IDA-CMA) and not by the Cluj-Napoca City Hall. Some NGOs acted as partners on this project, such as AltArt Foundation, Community Association of Roma from Coastei, and Habitat for Humanity Cluj. The ‘Accountability of citizens in the field of housing’ project (hereinafter Mălin-Codlea project or Mălin-Codlea) aimed the legalization of an informal settlement in the town of Codlea. It was facilitated by a call made in 2014 by the National Agency for Roma (NAR) on this matter since the legalization of informal settlements was one of the housing-related objectives of the National Strategy for Roma inclusion. The recent version of this strategy was conceived at its turn in the context of the ‘European Framework Strategy’ from 2011, while the first one responded to the conditions of Romania’s accession to the EU. A Roma NGO, Făgăraș Roma Association, from another locality (a town 52 km away from Codlea) conceived, wrote and submitted to NAR the Mălin-Codlea project, while the Municipality of Codlea implemented it in partnership with this organization. This action was part of a cluster of 16 projects funded by NAR in 2014 under the general title ‘Citizen’s participation and empowerment.’
Pata Cluj représente un cas de figure particulier, dans le sens où le projet est porté par une structure territoriale n’ayant pas de compétences administratives publiques : l’association intercommunautaire de développement en question, c’est-à-dire l’aire métropolitaine de Cluj, opère en effet sur un espace géographique qui ne correspond ni à une entité administrative de l’État roumain, ni à une unité administrative locale (UAL). Le cas de Mălin-Codlea témoigne d’un autre type de dispositif institutionnel. Le projet mis en œuvre par la municipalité a en effet été initié par l’organisation non gouvernementale partenaire, et non par la commune. Au final, ces deux exemples ont constitué une sorte d’expérience pour les structures institutionnelles impliquées quant à la gestion de problèmes territorialement localisés. Ainsi, en raison d’une législation nationale lacunaire, la commune de Codlea n’est pas compétente pour légaliser une zone d’habitat informel située sur son territoire. Quant à l’AID-AMC, association volontaire de conseils locaux dont le Conseil d’administration regroupe les maires de l’Aire métropolitaine de Cluj, elle n’a pas la capacité décisionnelle (entre autres) d’intervenir sur la déségrégation au sein de ses municipalités membres.
The case of Pata Cluj illustrates a situation in which the ownership of the project belonged to a territorial structure that did not have public administrative attributions: an inter-community development association that acted on a geographical space, which is not an administrative-territorial unit or LAU, i.e., on Cluj Metropolitan Area. The case of Mălin-Codlea displays a different institutional arrangement, as the Town Hall implemented the project in cooperation with a non-governmental organization, but the latter and not the Town Hall initiated it. Altogether, both cases look like experiments for the involved institutional structures on how to deal with territorially localized problems: the gaps in national legislation on this matter limited the capacity of the Codlea Town Hall to legalize the informal settlement from its locality; as an organization formed on the base of the voluntary association of local councils and led by a council of directors, including the mayors of the localities composing Cluj Metropolitan Area, IDA-CMA does not possess a decision-making capacity for example in matters of residential desegregation in the municipalities that are part of CMA.
L’instrument sur projet à l’œuvre derrière la réalisation du projet Pata Cluj est un choix inhabituel, selon un expert roumain des financements européens. Il a en effet été sélectionné directement à Bruxelles auprès du Bureau des mécanismes financiers – Subventions EEE (Financial Mechanism Office – EEA Grants), et pour cette raison, a dû dès le départ prouver qu’il incarnait un exemple de « bonne pratique » de développement communautaire. Et ce d’autant plus que le projet prenait la suite d’une précédente intervention menée à Pata Rât par le Programme des Nations unies pour le développement, dont le modèle de « développement communautaire » a été considéré comme couronné de succès quelque soir le pays où il a été mis en œuvre. Le projet Mălin-Codlea a également été amorcé en dehors de la localité, sur la proposition d’une personne intervenant dans une autre ville, avant de prendre forme grâce à un programme spécifique de l’Agence nationale des Roms, qui s’avère lui-même aligné sur la « Stratégie gouvernementale pour l’inclusion des citoyens roumains appartenant à la minorité rom ».
According to a Romanian expert on EU funds, the project-based tool by which the Pata Cluj project was realized was an unusual one: it was selected directly by the Financial Mechanism Office-EEA Grants in Brussels, and therefore the need to be chosen as a ‘good practice’ of community development, was there from its very beginnings. The fact that the project resulted from a prior intervention in Pata Rât of the United Nations Development Program, whose ‘community development’ model was considered as a success wherever implemented across countries, also facilitated its selection as a good practice. The Mălin-Codlea project was also initiated from outside the locality, i.e., by a proposal coming from an NGO acting in another city. Most importantly, it was shaped by a special program of the National Agency for Roma following the “Governmental Strategy for the Inclusion of the Romanian Citizens Belonging to the Roma Minority”.
L’équipe coordinatrice de Pata Cluj s’est montrée particulièrement soucieuse de répondre aux indicateurs du projet et de maintenir l’image d’un projet participatif, à l’organisation horizontale. Il affirme ainsi avoir constamment informé et consulté le public, tout en négociant les meilleures décisions possibles avec plusieurs représentants de la mairie de Cluj-Napoca, dont certains ont également été engagés sur le projet. Dans le cas de Mălin-Codlea, l’encadrement du projet a été partagé entre la municipalité de Codlea et l’organisation non gouvernementale associée. Leur collaboration reposait sur une nette répartition des tâches : là où la mairie se chargeait des mesures administratives officielles, l’ONG s’attachait à remplir les objectifs du projet. Mais ce modèle n’a pas été exempt de tensions, lesquelles sont de fait enracinées dans les divergences opposant les deux types d’agenda portés par ces institutions.
The Pata Cluj management team was very much preoccupied with fulfilling the project indicators and with sustaining the image of a horizontally organized participative project. It affirmed that it permanently informed and consulted the public while negotiating the best decisions with some representatives of Cluj-Napoca City Hall, of whom some were also hired on the project. In the case of Mălin-Codlea, the municipality of Codlea and a non-governmental organization split the project leadership. They based their collaboration on a quite clear division of labor: the Town Hall had to take care of the official administrative measures, while the NGO had to focus on fulfilling the project objectives in relation with the funding agency. However, this model was not absent of tensions. The latter was rooted in the divergences between the two agendas that the institutions had to deal with.
Objectifs et réalisations des interventions
The aims and the achievements of the interventions
Les deux actions, comme nous l’avons vu, ont été facilitées par des montages financiers translocaux, l’un au niveau international et l’autre au niveau national. Indépendamment du montant des subventions (environ 4 millions d’euros pour Pata Cluj et 39 094 euros pour Mălin-Codlea) et de la complexité de l’intervention, elles visent toutes deux à réduire des manifestations d’injustice spatiale qui se sont formées au cours de l’histoire, – même si elles n’emploient pas ce terme pour définir les problèmes auxquels elles répondent. Dans une optique comparative, nous souhaitons ici souligner l’une des principales différences qui marque les deux projets en la matière : si l’objectif de Pata Cluj consistait à reloger au cas par cas les familles de Pata Rât (une zone polluée caractérisée par un habitat semi-informel), le projet Mălin-Codlea a quant à lui cherché à aller au-devant d’une reconnaissance légale du quartier d’habitat semi-informel concerné, lequel est situé à la périphérie de la localité, tout en permettant à la communauté de rester intacte. Tous deux ont obtenu des résultats positifs ; ils ont en ce sens rendu justice aux familles bénéficiaires, mais en même temps ont recréé par d’autres biais des injustices en termes d’espace et de logement. Enfin, une autre grande différence réside dans le degré de complexité des deux projets. Pata Cluj est un projet intégré qui, en dehors du logement, intervient dans le domaine de l’éducation, de l’emploi, de la vie culturelle et de l’aide sociale, alors que le projet de Codlea est centré exclusivement sur l’habitat.
As already mentioned, trans-local financial schemes facilitated both actions, an international and a national one. Regardless of the size of the funds (almost 4 million Euros in the case of Pata Cluj, and 39 094 euros in the case of Mălin-Codlea) or of the complexity of the interventions, both aimed to alleviate historically formed manifestations of spatial injustice (even if not using this specific term for defining the problem to which they responded). Focusing on these projects in a comparative frame, here we highlight one of the most significant difference among the two: Pata Cluj targeted the relocation of families, from the semi-informal and polluted area of Pata Rât, one by one to different locations in the city or outside of it; while Mălin-Codlea aimed at making steps towards the legal recognition of the semi-informal settlement while keeping the community intact on the margins of the locality. Both reached some positive results and, in this sense, provided justice for the beneficiary families, but at the same time, they recreated spatial and housing injustice in several other ways. Another difference among the two projects stays in their complexity: conceived as an integrated project, besides its housing component, Pata Cluj included activities on school education, employment, cultural events, and social assistance. While the project from Codlea focused only on housing.
Mălin-Codlea
Mălin-Codlea
L’objectif du projet était d’apporter une aide juridique à une partie des habitants du quartier et de résoudre les problèmes auxquels ceux-ci sont confrontés en matière de droits de propriété. Il se décline en deux axes : clarifier la situation des 150 ménages occupant des maisons sans permis de construire, situées sur des terrains appartenant à la municipalité, en intégrant celles-ci au registre cadastral ; donner aux habitants la possibilité d’accéder à la propriété et au plein exercice de la citoyenneté. En fin de compte, seules 15 familles ont pu acheter les terrains sur lesquels leurs maisons ont été bâties et devenir propriétaires. En ce qui concerne les autres, soit elles n’avaient pas l’argent nécessaire pour acheter les terrains au prix demandé par la mairie, soit elles n’ont pas pu bénéficier de la procédure en raison de leur endettement auprès de la commune. En outre cette procédure ne leur donnait pas la possibilité de devenir propriétaire des maisons ; ces familles ont donc continué à vivre comme avant, comme les autres habitants avant eux. On peut donc affirmer que dans 90 % des cas, le projet a fini par reproduire de l’injustice au détriment des habitants du quartier, et qu’il n’a pas non plus rendu entièrement justice aux « heureux élus » qui en constituent les 10 % restants. L’action a réussi malgré tout dans sa tentative à tester quelques procédures juridiques, de même que leurs limites : en incluant des terrains au plan cadastral de la ville ; grâce à la parcellisation des terrains et la vente de parcelles municipales aux occupants ; en définissant qui a le droit d’acheter des terres et de quelle façon. Dans ce sens, ce projet a été l’occasion d’un double apprentissage, à la fois organisationnel et individuel, pour celles et ceux à qui incombe la responsabilité de remédier à de telles situations.
This project aimed to provide legal counseling and to solve existing problems regarding ownership documents for a part of the residents in Mălin district. It had two aims: to clarify the legal situation for the 150 households who lived in the un-authorized houses built on the public land of the municipality. I.e., to include 150 dwellings in the cadastral registry and to provide them the possibility to acquire ownership and related full citizenship rights. Eventually, only 15 families became owners of the land where their houses were placed by buying these parcels. Others did not have money to pay for the price requested by the Town Hall for these lands or could not benefit from this procedure because they did have debts to the municipality. Besides, this procedure did not provide to anybody the opportunity to become home-owners, so they continued living there as they did before, as all the other inhabitants did. Therefore, one may affirm that the project ended up by reproducing injustice on the detriment of the 90% of the district dwellers and did not make full justice either in the case of the ‘luckier’ 10%. However, at least, the action managed to test some legal procedures of such an endeavor but also their limits. It introduced the land into the cadaster plan of the town; parceled this land; sold the parcels by the municipality to the occupiers; defined who and how has the right to buy the land. In this sense, the project was an occasion for organizational and individual learning – those who were accountable to tackle such situations could acquire necessary knowledge usable in the future.
Il est ici nécessaire de signaler qu’un nouveau projet, intitulé M.Ă.L.I.N., a été mis en place en 2017 grâce au « POCU 2014-2020 », un programme des Fonds européens. Ce projet propose de résoudre la situation dans laquelle se trouvent le reste des familles de la communauté en utilisant les fonds obtenus pour financer le coût d’acquisition des terrains. Mais cela pose d’emblée une question aux membres de la communauté : pourquoi ces familles obtiendraient-elles à titre gracieux des terrains que les autres (sous l’égide du projet Mălin-Codlea) ont dû acheter ? S’agit-il d’une solution équitable, ou bien générera-t-elle des tensions superflues au sein de la communauté ? Ne risque-t-elle pas de produire entre ses membres des inégalités d’accès aux ressources attribuées ? L’équipe en charge du projet a déclaré vouloir chercher le moyen de réparer cette injustice, et s’engager à faire avancer le processus de reconnaissance légale afin de permettre aux habitants d’obtenir des titres de propriété pour les maisons construites sur les parcelles. Cependant, la tension qui entoure ces projets ne contribue pas du tout à apaiser les relations interpersonnelles au niveau local. En outre, le projet a encore une fois un objectif (légaliser les constructions sans permis) pour lequel il n’existe pas de législation très claire ; d’autant que les procédures existantes ne servent pas nécessairement les intérêts de la population, en particulier de ceux qui ont construit leurs maisons sur des terrains privés ou après 2001 (selon la loi 50/1991, celles-ci courent en effet le risque d’être démolies).
One should note that a new project, called M.Ă.L.I.N, was developed and gained funds in 2017 via the “POCU 2014-2020” program of EU Funds. This project promises to solve the situation of the rest of the households in the community by financing the cost of land acquisition from project funds. However, it raises the obvious question among the community members: why will these households receive the land free of charge while the others (under the Mălin-Codlea project) had to pay for it? Is this a fair solution, or will the solution give rise to unnecessary tensions inside, and will it produce inequality in community members’ access to allocated resources? The new project’s team sustains that it will look for the possibility to redress this injustice, and will go further with the legal recognition process in order to provide ownership documents for the houses built on the parcels. Nevertheless, the whole tensioned situation created around these projects has not contributed at all to the improvement of the inter-personal relations at the local level. In addition, the new project still aims something (legalizing the buildings constructed without permits), for which there is no entirely clear national legislation; while existing procedures do not necessarily serve peoples’ interests especially of those who constructed their houses on private lands, or of those who made their constructions after 2001 (according to Law 50/1991 these buildings being under the risk of being demolished due to the lack of authorization).
Si l’on considère que le projet Mălin-Codlea a été mis en œuvre dans un programme-cadre de courte durée, rigide, et peu propice à reconnaître et à admettre la diversité des situations sur le terrain, ses chances de réussite sont en effet bien minces. D’autant qu’il n’a pas bénéficié des moyens et des mécanismes qui lui auraient permis d’être opératoire. Les solutions qu’il a proposées étaient certes prometteuses, mais n’ont pas été suivies de directives concrètes à destination des personnes chargées de sa mise en œuvre. Le manque de temps et les contraintes budgétaires, parfois teintés d’attitudes racistes, semblent avoir constitué d’énormes obstacles à la mise en œuvre de ce type de projets. Quand bien même l’encadrement juridique de la légalisation finirait par être pensé, adopté et mis en place, la réalisation de tels programmes continuerait à dépendre de la volonté politique des autorités locales. En outre, il lui faudrait faire appel à des experts pour superviser la mise en place de solutions locales. Par ailleurs, impliquer un bien plus grand nombre d’acteurs locaux s’avérerait judicieux, non seulement pour assurer une mise en œuvre fructueuse, mais aussi pour concevoir de meilleurs projets fondés sur une connaissance des réalités locales. Il serait surtout nécessaire de rencontrer dès le départ les populations visées par ces interventions, car celles-ci constituent les meilleures sources d’information en ce qui concerne les réalités et les trajectoires de vie dans des zones d’habitat informel et indigne. Enfin, puisque c’est à elles qu’il reviendra de vivre avec les conséquences de telles interventions, il est indispensable qu’elles soient non seulement informées, mais aussi consultées sur les procédures et les résultats attendus, ainsi que sur les risques encourus. Néanmoins, même améliorée, la justice procédurale ne peut en soi garantir que les normes juridiques mises en place, en ce qui concerne la légalisation, soient assorties de mesures sociales destinées à accompagner les perdants potentiels de ces directives. Tels sont ceux qui n’ont pas les moyens d’en assumer les coûts, dont les maisons sont trop vieilles pour répondre aux standards de sécurité actuels, ou dont les projets de légalisation, pour différentes raisons, ne seront jamais approuvés par les autorités.
We consider that since the institutions implemented the Mălin-Codlea project in the framework program of very short duration, inflexible and not ready to recognize and acknowledge the variety of local situations, it had reduced chances to succeed. Most importantly, it did not have the means and the mechanisms that would make it work. It formulated the desirable solutions but did not provide concrete directives for the persons in charge of the implementation. Lack of time, budget constraints, and even racist attitudes appeared to put enormous obstacles in the implementation of these types of projects. Even if the legal framework for legalization will eventually be in place, designed and promulgated, implementing such programs requires political will from local authorities. Also, it needs experts who can oversee the enactment of local solutions. Furthermore, involving many more local stakeholders would be appropriate not only for a more successful implementation but also for elaborating a better plan based on knowledge about local realities. Most importantly, people who are planned to be targeted by such interventions need to be approached from the very beginning, since they are the best sources for learning about the histories and the realities of living in informal and deprived housing areas. Besides, since they will bear the consequences of such actions, they should not be only informed, but also consulted about the procedures, their expected positive outcomes, and risks. Nevertheless, even if improved, procedural justice in itself would not guarantee that the local implementation of legal norms on legalization will be completed with social measures in support of the potential losers of such directives. Such as those who do not have money to pay for the costs or those whose old houses do not meet the current security standards, or whose plans for legalization will not be approved by the authorities due to different reasons.
Pata Cluj
Pata Cluj
Le principal apport du projet, en matière de justice distributive, a été d’attribuer à 35 familles un appartement hors de Pata Rât. Le consensus général qui a entouré la composante « logement » de l’intervention, elle-même définie comme un projet intégré et dédié à la déségrégation, est sans doute le facteur le plus important à avoir joué en faveur d’un tel résultat. Les limites du projet sont dues au fait que cette composante est intervenue assez tard dans le projet (celui-ci a été lancé en 2014 et a pris fin en 2017, alors que le « volet » logement ne date que de 2016), d’autant que les bénéficiaires représentent seulement 10 % de la population totale du quartier. De plus, le fait que seul un tiers des familles ait obtenu un appartement à Cluj-Napoca quand la majorité d’entre elles a dû déménager à l’extérieur de la ville (dans trois villages des environs appartenant à l’aire métropolitaine de Cluj) peut également être perçu comme une limite supplémentaire à ces réalisations pourtant bien réelles. Certains bénéficiaires ont déclaré ne pas s’être intéressés à la façon dont fonctionnaient les autres composantes du projet, ni à l’impact que celles-ci ont pu avoir, dès lors que leur rêve de quitter Pata Rât était devenu réalité. D’autres encore ont émis une opinion plus réservée à l’égard du processus : certains étaient en effet peu rassurés à l’idée de quitter la ville pour un village des environs ; beaucoup se sont rendus compte que le soutien de la communauté (ou de la famille étendue) dont ils avaient bénéficié jusqu’ici leur manquait, en dépit des mauvaises conditions de vie associées. Ces diverses déclarations indiquent sans doute que l’effort de « déségrégation », en soi et à tout prix, n’a pas forcément pour effet d’améliorer tous les aspects de la vie sociale de la population. La pratique de séparer les familles et de leur attribuer des appartements dans des quartiers de la ville éloignés les uns des autres, voire ailleurs, pourrait avoir pour conséquence de détruire à la fois les relations communautaires et les possibilités d’actions collectives. Du côté des bénéficiaires, certains ont enfin voulu savoir pourquoi c’était l’AID-AMC qui était devenue propriétaire des logements (au lieu des personnes qui ont justement pâti de la ségrégation résidentielle et du mal-logement) mais aussi en quel nom le projet a été rédigé en premier lieu.
The major achievement of this project in what regards distributive justice was the allocation of apartments outside of Pata Rât for 35 families. The most significant facilitator factor of this result was the broad consensus around the need of having a housing component in a project that defines itself as integrated and dedicated to desegregation. Its limitations are because this component came later in the project (the whole project started in October 2014 and the housing component was launched in September 2016, while the whole project ended in April 2017), and that its beneficiaries formed only 10% of the total inhabitants of Pata Rât. Besides, the fact that only one-third of the relocated families received apartments in Cluj-Napoca, the majority being moved outside the city, in three surrounding villages belonging to Cluj Metropolitan Area, could also be seen as a limitation of the project’s achievements. Some of the beneficiaries affirmed that they were not concerned with how other project components worked out and how much impact they had since their dream of moving out from Pata Rât came true. However, others expressed more cautious opinions about this process: some felt uncomfortable and insecure about moving out from the city to the neighboring villages; many realized that they missed the community/ extended family support that they enjoyed in their former home even if adverse conditions characterized that. These voices might signal that the endeavor of “desegregation” in itself and with any price would not necessarily mean the improvement of people’s social life in all matters. The practice of separating all the individual families into block apartments scattered across the city and outside the city could even mean the breaking up of community relations and the potential of collective activism. Besides, some project beneficiaries questioned why did IDA-CMA become the owner of these homes. They did not understand why not themselves became owners since they have suffered from housing segregation and deprivations, and the institutions wrote the project in their name.
En ce qui concerne la collaboration de l’équipe du projet et de l’AID-AMC avec la mairie de Cluj-Napoca, les bénéficiaires et les non bénéficiaires du volet « logement » de Pata Cluj dressent un bilan plutôt mitigé. Ils estiment surtout que la mairie n’a apporté aucune contribution aux ressources du projet, et que les autorités continuent à être partie prenante du problème. Les habitants considèrent en effet que cette entité a justement une part de responsabilité dans la création et la pérennisation de la situation à Pata Rât.
Beneficiaries and non-beneficiaries of the housing component of Pata Cluj expressed their ambivalence about the collaboration between the project team and IDA-ZMC, with the Cluj-Napoca City Hall. Even more, they considered that the latter did not have any contribution to the project’s resources and that the authorities continue to be part of the problem: the locals perceive them as being the entity that contributed to the creation and stabilization in time of their situation in Pata Rât.
L’absence de politiques publiques inclusives en matière de logement, ainsi que d’un plan concret de déségrégation pour le quartier (à court, moyen et long terme) assumé et soutenu par les pouvoirs publics locaux, représente sans doute la principale cause institutionnelle de reproduction des injustices spatiales et sociales. Faute de tels engagements, les initiatives menées sur projet et à court terme se verront dans l’incapacité d’engendrer une transformation durable de la justice distributive comme procédurale.
The leading institutional cause of the reproduction of spatial and social injustice that these people face is the lack of inclusive public policies for housing, and of a concrete short, medium and long-term plan for the desegregation of the area, assumed and sustained by the local public administration. The project-based short-term initiatives cannot generate sustainable change nor in distributive or procedural justice if they lack such commitments.
De plus, le fait que projet n’ait jamais cherché à peser sur la transformation des politiques publiques en ce qui concerne les conditions d’accès de la population au parc de logement social de la commune a eu pour effet de rétablir le statu quo au profit de la séparation de Pata Rât et du reste de la ville. Le résultat a été le même avec les autres volets du projet, malgré leur ambition de relier Pata Rât à Cluj-Napoca. Grâce à ces interventions, qui peuvent être qualifiées de « pratiques de micro-mobilité » (Bravi, 2009), les habitants de Pata Rât ont pu participer, du moins le temps du projet, à des événements culturels et sportifs organisés dans d’autres quartiers du centre-ville et de la périphérie ; recevoir des soins médicaux qui autrement auraient été inaccessibles ; ou encore trouver du travail, même si cela s’est souvent révélé temporaire.
Moreover, the fact that the project did not have any contribution to change the public policies regarding peoples’ accessibility to the city’s social housing stock, it re-created the status quo of separation of Pata Rât from the rest of the city. The other project components sustained the same outcome even if the latter aimed to connect Pata Rât to Cluj-Napoca. We may call these activities ‘micro-mobility practices’ (Bravi, 2009), by the means of which – during the lifetime of the project – the Pata Rât dwellers were taken to central or other peripheral neighborhoods for cultural or sport events; the project provided to some of them otherwise un-accessible health care services; or placed some others into jobs.
En matière de justice procédurale, la manière dont le projet s’est engagé à associer la « communauté de Pata Rât » aux processus de décision tout au long de la phase de mise en œuvre, voire au-delà, a été présenté par l’équipe coordinatrice comme l’un des principaux apports de l’opération. Pata Cluj a en outre défendu comme un signe de « bonne pratique » le fait que plusieurs acteurs extérieurs à l’équipe aient été impliqués dans la définition des critères d’attribution des 35 logements crées à cette occasion. La participation, l’empowerment, l’horizontalité, voire les pratiques restauratives, en constituent les mots-clés ; ils permettent à l’équipe de suggérer que le projet se distinguerait diamétralement des autres, en particulier des interventions « par le bas ». Avec les processus de participation, celle-ci a notamment cherché à dépasser le manque de confiance en soi de la population locale, et de ce fait a inévitablement demandé beaucoup de temps et d’énergie aux acteurs venus de l’extérieur. Des familles et des individus n’en ont pas moins affirmé qu’ils n’étaient pas au courant de tous les aspects et ressources du projet. D’autres ont constaté qu’après avoir fait mention de quelque chose, on leur répondait qu’il n’était pas possible de le faire. Certains se sont plaints de la manière dont les ressources du projet ont été réparties au sein des quatre communautés, ou entre membres d’une communauté à l’autre. Enfin, plusieurs représentants des autorités locales de l’aire métropolitaine de Cluj, notamment des villages où des familles ont été relogées, ont par ailleurs objecté qu’elles n’avaient pas assez, voire pas du tout, été consultées aux différentes étapes du projet. Et ceci en dépit du fait que l’AID-AMC, dont ils font pourtant partie du Conseil, est à la fois le principal promoteur et le principal propriétaire des biens mis à disposition sur ce projet.
In what regards procedural justice, during the whole implementation period and even afterward, the way how the project promised to involve the ‘Pata Rât community’ into decision-making was presented by its management team as one of its main achievements. Also, Pata Cluj widely promoted as a ‘best practice’ the involvement of several stakeholders beyond the project team in the process of defining the criteria of allocation of the 35 homes created by the project. Participation, empowerment, horizontalism, or even restorative practices were the keywords, by which the project team suggested that this project is positively different from other types, mostly the so-called bottom-up interventions. Through the participatory processes, the staff tried to over-come the locals’ lack of trust, a fact that inevitably needed a vast amount of time and energies from the stakeholders coming from outside Pata Rât. Nevertheless, there were still individuals and families from Pata Rât, who claimed that they did not know exactly about all the aspects and resources of this project. Alternatively, others observed that after they proposed something, they were told that the project could not fulfill their proposal. Some complained about the distribution of project resources across the four communities, or between the members of one community or another. Besides, representatives of the public administrations of Cluj Metropolitan Area, and in particular of the villages where families from Pata Rât were moved out, objected that the project team did not consult them adequately in the different stages of the project. The latter happened even though the project implementer and the owner of the goods provided by the project was the IDA-CMA on whose board they were also present.
S’ils sont localisés sur un territoire donné, les problèmes auxquels ces projets cherchent à répondre se révèlent pourtant liés à un ensemble plus vaste de facteurs et de processus translocaux, qui pour beaucoup s’inscrivent dans la longue durée. Ainsi, bien que les artisans de leur mise en œuvre soient des acteurs locaux, ce sont bel et bien des agents translocaux qui sont à l’origine des cadres conceptuels et des mécanismes financiers qui les sous-tendent. Le « localisme », tel qu’adopté dans les théories du développement et dans leur mise en pratique, a lui-même été élaboré dans le cadre d’agendas politiques translocaux, voire transnationaux, suite aux échecs d’autres modèles de développement. Il sait néanmoins faire preuve de transformation lorsqu’il s’agit de prendre en compte les problèmes locaux et mobiliser les forces vives au niveau local pour y répondre, sans que cela n’exclue pour autant la reproduction des inégalités. Ces deux études de cas montrent bien que tant que les politiques locales seront infléchies par la gouvernance néolibérale et n’inscriront pas le développement du parc de logement social et des territoires sous-investis à l’ordre du jour, toute intervention sur projet se révélera incapable de résoudre les injustices spatiales et liées au logement, c’est-à-dire de contrecarrer la formation de zones d’habitat indigne et peu sûr.
The problems to which the projects under our scrutiny aimed to respond to were territorially localized, but they appeared due to broader trans-local factors and processes, many of them functioning in a long-duré time frame. Moreover, while in each case, the main implementing stakeholders were local actors, the conceptual frameworks and financial schemes that facilitated them came from trans-local agents. Altogether, ‘localism’ itself as a perspective adopted in development theories and practices comes from trans-local or even trans-national policy agendas as a reaction to the failures of other development models. However, it displays a transformative potential in what regards the capacity for acknowledging the local problems and for mobilizing local forces to solve them, localism itself does not exclude the reproduction of inequalities. Our two case-studies demonstrated that if local policies continue to be shaped by neoliberal governance and do not put on their agenda the development of underinvested territories and an adequate public housing stock, the project-based interventions will not be capable of solving spatial and housing injustices, i.e., to counteract the formation of deprived and insecure housing areas.
Conclusion
Conclusion
L’injustice spatiale et l’injustice en matière de logement : une composante endémique du capitalisme
Spatial and housing injustice as an endemic feature of capitalism
La contribution théorique de notre article à la compréhension de l’injustice spatiale est triple. Tout d’abord, nous l’envisageons comme un phénomène causé par un développement territorial inégal, qui peut être à son tour perçu comme une composante endémique du capitalisme, tel que nous l’avons décrit dans la deuxième partie sur le contexte roumain. Ensuite, nous considérons l’injustice spatiale comme une tendance qui se manifeste à travers la production et la pérennisation d’ensembles d’habitat semi-informel et indigne, processus qui restreignent de beaucoup l’accès des habitants aux ressources, valorisées socialement, qui sont disponibles à l’échelle locale. La troisième partie de cet article témoigne de ce processus dans le cas de Pata Rât à Cluj-Napoca, et du quartier de Mălin à Codlea. Enfin, nous proposons, du moins à travers ces deux cas de figure (sans avoir ici la possibilité d’entrer dans le détail), d’appréhender les disparités de développement territoriales, l’injustice spatiale et l’injustice liée au logement comme une série de processus racialisés et de classe qui se déploient au fil des régimes politiques. Car au final, ceux qui vivent sur ce type de territoire sont bien les travailleurs paupérisés ; et ces travailleurs, en tant que roms et habitants, ainsi que leurs lieux de vie, sont racialisés, c’est-à-dire infériorisés et stigmatisés (Vincze, 2018)
The theoretical contribution of our article to the understanding of spatial injustice is threefold. First: we addressed it as a phenomenon that results from uneven territorial development, which at its turn is an endemic feature of capitalism, as described in Chapter 2 for the case of Romania. Second: we viewed spatial injustice as a trend manifested in the production and perpetuation of semi-informal and deprived housing arrangements since these reduced very much the access of their dwellers to the locally available and socially valued resources. Chapter 3 of the article illustrated this process in the case of Pata Rât in Cluj-Napoca, and of Mălin district in Codlea. Third: through our discussed cases at least we suggested (even if we did not have the opportunity to elaborate on this), to address uneven territorial development, spatial injustice and housing injustice as racialized and class-based processes that are unfolding across political regimes. One may observe that it is the pauperized working class who ends up living in such territories, while both the space where they are living and themselves as impoverished people, as ethnic Roma and as dwellers of such areas, are racialized, i.e., inferiorized and stigmatized (Vincze, 2018).
Externalisation de la responsabilité de l’État
Externalization of state accountability
Les données rassemblées ici, si elles ont pour but de contribuer aux réflexions théoriques sur la justice spatiale, montrent également que ce type d’injustice est aggravé par l’externalisation de la responsabilité (accountability) de l’État à des interventions sur projet dans le domaine de la justice spatiale et de la justice relative au logement. Partout dans le monde, ce processus est lié à la transformation visible du rôle de l’État vis-à-vis du marché et de la société sous l’effet du capitalisme néolibéral. C’est ce que nous avons retracé dans la quatrième partie de cet article, à travers le cas des projets Pata Cluj et Mălin-Codlea, tous deux menés en Roumanie. À l’aune de ce contexte, ainsi que de l’analyse présentée dans les parties précédentes, nous pouvons faire le constat que les formes d’injustice observées, en matière de logement, sont générées et perpétuées par des facteurs et des processus systémiques, qui nécessitent des interventions menées dans ce sens. Suivant ce raisonnement, il est compréhensible que les projets étudiés ne soient pas en mesure d’agir sur de telles causes structurelles, et qu’ils peinent par conséquent à garantir l’accès à la justice spatiale.
Besides the aim to theorize on spatial injustice, we also used our empirical material in order to demonstrate that the externalization of state accountability in what regards spatial and housing justice, to some project-based interventions also aggravates this injustice. Such a process is linked to the state’s changing role concerning market and society, as it happens under the rule of global neoliberal capitalism. We described how this happened in the case of Pata Cluj and Mălin-Codlea projects from Romania in Chapter 4 of the article. We concluded that the addressed forms of housing injustices are generated and perpetuated by systemic factors and processes and, as such, would need interventions that could act on the latter. Moreover, on the base of these arguments it is understandable why the projects under our scrutiny do not have the potential to change such structural causes, therefore why is their capacity to deliver spatial justice so limited.
Le projet Pata Cluj, à cet égard, reflète par certains aspects les cadres de référence utilisés par les politiques néolibérales. Celles-ci négligent en effet les catégories les plus démunies de la population, lesquelles sont soumises à différentes contraintes pour assurer leur subsistance dans les zones urbaines en difficulté. Ces aspects sont les suivants :
In what regards the Pata Cluj project, it reflects several dimensions of the neoliberal policy frames insufficiently serving the most impoverished social categories, which are enforced by different constraints to make a living in underdeveloped urban areas. These dimensions are:
1. Les services sociaux assurés par l’État sont externalisés à des organisations qui travaillent sur projet, et échappent au budget de l’État au profit de financements externes ;
1. The outsourcing of welfare services from governmental bodies to project-based organizations and from the public budget to external funding;
2. Les responsabilités gouvernementales assurées au niveau municipal sont déléguées à celui, plus large, des aires urbaines, bien que celles-ci ne disposent pas pour l’instant de la compétence administrative pour les exercer ;
2. The endeavor to rescale the governmental responsibilities from the level of municipalities to the level of larger metropolitan areas, even if, yet, the latter do not have administrative competence;
3. Plusieurs mécanismes sont employés pour repousser les travailleurs pauvres vers les périphéries des villes gentrifiées, voire au-delà de leurs frontières administratives, à mesure que les terrains prennent de la valeur sur le marché immobilier.
3. The use of several mechanisms to push the pauperized labor force to the peripheries of the gentrifying cities and even beyond their administrative borders as their lands gain more and more value on the real estate market.
Compte tenu de ces tendances, les habitants de Pata Rât sont donc censés bénéficier des effets de la justice socio-territoriale via de nouveaux projets, financés par des ressources externes.
As a result of the above trends, the full socio-territorial justice to the inhabitants of Pata Rât is awaited to be delivered by further externally funded projects.
Concernant Mălin-Codlea, il apparaît que des processus de plus grande ampleur, favorisés par les politiques foncières et les politiques de logement néolibérales, sont à l’œuvre derrière l’objectif de légalisation de l’habitat informel, tels que :
Regarding the Mălin-Codlea project, we could observe that behind the trend to legalize informal housing that it aimed to accomplish, this project promotes some larger processes sustained by neoliberal land and housing policies, such as:
1. La mise en circulation de l’ensemble de terres sur le marché et dans le système fiscal ;
1. Introduction of all the lands into the circuits of markets and taxation system;
2. La transformation progressive du logement, destiné à devenir un bien de consommation et un actif financier ;
2. Continuing the transformation of housing into a commodity and financial asset;
3. La promotion de la propriété comme une forme par excellence d’accession au logement.
3. Promoting homeownership as the ideal type of tenancy.
Le cas de Mălin-Codlea montre bien que la fabrique de la justice, concernant les zones d’habitat informel et indigne, s’avère socialement plus complexe que de trouver quelques procédures juridiques destinées à les légaliser, même si cet objectif est déjà suffisamment difficile en soi. Dans un tel contexte, caractérisé par des difficultés sévères de logement ou la proximité de sites pollués, la légalisation de l’habitat informel ne peut constituer ni un horizon à atteindre, ni un objectif per se, à partir du moment où l’on veut améliorer la justice spatiale. Cette démarche doit bien sûr être complétée par l’amélioration des conditions de vie des habitants, en matière de logement, d’infrastructures, et d’accès aux transports et aux services publics ; mais elle doit aussi être accompagnée de la suppression des sources de pollution qui affectent ces quartiers, et par extension le droit de posséder des biens et d’en jouir.
Mălin-Codlea displayed that justice-making in the case of informal and deprived housing areas is socially more complicated than finding some legal procedures for legalization, even if this aim is complicated enough in itself. The legalization of informal settlements or homes in the case of situations characterized by deep housing deprivation or by the positioning of such settlements or homes nearby polluted areas cannot be a final aim or only an aim in itself if someone wants to improve spatial justice. In such cases, this endeavor should be completed by improving people’s housing and infrastructural conditions, their access to public transport and public utilities, but as well as by eliminating all the sources of pollution from the neighborhood where people are supposed to enjoy their property rights.
Les limites du localisme face à l’injustice spatiale
The limits of localism in solving spatial injustice
En dernier lieu, il est ici nécessaire d’évoquer le potentiel pratique d’une vision selon laquelle le « local » serait la solution pour résoudre les injustices spatiales, que ce soit sous la forme de l’autonomie locale, du développement local mené par les acteurs locaux, ou simplement de projets conçus et gérés localement. C’est ce que nous allons voir maintenant avec les trois points qui suivent.
Last, but not least, we need to conclude here about the practical potential of the vision according to which the secret of solving spatial injustice is ‘going local,’ in the form of local autonomy or community-led-local-development, or simply by the locally conceived and administered projects. In what follows, let us refer to three aspects of this question.
Nous avons tout d’abord démontré, dans la deuxième partie, comment les manifestations d’injustices spatiales et relatives au logement ont été créées, ou du moins renforcées et aggravées, par les changements sociétaux qui ont affecté la Roumanie à l’échelle nationale à partir de 1990, c’est-à-dire depuis le passage du socialisme réel au capitalisme néolibéral. Compte tenu de notre focale, qui porte sur les injustices en matière de logement, nous nous sommes intéressées à deux aspects spécifiques de ces changements : les disparités de développement territoriales et la privatisation de l’habitat. Nous pourrions en conclure que ces tendances, qui se manifestent dans tout le pays, ne peuvent être contrées par des mesures locales, mais nécessitent au contraire des interventions coordonnées au niveau national. Or, l’autonomie locale ne pourra apporter de solution tant que la gouvernance locale restera imprégnée par le régime néolibéral. Nous avons vu que le principal facteur inhibiteur, en ce qui concerne le projet Pata Cluj (c’est-à-dire l’objectif de dé-ségréguer Pata Rât), a été le manque d’implication et de responsabilité (accountability) de la mairie de Cluj-Napoca à cet égard. Dans le cas de Mălin-Codlea, ce sont plutôt les pouvoirs limités des parties prenantes impliquées (pouvoirs publics et ONG) qui ont joué ce rôle en ce qui concerne les problèmes dont elles s’étaient portées garantes.
First, in Chapter 2 of the article, we demonstrated how the addressed manifestations of spatial and housing injustices were created or at least reinforced and aggravated by the national societal changes in Romania after 1990, i.e., the transformation of actually existing socialism into neoliberal capitalism. Since our focus is housing injustice, we tackled two aspects of this change, uneven territorial development, and housing privatization. We might conclude that local measures cannot counter such trends happening at the national scale, but they necessitate nationally coordinated interventions. Most importantly, local autonomy cannot be a solution to these problems, because and until a neoliberal rule informs local governance. We could see that the major inhibiting factor of the sustainability for the Pata Cluj project (i.e., for the aim of desegregation of Pata Rât) was the lack of involvement and accountability of the Cluj-Napoca City Hall regarding this matter. While in the case of Mălin-Codlea it consisted of the limited powers that the involved stakeholders (including the public authorities and the NGO) had over the issue they took responsibility for.
Nous avons ensuite décrit, dans la troisième partie de cet article, quels ont été les processus historiques locaux qui ont conduit à la formation de zones d’habitat indigne. Dans la partie suivante, nous avons indiqué que les projets élaborés pour lutter contre ces problèmes, malgré le caractère structurellement enraciné de ce phénomène sur le long-terme, ne pouvaient qu’aboutir à des demi-victoires. Mais il faut surtout souligner qu’en l’absence de mesures politiques assumées politiquement, financées et mises en œuvre sur le long terme par les pouvoirs publics locaux, les initiatives sur projet portées par les organisations de la société civile et les partenariats public-privé restent dépourvues de la responsabilité politique (accountability) qui autrement leur assurerait cohérence et durabilité. Cela vaut aussi dans les cas où, derrière des projets en apparence spécifiques, se dessine la stratégie de fond adoptée à différentes échelles (européenne, nationale, régionale, départementale, métropolitaine et locale) qui s’est justement chargée de les rendre possibles. Or le problème de ces stratégies, c’est qu’elles ont été conçues pour permettre aux acteurs publics et institutionnels de capter des fonds européens, et qu’elles ne sont pas suivies de mesures politiques concrètes soutenues par le budget public.
Second, in Chapter 3, we described the local historical processes that led to the formation of deprived housing areas. In Chapter 4, we could observe that compared to the long-term and structurally rooted nature of these phenomena, the projects aimed to tackle them could only lead to partial achievements. However, most importantly, we might resume here that in the absence of politically assumed policy measures budgeted and implemented by the local public authorities on a long term, the project-based initiatives of civil society organizations or public-private partnerships miss the political accountability that could assure them consistency and sustainability. The latter is even so in the cases when behind the individual projects one can discover some background strategy adopted at different scales (European, national, regional, county, metropolitan, locality level) that enabled them. The problem with these strategies is that they were elaborated in order to enable public or other institutional stakeholders to attract EU funds, while the authorities have not translated them into concrete policy measures supported by the public budget.
Enfin, il convient de rappeler ici que les analyses qui sous-tendent les stratégies concernées – qu’il s’agisse de développement régional et territorial, de développement urbain, de logement, d’inclusion sociale des Roms, ou encore de lutte contre la pauvreté, l’exclusion sociale et la marginalisation – ont été effectuées par la Banque mondiale. Cette dernière, en tant consultante auprès du gouvernement roumain, a joué en effet un rôle de taille dans l’élaboration de l’Accord de partenariat signé par la Roumanie et la Commission européenne. Plus encore, nous ne devons pas oublier que cela s’inscrit dans un contexte politique et économique plus large, dans lequel :
Thirdly, we should also mention here that the World Bank elaborated the studies underlying all the strategies mentioned above (related to regional and territorial development, urban development, housing, social inclusion of the Roma, combatting poverty, social exclusion and marginalization). The latter – from a position of consultant for the Romanian Government – also had a crucial role in elaborating the Partnership Agreement between Romania and the European Commission. Above all, we should not forget that this is happening in a broader political economy context, where:
• les initiatives sur projet sont chargées de résoudre les grands problèmes de notre temps, tels que la pauvreté, les inégalités socio-économiques, et les disparités territoriales à différentes échelles ;
• project-based initiatives are held responsible across the EU to solve the significant issues of our times, such as poverty and socio-economic inequality, or territorial inequalities at different scales;
• les politiques macro-économiques européennes et la surveillance fiscale auxquels sont astreints les États membres forcent ces derniers à couper dans le budget de l’État providence, avec à terme pour conséquence de limiter considérablement les bénéfices que ce type d’initiative apporte à la cohésion sociale et territoriale.
• the compulsory European macro-economic policies and fiscal surveillance of the Member States enforce them to cut the costs of the welfare state, which at its turn limits a lot the positive effects of the project-based initiatives on the domain of social and territorial cohesion.
L’ensemble des conclusions formulées ci-dessus, lesquelles sont fondées sur des données empiriques issues du contexte national roumain et des contextes locaux sur lesquels nous avons mené nos terrains d’enquête dans le cadre des recherches RELOCAL, peuvent au final être mises en relation avec certains processus transnationaux d’(in)justice spatiale nés du capitalisme néolibéral. Le localisme, façonné par la gouvernance urbaine néolibérale, s’est ainsi révélé incapable d’assurer l’exercice de la justice spatiale ou de la justice relative au logement dans nos contextes d’étude. Car les injustices sont bien le produit des facteurs translocaux de l’économie politique capitaliste, d’autant que les acteurs politiques, ceux qui ont pour tâche de les résoudre, ne répondent ni aux besoins, ni aux droits des personnes à faible revenu en ce qui concerne le logement. En règle générale, dès lors qu’une politique étatique est infléchie par le fondamentalisme du marché, elle ne peut s’engager en faveur d’un développement cohésif et inclusif – quand bien même les politiques européennes promettent-elles un marché commun, fondé sur le principe de la libre circulation des capitaux, et une Europe sociale fondée sur la solidarité. Ce qui ressort le plus de cette contradiction, c’est d’une part qu’elle justifie la production d’inégalités comme le prix à payer par le développement (selon la conception que la Banque mondiale a du phénomène, 2009), et de l’autre qu’elle génère les cadres juridiques nécessaires à l’existence des interventions sociales sur projet.
All the conclusions formulated above, which are rooted in the empirical material of the Romanian national context and of the local contexts where we conducted fieldwork under RELOCAL research, might be reconnected to some transnational processes of spatial (in)justice under neoliberal capitalism. Localism informed by neoliberal urban governance could not assure in our contexts either, the desirable spatial or housing justice. The reason for this is that the trans-local factors of capitalist political economy are producing such injustices and the political actors, who should solve them, are not serving the housing needs and rights of people with low income. Generally speaking, a state politics informed by market fundamentalism cannot be committed to cohesive and inclusive territorial development, even if the EU policies promise both a common European market based on the principle of free movement of capital and a social Europe based on solidarity. What it does at the most out of this contradiction is that it justifies the creation of inequalities as a price to be paid for development (following the World Bank understanding of this phenomenon, 2009), and it creates the legal frames for project-based social interventions.
Remerciements
Acknowledgments
Nous exprimons notre gratitude à Iuliu Kozák pour avoir relu ce texte, ainsi qu’aux éditeurs de ce numéro spécial de JSSJ pour avoir contribué à nous accompagner vers sa publication.
We express our gratitude to Iuliu Kozák for proofreading our text, and for the editors of this special issue of JSSJ for guiding us through improving it towards its publication.
Abréviations
Abbreviations
AID-AMC : Association intercommunautaire de développement-Aire métropolitaine de Cluj
CMA: Cluj Metropolitan Area
AMC : Aire métropolitaine de Cluj
IDA-CMA: Intercommunity Development Association – Cluj Metropolitan Area
FRA : Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne
FRA: European Union Agency for Fundamental Rights
LEADER : « Liaison entre actions de développement de l’économie rurale », une intiative européenne de soutien aux projets de développement rural
LAU: Local Administrative Unit
ANR : Agence nationale des Roms
LEADER: Liaison entre actions de développement de l’économie rurale (Links between actions for the development of the rural economy), EU initiative to support rural development projects
NUTS : Nomenclature des unités territoriales statistiques
NAR: National Agency for Roma
NUTS 1 en Roumanie : les quatre macro-régions
NUTS: Nomenclature of Territorial Units for Statistics
NUTS 2 en Roumanie : les huit régions de développement
NUTS 1 in Romania: four macro-regions
NUTS 3 en Roumanie : les départements
NUTS 2 in Romania: eight development regions
PHARE : initialement dénommé « Pologne Hongrie Aide à la reconstruction économique », ce programme a été plus tard étendu à d’autres pays d’Europe centrale et orientale pour les aider à préparer leur adhésion à l’Union européenne
NUTS 3 in Romania: counties
RELOCAL : Resituer le local dans la cohésion et le développement territorial
PHARE: initially “Poland and Hungary Assistance for Reconstruction of Economy”, a program extended later towards other countries of Central and Eastern Europe in order to assist their accession to the European Union
UAL : Unité administrative locale
RELOCAL: Resituating the Local in Cohesion and Territorial Development
[1]. Traduction de Sophie Didier et Frédéric Dufaux, in Edward W. Soja, « La ville et la justice spatiale », Justice spatiale / Spatial Justice, 1, 2009. Sauf mention contraire, tous les passages cités ont été traduits par Marie van Effenterre (NdT).
[1]. The research project “RELOCAL. Resituating the Local in Cohesion and Territorial Development” has received funding from the European Union’s Horizon 2020 research and innovation program under Grant Agreement no 727097. The interpretation of RELOCAL material in this article does not necessarily reflect the opinion of the RELOCAL consortium. In Romania, together with other two colleagues, George Zamfir and Ioana Vrăbiescu, we conducted four case studies and elaborated a national comparative study. The object of the analysis in the present article includes two out of these four case studies, the ones that are directly related to the subject of housing.
[2]. Le programme de recherche RELOCAL – Resituating the Local in Cohesion and Territorial Development a reçu un financement du programme de recherche européen Horizon 2020, dans le cadre du Grant Agreement no 72709797. L’interprétation des données présentées dans cet article n’engage pas nécessairement l’opinion du consortium RELOCAL. En Roumanie, nous avons réalisé avec deux autre collègues (George Zamfir et Ioana Vrăbiescu) quatre études de cas et effectué une étude comparative à l’échelle nationale. L’objet de notre analyse, dans le présent article, porte sur les deux études de cas qui parmi les quatre traitent directement de la question du logement.