Dans son article consacré à la Guinée maritime, Pascal Rey s'interroge sur l'utilité qu'aurait ou que n'aurait pas la philosophie de John Rawls pour lire l'iniquité génératrice de durabilité du cas étudié. Faisant référence à un texte paru dans le premier numéro de Justice Spatiale / Spatial Justice, il nous donne à voir une situation qui mettrait à mal la contribution où je m'interrogeais sur l'universalisme rawlsien confronté à la diversité du réel. Il trouvera donc ici une réponse. Mais, avant d'avancer un point de vue répondant au sien, je voudrais souligner combien de tels échanges me paraissent fructueux et prometteurs pour la revue, et donc remercier Pascal Rey d'avoir accepté la publication de ces lignes. Justice Spatiale / Spatial Justice se veut être un lieu de débat. Que les conceptions de la justice soient diverses relève de l'évidence. Que chacune puisse se nourrir des discussions qu'elle soulève et des objections qui lui sont faites est chose excellente. Que la revue soit un lieu où de telles controverses trouvent leur place, voilà qui ajoute à sa raison d'être.
In his article on Coastal Guinea, Pascal Rey examines the usefulness of John Rawls’ philosophy in interpreting the sustainability-generating inequity of the case under study. Making reference to an article published in the first issue of Justice Spatiale / Spatial Justice, Rey offered criticism of the paper in which I examined Rawlsian universalism confronted with the diversity of reality. This article is a response to his criticism. At this stage, I would like to emphasise how fruitful and promising such exchanges are for the online review, and therefore I would like to thank Pascal Rey for his contribution. Justice Spatiale / Spatial Justice means to be a place for debate. The fact that the conceptions of justice are diverse is obvious. The fact that each conception gives rise to discussions and objections and feeds on these is an excellent thing. And the fact that the review is a place where such controversies are welcome adds to its raison d’être.
L'idée maîtresse de l'article de Pascal Rey se trouve résumée dans son titre : l'analyse d'une iniquité génératrice de durabilité. L'auteur défend l'idée d'un modèle d'organisation sociale qui tirerait sa légitimité de sa capacité à gérer efficacement et durablement le milieu. Reste à examiner l'affaire au regard de la justice.
The main idea of Rey’s article is summarised in the title: a sustainability-generating inequity. The author defends the idea of a social structure model drawing its legitimacy from its capacity to manage the environment efficiently and sustainably. However, the matter needs to be examined where justice is concerned.
Si l'on suit John Rawls, les critères qui identifient les situations comme justes ou comme injustes sont doubles. C'est d'abord le nécessaire respect de la liberté de chacun fondée sur l'égale valeur intrinsèque des personnes. Considérés comme des êtres rationnels, ou, pour reprendre les termes de John Rawls, des êtres moraux, les partenaires sociaux doivent bénéficier tous de conditions égales pour conduire leur existence et tenir leur rôle dans la société. De la compétition sociale résulteront des différences et des inégalités, et c'est alors le critère du maximin (l'optimisation des inégalités au bénéfice des plus modestes, c'est-à-dire la maximisation de la part de ceux qui ont le moins) qui dit si l'inégalité est juste ou injuste. Sur ces deux critères, il est évident que la société de la Guinée maritime est injuste, et c'est ce que Pascal Rey dit lui-même très explicitement dès le titre de sa contribution. L'injustice se trouve dans l'inégalité de départ : l'appartenance à tel ou tel lignage et la place occupée dans ce lignage déterminent ou conditionnent largement la position de chacun dans le jeu social et dans l'accès aux ressources. Le système contrevient au principe d'égalité des chances et prive les personnes de cette liberté essentielle qu'est pour chacun la capacité de définir et de mettre en œuvre son projet de vie. Quant aux inégalités dans l'accès à la terre, les tableaux fournis par l'article disent clairement que l'on est très loin de ce qui pourrait être considéré comme le maximin. Même s'il faut admettre que cet objectif peut difficilement être mesuré de façon indiscutable, on peut considérer que le maximin n'est pas atteint, ni même visé : la société de la Guinée maritime est donc injuste au regard des principes de la justice comme équité. Pascal Rey le dit. Le lecteur le suit dans cette appréciation.
On following Rawls, the criteria identifying situations as being fair or unfair are twofold. They concern at first the necessary respect of every person’s freedom, founded on the equal intrinsic value of people. Considered as rational beings or, in Rawls’ words, as moral beings, social partners must all benefit from equal conditions to live their life and play their role in society. While differences and inequalities result from social competition, the maximin criterion (i.e. inequality optimisation to the benefit of the poorest, or share maximisation of those who have the least) is what determines whether the inequality is fair or unfair. On the basis of these two criteria, it is obvious that Coastal Guinean society is unfair, which is what Rey already says very explicitly in the title of his paper. Unfairness is found in the initial inequality: membership to one lineage or another and one’s station within that lineage largely determine or influence an individual’s position in the social play and his/her access to resources. The system contravenes the principle of equality of chances, and deprives people from that essential freedom which consists in being able to define and implement one’s life plan. As to inequalities in accessing the land, the tables supplied in the article clearly show that we are very far from what could be perceived as the maximin. Even if one ought to recognise that this objective can hardly be measured in an undeniable manner, one can consider that the maximin is not reached or even targeted: therefore Coastal Guinean society is unfair where the principles of justice as fairness are concerned. Rey says so. The reader can follow him in this appreciation.
Sur quoi porte alors la controverse ? Sur le fait que cette iniquité serait une condition pour la durabilité environnementale. Qu'elle le soit, l'article le montre d'une façon convaincante. Qu'elle en acquière une légitimité morale parce qu'elle serait l'organisation sociale la plus efficace pour garantir cette durabilité, voilà, en revanche, qui est totalement contestable et qui est ici contesté. Dès le début, le ton est donné : il semble exister un lien, nous dit Pascal Rey, entre l'exercice d'un pouvoir coutumier fort, avec les inégalités qui en découlent, et la capacité de ces sociétés à assurer le contrôle des ponctions sur les ressources naturelles de leur territoire villageois. Et, un peu plus loin, on lit : alors que le développement est défini comme durable s'il est économiquement performant, environnementalement pérenne et socialement équitable, nous sommes en présence d'un système où la durabilité repose sur l'iniquité. Y a-t-il là quoi que ce soit qui puisse surprendre ? On a simplement une configuration où existe la durabilité, mais où n'existe pas le développement. Le défi serait précisément de trouver l'articulation entre les trois piliers du développement durable, l'économique, le social et l'environnemental. Le cas étudié en est loin et, plus grave, ne paraît pas comporter une dynamique qui chercherait à relever ce défi. Bien au contraire, il trouve dans la durabilité environnementale un argument pour conférer une légitimité à l'injustice sociale, outre qu'il s'inscrit dans une conception passéiste de l'environnement, plus attentive à garder l'existant qu'à inventer les relations homme/nature capables d'améliorer les conditions de vie du plus grand nombre et d'abord de ceux qui en ont le plus besoin. Or, il n'y a pas de développement sans anthropisation des écosytèmes, d'où l'impasse dans laquelle conduit toute attitude qui veut d'abord maintenir la nature en l'état. C'est sacraliser la nature en tant que telle bien au-delà des périmètres des bois sacrés. Pascal Rey nie l'idée d'un individu sacrifié au profit de la communauté. Pourtant, n'oublions pas que sacré a la même étymologie que sacrifice : est sacré ce pour quoi on accepte de se sacrifier ou de sacrifier les autres. N'est-ce pas exactement qui se passe à travers le respect de l'existant. En faisant du milieu supposé naturel un patrimoine à sauvegarder intact, on patrimonialise aussi l'injustice sociale et on sacrifie les plus modestes.
So, what is the controversy all about? It is about the fact that this form of inequity represents a condition for environmental sustainability, a fact which Rey’s article demonstrates convincingly. The fact that this form of inequity acquires moral legitimacy because it supposedly represents the most efficient social structure, as far as guaranteeing sustainability is concerned, is on the other hand entirely questionable, and this is what we dispute here. From the beginning, the tone is set: There seems to be a link, explains Rey, between the practice of powerful traditional authorities and the resulting inequalities, as well as the capacities of these societies to control the way natural resources are taken from their villages. And further on, one reads: while development is defined as sustainable if economically successful, environmentally perennial and socially equitable, we are in the presence of a system where sustainability, in this case environmental, social and economic sustainability, is based on inequity. Is anything the matter with these statements? They point to a configuration in which sustainability exists but development is omitted altogether. The specific challenge in this case is to find the link between the three pillars of sustainable development, i.e. the economic, social and environmental domains. The case under study is far from rising to this challenge and, more importantly, in no way does it point to taking it up. On the contrary, apart from being in line with a backward-looking conception of the environment, more attentive to keeping what already exists than to inventing man-nature relations capable of improving the living conditions of the majority and those who need it the most, in the case under study, environmental sustainability is used as an argument to confer some sort of legitimacy upon social injustice. Yet, there is no development without ecosystem anthropisation, whence the fact that any attitude seeking to first maintain nature as it was will lead to a dead end. In fact, adopting such an attitude is to regard nature as sacred. Rey denies the idea of individuals being sacrificed to the benefit of the community. Yet, let us not forget that ‘sacred’ has the same etymology as ‘sacrifice’: what is sacred is that for which we accept to sacrifice ourselves or to sacrifice others. Isn’t this exactly what happens when we respect what already exists? By making of what is supposed to be the natural environment, a heritage to be preserved intact, we also patrimonialise social injustice and we sacrifice the poorest.
Une telle durabilité n'a rien à voir avec le développement durable car elle est contraire à l'idée même de développement, lequel ne peut être sans comporter la dimension de la justice. Pour comprendre cette dernière, il faut confronter la structure sociale d'aujourd'hui au problème de la solidarité intergénérationnelle. Rejeter l'idée de sacrifier les générations futures au bénéfice des générations actuelles fait consensus. De même doit-on refuser de sacrifier les générations actuelles au bénéfice des générations futures, et encore plus refuser que le souci des générations futures soit l'habillage du sacrifice de certaines catégories des générations actuelles au bénéfice d'autres catégories de ces mêmes générations actuelles.
Sustainability in this case has nothing to do with sustainable development, because it is contrary to the actual idea of development which cannot exist without the justice dimension. To understand this dimension, we need to confront today’s social structure with the issue of intergenerational solidarity. There is consensus on rejecting the idea of sacrificing the future generations to the benefit of the current ones. Similarly, must we refuse to sacrifice the current generations to the benefit of the future ones, and even more so to refuse to accept that the concern of the future generations will be to portray the sacrifice of certain categories of current generations to the benefit of other categories of the same current generations?
Peut-être, une telle appréciation n'est-elle possible que si est tenu pour légitime le regard extérieur. Les membres d'une société globale, quelle qu'elle soit, n'ont pas la distance critique nécessaire pour juger d'une façon impartiale ni la logique du tout dont ils sont une partie, ni le sort particulier qui leur est fait. Certes, Pascal Rey note que l'iniquité établie est donc acceptée par tous tant que chacun y trouve un avantage. Mais, qu'on l'appelle aliénation ou autrement, le thème de la servitude volontaire renvoie à l'intériorisation des valeurs dominantes par ceux-là même qui en sont les victimes. Il s'ensuit la cohésion de la société globale. Mais, si elle consolide la durabilité du système parce qu'elle anesthésie la contestation interne, cette cohésion ne saurait a priori bénéficier d'une connotation positive. Une telle démarche conduit tout droit vers le communautarisme dont j'avais essayé précisément de montrer les dangers dans l'article auquel Pascal Rey fait référence. J'y développais l'idée que le respect des cultures et des identités ne doit pas contrevenir aux principes universels, ce qui suppose bien sûr que certains principes soient reconnus comme universels.
Perhaps, such appreciation is only possible if external viewpoints are regarded as legitimate: the members of any society do not possess the critical distance needed to make impartial judgments, nor do they possess the logic of the whole of which they are a part, nor do they know what particular fate awaits them. Admittedly, Rey notes that iniquity is accepted by everyone, as long as it is worth their while. But, whether we call it alienation or something else, voluntary constraint is the internalisation of dominant values by the actual victims of these values. This is followed by societal cohesion which could not benefit from a positive connotation, were it to consolidate the sustainability of the system because it anaesthetises internal disputes. Such an approach leads straight towards communitarianism, of which I specifically tried to show the risks in the article referred to by Rey. In that article, I developed the idea that respecting cultures and identities must not contravene universal principles, which of course supposes that certain principles be recognised as universal.
De cette observation, découlent deux conséquences. La première vise le danger que le communautarisme aboutisse à valider toutes les pratiques existant dans une communauté, dès lors qu'elles sont appréciées à l'aune seule des valeurs propres au groupe. Les pratiques seront en effet tenues pour justes si elles sont conformes aux usages de la communauté. N'y a-t-il pas alors contradiction à les qualifier d'injustes, ainsi que le fait Pascal Rey dans son analyse ? Cette qualification est faite par lui en référence aux principes rawlsiens, fût-ce pour mettre en évidence ce que ces principes auraient d'insuffisant puisque finalement l'iniquité de la configuration est tenue pour le garant de la durabilité du système. La seconde remarque souligne donc la nécessité d'un regard extérieur, mais maintenu jusqu'au terme de l'analyse. Dans le cas présent, cela consisterait à dire que l'iniquité est une modalité de la durabilité parmi d'autres modalités possibles, qu'elle est une modalité injuste contraire à l'idée de développement durable. Cela conduirait à reconnaître que le développement durable est d'abord un développement, c'est-à-dire une transformation. Certes, Pascal Rey affirme que le droit coutumier et les pratiques qui en découlent ne sont pas figées, mais le contexte montre clairement que la souplesse de la norme a pour objet la survie de la communauté, c'est-à-dire la permanence de ses valeurs fondamentales et de ses mécanismes de reproduction économique et sociale. S'inscrire dans la perspective d'un projet de société plus équitable conduirait à envisager la durabilité d'une façon dynamique et écarterait le scénario d'une durabilité limitée à la reproduction de l'existant.
Two consequences follow from this observation. The first targets the danger of seeing communitarianism succeeding in validating all the practices existing in a community, as soon as they are appreciated solely through values peculiar to the group. Indeed, practices will be considered fair if they are in conformity with community practices. Therefore, isn’t it contradictory to define them as unfair, as does Rey in his analysis in reference to Rawlsian principles (and which he does to highlight the insufficiency of these principles since, in the end, the iniquity of the configuration is considered as a guaranty of the sustainability of the system)? The second consequence highlights the need to keep an outside perspective right through to the end of the analysis. In this case, it would consists in saying that iniquity is a form of sustainability among other possible forms, that it is an unfair form and that it goes against the idea of sustainable development. This would lead to admitting that sustainable development is first of all a development, i.e. a transformation. Rey certainly declares that customary law and the practices resulting from it are not set in stone, but the context clearly shows that the flexibility of the norm aims at the survival of the community, i.e. the permanence of its fundamental values as well as economic and social reproduction mechanisms. Being in line with the perspective of a fairer society project would lead to a dynamic perception of sustainability and would rule out the scenario of sustainability limited to reproducing what exists already.
Il apparaît donc difficile de suivre Pascal Rey quand il écrit qu' à la considération de la pérennité des ressources, s'ajoute un souci de développement socio-économique de la communauté villageoise, pour la raison fondamentale que le système bride le développement au lieu de s'en faire le vecteur. De même, est-il difficile d'accepter la légitimité du pouvoir fort existant au motif qu'il permettrait seul une bonne gestion du fait de son emprise sur tout le territoire villageois qui lui permet d'avoir une vision globale de ce territoire comme une entité cohérente. Un pouvoir fort, au sens de pouvoir efficace, n'est pas nécessairement illégitime, bien entendu. Mais lui conférer une légitimité au motif qu'il assure la cohésion du groupe revient à refuser que soit interrogée la structure interne du groupe. N'est-ce pas finalement le tenir pour légitime parce qu'il est fort ?
We find it difficult to follow Rey when he writes that in addition to resource sustainability consideration, there is also a concern for the socio-economic development of the village community, for the fundamental reason that the system curbs development instead of conveying it. Similarly, is it difficult to accept the legitimacy of a strong authority on the grounds that, alone, it can manage successfully due to its hold over the territory of an entire village – a hold that enables that authority to view the village as a coherent entity? Of course, a strong – i.e. efficient – authority is not necessarily illegitimate. But conferring legitimacy to an authority on the grounds that it ensures the cohesion of the group, equates to refusing that the internal structure of the group be challenged. In the end, isn’t it the same as considering this authority as legitimate because it is strong?
Pascal Rey a raison de dire que le système prend en compte les intérêts de tous et que, tout inégalitaire qu'il soit, aucun ménage n'est laissé pour compte, ce qu'il confirme par cette information majeure : en Guinée Maritime, il n'y a pas de paysans sans terre. Soit, et tant mieux. Mais, qu'est-ce à dire sinon que le système n'est pas le pire et qu'il en existe d'autres plus injustes que lui ? Cela ne vaut pas démonstration que le système serait juste.
Rey is right in saying that the system takes into account the interests of all villagers and that, as inegalitarian as it is, no one is left out, which he confirms by saying: in Coastal Guinea, all farmers have access to land. All the better! However, what else can one say apart from the fact that the system is not the worst and other more unfair systems actually exist? This does not call for a demonstration to show that the system is, in fact, fair.
Ce qui gêne donc dans la démarche de Pascal Rey, c'est l'idée implicite que le système existant serait le moins mauvais possible et qu'il ne faudrait donc pas le modifier. Remettre en question les conceptions locales de la justice ne peut que dénaturer le système en place et créer un déséquilibre qui, au final, augmenterait les inégalités constitue une assertion irrecevable, qui nie la valeur transformatrice du déséquilibre, se réfère aux seules conceptions locales de la justice et renonce à l'universalisme. De même, ne peut être retenue sans examen l'idée qu'imposer des valeurs rawlsiennes dans le contexte qui nous concerne … semble avoir un effet opposé à celui escompté.
What is disturbing in Rey’s approach, is the implicit idea that the existing system is not the worst possible and that it does not need to be modified. “Questioning the local conceptions of justice could only alter the current system and create an imbalance which, in the end, would increase inequalities” constitutes an unacceptable assertion that denies the transformative value of imbalance, that refers solely to local conceptions of justice and that renounces universalism. By the same token, we cannot, without further examination, adopt the idea that imposing Rawlsian values in the Guinean context […] seems to have had the opposite effect to that expected.
Que des expériences malheureuses aient ailleurs, dans les alentours de Boffa, bousculé des ordres anciens et les aient remplacés par des systèmes encore plus injustes, doit évidemment être pris en compte d'une façon attentive. Mais, que prouvent-elles, sinon la capacité des dominants à consolider leur domination quand ils peuvent saisir une occasion pour ce faire ? Elles montrent que le changement n'est pas nécessairement positif. Elles ne démontrent pas pour autant la justice du statu quo. Elles suggèrent plutôt qu'une société où les puissants peuvent se saisir d'un choc exogène pour devenir encore plus puissants est une société profondément injuste.
The fact that unfortunate experiences around Boffa disrupted old orders and had them replaced by even more unfair systems, must of course be seriously taken into account. However, what do they prove, if not the ability of the dominant groups to consolidate their domination when they can seize the opportunity to do so? They show that change is not necessarily positive. They do not prove the justice of the status quo for all that. Rather, they suggest that a society in which the powerful can use an exogenous shock to become even more powerful, is a deeply unfair society.
On imagine l'objection qui sera faite à cette critique : le danger d'une analyse conduite avec des yeux extérieurs, indépendante des valeurs propres à la communauté et dépendante des valeurs que l'observateur tient pour justes, mais éventuellement particulières à son aire culturelle. C'est un risque dont il faut être très conscient. Mais, cela ne fait qu'ajouter à l'efficacité de la théorie rawlsienne, c'est-à-dire à la primeur de valeurs universelles sur les usages sociaux propres aux différents groupes et en fonction desquelles doivent être qualifiées sur le plan de l'éthique les configurations observées.
We can imagine the objection that will be raised in response to this criticism: the danger of an analysis made by an outsider, an analysis which is independent of the values specific to the community but dependent on values considered fair by the outsider, and possibly specific to his/her cultural environment. While this is a risk of which one must be very aware, it only adds to the efficiency of Rawlsian theory, i.e. to the exclusivity of universal values on social practices peculiar to different groups, and according to which the configurations observed must be qualified at the ethical level.