Confrontée à l’idée de « justice spatiale » au XXIe siècle, je souhaiterais partager une vision funeste de l’évolution des « droits humains »[1]. Cette expression entend recouvrir les droits de l’homme et les droits et libertés fondamentaux. De toute part, se développent des raisonnements juridiques, plus ou moins rigoureux, par lesquels est justifiée la négation de certaines garanties à certains individus, notamment aux migrants. Alors que le foisonnement de normes en matière de protection des droits humains aurait pu laisser croire que toute personne entrait dans le champ d’application de l’une de ces garanties, l’on constate un effort tout aussi foisonnant pour les en exclure. Précisons d’emblée que notre propos ne consiste pas à décrire un écart entre les « devoir-être » contenus dans ces normes juridiques et la réalité de leur application dans les faits. L’objet est ici de mettre en lumière l’existence, au sein même des dispositifs juridiques, de processus visant à écarter l’applicabilité de ces normes ou à en diminuer sérieusement la portée. Pour le dire autrement, il s’agit d’expliciter en quoi la proclamation des droits humains dans des instruments ayant pourtant une portée juridique dite contraignante – et non pas seulement politique – ne constitue pas un vecteur de protection des personnes en danger. Loin de limiter les injustices, l’utilisation de ces normes pourrait même parfois les renforcer.
In response to the idea of “spatial justice” in the 21st century, I propose to share a gloomy vision of the future of “human rights”, understood as the fundamental rights and freedoms of human beings[1]. Wherever we look, we can see the development of legal arguments, of varying strictness, used to justify the denial of certain guarantees to certain individuals, in particular to migrants. While the proliferation of standards relating to the protection of human rights might lead one to believe that all human beings fall within the scope of one of these guarantees, we are witnessing an equal proliferation of efforts to exclude them. Let me begin by emphasising that I am not talking about a gap between the guarantees set out in the legal standards and their real-world application. My aim here is to show that the legal mechanisms themselves contain processes intended to render these standards inapplicable or to seriously diminish their scope. To put it differently, I propose to expose how the statement of human rights in instruments purporting to have so-called legal – and not only political – force, does not in fact afford protection to people at risk. Far from limiting injustices, the use of these standards may even in some cases reinforce them.
La seconde moitié du XXe siècle a vu naître et se développer de nombreux systèmes de protection des droits humains qui avaient comme atout de s’insinuer dans les relations entre les personnes privées et leur État. En quelque sorte, lier les États par des instruments garantissant des droits à leurs sujets revenait à limiter la souveraineté des premiers au profit des seconds. Ainsi, sous l’égide des Nations unies, deux traités ont été conclus le 19 décembre 1966, le pacte relatif aux droits civils et politiques et le pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ces traités internationaux à vocation mondiale sont entrés en vigueur dans les ordres juridiques étatiques des États qui les ont ratifiés. Parallèlement, des instruments à vocation régionale ont été élaborés et nous nous limiterons ici à l’espace européen.
The second half of the 20th century saw the emergence and development of numerous systems for the protection of human rights, which shared the characteristic of interposing themselves into the relations between private individuals and their state. In a sense, binding states by means of instruments that guarantee rights to their subjects entails limiting the sovereignty of the former to the benefit of the latter. For example, the two treaties signed on 19 December 1966 under the aegis of the United Nations – the International Covenant on Civil and Political Rights, and the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights – were international treaties, with worldwide scope, which came into force in the legal orders of the states that ratified them. In parallel, instruments with regional scope were developed, and our focus in this article will be those relating to european space.
Au sein du Conseil de l’Europe figure ainsi notamment la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. À cette convention, plusieurs protocoles ont été ajoutés dans lesquels des garanties supplémentaires ont été prévues ou par lesquels est révisée la procédure de mise en œuvre de ces garanties. Ce traité international prévoit notamment la possibilité de présenter devant la Cour européenne des droits de l’homme, composée de juges provenant des différents États parties, une requête tendant à démontrer la violation de la Convention par un État partie. Le cas échéant, la condamnation est assortie d’une mesure de réparation. Cette procédure se révèle être une sorte de marqueur des politiques étatiques et, parfois, un vecteur de réformes lorsque les condamnations s’accompagnent d’une mobilisation sur le plan national. Les proclamations des droits humains ne sont pas auto-prophétiques ; elles servent de base à des mobilisations diversement couronnées de succès[2]. Le droit est en effet ici appréhendé non comme un ensemble de normes édictant des commandements, mais comme un ensemble de dispositifs qui permet aux différents acteurs de la société de questionner leur situation, leur pouvoir, leurs liens et échanges (Serverin, 2000, s’appuyant notamment sur Weber). Les normes relatives aux droits humains nous semblent susceptibles de traduire des espaces dans lesquels une forme de justice est « mise en mots » par le droit. Le terme « espace » évoque la délimitation de l’applicabilité de telle ou telle norme ; il met également en relief l’aspect dynamique de ces normes qui servent à orienter les actions et constituent des transversales entre différents groupes sociaux. Ainsi, la Convention européenne des droits de l’homme opère un rapprochement entre les États parties à l’échelle européenne (47 États comprenant la Russie et la Turquie). Parmi ces États, certains ont constitué la Communauté économique européenne depuis 1957, devenue « Union européenne » (aujourd’hui 28 États membres). Ces organisations supranationales créent des « espaces européens » dont l’articulation est une source de complexité qui sera analysée ci-après, l’Union européenne ayant développé son propre corpus de droits humains comme en témoigne sa Charte des droits fondamentaux (Bergé, Robin-Olivier, 2011). En outre, depuis le traité d’Amsterdam de 1997, l’Union prône la création d’un « espace de liberté, de sécurité et de justice ». En conséquence, il existe des espaces supranationaux qui se chevauchent et intègrent partiellement les espaces de pouvoir plus anciens que sont les ordres juridiques nationaux.
Within the Council of Europe there is, in particular, the European Convention on Human Rights of 4 November 1950, to which several protocols were subsequently added, either providing additional guarantees or revising the procedure for implementing those guarantees. Under this international treaty, it notably became possible to bring a case before the European Court of Human Rights, a tribunal presided over by judges from the different signatory states, against a state party on the grounds of its violation of the Convention, and reparation measures could be imposed on the offending state in the event of a guilty verdict. This procedure proved to be a sort of marker of state policies and sometimes a source of reform when a verdict led to a reform in national policy. Declarations of human rights are not self-fulfilling, but they act as a trigger for action, which may be crowned with varying degrees of success[2]. Indeed, law is understood here not as a set of norms that impose requirements, but as a set of arrangements that prompt different societal actors to re-examine their situation, their powers, their interconnections and their interactions (Serverin, 2000, notably drawing on Weber). We see standards relating to human rights as having the capacity to identify spaces in which a form of justice is “put into words” by the law. The term “space” suggests boundaries to the applicability of a given standard; it also highlights the dynamic aspect of these standards, which function as guidelines for action and as bridges between different social groups. For example, the European Convention on Human Rights produced closer relations between the signatory states (47, including Russia and Turkey) at European scale. Among these states are some that in 1957 formed the European Economic Community, now the European Union (EU) with 28 member states. These supranational organisations create “European spaces” whose interplay is a source of complexity that will be analysed below, since the EU has developed its own corpus of human rights, embodied in its Charter of Fundamental Rights (Bergé, Robin-Olivier, 2011). Moreover, since the Amsterdam Treaty of 1997, the Union has been promulgating the creation of an “area of freedom, security and justice”. In consequence, there are supranational spaces that overlap and partially incorporate the older spheres of power, the national legal orders.
Nous nous interrogeons ici sur les tensions que révèlent les limites des droits humains, lesquelles sont posées par des normes qui ne sont ni absolues ni inconditionnelles. Plus précisément, il s’agit de se demander si les situations où ces normes se révèlent inaptes à créer « un espace de justice » ne broient pas une partie de leurs objectifs. En effet, la formulation des droits humains a une dimension universaliste en conférant des droits, des garanties ou une protection à « chacun ». Pourtant, cette dimension universaliste n’est pas effective et passe largement par les espaces juridiques nationaux. Or, dans un contexte mondialisé, les espaces de pouvoirs supranationaux absorbent une partie des compétences étatiques. En dépit du foisonnement de conventions internationales à dimension mondiale conférant de tels droits, les espaces de pouvoirs qui dénotent la mondialisation semblent échapper à leur application. Paradoxalement, les traités internationaux sur les droits humains ont ainsi vocation à franchir les frontières de la souveraineté étatique pour protéger les différentes composantes des peuples, mais ils se révèlent inaptes à servir de base à une discussion sur la justice dans un monde globalisé. L’internationalité de la source de l’instrument juridique ne s’accompagnerait pas d’une aptitude à saisir des objets transnationaux, des relations qui dépassent les frontières d’un État (M. Delmas-Marty, 2013).
Here, we examine the tensions revealed by the limits of human rights, limits that are set by standards that are neither absolute nor unconditional. More specifically, the question is whether the situations where these standards prove unable to create “an area of justice” do not undercut some of the objectives of those standards. For while the formulation of human rights has a universalist dimension in that it confers rights, guarantees or protections on “everyone”, this universalist dimension is not real and to a large extent brings national legal spaces into play. In a context of globalisation, however, supranational spaces of power absorb some state prerogatives. Yet, despite the proliferation of global scale international agreements that confer such rights, the spaces of power that denote globalisation seem to escape their application. Paradoxically, although international treaties on human rights are intended to cross the frontiers of state sovereignty in order to protect different populations, they nevertheless prove incapable of serving as a basis for a discussion of justice in a globalised world. From this perspective, the internationality of the source of the legal instrument is not matched by its capacity to tackle transnational objects, i.e. relations that go beyond the frontiers of a state (M. Delmas-Marty, 2013).
Lorsque la relation visée n’est pas simplement celle entre un sujet et un État signataire d’un traité garantissant des droits humains, elle met en cause soit plusieurs États, soit des organisations supranationales. Or, dans ces espaces où se nouent des liens juridiques, la justice des droits humains telle qu’elle a été pensée aux siècles précédents semble s’évanouir. Cela s’explique à première vue aisément : les déplacements de pouvoir vers des organisations supranationales traduisent une diminution du pouvoir des États. Dans la mesure où les normes internationales sur les droits humains ont d’abord visé les rapports des personnes privées avec les États, le développement d’espaces de pouvoir n’épousant pas les formes de l’État créerait inéluctablement un affaiblissement de l’effectivité de ces normes.
When the relationship in question is not simply that between a subject and one state that has signed a treaty that guarantees human rights, it brings into play either several states, or supranational organisations. However, in these spaces where legal bonds are formed, human rights law as conceived in previous centuries seems to evaporate. At first sight, this seems easy to explain: the shift of power towards supranational organisations reflects a decline in the power of states. Insofar as the initial targets of international standards on human rights were the relations between private individuals and states, the development of spaces of power that do not espouse the contours of the state will inevitably lead to a decline in the effectiveness of those standards.
Par ailleurs, dès lors que la personne visée se situe en dehors des frontières des espaces européens, notamment si elle migre, l’applicabilité des droits humains est réduite. À cet égard, la situation juridique des réfugiés est alarmante, à tel point que, comme le souligne Danièle Lochak (2017), le parallèle entre les années précédant la Seconde Guerre mondiale et la période actuelle « s’impose ».
Moreover, when the persons in question are located outside the boundaries of European spaces, especially if they migrate, human rights become less applicable. In this respect, the legal situation of refugees is alarming, to the point that – as Danièle Lochak (2017) points out – the parallel between the years preceding World War II and the current period is “unmistakable”.
« Si l’évocation du passé raisonne étrangement au point d’avoir le sentiment que l’histoire bégaie, on peut malgré tout s’en étonner. Car entre les années 1930 et aujourd’hui une mutation fondamentale s’est produite, avec la décision de placer les droits de l’homme en général et le droit d’asile en particulier, sous la protection de la communauté internationale ; et si les États étaient libres, hier, d’agir à leur guise, ils sont aujourd’hui théoriquement tenus par les obligations qu’ils ont souscrites ».
“Though the reference to the past has a strange resonance, to the point that it feels as though history is stuttering, it is nevertheless surprising. Because between the 1930s and today a fundamental transformation has taken place, with the decision to place human rights in general, and the right to asylum in particular, under the protection of the international community; and while in the past states were free to act as they wished, today they are in theory bound by the obligations into which they have entered.”
Les droits humains tels qu’ils sont garantis aujourd’hui n’offrent donc pas la protection attendue. L’« anomalie apparente » dénoncée par l’auteure ensuite est au cœur de la réflexion qui consiste à montrer comment les États ou organisations supranationales assoient leur refus d’appliquer ces garanties sur des outils juridiques. Ils fabriquent ainsi des espaces au sein desquels ces garanties sont inapplicables, où, plus précisément, la responsabilité de l’application de ces garanties ne reviendrait ni aux États ni aux organisations supranationales. Ces outils créent des « forces centripètes » qui excluent les migrants de la protection des droits humains. L’illustration la plus flagrante se loge dans l’externalisation des frontières de l’Union européenne, qui traduit la mise à distance des personnes migrantes et préside à l’inapplicabilité des droits.
So human rights as guaranteed today do not offer the expected protection. The “apparent anomaly” that the author then goes on to condemn is at the heart of the demonstration of how states or supranational organisations employ legal tools to found their refusal to apply these guarantees. To do this, they manufacture spaces within which these guarantees are inapplicable, spaces where – more precisely – the responsibility for applying these guarantees falls neither to states nor to supranational organisations. These tools create “centripetal forces” that exclude migrants from the protection of human rights. The most flagrant illustration of this is the externalisation of the borders of the EU, which has the effect of holding migrants at a distance and rendering their rights inapplicable.
Plus fondamentalement, ces dénis de droits ne traduisent-ils pas une perte de légitimité des ordres juridiques, dans la mesure où ces ordres définissent eux-mêmes leur légitimité au regard de la protection des droits humains ? En effet, certains États ou organisations supranationales font de la sauvegarde des droits humains un marqueur de la société démocratique[3], de sorte que les contradictions affectent non seulement les normes les protégeant mais également la légitimité de ces ordres juridiques[4]. Nous tenterons d’adopter autant que possible une perspective positiviste. Il ne s’agit pas d’une justice immanente qui viendrait légitimer les ordres juridiques. Nous prenons simplement les ordres juridiques « au mot » pour constater comment ils comportent en eux-mêmes une annihilation de leur fondement. En d’autres termes, on constate que substituer les normes juridiques aux droits naturels a permis de transformer un discours : au lieu de « crier justice » on pourrait aujourd’hui « crier droits ». Il n’empêche que l’on continue de crier dans le vide.
More fundamentally, do not these denials of rights reflect a loss of legitimacy on the part of the legal orders, insofar as their legitimacy precisely rests on the protection of human rights? Indeed, some states or supranational organisations make the protection of human rights a marker of democratic society[3], with the result that the contradictions undermine not only the standards that protect them but also the legitimacy of those legal orders[4]. As far as possible, we will attempt to adopt a positivist perspective. Our subject is not some immanent justice through which legal orders are legitimised. We simply take legal orders “at their word” to observe how they contain within themselves the destruction of their own foundations. In other words, we observe that the effect of replacing natural rights with legal standards has simply led to a change of language: instead of “demanding justice”, people today can “demand their rights”. Whichever way, they are still crying in the wilderness.
Cette inapplicabilité des droits humains est manifeste dans deux situations de nature différente qui peuvent d’ailleurs se combiner. D’une part, comme nous l’avons déjà évoqué, l’Europe est ornée de deux espaces juridiques. Or, aux interstices entre le droit de l’Union européenne et la Convention européenne des droits de l’homme, l’application des droits humains se révèle particulièrement affaiblie (I.). D’autre part, le champ des garanties soi-disant universel se heurte aux frontières des espaces. Aussi, les migrations vers l’Europe constituent-elles une mise à l’épreuve des droits humains (II.).
This inapplicability of human rights is apparent in two situations, which, though different in nature, can nevertheless combine. First, as we have already described, Europe is equipped with two legal spaces. And it is in the interstices between EU law and the European Convention on Human Rights that the application of human rights proves particularly weak. Second, the so-called universal field of guarantees is in fact bounded by spatial frontiers. As a result, migrations towards Europe become a test of human rights.
L’affaiblissement des droits humains dans les interstices des espaces européens
The attenuation of human rights in the interstices of European spaces
La superposition des deux espaces juridiques que constituent, d’une part, le Conseil de l’Europe, et d’autre part, l’Union européenne, a conduit à affaiblir la portée de droits humains. La Cour européenne des droits de l’homme a forgé une « présomption d’équivalence de protection » qui offre une « carte blanche » aux États parties lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union européenne (Dubout, Touzé, 2010). De son côté, « l’espace de liberté, de sécurité et de justice » de l’Union européenne repose sur un mécanisme de « reconnaissance mutuelle » qui paraît inconciliable avec la Convention européenne des droits de l’homme.
The superposition of the two legal spaces – the Council of Europe, on the one hand, and the EU on the other – has had the effect of reducing the scope of human rights. The European Court of Human Rights has forged a “presumption of equivalent protection” which offers carte blanche to the signatory states when they implement EU law (Dubout, Touzé 2010). For its part, the EU’s “area of freedom, security and justice” is based on a mechanism of “mutual recognition” which seems irreconcilable with the European Convention on Human Rights.
La superposition de deux espaces juridiques
The superposition of two legal spaces
L’après Seconde Guerre mondiale sur le continent européen a donné lieu à la construction de plusieurs organisations dont deux retiennent notre attention, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe (Bergé, Robin-Olivier, 2011). S’agissant du Conseil de l’Europe, les États signent la Convention de 1950 en la plaçant au fondement de leur « régime politique véritablement démocratique » comme le signale son préambule. Plus que dans les droits humains déclarés, l’atout majeur de la Convention européenne des droits de l’homme, négociée au sein du Conseil de l’Europe, repose sur l’accès inédit à un mécanisme de règlement des différends pour les personnes privées dans les espaces supranationaux. Elles peuvent saisir la Cour européenne des droits de l’homme à l’encontre de l’État auquel elles imputent une violation des garanties (Renucci, 2017 ; Sudre, 2016). Plus d’un demi-siècle et des centaines de condamnations des États parties par la Cour européenne des droits de l’homme après, le lien entre protection des droits humains et régime politique démocratique laisse apparaître des tensions. L’émergence d’espaces de justice supranationaux, qui confèrent l’interprétation de la Convention à une poignée de juges, devient en effet elle-même source d’interrogation sur les régimes politiques des États européens. Cette mise en doute se comprend d’autant mieux à la lumière de l’importance de la création de l’autre espace européen, à savoir l’Union européenne.
The period immediately after World War II on the European continent was marked by the establishment of several organisations, two of which concern us here, the EU and the Council of Europe (Bergé, Robin-Olivier, 2011). With regard to the Council of Europe, the states signed the 1950 Convention, making it the foundation of their “truly democratic political regime”, as the preamble states. More than the statement of human rights, the major strength of the European Convention on Human Rights, negotiated within the Council of Europe, resides in the unprecedented access to a dispute settlement mechanism for private individuals in supranational spaces. Individuals can bring a case before the European Court of Human Rights against a state that they accuse of violating the guarantees (Renucci, 2017; Sudre, 2016). More than half a century later and after hundreds of rulings against signatory states by the European Court of Human Rights, cracks are beginning to appear in the structure linking protection of human rights with democratic political regime. The emergence of supranational spaces of justice, where the interpretation of the Convention is entrusted to a handful of judges, has itself come to raise questions about the political regimes of the European states. These doubts are all the easier to understand in the light of the significance of the creation of the other European space, the EU.
Sans revenir sur la construction de l’Union européenne, il s’agit simplement de rappeler que de nombreux champs du politique ressortissent désormais de sa compétence exclusive ou de sa compétence partagée avec les États membres. Loin d’être cantonné au domaine économique, le droit de l’Union englobe, notamment depuis le traité d’Amsterdam, des pans entiers des relations sociales. Par exemple, la citoyenneté européenne et l’espace de liberté, de sécurité et de justice figurent aujourd’hui aux articles 20 et suivants et 67 et suivants du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Dès les années 1970, cette transformation de la sphère de pouvoir des États membres a suscité des interrogations sur la place des droits humains[5] au sein de cet espace juridique, dont la Cour de justice s’attache à défendre l’autonomie et la spécificité (Bergé, Robin-Olivier, 2011). Notamment, l’effet direct du droit européen dans les ordres juridiques des États membres lui a donné une place prépondérante.
Without retracing the process of construction of the EU, we will simply recall the fact that numerous fields of policy now fall under its exclusive jurisdiction or are shared with member states. Far from being confined to the economic sphere, EU law – in particular since the Amsterdam Treaty of 1997 – encompasses whole rafts of social relations. For example, European citizenship and the area of freedom, security and justice now feature in Articles 20 and following and 67 and following of the Treaty on the Functioning of the EU. Since as far back as the 1970s, this change in the sphere of power of the member states has raised questions about the position of human rights within this legal space[5], whose autonomy and specificity the Court of Justice seeks to protect (Bergé, Robin-Olivier, 2011). In particular, the direct transposition of European law into the legal orders of the member states gave EU law a position of dominance.
Dans la mesure où un vaste domaine des politiques étatiques relevait du droit de l’Union, ne fallait-il pas que les droits humains que les États s’étaient engagés à mettre en œuvre et sur lesquels ils avaient fondé leur ordre juridique, réapparaissent dans cet espace ? C’est ainsi que la Cour de justice a introduit les droits fondamentaux sous couvert des « principes généraux du droit » en se référant notamment à la Convention européenne des droits de l’homme[6]. Sans pouvoir revenir sur toutes les étapes de cette évolution, nous passerons directement à l’état du droit actuel résultant du traité de Lisbonne du 13 décembre 2007. Trois entrées des droits humains s’y trouvent. En premier lieu, l’article 6 du traité sur l’Union européenne réitère l’attachement de l’Union aux droits fondamentaux. En deuxième lieu, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne figure désormais dans le texte des traités et en a acquis la même force juridique. En troisième lieu, le traité sur l’Union européenne prévoit une adhésion de l’Union à la Convention européenne des droits de l’homme.
Insofar as a wide swathe of state policies were governed by EU law, should not the human rights that the states had undertaken to apply and on which their legal orders were founded, reappear within that space? Thus it was that the Court of Justice introduced fundamental rights in the guise of “general principles of law”, referring in particular to the European Convention on Human Rights[6]. Rather than retracing all the stages in this development, we will go directly to the current rule of law resulting from the Treaty of Lisbon of 13 December 2007. It contains three items on human rights. First, Article 6 of the EU Treaty reiterates the Union’s commitment to fundamental rights. Second, the EU Charter of Fundamental Rights now appears in the content of the treaties and has acquired the same legal force as them. Third, the EU Treaty provides for the EU’s accession to the European Convention on Human Rights.
Pourtant, on ne peut guère considérer que l’Union ait ainsi doté l’espace juridique européen d’un outil améliorant l’effectivité des droits humains. En effet, d’abord, le système de contrôle exercé par les deux Cours (Cour européenne des droits de l’homme et Cour de justice de l’Union européenne) est conçu différemment. En effet, la victime d’une violation des droits humains par un État membre n’a pas la possibilité d’agir directement devant une juridiction supranationale sur le fondement du droit de l’Union pour engager la responsabilité de cet État. Ensuite, l’appropriation de l’interprétation des droits humains par la Cour de justice de l’Union européenne en référence à la Charte des droits fondamentaux plutôt qu’à la Convention européenne des droits de l’homme met en exergue une sorte de lissage des droits humains. Ceux-ci sont, au mieux, placés sur un pied d’égalité, si ce n’est en position d’infériorité, à l’égard des autres principes cardinaux du droit de l’Union et notamment de son effectivité (voir notamment CJUE 26 févr. 2013, Melloni, C-399/11). Enfin, dans l’avis 2/13 du 18 décembre 2014, la Cour de justice de l’Union européenne s’est fondée sur les points d’achoppement entre le droit de l’Union et la Convention européenne des droits de l’homme pour exclure l’adhésion de l’Union à la Convention. Afin de sauvegarder la primauté du droit de l’Union et la spécificité des relations devant présider entre les États membres, la Cour de justice de l’Union européenne a notamment affirmé que :
Nonetheless, the EU can scarcely be considered to have equipped Europe’s legal space with an instrument that enhances the implementation of human rights. First, the system of oversight exercised by the two Courts (European Court of Human Rights and the Court of Justice of the EU) is differently conceived. Under EU law, a person whose human rights have been violated by a member state does not have the option of appearing directly before a supranational court to establish the liability of that state. Next, the adoption by the EU Court of Justice of the interpretation of human rights set out in the Charter of Fundamental Rights rather than in the European Convention on Human Rights suggests a certain flattening of priorities. At best, these rights are placed on the same level, if not in a position of inferiority, with respect to the other cardinal principles of EU law and in particular its effectiveness (see in particular CJEU 26 February 2013, Melloni, C-399/11). Finally, in opinion 2/13 of 18 December 2014, the EU Court of Justice cited the discrepancies between EU law and the European Convention on Human Rights to rule out the Union’s accession to the Convention. In order to protect the primacy of EU law and the specificity of the relations between member states, the Court of Justice of the EU notably asserted that:
« lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union, les États membres peuvent être tenus, en vertu de ce même droit, de présumer le respect des droits fondamentaux par les autres États membres, de sorte qu’il ne leur est pas possible […], sauf dans des cas exceptionnels, de vérifier si cet autre État membre a effectivement respecté, dans un cas concret, les droits fondamentaux garantis par l’Union » (§ 192).
“When implementing EU law, the member states may, under EU law, be required to presume that fundamental rights have been observed by the other member states, so that […] save in exceptional cases, they may not check whether that other member state has actually, in a specific case, observed the fundamental rights guaranteed by the EU.”
Ainsi, les interstices entre la Convention européenne des droits de l’homme et le droit de l’Union européenne marquent un affaiblissement de l’effectivité des droits humains en dépit d’un redoublement des textes. Le développement d’un corpus de droits humains propres à l’Union, interprétés sous le prisme d’autres principes, procède davantage d’un repli de l’espace de l’Union européenne. L’impasse dans laquelle se trouve le processus de son adhésion à la Convention européenne qui entraîne l’impossibilité de mettre en œuvre le traité de Lisbonne en constitue une illustration flagrante. L’affaiblissement de l’effectivité des droits humains apparaît également dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Hence, the interstices between the European Convention on Human Rights and EU law mark a weakening in the actuality of human rights despite the proliferation of legal texts. The development of a corpus of human rights specific to the EU, interpreted through the prism of other principles, arises more from a shrinking of EU space. The impasse in the process of its accession to the European Convention, which has made it impossible to implement the Lisbon Treaty, is a flagrant illustration of this. The decline in the effectiveness of human rights is also apparent in the case law of the European Court of Human rights.
La « présomption d’équivalence de protection », une carte blanche pour le droit de l’Union ?
“Presumption of equivalent protection”, a carte blanche for EU law?
Un certain nombre d’affaires portées devant la Cour européenne des droits de l’homme concerne des actes des États qui constituent l’application pure et simple du droit de l’Union (Domenach, 2008). Or, suivant l’article 1er de la Convention européenne des droits de l’homme, les États parties garantissent les droits et libertés définis par la Convention « à toute les personnes relevant de leur juridiction ». Ce dernier terme dérivant de l’anglais jurisdiction signifie non pas tribunal mais compétence ou autorité. La situation régie par le droit de l’Union relève-t-elle de la compétence des États parties à la Convention européenne des droits de l’homme ? Une réponse affirmative mettrait les États parties à la Convention et à la fois membres de l’Union dans une situation particulièrement délicate de risque d’obligations inconciliables. À l’inverse, répondre par la négative exclurait du champ de la Convention européenne des droits de l’homme un pan entier de l’activité des États parties, puisque tout acte qui résulterait du droit de l’Union échapperait à son application. En somme, le transfert de pouvoirs des États à l’Union s’accompagnerait d’une perte de contrôle de l’exercice de ces pouvoirs au regard des droits humains par la Cour de Strasbourg.
A number of cases referred to the European Court of Human Rights concern acts in which states have quite simply applied EU law (Domenach, 2008). Now, according to Article 1 of the European Convention on Human Rights, signatory states guarantee the rights and freedoms defined by the Convention “to everyone within their jurisdiction”. Does the situation governed by EU law fall within the jurisdiction of the states that are parties to the European Convention on Human Rights? An affirmative answer would place the states that are parties to the Convention and at the same time members of the EU in the particularly tricky situation of potentially being bound by irreconcilable obligations. Conversely, a negative answer would exclude a whole raft of the activities of the contracting states from the scope of the European Convention on Human Rights, since any act that arose from EU law would fall outside the range of application of the Convention. In short, the transfer of powers from the member states to the EU would seem to be accompanied by a loss of control by the Strasbourg Court over the exercise of those powers that relate to human rights.
C’est une voie médiane que cette Cour a construit pour ne pas placer les États dans une situation d’obligations potentiellement inconciliables ou de blanc-seing total lorsqu’ils agissent dans le cadre du droit de l’Union (CEDH [grande chambre], 30 juin 2005, Bosphorus… c/ Irlande, req. no 45036/98) (De Schutter, 2013). Mais la voie médiane, signe de compromis, ne rime pas nécessairement avec ce que l’on pouvait attendre d’un espace de justice censé placer les droits humains en priorité. Lorsque les États agissent en vertu du droit de l’Union, la Cour européenne des droits de l’homme pose une « présomption d’équivalence de protection » qui limite l’impact de la Convention. Dans un arrêt ultérieur, après avoir rappelé que les transferts de souveraineté des États vers une organisation internationale ne font pas obstacle à l’application de la Convention, elle tempère immédiatement :
This Court has constructed a middle way in order not to place states in a situation of potentially irreconcilable obligations nor to give them totally free rein when they act within the framework of EU law (ECHR [Grand Chamber], 30 June 2005, Bosphorus… v. Ireland, case 45036/98) (De Schutter, 2013). However, the middle way, a sign of compromise, is not necessarily consistent with what might be expected of a space of justice in which human rights are supposed to take precedence. When member states act under EU law, the European Court of Human Rights applies a “presumption of equivalent protection” that limits the impact of the Convention. In a subsequent ruling, having stated that the transfers of sovereignty from states to an international organisation do not prevent the Convention being applied, the Court immediately qualifies the position:
« une mesure prise en exécution de telles obligations doit être réputée justifiée dès lors qu’il est constant que l’organisation en question accorde aux droits fondamentaux (cette notion recouvrant à la fois les garanties substantielles et les mécanismes censés en contrôler le respect) une protection à tout le moins équivalente – c’est-à-dire non pas identique mais « comparable » – à celle assurée par la Convention (étant entendu qu’un constat de « protection équivalente » de ce type n’est pas définitif : il doit pouvoir être réexaminé à la lumière de tout changement pertinent dans la protection des droits fondamentaux). Si l’on considère que l’organisation offre semblable protection équivalente, il y a lieu de présumer que les États respectent les exigences de la Convention lorsqu’ils ne font qu’exécuter des obligations juridiques résultant de leur adhésion à l’organisation » (CEDH, 6 décembre 2012, Michaud c/ France, req. n° 12323/11, § 103).
“action taken in compliance with such obligations is justified where the relevant organisation protects fundamental rights, as regards both the substantive guarantees offered and the mechanisms controlling their observance, in a manner which can be considered at least equivalent – that is to say not identical but “comparable” – to that for which the Convention provides (it being understood that any such finding of “equivalence” could not be final and would be susceptible to review in the light of any relevant change in fundamental rights protection). If such equivalent protection is considered to be provided by the organisation, the presumption will be that a state has not departed from the requirements of the Convention when it does no more than implement legal obligations flowing from its membership of the organisation” (ECHR, 6 December 2012, Michaud v. France, Case 12323/11, §103).
La présomption de protection équivalente atténue les effets de la Convention européenne des droits de l’homme pour la part d’activité des États membres qui découle du droit de l’Union. La coopération en matière de justice civile pour les situations transfrontières en constitue une illustration. Lorsque cette présomption joue, il est très difficile de remettre en cause l’activité étatique devant la Cour européenne des droits de l’homme.
The presumption of equivalent protection attenuates the effects of the European Convention on Human Rights with respect to the actions of member states that arise from EU law. When this presumption applies, it is very difficult to challenge state actions before the European Court of Human Rights.
L’impossible conciliation de la reconnaissance mutuelle dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice et de la Convention européenne des droits de l’homme
The impossibility of reconciling mutual recognition in the area of freedom, security and justice with the European Convention on Human Rights
La construction d’un « espace de liberté, de sécurité et de justice » entre les États membres de l’Union européenne repose notamment sur la reconnaissance mutuelle. Comme ces termes le suggèrent, les États confèrent un effet (reconnaître) aux situations juridiques telles qu’elles ont été établies dans un autre État membre, de manière réciproque (mutuellement). Ainsi, les voies procédurales, tout comme les conditions auxquelles sont reconnues ou exécutées les décisions de justice d’un autre État membre, ont été harmonisées en matière civile et commerciale ou dans certains domaines du droit de la famille[7]. La facilitation de la circulation des décisions d’une autorité dans l’ordre juridique d’un autre État membre va dans certaines hypothèses jusqu’à une « force exécutoire européenne », où la contrainte ultime du pouvoir étatique sera conférée à la décision étrangère.
The establishment of an “area of freedom, security and justice” between EU member states relies in particular on mutual recognition. As these terms suggest, this means that the states reciprocally confer an effect (recognition) on legal situations established in another member state. As a result, the procedural methods, together with the conditions in which the legal decisions of another member state are recognised or executed, have been harmonised in civil and commercial law, and in certain areas of family law[7]. The ease with which decisions flow from one authority to the legal order of another member state in some cases creates an “enforceable European authority”, in which the ultimate constraint of state power is transferred to external foreign judgment.
La question qui nous intéresse ici est celle de déterminer la place laissée à l’application des droits humains dans les interstices entre espaces juridiques : que reste-t-il de la possibilité ou du devoir de subordonner la circulation des effets de la décision étrangère au respect des droits humains ? Dans la mesure où les actes d’une autorité étatique déploient leurs effets dans l’ordre juridique d’un autre État, par application du droit de l’Union, cela sème une confusion quant à la détermination du rôle de chacun dans l’application des droits humains. En témoignent les difficultés rencontrées par la Cour européenne des droits de l’homme lorsqu’elle statut sur une requête à l’encontre d’un État qui a reconnu une décision étrangère. À la reconnaissance mutuelle se combine en effet la présomption de protection équivalente. Cette combinaison renvoie dos à dos les deux espaces européens dont la conciliation paraît inatteignable. L’arrêt Avotiņš c/ Lettonie de la Cour européenne des droits de l’homme (23 mai 2016, req. no 17502/07) met en lumière les paradoxes de la présomption de protection équivalente qu’elle accorde au droit de l’Union européenne dans l’hypothèse de la reconnaissance mutuelle des décisions de justice. Cette présomption n’est pas absolue : d’une part, elle ne joue pas systématiquement ; d’autre part, les requérants peuvent tenter de renverser la présomption en cas « d’insuffisance manifeste de protection des droits fondamentaux ».
The question that interests us here is how much room remains for the application of human rights in the interstices between legal spaces: what remains of the possibility or the duty of subordinating the foreign judgments to the observance of human rights? Insofar as the effects of the acts of one state authority are transferred to the legal order of another state, through the application of EU law, confusion arises in determining the role of each party in the application of human rights. This is evidenced by the difficulties encountered by the European Court of Human Rights when it rules on an application against a state that has recognised the foreign judgment. Mutual recognition combines with the presumption of equivalent protection, coupling the two European spaces whose reconciliation seems unachievable. The ruling by the European Court of Human Rights on Avotiņš v. Latvia (23 May 2016, application no. 17502/07) highlights the paradoxes of the presumption of equivalent protection that it attributes to EU law on the assumption of the mutual recognition of judgments. This presumption is not absolute: first, it does not always apply; second, the applicants can try to rebut the presumption in the event of “manifest deficiency in the protection of fundamental rights”.
La présomption de protection équivalente est en effet écartée (et donc le jeu normal de la convention rétabli) lorsque l’État dispose d’une marge de manœuvre dans l’application du droit dérivant de l’organisation supranationale à laquelle il a délégué une partie de ses pouvoirs, en l’occurrence, l’Union européenne. L’appréciation exercée par les autorités de l’État permet de lui imputer la situation. Dès lors, s’infiltre sans difficulté l’applicabilité de la Convention au sens de l’article 1er précité. La présomption est cantonnée aux hypothèses où le droit de l’Union ne laisse pas de marge d’appréciation à l’État membre, ce qui empêcherait ce dernier de réintroduire un contrôle des droits humains. Sur la base de cet obstacle, la Cour européenne des droits de l’homme présumant que le droit de l’Union assure une protection équivalente des droits humains, justifie l’effacement du contrôle par l’État notamment lorsque, en application de la reconnaissance mutuelle, il donne effet à la décision d’un autre État. Quelle que soit la logique de ce raisonnement, elle aboutit à un résultat paradoxal sur le plan de l’application des droits humains. Se juxtaposent deux situations : une situation où la coopération prévoit le contrôle des droits humains, et qui instaure la possibilité d’un double contrôle (celui de l’État partie et celui de la Cour européenne des droits de l’homme) ; une situation où seul un contrôle strictement minimal résiste (il n’existe pas de contrôle de l’État partie et le contrôle de la Cour européenne est subordonné au renversement de la présomption de protection équivalente). Le résultat est paradoxal, car finalement ce sont les hypothèses où les contrôles des droits humains par les États sont strictement limités voire effacés que la présomption de protection équivalente jouera. En d’autres termes, la diminution de garantie des droits humains par le droit de l’Union entraîne aussi une diminution des garanties par la Cour européenne des droits de l’homme, alors qu’on aurait pu au contraire considérer que cette dernière viendrait compenser cet affaiblissement.
The presumption of equivalent protection is indeed set aside (and therefore the normal force of the Convention restored) when the state has leeway in the application of the law derived from the supranational organisation to which it has delegated some of its powers, in this case the EU. In these circumstances, because the state authorities have exercised their discretion, they can be held responsible for the situation, with the result that the Convention can be applied without difficulty, according to the aforementioned Article 1. The presumption is confined to cases where EU law leaves no discretion to the member state, and therefore prevents the latter from implementing scrutiny of human rights. Because of this obstacle, the European Court of Human Rights, on the grounds that EU law provides equivalent protection of human rights, justifies the elimination of scrutiny by the member state in particular when, in application of mutual recognition, the latter gives effect to the decision of another state. Whatever the basis of this rationale, it leads to a paradoxical result in terms of the application of human rights. Two situations are juxtaposed: one in which cooperation provides for scrutiny of the observance of human rights, even creating the possibility of dual scrutiny (by both the signatory state and by the European Court of Human Rights); one in which scrutiny is reduced to a strict minimum (there is no scrutiny by the signatory state and scrutiny by the European Court is subject to a rebuttal of the presumption of equivalent protection). The result is paradoxical, because ultimately it is in situations where the scrutiny of human rights by states is strictly limited, or even eliminated, that the presumption of equivalent protection will apply. In other words, in situations where the capacity of EU law to guarantee human rights is reduced, the guarantees afforded by the European Court of Human Rights are also weakened, whereas it might be imagined that the latter’s function would have been to compensate for this attenuation.
La Cour européenne des droits de l’homme explicite ainsi que : « les mécanismes de reconnaissance mutuelle [du droit de l’Union] obligent le juge [national] à présumer le respect suffisant des droits fondamentaux par un autre État membre. Le juge national se voit alors privé de son pouvoir d’appréciation sur cette question, ce qui entraîne une application automatique de la présomption d’équivalence […]. La Cour souligne qu’ainsi, de façon paradoxale, le contrôle du juge [national] sur le respect des droits fondamentaux est doublement limité par l’effet conjugué de la présomption sur laquelle repose la reconnaissance mutuelle et de la présomption équivalente » (§ 115).
The European Court of Human Rights clarifies the situation as follows: “… the mutual recognition mechanisms require the [domestic] court to presume that the observance of fundamental rights by another member state has been sufficient. The domestic court is thus deprived of its discretion in the matter, leading to automatic application of the […] presumption of equivalence. The Court emphasises that this results, paradoxically, in a twofold limitation of the domestic court’s review of the observance of fundamental rights, due to the combined effect of the presumption on which mutual recognition is founded and the presumption of equivalent protection” (§115).
La Cour européenne des droits de l’homme tente ensuite de remédier à cet effet paradoxal. Lorsque la présomption joue, « la tâche de la Cour se limite à rechercher si la protection des droits garantis par la Convention est entachée en l’espèce d’une insuffisance manifeste susceptible de renverser cette présomption » (§ 112, c’est nous qui soulignons). Selon elle, les mécanismes de la reconnaissance mutuelle n’assurent pas un contrôle suffisant du respect des droits humains définis par la Convention européenne des droits de l’homme. Certes, lesdites garanties sont définies de manière équivalente par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne[8], mais la place qui leur est conférée n’est pas la même. Le droit de l’Union fait prévaloir les objectifs de la coopération entre États membres sur ceux du contrôle des droits humains. Dès lors, selon la Cour européenne des droits de l’homme, la reconnaissance mutuelle n’est conforme à la Convention que si les États membres conservent une soupape de sécurité en cas « d’insuffisance manifeste des droits protégés par la Convention ». Même dans les cas où la circulation des décisions d’un État à un autre découle de l’application du droit de l’Union, un contrôle devrait pouvoir être déclenché. Bien que cela permette de sauver en théorie l’applicabilité des droits humains, il n’en demeure pas moins que les États membres peuvent continuer de présumer que les décisions des autres États respectent les droits humains. La présomption pourra être combattue par la preuve d’une « insuffisance manifeste des droits protégés par la Convention » à apporter par la victime devant les juridictions nationales ou devant la Cour européenne des droits de l’homme. Cette brèche reste étroite et difficile à mettre en œuvre par le requérant (la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme demeure assez obscure sur le sujet). Dans tous les autres cas, l’État pourra faire valoir l’application du droit de l’Union européenne devant la Cour européenne des droits de l’homme et se réfugier derrière la présomption de protection équivalente.
The European Court of Human Rights then tries to rectify this paradoxical effect. When the presumption applies, “the Court’s task is confined to ascertaining whether the protection of the rights guaranteed by the Convention was manifestly deficient in the present case such that this presumption is rebutted” (§112, our emphasis). According to the Court, the mutual recognition mechanisms do not provide sufficient checks on the observance of human rights as defined by the European Convention on Human Rights. True, these guarantees are similarly defined by the EU Charter of Fundamental Rights[8], but they are not given the same priority. EU law prioritises the objectives of cooperation between member states over scrutiny of human rights. As a result, according to the European Court of Human Rights, mutual recognition is only consistent with the Convention if the member states maintain a failsafe mechanism in the event of “manifest deficiency in the rights protected by the Convention”. Even where the flow of decisions from one state to another arises from the application of EU law, it should be possible to trigger a review of human rights. Although this is in theory a way to maintain the applicability of human rights, member states can nevertheless continue to presume that the decisions of the other states are consistent with human rights. The presumption could be challenged if the victim could bring proof of a “manifest deficiency in the rights protected by the Convention” before the domestic courts or before the European Court of Human Rights. However, this is a narrow breach and one that the applicant would find hard to penetrate (the case law of the European Court of Human Rights remains somewhat obscure on the matter). In all other cases, the state can argue before the European Court of Human Rights that it is applying EU law and take refuge behind the presumption of equivalent protection.
Le niveau de complexité ainsi dessiné résulte de la superposition de plusieurs espaces juridiques (deux espaces européens et les espaces nationaux). En découle notamment une confusion qui rend difficile l’imputation de la situation à l’ordre juridique étatique. Ainsi, la présomption de protection équivalente limite considérablement l’influence de la Convention européenne des droits de l’homme, dans les situations où s’applique le droit de l’Union. Dans la mesure où, par la superposition d’espaces juridiques, les situations sont le fruit de plusieurs foyers de pouvoir, l’application des droits humains est réduite. Cet affaiblissement certain des droits humains apparaîtra de manière plus prononcée encore en matière de migrations.
The level of complexity described results from the superposition of several legal spaces (two European spaces and the domestic spaces). In particular, the confusion it generates makes it difficult to ascribe the situation to the legal order of the state. As a result, the presumption of equivalent protection considerably limits the influence of the European Convention of Human Rights in situations where EU law applies. The superposition of legal spaces leads to a multiplicity of centres of power, and in consequence to an attenuation of human rights. This attenuation becomes even more pronounced when it comes to the issue of migration.
Les forces centripètes sur les frontières des espaces européens
Centripetal Forces on the Borders of European Spaces
La manière dont l’Union européenne et les États membres appréhendent l’application des droits humains (ou plutôt leur non-application) s’agissant des migrations et des frontières témoigne d’un jeu cynique de chassé-croisé entre les systèmes juridiques visant à repousser les migrants et à nier leurs droits. La politique migratoire des États européens, qui consiste depuis plusieurs décennies en une fermeture des frontières, met à mal les droits des personnes qui migrent ou qui ont l’intention de migrer. Cela apparaît de manière flagrante en ce qui concerne le droit d’asile et des réfugiés. La politique de fermeture des frontières a en effet deux conséquences : d’une part, elle entrave la possibilité de demander l’asile ; d’autre part, lorsque l’asile devient l’une des seules voies légales pour séjourner sur le territoire européen, il se retrouve sous le prisme des objectifs de la « lutte contre l’immigration irrégulière ». C’est ainsi que l’espace de liberté, de sécurité et de justice relie les questions d’immigration et d’asile à l’article 67§2 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
The way in which the EU and the member states tackle the application of human rights (or rather their non-application) with respect to migration and borders constitutes a cynical game of pass the parcel between legal systems, designed to keep out migrants and deny their rights. The migration policy of the European states, which for several decades has been focused on keeping the borders closed, undermines the rights of people who are migrating or intend to migrate. This becomes flagrant in the case of the law on asylum and refugees. Indeed, the closed border policy has two consequences: on the one hand, it undermines the possibility of applying for asylum; on the other hand, when asylum becomes one of the only legal ways to remain on European territory, it is viewed through the prism of “combating illegal immigration”. This is how the area of freedom, security and justice links the issues of immigration and asylum with Article 67.2 of the Treaty on the Functioning of the EU.
Les demandeurs d’asile et les réfugiés disposent en effet de droits qui figurent dans la Convention de Genève du 28 juillet 1951 à laquelle renvoient la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Or, les politiques de l’Union européenne et de la plupart des États membres cherchent à rendre ses droits inapplicables, par une stratégie de « contournement » (Lochak, 2017). Les ressorts juridiques de ces stratégies sont multiples et font appel à plusieurs niveaux d’analyse que nous envisagerons successivement.
In fact, asylum seekers and refugees have rights that feature in the Geneva Convention of 28 July 1951, which is referred to in the EU Charter of Fundamental Rights and the Treaty on the Functioning of the EU. However, the policies of the EU and of most of the member states seek to make these rights inapplicable, by means of a “bypass” strategy (Lochak 2017). The legal mechanisms of this strategy are multiple and demand to be analysed at several levels, which we will examine one by one.
Dans la mesure où les droits – si minimaux soient-ils – sont déclenchés par le contact avec la frontière, celui-ci devient un enjeu non seulement d’accès matériel au territoire mais aussi d’accès aux droits. Inversement, l’asile donnant un accès – si faible soit-il – au territoire des États membres, ceux-ci tentent d’éviter que les demandes d’asile n’atteignent leur enceinte. En effet, afin de conférer au droit d’asile une quelconque chance de réalisabilité, il est nécessaire de « mettre en relation » la personne le sollicitant et l’État reconnaissant une protection. Aussi, pour éviter que la protection du réfugié ne soit une coquille vide, des garanties pour le demandeur d’asile c’est-à-dire la personne qui sollicite cette protection avant qu’elle ne soit reconnue comme réfugiée, sont nécessaires. En outre, afin que les droits du demandeur d’asile ne soient pas eux-mêmes un leurre, la Convention de Genève prévoit le principe de non-refoulement de la personne qui demande l’asile (article 33). Le fait qu’il ait été nécessaire d’énoncer ce principe met en lumière que l’effectivité des droits est conditionnée, comme en témoigne la formule du « droit d’avoir des droits » de Hannah Arendt. L’effectivité des droits des réfugiés dépend ainsi nécessairement des dispositifs prévus aux frontières, qui devraient garantir au demandeur d’asile les droits minimums lui assurant la possibilité de déposer sa demande, en particulier celui de ne pas être refoulé.
Insofar as rights – minimal as they may be – are triggered by contact with the border, the border becomes the locus not only of material access to the territory but also of access to rights. Conversely, since asylum provides access – poor as it may be – to the territory of the member states, the latter try to prevent asylum applications reaching their borders. Indeed, in order to give the right of asylum any chance of taking effect, the person seeking protection must be “placed in a relation” with the state providing protection. This means that if refugee protection is not to be an empty shell, the asylum seeker – i.e. the person seeking that protection – must enjoy guarantees before his or her status as a refugee is recognised. Moreover, to ensure that the rights of the asylum seeker are not themselves hollow, the UN Refugee Convention lays down the principle of non-refoulement for asylum seekers (Article 33). The fact that this principle needed to be stated demonstrates that the reality of rights is conditional, as suggested by Hannah Arendt’s concept of the “right to have rights”. The reality of refugee rights thus necessarily depends on border arrangements, which should guarantee the asylum seeker the minimum rights needed to be able to make his or her application, in particular the right not to be expelled.
Les questions relatives à l’entrée sur le territoire et à l’asile sont en partie régies par le droit de l’Union qui instaure différents niveaux d’éloignement des migrants (Delas, 2017 ; Guild, 2006). Au pourtour de l’Europe, des frontières extérieures sont renforcées comme condition de l’abaissement des frontières intérieures entre les États membres de l’Union. Mais d’extérieures ces frontières tendent également à devenir « externalisées » sur le territoire de pays tiers qui pourraient retenir les migrants et ainsi éviter leur « mise en relation » avec un État membre de l’Union. Dans un mouvement inverse aux schémas qui dessinent les pressions migratoires convergeant vers l’Europe, divers dispositifs se combinent pour éloigner les migrants en exerçant une pression sur certains pays à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Europe (Gammeltoft-Hansen, 2012).
Questions relating to entry into European territory and asylum are partly governed by EU law, which sets differential levels of distance for migrants (Delas 2017; Guild 2006). On the perimeter of Europe, external borders are reinforced as a condition for the removal of internal borders between EU member states. However, these borders tend to become not just external but “externalised” to the territory of third countries, which can hold back migrants and thereby prevent them being “placed in a relation” with an EU member state. In a reverse process to the picture of migratory pressures converging on Europe, various systems combine to keep migrants away by exercising pressure on certain countries both within and outside Europe (Gammeltoft-Hansen 2012).
Les pressions sur les pays européens garants des frontières extérieures
Pressures on European countries to guarantee the external borders
La première force centripète reste à l’intérieur de l’espace européen et se concentre sur les États jouxtant des pays tiers qui doivent supporter le poids du renforcement des frontières extérieures. L’équation est bien connue depuis la création de l’espace Schengen, l’abaissement des frontières intérieures, bien qu’il connaisse des exceptions notables depuis 2015 (Pascouau, 2016), n’irait pas sans un renforcement des frontières extérieures. Une certaine complexité apparaît car l’espace Schengen ne recouvre pas la totalité des États membres (n’en font pas partie le Royaume-Uni, l’Irlande, la Croatie, la Bulgarie, la Roumanie et Chypre) et inclut des États tiers (l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse).
The first centripetal force is located within European space and is concentrated in states that are contiguous with non-EU countries and must bear the burden of reinforcing the external borders. The equation has been familiar since the creation of the Schengen area: the removal of internal borders, although marked by some notable exceptions since 2015 (Pascouau 2016), would be impossible without a reinforcement of external borders. There is a degree of complexity in this, since the Schengen area does not encompass all the member states (the United Kingdom, Ireland, Croatia, Bulgaria, Romania and Cyprus are not part of it) and includes so-called third states (Iceland, Liechtenstein, Norway and Switzerland).
S’agissant de l’asile, le règlement dit Dublin III[9] repose sur des postulats qui montrent que la protection de la personne n’est pas placée au centre du dispositif. La règle principale consiste à déterminer l’État qui est « responsable » de l’examen de la demande d’asile. Précisons que les frontières dessinées par ce Règlement englobent tous les États membres de l’Union auxquels s’ajoutent des pays tiers avec lesquels des accords d’association ont été conclus, soit l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse. La désignation de l’État « responsable » passe dans la plupart des cas par un critère géographique, celui du lieu de franchissement irrégulier des frontières de l’espace européen par la personne demandant l’asile[10]. Ainsi, la personne sollicitant l’asile ne doit pas pouvoir déposer plusieurs demandes dans différents États européens ni choisir le lieu où elle effectuera sa demande unique. De plus, les États qui ne sont pas responsables de la demande peuvent renvoyer les personnes qui demanderaient l’asile sur leur territoire. Cette règle fait l’impasse sur la diversité des politiques d’asile des États participant à cet espace. La confiance mutuelle entre les États, dont résulte la reconnaissance mutuelle analysée ci-dessus, se construit au détriment des demandeurs d’asile. Les disparités entre les différents systèmes étatiques d’asile, la diversité des territoires de l’Union de leur culture d’accueil et de leur histoire relative à l’asile, sont éclipsées des parcours individuels des migrants. Leur demande d’asile doit être maintenue dans l’État d’arrivée dans l’espace européen, sauf certains cas limités permettant de prendre en compte par exemple l’existence de liens familiaux dans un autre État. Cette règle crée aussi une impasse d’un point de vue global car elle entraîne inéluctablement un déséquilibre des demandes d’asile qui se concentrent sur les pays de franchissement des frontières de l’Europe. Or, les lieux de franchissement concernent aujourd’hui principalement les frontières terrestres ou surtout maritimes (Grèce, Italie, Malte, Espagne).
With regard to asylum, the Dublin III Regulation is based on assumptions which show that protection of the person is not the central priority of the system[9]. The main rule consists in determining which state is “responsible” for examining the asylum application. It should be noted that the borders covered by this Regulation encompass all the member states of the EU, as well as additional associate countries, i.e. Iceland, Liechtenstein, Norway and Switzerland. The state “responsible” is usually identified by a geographical criterion, defined as the place where the asylum seeker irregularly crossed the frontiers of European space[10]. Thus, it must neither be possible for the asylum seeker to lodge multiple applications for asylum in different European states, nor to choose the place where they will lodge their single application. Moreover, states that are not responsible for the application can send back people who apply for asylum on their territory. This rule disregards the diversity of asylum policies practised by the states within this area. The mutual trust between states, which leads to the mutual recognition discussed above, is established to the detriment of asylum seekers. The disparities between the asylum systems of different states, the diversity of EU countries, their cultures of receptiveness and their histories relating to asylum, are treated as irrelevant to the individual trajectories of migrants. The asylum application must be maintained in the state where they entered European space, except in certain limited cases where, for example, the existence of family ties in another state may be taken into account. This rule also creates an impasse in the system as a whole, since it inevitably leads to an imbalance in asylum requests, which are concentrated in the countries where migrants cross the frontiers of Europe. Today, these crossing places are sometimes land borders, but primarily the sea borders (Greece, Italy, Malta, Spain).
En effet, les arrivées par avion sont désormais rendues largement impossibles par les politiques restrictives de visas couplées avec les mesures qui peuvent sanctionner les transporteurs n’ayant pas assuré un contrôle suffisant. De sorte qu’il devient extrêmement difficile pour des personnes d’arriver par les airs dans les pays « intérieurs ». En témoignent les limites posées par les États européens aux possibilités d’escale dans leurs aéroports, empêchant des demandes d’asile à cette occasion. Les ressortissants des pays tiers dont la liste est élaborée par l’Union européenne et les États membres, doivent en effet obtenir un visa de « transit aéroportuaire » lorsqu’ils envisagent simplement de transiter par un aéroport de l’espace Schengen. La liste de ces pays comprend des pays dont les ressortissants sont susceptibles de demander et d’obtenir l’asile, tels que la Syrie ou le Soudan du Sud.
For their part, arrivals by air have now become largely impossible because of restrictive visa policies coupled with measures to penalise airlines that fail to conduct adequate checks, which make it extremely difficult for people to fly to the “inner” countries. This is evidenced by the limits placed by European states on the possibilities of stopovers in their airports, preventing applications for asylum by these means. Nationals of third countries, a list of which has been drawn up by the EU and the member states, must now obtain a “transit” visa when they are simply planning to pass through an airport in the Schengen area. The list includes countries whose nationals are likely to request and obtain asylum, such as Syria or South Sudan.
S’agissant des visas « court séjour », un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 7 mars 2017 a refusé de jauger la politique européenne d’harmonisation à l’aune des droits des demandeurs d’asile garantis par les traités européens (C-638/16 PPU, Parrot, 2018). La Cour était saisie par une juridiction belge devant laquelle se posait une question relative à l’interprétation d’une disposition du « code des visas » européen. Cette disposition permet aux autorités nationales de délivrer un visa « pour des raisons humanitaires » ou « pour honorer des obligations internationales » même si les exigences du Code européen ne sont pas remplies. Se posait notamment la question de savoir si cette disposition incluait la possibilité de délivrer un tel visa exceptionnel aux membres d’une famille syrienne qui avaient réussi à en faire la demande auprès du consulat belge au Liban. Le refus de ce visa pouvait entraîner des risques de traitements inhumains et dégradants prohibés par la Convention européenne des droits de l’homme (voir ci-dessous) ainsi qu’une violation du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève et la Charte des droits fondamentaux de l’Union. Contrairement à ce que lui suggérait l’avocat général, la Cour a affirmé que, dans la mesure où l’entrée sur le territoire avait pour objectif une demande d’asile, il s’agissait d’un « long séjour » relevant du seul ressort des droits nationaux. Ce faisant, elle exclut l’utilisation des visas « court séjour » uniformes pour entrer dans l’espace européen et déclencher les droits qui y sont attachés et notamment la demande d’asile. Surtout, en niant l’applicabilité du droit de l’Union, la Cour se délie de toute obligation d’analyser la situation au regard des droits humains[11]. Enfin, la Cour n’hésite pas à justifier sa décision en considérant que la solution inverse « porterait atteinte à l’économie générale du système institué par le règlement [Dublin] » (§ 48), à savoir la désignation du pays responsable de la demande d’asile par le lieu de franchissement de la frontière. Elle ajoute également que le droit de l’Union ne concerne que les « demandes de protection internationale présentées sur le territoire des États membres, y compris à la frontière, dans les eaux territoriales ou dans une zone de transit, mais non aux demandes d’asile diplomatique ou territorial introduites auprès des représentations des États membres [situées sur le territoire d’un pays tiers] » (§ 49). En aucun cas, la Cour de justice n’entend briser les forces centripètes qui éloignent les migrants et entravent leur accès au droit. La fermeture des voies pour accéder au territoire d’un État « intérieur » conduit en effet à dessiner des routes de migration particulièrement périlleuses. Dans le meilleur des cas, les demandes d’asile se concentrent dans les quelques pays où le franchissement de frontières est terrestre ou maritime tels que l’Espagne, la Grèce, l’Italie ou Malte, ce qui rend impossible leur examen dans des conditions respectueuses des droits humains.
With regard to “short-term” visas, a ruling on 7 March 2017 by the European Court of Justice refused to align European harmonisation policy with the rights of asylum seekers guaranteed by European treaties (C-638/16 PPU, Parrot 2018) . The case was referred to the Court by a Belgian court which had been called upon to decide on a question relating to the interpretation of a provision of the “European Visa Code”. This provision allows national authorities to issue a visa “for humanitarian reasons” or “to honour international obligations” even if the requirements of the European Visa Code are not met. The particular question was whether this provision included the possibility of issuing such an exceptional visa to the members of a Syrian family which had made a successful application at the Belgian consulate in Lebanon. Refusing this visa might expose them to risks of inhuman and degrading treatment prohibited by the European Convention on Human Rights (see below) as well as to a violation of the principle of non-refoulement laid down in the Geneva Convention and the EU Charter of Fundamental Rights. Against the advice of the Advocate General, the Court argued that, insofar as the purpose of entering the territory was to apply for asylum, the case concerned a “long-term” visa and was therefore solely a matter of domestic law. In so doing, it precluded the use of uniform “short-term” visas to enter European space and to trigger the associated rights, in particular the right to apply for asylum. Above all, in denying the applicability of EU law, the Court freed itself of any obligation to analyse the situation from a human rights perspective[11]. Finally, the Court had no hesitation in justifying its decision on the grounds that the alternative solution “would undermine the general structure of the system established by the [Dublin] Regulation” (§48), i.e. the attribution of responsibility for handling the asylum application to the country where the asylum seeker crossed the border. It also added that EU law concerns only “applications for international protection made in the territory, including at the border, in the territorial waters or in the transit zones of the member states, but not to requests for diplomatic or territorial asylum submitted to the representations of member states [located on the territory of a third country]” (§49). The Court of Justice has not showed any kind of resistance to the centripetal forces that keep migrants away and hinder their access to law. Shutting off the routes of access to the territory of an “interior” state in fact has the effect of forcing migrants to take the most dangerous migration routes. At best, asylum applications are concentrated in a few countries where the border crossing is by land or sea, such as Spain, Greece, Italy or Malta, which makes it impossible for them to be handled in conditions where human rights are observed.
Parler « d’économie générale » comme le fait la Cour de justice pour la désignation de l’État membre responsable de la demande d’asile dans un tel contexte n’est pas neutre. Ladite économie ne crée pas simplement une obligation pour l’État de franchissement d’examiner la demande d’asile, elle permet surtout aux autres États de renvoyer les demandeurs d’asile dans le pays responsable selon le règlement Dublin III. Malgré quelques propositions en ce sens, cette répartition inéquitable ne semble pas être remise en cause par une application du principe de solidarité et de partage équitable de responsabilités, pourtant postulé entre les États membres par l’article 80 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (Barbou des Places, 2017 ; Parrot, 2018). Par exemple, si un plan de relocalisation a été adopté, en réaction aux arrivées de migrants en 2015, prévoyant le transfert de demandeurs d’asile vers les pays « intérieurs », il tarde à être mis en œuvre par ces États, malgré sa faible envergure[12]. On aurait également pu penser que l’impossibilité pour l’Italie et la Grèce[13] de concilier les flux migratoires avec les droits humains pouvait ébranler les critères posés par le règlement Dublin III.
To speak of the “general structure of the system” in these circumstances, as the Court of Justice does with regard to the designation of the member state responsible for the asylum application, is not neutral. The said structure not only places an obligation on the state where the border crossing occurred to examine the asylum application; above all, it allows the other states to send asylum seekers back to the responsible country, in accordance with the Dublin III Regulation. Despite a few proposals for change, there seems to be no challenge to this inequitable distribution on the grounds of the principle of solidarity and equitable sharing of responsibilities posited between member states by Article 80 of the Treaty on the Functioning of the EU (Barbou des Places, 2017; Parrot, 2018). For example, although a relocation plan was adopted in response to the influx of migrants in 2015, providing for the transfer of asylum seekers to the “inner” countries, states have been slow to implement it, despite its modest scale[12]. One might also have imagined that the inability of Italy and Greece[13] to reconcile the large migratory flows with human rights might have posed a challenge to the criteria set out in the Dublin III Regulation.
Pourtant, la référence aux droits humains se révèle ici inopérante. Elle est simplement constitutive d’une exception figurant désormais à l’article 3 § 2 du règlement Dublin aux termes duquel « lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ». La Cour européenne des droits de l’homme avait en effet écarté la présomption de protection équivalente pour considérer que les transferts par les États en application du règlement Dublin vers la Grèce étaient constitutifs d’une violation de la Convention, dans la mesure où ledit règlement prévoyait une clause de souveraineté permettant aux États de réintroduire une marge d’appréciation (CEDH, Gr. ch. 23 février 2012, M.S.S. c/ Belgique et Grèce, req. no 30696/09). Un tel raisonnement a été repris par la Cour de justice de l’Union (CJUE, 21 décembre 2011, NS c/ Secretary of State for the Home Department, aff. C-411/10) pour finalement être intégré dans le texte par la disposition du règlement précitée (les transferts vers la Grèce sont néanmoins à nouveau prévus, voir la recommandation du 8 février 2016 de la Commission européenne adressée aux États membres concernant la reprise des transferts vers la Grèce, C (2016) 2525 final). Certes, cela témoigne d’une prise en compte des droits humains, mais comme un simple mécanisme exceptionnel de correction, difficile à mettre en œuvre, et sans s’attaquer à la clé de voûte du système de répartition (pour une application récente, voir CJUE 16 février 2017, C. K. c/ Slovénie, , aff. C-578/16 PPU). Même si la Charte des droits fondamentaux et, indirectement, la Convention de Genève et, dans une moindre mesure, la Convention européenne des droits de l’homme, apparaissent juridiquement comme primant sur le règlement Dublin III, il n’empêche que cette primauté est toute relative car elle n’atteint pas le cœur du système de répartition.
However, the reference to human rights here proves inoperative. It simply constitutes an exception that now appears in Article 3.2 of the Dublin III Regulation, which states that: “when it is impossible to transfer an applicant to the member state primarily designated as responsible because there are substantial grounds for believing that there are systemic flaws in the asylum procedure and in the reception conditions for applicants in that member state, resulting in a risk of inhuman or degrading treatment within the meaning of Article 4 of the Charter of Fundamental Rights of the EU, the determining member state shall continue to examine the criteria set out in Chapter III in order to establish whether another member state can be designated as responsible.” The European Court of Human Rights had in fact set aside the presumption of equivalent protection and taken the view that transfers by states to Greece in application of the Dublin Regulation constituted a violation of the Convention, insofar as the said Regulation contained a sovereignty clause allowing states to reintroduce a margin of appreciation (ECHR, Gr. ch. 23 February 2012, M.S.S. v. Belgium and Greece, Application No. 30696/09). The same reasoning was adopted by the European Court of Justice (CJEU, 21 December 2011, NS v. Secretary of State for the Home Department, Case. No. C-411/10), and was finally incorporated into the text by the aforementioned provision of the Regulation (transfers to Greece are nevertheless once again allowed: see the European Commission recommendation of 8 February 2016 addressed to member states concerning the resumption of transfers to Greece, C (2016) 2525 final). Admittedly, this is evidence that human rights are taken into account, but as a single and exceptional corrective mechanism, which is difficult to implement and does not tackle the keystone of the distribution system (for a recent application, see CJEU 16 February 2017, C. K. v. Slovenia, Case No. C-578/16 PPU). Although the Charter of Fundamental Rights and, indirectly, the Geneva Convention and, to a lesser extent, the European Convention on Human Rights, seem legally to take priority over the Dublin Regulation, this primacy is nevertheless relative, since it does not touch the core of the distribution system.
Le Règlement Dublin III, combiné avec de nombreuses dispositions visant notamment à fermer les frontières aériennes, concentre les demandes d’asile sur quelques États de l’Union européenne. Le refus de la Cour de justice d’adosser sur les visas « courts séjour » uniformisés l’applicabilité des textes fondamentaux du droit de l’Union en matière de droit d’asile renforce la politique de fermeture des frontières, fût-ce au prix d’une violation des droits humains. À ces pressions sur les pays frontaliers garants des frontières extérieures s’ajoutent des dispositifs qui repoussent ces frontières sur le territoire de pays tiers.
The consequence of the Dublin III Regulation, combined with numerous provisions intended particularly to close the air frontiers, is that asylum applications are concentrated in just a few EU states. The refusal of the European Court of Justice to link the applicability of the fundamental provisions of EU law on the right to asylum with uniform “short-term” visas reinforces the closed border policy, at the cost of violating human rights. In addition to these pressures on the frontier countries to guarantee the EU’s external borders, there are provisions that extend those borders to the territories of third countries.
L’externalisation des frontières européennes
The externalisation of Europe’s borders
Afin d’éviter la « mise en relation » des demandeurs d’asile avec un État européen, des accords sont passés avec des pays tiers soit par un État seul soit sous l’égide de l’Union européenne. Ces accords visent, d’une part, à entraver la circulation des migrants au-delà même des frontières de l’espace européen et, d’autre part, à faciliter le renvoi des personnes qui font l’objet d’une mesure d’éloignement. La conformité de ces accords avec les droits des personnes migrantes est douteuse. Une partie des auteurs et des associations ou ONG (La Cimade, Chronique d’un chantage. Décryptage des instruments financiers et politiques de l’Union européenne, Loujna et Migreurop, 2017), qui dénoncent l’externalisation des frontières, considère même que l’objectif de tels accords consiste précisément à éviter l’applicabilité des droits humains (Gammeltoft-Hansen, 2012). Nous souscrivons à ce raisonnement dont nous pourrons dépeindre les grandes lignes. Il consiste à montrer qu’en dépit de l’apparente portée extraterritoriale des instruments relatifs aux droits humains, l’externalisation des frontières conduit à écarter leur application.
In order to avoid asylum seekers being “placed in a relation” with a European state, agreements have been made with third countries, either by individual states or under the aegis of the EU. The purpose of these agreements is, on the one hand, to stem the flow of migrants even beyond the boundaries of European space and, on the other hand, to facilitate the return of migrants staying illegally on the territory of a member state. Whether or not these agreements are consistent with the rights of migrants is doubtful. Some authors and organisations or NGOs (La Cimade, Rapport d’observation Coopération UE-Afrique sur les migrations. Chronique d’un chantage, with Loujna and Migreurop 2017), which condemn the externalisation of the frontiers, even take the view that the purpose of such agreements is precisely to avoid the applicability of human rights (Gammeltoft-Hansen, 2012). We subscribe to this reasoning, which we will follow here in its broad lineaments. We will show that despite the apparent extraterritorial scope of human rights instruments, the outcome of the externalisation of the frontiers is to prevent their application.
Le premier élément à rappeler concerne la portée extraterritoriale des instruments relatifs aux droits humains. Ainsi, l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, prohibant la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, vient tempérer la souveraineté des États, en vertu de laquelle ils disposent du droit de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des non-nationaux (Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, 28 mai 1985, req. no 9214/80, § 67). Dès lors, toute mesure d’éloignement vers une destination où la personne court un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à l’article 3 est susceptible d’engager la responsabilité de l’État ayant adopté cette mesure. Dans l’arrêt Hirsi Jamaa c/ Italie (Gr. ch. 23 février 2012, req. no 27765/09), la Cour européenne des droits de l’homme rappelle le caractère absolu de cette garantie, bien qu’elle se dise consciente des « difficultés liées au phénomène des migrations maritimes, impliquant pour les États des complications supplémentaires dans le contrôle des frontières sud de l’Europe » (§ 122). En l’occurrence, des personnes ont été renvoyées vers la Libye par les autorités italiennes qui les avaient interceptées en haute mer. D’abord, la Cour rappelle que l’interception en haute mer ne soustrayait pas l’État à son obligation de respecter la Convention européenne des droits de l’homme. Ensuite, la Cour considère qu’au vu des différents rapports établissant « une situation de non-respect systématique des droits de l’homme » en Libye, le débarquement des migrants leur faisait courir un risque réel de subir des traitements contraires à l’article 3. Par ailleurs, dans la mesure où les requérants étaient des personnes ressortissantes de Somalie et d’Érythrée, où les autorités libyennes étaient susceptibles de les renvoyer, la Cour européenne des droits de l’homme affirme que l’Italie aurait dû conditionner le renvoi de ces personnes à la vérification de « garanties suffisantes permettant d’éviter que les intéressés ne soient soumis à un refoulement arbitraire vers leurs pays d’origine, dès lors qu’ils pouvaient faire valoir de façon défendable que leur rapatriement éventuel porterait atteinte à l’article 3 de la Convention. » (§ 148). La Cour déclare dès lors que l’Italie a violé l’article 3 de la Convention du fait non seulement que « les requérants ont été exposés au risque de subir des mauvais traitements en Libye » mais également que « les requérants ont été exposés au risque d’être rapatriés en Somalie et en Erythrée »[14].
The first factor to stress is that human rights instruments are in fact extraterritorial in scope. For example, Article 3 of the European Convention on Human Rights, which prohibits torture and inhuman or degrading treatment or punishment, dilutes the sovereignty of states with regard to their right to control the entry, stay and departure of non-nationals (Abdulaziz, Cabales and Balkandali v. United Kingdom, 28 May 1985, Application No. 9214/80, §67). As a result, any measure to remove a person to a destination where they run a real risk of being subjected to treatment contrary to Article 3 is likely to engage the responsibility of the state that has adopted this measure. In the ruling on Hirsi Jamaa v. Italy (Gr. ch. 23 February 2012, Application No. 27765/09), the European Court of Human Rights recalls the absolute nature of this guarantee, although it states its awareness of the “difficulties related to the phenomenon of migration by sea, involving for states additional complications in controlling the borders in southern Europe” (§122). The case concerned persons who had been intercepted on the high seas by the Italian authorities, and sent back to Libya. The Court begins by noting that interception on the high seas did not exempt the state from its obligation to observe the European Convention on Human Rights. Next, the Court considers that in the light of the different reports establishing “a situation of systematic non-observance of human rights” in Libya, the disembarkation of the migrants exposed them to a real risk of undergoing treatment contrary to Article 3. Moreover, insofar as the applicants were nationals of Somalia and Eritrea, to which the Libyan authorities were likely to return them, the European Court of Human Rights stated that Italy should have made the return of these people conditional on the verification of “sufficient guarantees that the parties concerned would not be arbitrarily returned to their countries of origin, where they had an arguable claim that their repatriation would breach Article 3 of the Convention” (§148). The Court therefore ruled that Italy had violated Article 3 of the Convention not only because the applicants had been exposed “to the risk of being subjected to ill-treatment in Libya” but also “were exposed to the risk of being repatriated to Somalia and Eritrea[14].”
À la lecture de cet arrêt, l’on pourrait croire que les personnes ne devraient plus être renvoyées dans les pays où des risques de violation des droits humains sont établis. Et pourtant, l’Italie a conclu en février 2017 un Mémorandum d’entente sur la migration avec un des trois gouvernements libyens, le gouvernement d’Union nationale présidé par Fayez el-Sarraj[15]. Dès lors que ce sont les autorités des États tiers qui accomplissent les opérations pour éviter la « mise en relation » avec tout État européen, l’imputabilité des risques ne pourra plus rejaillir sur un État partie à la Convention européenne des droits de l’homme (en raisonnant sur l’accord antérieur entre l’Italie et la Libye, Gammeltoft-Hansen, 2012). L’État italien tire en quelque sorte toutes les conséquences de la condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme en faisant en sorte de ne plus être directement responsable. Il faudrait alors pouvoir effectuer un contrôle sur la légalité de ces accords[16]. Or, un tel contrôle s’avère pour le moins difficile, comme en témoignent les vicissitudes de la déclaration UE-Turquie.
This ruling might lead one to believe that people should no longer be sent back to countries where there is an established risk of their human rights being violated. And yet, in February 2017, Italy signed a Memorandum of Understanding on migration with one of the three Libyan governments, the Government of National Accord headed by Fayez el-Sarraj[15]. Provided that it is the authorities of third states that carry out the operations to avoid a migrant’s being “placed in a relation” with any European state, a state that is party to the European Convention on Human Rights may no longer be held liable for the risks (reasoning based on the early agreement between Italy and Libya, Gammeltoft-Hansen 2012). The Italian state may be said to have drawn the necessary conclusions from the verdict of the European Court of Human Rights by ensuring that it is no longer directly responsible. The legality of these agreements therefore needs to be reviewed[16]. However, such a review would be difficult, to say the least, as evidenced by the vicissitudes of the EU-Turkey statement.
Cette déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016 nous conduit à décrire la force centripète la plus puissante qui conduit à éviter tout contact entre les migrants et les États membres (H. Labayle, 2016 ; Teule, 2017). Il s’agit de faire en sorte qu’ils restent dans un pays de transit, même si celui-ci n’est pas considéré comme un « pays sûr », dans la mesure notamment où cet État a restreint l’application de la convention de Genève aux seuls européens. La déclaration prévoit qu’à partir du 20 mars 2016 tous les nouveaux migrants irréguliers (qui ne demandent pas l’asile ou dont la demande d’asile a été jugée infondée ou irrecevable) ayant traversé la Turquie vers les îles grecques, sont renvoyés en Turquie. Mais pour chaque personne de nationalité syrienne renvoyée vers la Turquie au départ des îles grecques, une autre personne de nationalité syrienne devait être réinstallée de la Turquie vers l’Union européenne, dans la limite de 72 000 personnes. Par ailleurs, la Turquie s’engage à prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que de nouvelles routes de migration irrégulière, maritimes ou terrestres, ne s’ouvrent au départ de son territoire en direction de l’Union européenne, et doit coopérer avec les États voisins ainsi qu’avec l’Union à cet effet. La déclaration prévoit enfin un financement par l’Union européenne d’un fonds ajoutant au montant de 3 milliards d’euros déjà alloués, 3 milliards supplémentaires devant être versés jusqu’à fin 2018.
This EU-Turkey statement of 18 March 2016 constitutes the most powerful of these centripetal forces, leading to the avoidance of any contact between migrants and the member states (H. Labayle, 2016; Teule, 2017). The aim is to ensure that migrants remain in a country of transit, even if this is not considered to be a “safe country”, especially as Turkey has restricted the application of the Geneva Convention to Europeans alone. According to the statement, from 20 March 2016 all new irregular migrants (who are not seeking asylum or whose application for asylum has been judged unfounded or inadmissible) who have travelled through Turkey to the Greek islands, are sent back to Turkey. However, for every person of Syrian nationality sent back to Turkey from the Greek islands, another person of Syrian nationality is to be resettled from Turkey to the EU, up to a maximum of 72 000 people. Moreover, Turkey undertakes to take all necessary measures to prevent new irregular migration routes, whether by sea or land, opening up from its territory in the direction of the EU, and to cooperate with the neighbouring states as well as with the EU to that effect. Finally, the statement stipulates that the EU will, by the end of 2018, pay a further €3 billion into a special fund, in addition to the €3 billion previously allocated.
Cet accord passé lors du sommet entre le Conseil européen et la Turquie, destiné à stopper la route migratoire sur la mer Égée, a comme conséquence la mise à distance des migrants leur faisant notamment courir des risques sérieux de traitements inhumains et dégradants, la Turquie ne reconnaissant la qualité de réfugié qu’aux personnes de nationalité européenne en application de la Convention de Genève (Comité contre la torture, observations finales concernant la Turquie, CAT/C/TUR/CO/4, 2 juin 2016, § 25). Dès lors, la légalité de l’accord UE-Turquie a été mise en cause devant le Tribunal de l’Union européenne par un ressortissant pakistanais ayant fait une demande d’asile en Grèce. Le Tribunal a examiné la nature juridique de l’accord et conclu que l’acte n’a pas été adopté par le Conseil européen en tant qu’institution de l’Union mais par les représentants des États membres de l’Union, agissant en qualité de chefs d’État ou de gouvernement desdits États membres (Tribunal de l’UE, N. F. c/ Conseil européen, aff. T-192/16, 28 février 2017). Par conséquent, le Tribunal se déclare incompétent, en considérant que l’affaire relève des droits nationaux (Barbou des Places, 2017). Un recours contre cet arrêt est pendant devant la Cour de justice de l’Union européenne. Un tel refus de statuer est particulièrement néfaste à un moment où la déclaration UE-Turquie est considérée comme un modèle dans les relations avec d’autres pays tiers qui ne sont même pas parties à la Convention européenne des droits de l’homme. Ainsi, le « Joint Way Forward on Migration Issues Between Afghanistan and the EU » du 2 octobre 2016 prévoit une coopération comportant notamment des renvois en Afghanistan (Barbou des Places, 2017). Le renvoi organisé vers des pays où existent des risques de violation systématique des droits humains démontre ainsi l’inaptitude de ceux-ci à peser sur les politiques migratoires.
The consequence of this agreement, reached at the summit between the Council of Europe and Turkey and designed to close the migratory route across the Aegean Sea, is to keep migrants at a distance by means that notably expose them to serious risks of inhuman and degrading treatment, since Turkey only accords refugee status to people of European nationality in application of the Geneva Convention (UN Committee Against Torture, Concluding observations on the fourth periodic reports of Turkey, CAT/C/TUR/CO/4, 2 June 2016, §25). As a result, the legality of the EU-Turkey agreement has been challenged before the General Court by a Pakistani national who had applied for asylum in Greece. The Court examined the legal content of the agreement and concluded that it had not been adopted by the European Council as a EU institution, but by the representatives of the member states of the Union, acting in their capacity as heads of state or of government of the said member states (GC 28 February 2017, N. F.v. European Council, Case T-192/16). In consequence, the Court declared itself incompetent on the grounds that the case is a matter for national law (Barbou des Places 2017). An appeal against this decision is pending before the European Court of Justice. This refusal to give a ruling is particularly damaging at a time when the EU-Turkey statement is considered as a model for relations with other third countries that are not even parties to the European Convention on Human Rights. For example, the “Joint Way Forward on migration issues between Afghanistan and the EU” of 2 October 2016 provides for cooperation that notably includes returns to Afghanistan (Barbou des Places, 2017). The organised return of people to countries where there are risks of systematic violation of human rights is a clear demonstration of the failure of these rights to influence policies on migration.
Les manœuvres de l’Union et des États membres pour externaliser les contrôles migratoires et les pressions sur les États tiers pour faciliter le renvoi de leurs ressortissants, voire les ressortissants d’autres États, passent par des accords dont le caractère juridique est démenti par les autorités elles-mêmes. La mise à mal des droits humains par ces accords est aussi patente que difficile à faire sanctionner, les victimes se retrouvant souvent dans l’impossibilité d’exercer un recours et les cours peu enclines à affronter le pouvoir régalien.
The manoeuvres of the EU and the member states to externalise migration controls and the pressures on third states to facilitate the return of their nationals, or even the nationals of other states, entail agreements whose legal effect is rejected by the authorities themselves. The undermining of human rights by these agreements is as evident as it is difficult to sanction, since it is often impossible for the victims to bring a case before the courts and the former are little inclined to take on the sovereign power.
Pour conclure, on peut s’interroger sur cette inaptitude des droits humains à peser sur une politique. La chaîne de causalité entre les normes qui mettent en œuvre cette politique (découlant du droit de l’Union, ou d’accords avec des États tiers) et les situations de privation de droits de personnes au-delà des frontières, apparaît dans les analyses politiques ou de sciences sociales. Néanmoins, il paraît difficile qu’elle franchisse le raisonnement des juges. Ainsi, plusieurs acteurs de la société civile montrent comment les politiques de fermeture des frontières et d’externalisation des frontières rendent les routes migratoires plus dangereuses pour la vie des personnes et entraînent la violation de certaines règles (voir le rapport de la Cimade précité ; Fouteau, Carine, « Le Tribunal permanent des peuples fait le procès des politiques migratoires », Mediapart, 5 janvier 2018). Pour autant, l’espace de justice au sein duquel pourraient être examinées et sanctionnées ces violations, reste à forger. Lorsque les personnes subissent des mauvais traitements, ou sont exploitées, ou encore traversent la mer ou le désert, ce sont les trafiquants ou les passeurs qui sont désignés comme responsables et la lutte contre ces formes de criminalité s’impose comme priorité. L’absence de voies légales d’immigration et les sanctions corrélatives pesant sur les transporteurs, qui constituent le terreau de ces trafics ne sont pas incluses dans la chaîne de causalité de la responsabilité. En effet, quelles que soient les conséquences de ces politiques sur les droits humains, la souveraineté des États justifie le contrôle des frontières par leurs soins ou dans le cadre d’une organisation supranationale telle que l’Union européenne. De même, « l’économie générale » du règlement Dublin III rendant impossible une répartition des demandes d’asile n’apparaît pas interrogeable en tant que telle. Aussi, la référence aux droits humains n’entraîne-t-elle des résultats que de manière exceptionnelle. En demeurant à la marge du système de fermeture des frontières, les droits humains montrent les limites de leur portée tout en affirmant leur existence. On peut se demander à quoi sert cette affirmation si ce n’est à afficher une protection de façade. Plus encore, l’ensemble des raisonnements et techniques juridiques ne vient-il pas au soutien des normes par lesquelles les États écartent l’application des droits humains ? De sorte que le mouvement profond qui se dessine, loin de contribuer à assurer la protection des droits fondamentaux des personnes, renforcerait le pouvoir des États.
To conclude, there are questions to be asked about this inability of human rights to influence policy. The chain of cause and effect between the standards that implement this policy (arising from EU law or from agreements with third states) and the deprivation of people’s rights beyond the frontiers of Europe, has been a topic of analysis in the political and social sciences. Nonetheless, it seems to have little success in affecting the reasoning of the courts. For example, several civil society actors have shown how closed border policies and the externalisation of the borders make the migration routes more dangerous and lead to the violation of certain rules (see the above-mentioned Cimade report; Fouteau, Carine, « Le Tribunal permanent des peuples fait le procès des politiques migratoires », Mediapart, 5 January 2018). However, the legal space within which these violations could be investigated and punished has yet to be constituted. When people suffer ill-treatment, or are exploited, or else cross the sea or the desert, it is the traffickers or people smugglers who are held responsible and the priority is placed on combating these forms of criminality. The absence of legal channels of immigration and the resulting penalties exacted on the carriers, which create the breeding ground for this traffic, are not included in the causal chain of responsibility. Indeed, regardless of the consequences of these policies for human rights, the sovereignty of states justifies control of the borders, whether by states themselves or as part of a supranational organisation like the EU. Likewise, the “general structure” of the Dublin Regulation, precluding any distribution of asylum applications, does not in itself appear open to challenge. The result is that any reference to human rights is only productive in exceptional cases. Confined to the margins of the system of closed borders, human rights reveal the limits of their scope while nevertheless asserting their existence. We might wonder what purpose this assertion serves, other than as a fig leaf of protection. Furthermore, it would appear that all the legal reasoning and expertise are directed in support of the norms whereby states dismiss the application of human rights, with the result that the underlying trend, far from contributing to the protection of the fundamental rights of individuals, would seem to reinforce the power of states.
Le confinement des droits humains dans les systèmes juridiques européens apparaît ainsi comme le résultat de la superposition de plusieurs échelles des espaces européens et de la double-affiliation des États membres de l’Union européenne, également parties à la Convention européenne des droits de l’homme. Certes, chacune à leur manière, ces organisations supranationales font émerger des espaces de justice qui s’ajoutent à ceux constitués par les ordres juridiques nationaux. Toutefois, la place des droits humains dans ces différents espaces de justice, malgré une réitération foisonnante dans différents textes, reste périphérique. Le renforcement des frontières extérieures de l’Europe apparaît un objectif supérieur à la mise en œuvre des droits humains, spécialement des droits des réfugiés. Les liens tissés avec des États tiers, par l’Union européenne ou par les États membres, visent à éviter tout déclenchement éventuel des droits humains en matière de migrations et s’analysent en un contournement des espaces de justice.
The confinement of human rights within European legal systems would thus seem to be the outcome of the superposition of several European spatial scales, and of the dual affiliation of member states both to the EU and to the European Convention on Human Rights. It is true that each of these supranational organisations contributes to the emergence of spaces of justice in addition to those constituted by national legal orders. However, the position of human rights in these different spheres of justice, despite their proliferation in various legal instruments, remains peripheral. The strengthening of the external frontiers of Europe would seem to be a more important objective than the implementation of human rights, especially the rights of refugees. The bonds formed with third countries, whether by the EU or by its member states, are designed to avoid the risk of any triggering of human rights relating to migration and can be interpreted as a means of bypassing the spaces of justice.
[2]. Voir par exemple la référence aux condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’homme au soutien des amendements n° 797, 160, 581, 583, 584, 950 et 806 au projet de loi pour un immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, visant à interdire le placement des mineurs en rétention à l’Assemblée Nationale le 21 avril 2018 rejetés (http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2017-2018/20180203.asp - P1250327).
[2]. See, for example, the reference to the condemnations of France by the European Court of Human Rights during the debate in the French National Assembly on 21 April 2018 in support of (rejected) amendments 797, 160, 581, 583, 584, 950 and 806 to the draft bill for controlled immigration, an effective right of asylum and successful integration, seeking to prohibit detention of minors (http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2017-2018/20180203.asp – P1250327).
[4]. Pour conserver une métaphore spatiale, on pourrait parler d’un État de droit disloqué, sur lequel voir par exemple : GISTI, Faillite de l’État de droit ? L’étranger comme symptôme, coll. « Penser l’immigration autrement », 2017.
[4]. To extend a spatial metaphor, we could speak of a displaced rule of law, regarding which see, for example, GISTI, Faillite de l’État de droit ? L’étranger comme symptôme, Penser l’immigration autrement, 2017.
[5]. Voir historiquement la décision de Cour constitutionnelle allemande du 29 mai 1974 (Solange I) et récemment sur une question posée par la Cour constitutionnelle italienne, la réponse de la CJUE (Mehdi, 2018).
[5]. For a historical example, see the decision of the German Constitutional Court of 29 May 1974 (Solange I), and recently on a question asked by the Italian Constitutional Court, the response by the CJEC (Mehdi 2018).
[6]. CJCE, 17 déc. 1970, C-11/70 en se référant aux traditions constitutionnelles des États membres ; puis à des traités tels que la convention européenne des droits de l’homme, CJCE, 14 mai 1974, C- 4/73.
[6]. CJEC, 17 December 1970, C-11/70 referring to the constitutional traditions of the member states; then to treaties such as the European Convention on Human Rights, CJEC, 14 May 1974, C- 4/73.
[7]. Par exemple le Règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale (pour un raisonnement analogue en matière de coopération pénale : Labayle, 2013).
[7]. E.g. the Regulation of 27 November 2003 relating to jurisdiction, recognition and execution of decisions on marriage and on parental responsibility. For similar reasoning with regard to penal cooperation, see (Labayle, 2013).
[9]. Règlement (UE) no 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, qui fait suite à Convention de Dublin du 15 juin 1990 intégrée au droit de l’Union avec le traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997.
[9]. Regulation (EU) No. 604/2013 of 26 June 2013 which establishes the criteria and mechanisms for determining which single state is responsible for examining an application for international protection that has been lodged in one of the member states by a third country national or a stateless person, which follows on from the Dublin Convention of 15 June 1990 incorporated into EU law with the Treaty of Amsterdam of 2 October 1997.
[10]. En parlant de franchissement irrégulier, le règlement Dublin III refuse de prendre en compte la situation particulière du demandeur d’asile pour lequel est prévu le principe de non-refoulement.
[10]. In speaking of crossing irregularly, the Dublin III Regulation fails to take into account the specific situation of the asylum seeker for whom the principle of non-refoulement is established.
[11]. « La situation en cause au principal n’étant, ainsi, pas régie par le droit de l’Union, les dispositions de la Charte [des droits fondamentaux de l’Union] ne lui sont pas applicables. » (§ 45).
[11]. “Since the situation at issue in the main proceedings is not, therefore, governed by EU law, the provisions of the Charter [of Fundamental Rights of the EU] referred to in the questions of the referring court, do not apply to it” (§45).
[12]. Report from the Commission to the European Parliament, the European Council and the Council. Twelfth Report on Relocation and Resettlement, 16 mai 2017, COM (2017) 260 final.
[12]. Report from the Commission to the European Parliament, the European Council and the Council; Twelfth report on relocation and resettlement, 16 May 2017, COM(2017) 260 final.
[13]. Voir ce qui se passe sur les espaces confinés des « hotspots », par exemple : http://www.infomigrants.net/fr/post/8838/en-grece-les-demandeurs-d-asile-sont-de-nouveau-soumis-au-confinement-sur-les-iles).
[13]. See what has happen in confined spaces of « hotspots » e.g. (http://www.infomigrants.net/fr/post/8838/en-grece-les-demandeurs-d-asile-sont-de-nouveau-soumis-au-confinement-sur-les-iles).
[15]. Par ailleurs, la mission militaire des États membres de l’Union européenne l’EUNAVFOR Med renforce les garde-côte libyens par des formations (Prestianni, 2017).
[15]. Moreover, the military mission of the member states of the EU – EuNavForMed – helps train the Libyan coastguards (Prestianni, 2017).
[16]. Un recours est déposé devant la Cour constitutionnelle italienne invoquant le non-respect des pouvoirs du Parlement en matière de ratification des traités au sujet du Mémorandum d’entente sur la coopération dans les domaines du développement, de la lutte contre l’immigration irrégulière, le trafic d’êtres humains, la contrebande et sur le renforcement de la sécurité des frontières entre la Lybie et l’Italie signé à Rome le 2 février 2017 par le président du Conseil des ministres italien et du président du Conseil du gouvernement de Réconciliation nationale de l’État de Libye, par plusieurs députés. Cet accord se situe dans la lignée d’un précédent de 2008, mais constitue selon les députés requérants un traité international qui renouvelle les priorités des deux pays. Les députés se prévalent de l’article 80 de la Constitution italienne aux termes duquel les accords ayant une « nature politique » doivent être soumis à la ratification du parlement.
[16]. An appeal has been lodged with the Italian Constitutional Court by several members of Parliament, invoking the non-observance of the powers of Parliament with regard to the ratification of treaties, on the subject of the Memorandum of Understanding on cooperation in the fields of development, illegal immigration, human trafficking and contraband, and on reinforcing the security of the borders between Libya and Italy, signed in Rome on 2 February 2017 by the President of the Italian Council and the President of the Council of the Government of National Reconciliation of the State of Libya. This agreement follows on from an earlier one of 2008, but according to the appealing MPs, constitutes an international treaty that sets new priorities for the two countries. The MPs cite Article 80 of the Italian Constitution according to which agreements of a “political nature” must be submitted to Parliament for ratification.