Justice spatiale et cartographie

Spatial Justice and Cartography

Compte tenu de la centralité acquise par la cartographie dans la gestion des affaires publiques, il semble important et nécessaire qu’une revue consacrée aux relations qui peuvent s’établir entre justice et espace dédie un numéro spécial aux liens entre justice spatiale et cartographie. Comme nous le savons, tout au long de l’histoire, la cartographie a non seulement joué un rôle central dans la construction de la discipline géographique, mais elle a été un élément structurant et constitutif des différents ordres sociaux, politiques et économiques dans le monde, quels que soient la région géographique ou le moment historique auxquels nous faisons référence.

Given the fact that cartography is currently on the focus of public affairs management, it becomes relevant and necessary that a journal devoted to justice-space relations issues a special edition about links between justice spatial and cartography. As we already know, throughout history cartography has not only played a central role in establishing geography as a discipline, but has also worked as a defining and constitutive element of different social, political and economic world orders, regardless of historical moments or geographical regions.

Les cartes ont été fondamentales dans l’imagination de l’univers, dans la représentation du monde et de ses frontières, ainsi que dans la construction des identités et des différentes formes d’altérité. Avec les grandes métropoles pour épicentre, les cartographies ont permis d’imaginer d’abord les empires et après les nations, de les enregistrer et de créer les structures sociospatiales nécessaires à leur expansion et consolidation. Dès l’origine, par leur nature même, les représentations graphiques, visuelles ou esthétiques de certains territoires ont contribué à inscrire, représenter, installer et établir certains rapports sociaux sur le territoire. Ces représentations peuvent naturellement être abordées, lues, interprétées et analysées sous l’angle des relations plus ou moins justes qui s’établissent entre elles.

Maps have been key to imagine the universe, represent the world and its borders, as well as to construct identity and the different forms of otherness. Taking the great European metropolises as their epicenter, cartographies have enabled to imagine empires, to record them and create the socio-spatial structures necessary for their expansion and consolidation. From the very beginning, and due to their own nature, the graphical, visual or aesthetic representations of some territories contributed to define, represent, put forward and consolidate certain social relations in territory. Such representations can, of course, be approached, read, interpreted and analyzed from the relationships that have developed, which can be more or less just or unjust.

Relier cartographie et justice spatiale peut alors devenir une tâche énorme, dans un vaste domaine sans frontières claires. Pour éviter cela et proposer plutôt un terrain de discussion solide et structuré, il est essentiel d’établir certains principes conceptuels et méthodologiques. Nous préconisons d’esquisser un champ capable de favoriser une problématisation plurielle et diversifiée qui contribue à construire une représentation actualisée des liens pouvant s’établir entre cartographie et justice spatiale.

Exploring the links between cartography and spatial justice can, however, become an unmanageable task because of the extension of the field and its blurred borders. To deal with it, we will set some conceptual and methodological principles and provide a more solid and structured ground for debate. We aim to outline a field that can foster a plural and diverse problematization that helps to build an updated representation of the links to be forged between cartography and spatial justice.

Tout d’abord, il nous faut caractériser la cartographie comme terrain d’étude et, pour cela, nous proposons de distinguer trois de ses dimensions. La première est de considérer la cartographie comme un ensemble de pratiques sociales et politiques, avec ses intérêts, ses épistémologies et ses objectifs. Nous parlons de « pratiques » pour rendre compte de la diversité des acteurs, des formats, des supports et des articulations qui se produisent autour de la cartographie. La deuxième dimension est de considérer la cartographie comme une discipline, c’est-à-dire comme l’ensemble systématique de concepts, de techniques, de technologies et de méthodologies de la production de représentations graphiques et visuelles de l’espace. Loin de l’idée d’une discipline déconnectée des contextes géographiques et historiques dans lesquels elle s’insère, nous proposons de penser la cartographie comme une discipline traversée d’intérêts, d’idéologies, d’objectifs et de relations de pouvoir. Pour la troisième dimension, nous pouvons considérer la cartographie comme un objet, c’est-à-dire comme cet ensemble de représentations spatiales vers lesquelles il est possible de se tourner aujourd’hui, comme une archive, pour l’interroger, l’analyser et l’interpréter de manière critique.

First of all, we will introduce our own definition of cartography and make a distinction of three of its dimensions. 1. It is important to consider cartography as a set of social and political practices having their own interests, epistemologies and objectives. We speak of “practices” to account for the diversity of actors, formats, media and articulations that occur around cartography. 2. We consider cartography as a discipline; it means as a systematic set of concepts, techniques, technologies, verified knowledge and methodological principles within the production of graphical and visual representations of space. Far from the idea of being unrelated to the geographical and historical contexts in which it is inserted, we encourage to think of it as a discipline that is crossed by conflicting interests, ideologies, objectives and purposes. 3. We understand cartography as an object, that’s it a set of spatial representations to which we resort to as an archive which can be questioned, analyzed and read critically.

Ces trois dimensions de la cartographie peuvent être interrogées sous différentes perspectives lorsqu’elles sont mises en dialogue avec la justice spatiale.

Considered along with spatial justice, these three dimensions of cartography can be approached to through different perspectives.

La première problématise l’ensemble de pratiques qui permettent de visualiser la dimension territoriale de questions telles que l’inégalité d’accès aux ressources, aux services ou aux biens, ainsi que la répartition inégale des impacts de certaines politiques et de certains processus sur de différents secteurs de la société. À travers des pratiques situées et concrètes, une grande diversité d’acteurs sociaux « conteste » et souligne l’apparente objectivité et neutralité des cartes pour masquer les intérêts en jeu, le caractère situé des savoirs cartographiques qu’elles cachent, et les postulats par lesquels elles stigmatisent certains corps, expériences et connaissances.

The first one has to do with the practices that allow us see the territorial dimension of situations like unequal access to resources and services and unequal distribution of the impacts that certain policies and processes have on particular sectors of society. Through in-situ and concrete practices, a wide variety of social actors are « contesting » and challenging the apparent objectivity and neutrality of maps to unveil the interests at stake, the situated nature of cartographic knowledge they hide and the preconceptions through which some experiences, bodies and knowledge are stigmatized.

Dans la deuxième perspective, nous plaçons les développements techniques et technologiques qui permettent, ou pas, l’émergence de représentations spatiales de la part de différents secteurs de la population. Les      différences de sexe, d’âge, d’identité culturelle ou de classe sociale jouent un rôle déterminant dans ces représentations. Cela est dû, par exemple, aux transformations engendrées dans le domaine de la cartographie par l’expansion exponentielle de la vulgarisation des logiciels, plateformes et outils des systèmes d’information géographique avec le potentiel de pluraliser les pratiques cartographiques. En effet, les avancées technologiques sont en train de définir un déplacement des lieux « officiels » de production cartographique, tels que les États, vers d’autres types d’acteurs tels que les entreprises privées, les organisations sociales et les médias, entre autres. Ainsi, l’accès de plus en plus généralisé aux formes de production cartographique redéfinit qui peut utiliser le pouvoir des cartes et met en question les anciens mécanismes d’autorité, de légitimité et de vérité. Néanmoins, on constate que les formes de production cartographique posent les bases techniques nécessaires à certaines formes de consommation, de subjectivité et de sensibilité qui semblent avoir la capacité de neutraliser le pouvoir politique de cette pluralité et de limiter les possibilités d’action et de pensée larges et transversales.

The second dimension relates to the way some technical and technological advances allow different sectors of the population to make certain spatial representations. Genders, ages, cultural identities or social classes differences play a determinant role in those representations. This is connected to the changes suffered by cartography due to the exponential expansion in the production and use of cartographic representations and to Geographic Information Systems tools becoming popular. Technological advances are indeed configuring a displacement of the « official » places where cartography was produced from States towards other types of actors such as private companies, social organizations or the media. Thus, the increasingly widespread access to forms of cartographic production is redefining who can use the power of maps, displacing the old mechanisms of authority, legitimacy and truth contributing, therefore, to greater plurality. However, cartographic production lays the necessary technical bases for specific forms of consumption, subjectivity and sensitivity that seem to have the ability to neutralize the political power of such plurality, limiting the possibilities of broad and transversal action and thought.

La troisième perspective de questionnement des cartographies à partir du champ problématique de la justice spatiale est liée aux procédures par lesquelles ces représentations ont été imaginées, conçues et produites. Nous nous intéressons aux recherches visant à documenter et à analyser les manières dont les cartes sont produites, principalement dans le cadre de procès et d’affaires publiques. Plus précisément, dans le cadre de procès et d’affaires publiques, nous voulons étudier quelles instances d’interaction, avec quels types de relations de pouvoir et quelles stratégies de participation des acteurs, sont mises en place. Compte tenu également du fait que la carte est un outil fondamental dans la production de l’espace, tant en contexte urbain que rural, il est essentiel de comprendre plus précisément comment son utilisation permet ou pas une utilisation plus ou moins juste, équilibrée, démocratique et plurielle d’un territoire donné. Dans une attitude interprétative et analytique, nous nous intéressons aux contributions qui interrogent les raisons pour lesquelles une carte a été réalisée ou qui la pensent comme le résultat d’un processus faisant intervenir plusieurs acteurs, intérêts et techniques. Ces différents objectifs déterminent la manière dont chaque représentation utilise le langage cartographique tout au long du processus de création. Cela comprend des expérimentations créatives avec des données spatiales, des formats numériques interactifs ainsi que différentes échelles d’analyse et de représentation. La carte en tant qu’objet peut également être analysée dans ses interactions ; c’est-à-dire se concentrer sur l’analyse des circuits par lesquels circulent ces représentations. À ce stade, nous nous intéressons particulièrement aux recherches et aux études de cas qui montrent comment les cartographies sont utilisées comme outil de plaidoyer, de visibilité et d’action dans des domaines tels que la justice, la muséographie et l’art ainsi que les politiques publiques et les débats sur le développement.

The third dimension about questioning cartographies from the problematic field of spatial justice considers the procedures through which cartographies were imagined, designed and produced. We are interested in researches aimed at documenting and analyzing the ways in which maps are produced, mainly in the context of trials and public affairs. In the context of trials and public affairs, more precisely, we want to study which instances of interaction, with which types of power relations and which strategies of participation of the actors, are put in place. Also taking into account that the map is a fundamental tool in the production of space, both in urban and rural contexts, it is essential to understand more precisely how its use allows or not a more or less fair, balanced, democratic and plural use of a given territory. With an interpretative and analytical approach, we are interested in contributions that question the reasons why a map was made or that consider it as the result of a process involving several actors, interests and techniques. These different objectives determine how each representation employs cartographic language throughout the whole process, which includes creative testing with spatial data, interactive digital formats and different levels of analysis and representation. Maps as objects can also be assessed according to their interactions, that is by focusing on the circuits through which these representations move. At this point, we are particularly interested in research and case studies that show how cartographies are used as a tool for advocacy, visibility and forensic action in judicial, museography and artistic fields but also for public policies and debates on development.

Sans chercher à aborder l’ensemble de la diversité des aspects que peut impliquer un dialogue entre cartographie et justice spatiale, nous souhaitons dans ce numéro au moins tracer une feuille de route pour sa problématisation.

We do not intend to cover the array of aspects that may involve a dialogue between cartography and spatial justice. In this issue, we wish to at least outline a roadmap for its problematization:

Thèmes directeurs de ce numéro :

Guiding themes of this issue:

Axe 1. Pratiques qui permettent de visualiser, de problématiser ou d’interroger des situations d’injustice spatiale

Axis 1. Practices that allow for visualizing, problematizing or questioning spatial injustice situations

-Différentes expériences cartographiques élaborées pour la promotion de la justice spatiale.

– Cartographic experiences that promote spatial justice from different purposes and social processes.

- Expériences dans le développement de cartographies qui dialoguent avec les processus judiciaires ou avec les médias de masse ou communautaires.

– Experiences about cartographies development that relate to judicial processes or mass or community media.

- Problématisations des cartographies hégémoniques comme outil d’injustice ou de justice spatiale.

– Problematizations of hegemonic cartographies as a tool for social justice.

- Processus cartographiques communautaires de résistance et de récupération des mémoires collectives.

– Community cartographic processes of resistance and recovery of collective memories.

Axe 2. Cartographie et justice spatiale, un lien en transformation permanente

Axis 2. Cartography and spatial justice: conceptual openings and methodological innovation and socio-territorial disputes

- Des contestations dans la notion même de manière d’appréhender la cartographie, notamment à travers des tournants ontologiques, indigènes, queers ou des mobilités.

– Disputes in the way of understanding cartography itself, especially through ontological, indigenous, queer, relational or mobility shifts.

- Développements conceptuels autour de la cartographie en relation avec l’injustice ou la justice spatiale.

– Conceptual developments around cartography in relation to spatial (in)justice.

- Innovations méthodologiques et technologiques dans l’utilisation de la cartographie contre les injustices spatiales.

– Methodological and technological innovations in using cartography against spatial injustices.

- Effets des systèmes d’information géographique dans la visualisation de cas d’injustices spatiales à différentes échelles.

– Effects and potential uses of Geographic Information Systems at different levels.

Axe 3. Les cartographies comme objets, récits et représentations

Axis 3. Cartographies as objects, narratives and representations

- Des cartographies qui ont contribué à mettre en évidence des relations d’injustice sociospatiale.

– Cartographies that contributed to highlight socio-spatial injustice relations.

- Circuits de la circulation des cartes à différentes échelles comme stratégie politique.

– Circuits in the distribution of maps at different levels.

- Analyse mettant en évidence les effets performatifs de la production et de la circulation de certaines productions cartographiques.

– Analyses that highlight the performative effects of producing and disseminating certain cartographic productions.

Cette proposition est construite sur les expériences des membres de l’équipe de coordination. Situées sous différentes latitudes et à différentes échelles, elles articulent des champs académiques, des réseaux collaboratifs nationaux et internationaux, des recherches participatives aussi bien que des interventions dans le champ juridique et le débat public. Nous valorisons le processus et le résultat, nous sommes motivé·e·s par l’objectif de construire un champ de débat et de développement académique.

This special edition is based on the experiences of the proposing team’s members. Located in different latitudes and in different positions, these experiences combine academic fields, collaborative networks, participatory research, legal aspects and public debate. We value the process and the result, and we are driven by the goal of opening academic debate and development

Consignes aux auteur·e·s

Instructions for authors

Les articles en français et en espagnol (7 000 mots maximum ; bibliographie et résumé compris) ou en anglais (6 000 mots maximum ; bibliographie et résumé compris) doivent être adressés à la revue ainsi qu’à l’équipe de coordination du numéro (adresses ci-dessous).

Articles in French or Spanish (7,000 words maximum; bibliography and abstract included) or in English (6,000 words maximum; bibliography and abstract included) should be sent to the journal and to the issue coordination team (addresses below).

La revue accepte les soumissions d’articles en anglais, espagnol ou français.

The journal accepts submissions of articles in English, French or Spanish.

Les auteurs et autrices doivent envoyer leurs articles complets aux coordinateurs et coordinatrices du dossier thématique avant le 31 mars 2025. La parution est à prévoir en 2026.

Authors should send their complete articles to the thematic issue coordinators by March 31, 2025. Publication is expected in 2026.

Justice spatiale | Spatial Justice est une revue bilingue à comité de lecture. Les articles peuvent être soumis en anglais, espagnol ou français. Ils peuvent se fonder sur une étude de cas ou offrir une perspective plus théorique. La revue utilise une évaluation en double aveugle, ce qui implique que tous les articles sont évalués anonymement. Veuillez respecter les recommandations aux auteurs et autrices disponibles en ligne sur le site de la revue : http://www.jssj.org/recommandations-aux-auteurs/.

Justice spatiale | Spatial Justice is a bilingual peer-reviewed journal. Articles may be based on a case study or offer a more theoretical perspective. The journal uses a double-blind review, which means that all articles are reviewed anonymously. Please follow the recommendations for authors available online on the journal website: http://www.jssj.org/recommandations-aux-auteurs/.

Les auteurs et autrices s’interrogeant sur la pertinence de leur proposition peuvent contacter l’équipe de coordination du dossier.

Authors who have questions about the relevance of their proposal can contact the dossier coordination team.

Équipe de coordination et contacts

Special Issue coordinators

Carlos Salamanca Villamizar : CONICET-institut de Géographie de l’université de Buenos Aires ; directeur du diplôme Pratiques cartographiques en Amérique latine, Université Nationale de Rosario, Argentine, Université Javeriana, Colombie.

Carlos Salamanca Villamizar: CONICET- Geography Institute of the University of Buenos Aires, Head of cartographic practices in Latin America diploma. National University of Rosario, Argentina, Javeriana University, Colombia.

Nuria Benach Rovira : professeure de géographie à l’université de Barcelone ; membre du groupe Espais Critics.

Nuria Benach Rovira: Professor of Geography at the University of Barcelona. Member of Espais Crítics group.

Nuria Font Casaseca : chercheuse postdoctorale à l’université Pompeu Fabra ; professeure associée à l’université de Barcelone ; membre du groupe Espais Critics

Nuria Font Casaneca: Postdoctoral researcher at Pompeu Fabra University and Associate Professor at the University of Barcelona. Member of Espais Crítics group.

Manuel Bayón : chercheur au Colegio de México ; doctorant au Karlsruhe Institute of Technology ; membre du Collectif de géographie critique de l’Équateur (Colectivo de Geografía Crítica del Ecuador).

Manuel Bayón: Researcher at the College of Mexico, PhD at the Karlsruhe Institute of Technology, member of the Critical Geography Collective of Ecuador.

 

Versión en castellano

Dada la centralidad que presenta actualmente la cartografía en la gestión de los asuntos públicos, parece importante y necesario que una revista dedicada a las relaciones entre justicia y espacio dedique un número especial a los vínculos entre justicia espacial y cartografía. Como sabemos, a lo largo de la historia, la cartografía no solo ha ocupado un rol central en la construcción de la disciplina geográfica, sino que ha sido un elemento estructurante y constitutivo de distintos órdenes sociales, políticos y económicos en el mundo, sin importar el momento histórico o la región geográfica a la que nos refiramos.

Los mapas fueron fundamentales en la imaginación del universo, en la representación del mundo y sus fronteras, así como en la construcción de la identidad y de las distintas formas de alteridad. Teniendo como epicentro las grandes metrópolis europeas, las cartografías permitieron imaginar imperios, registrarlos y crear las estructuras socio-espaciales necesarias para su expansión y consolidación. Desde su principio mismo, por su propia naturaleza, las representaciones gráficas, visuales o estéticas de determinados territorios contribuyeron a delimitar, representar, instalar y establecer determinadas relaciones sociales en el territorio. Dichas representaciones, naturalmente, pueden ser abordadas, leídas, interpretadas y analizadas desde la perspectiva de las relaciones más o menos justas o injustas que se establecieron en ellos.

Vincular la cartografía con la justicia espacial puede convertirse, sin embargo, en una tarea inabarcable, en un campo muy extenso y sin fronteras claras. Para evitarlo, y proponer más bien un terreno de discusión sólido y estructurado, estableceremos ciertos principios de orden conceptual y metodológico. Nos proponemos delinear un campo susceptible de alentar una problematización plural y diversa que contribuya a construir una representación actualizada de los vínculos que pueden establecerse entre la cartografía y la justicia espacial.

El primer paso es entonces caracterizar la cartografía como terreno de estudios y, para esto, nos proponemos distinguir tres de sus dimensiones. La primera de ellas es considerar la cartografía como conjunto de prácticas sociales y políticas, con sus intereses, epistemologías y objetivos. Hablamos de “prácticas” para dar cuenta de la diversidad de actores, formatos, soportes, y articulaciones que se producen en torno a la cartografía. La segunda dimensión tiene que ver con considerar la cartografía como una disciplina, es decir, como el conjunto sistemático de conceptos, técnicas, tecnologías, conocimientos verificados y principios metodológicos en la producción de representaciones gráficas y visuales del espacio. Lejos de la idea de una disciplina desconectada de los contextos geográficos e históricos en los que se inserta, invitamos a pensar la cartografía como disciplina atravesada por intereses, ideologías, objetivos y relaciones de poder. En tercer lugar, podemos pensar en la cartografía como objeto, es decir, como un conjunto de representaciones espaciales al que podemos acudir hoy, como a un archivo, para interrogarlo, analizarlo y leerlo críticamente.

Puestas en diálogo con la justicia espacial, estas tres dimensiones de la cartografía pueden interrogarse a través de distintas perspectivas.

La primera problematiza el conjunto de prácticas que permiten visualizar la dimensión territorial de cuestiones como el acceso desigual a los recursos, a los servicios, al igual que el reparto inequitativo de los impactos de determinadas políticas y procesos sobre determinados sectores de la sociedad. A través de prácticas situadas y concretas, una gran diversidad de actores sociales está “contestando” y tensionando la aparente objetividad y neutralidad de los mapas para ocultar los intereses en juego, el carácter situado del conocimiento cartográfico que ocultan y los presupuestos a través de los cuales estigmatizan determinadas experiencias, cuerpos y conocimientos.

En la segunda dimensión, ubicamos los avances técnicos y tecnológicos que permiten o no la emergencia de determinadas representaciones espaciales por parte de distintos sectores de la población. Las diferencias de género, edad, identidad cultural o clase social juegan un rol determinante en estas representaciones. Esto se debe, por ejemplo, a las transformaciones generadas en el ámbito de la cartografía por efecto de la ampliación exponencial en la producción y uso de representaciones cartográficas y la popularización de herramientas de los Sistemas de Información Geográfica con el potencial de pluralizar las prácticas cartográficas. En efecto, los avances tecnológicos están redefiniendo los lugares “oficiales” de producción de cartografías desde los Estados hacia otro tipo de actores como empresas privadas, organizaciones sociales o medios de comunicación. Así, el acceso cada vez más generalizado a las formas de producción cartográfica está redefiniendo quién puede utilizar el poder de los mapas y cuestionando los viejos mecanismos de autoridad, legitimidad y verdad. Sin embargo, reconocemos que las formas de producción cartográfica sientan las bases técnicas necesarias para determinadas formas de consumo, subjetividad y sensibilidad que parecen tener la capacidad de neutralizar la potencia política de aquella pluralidad y de limitar las posibilidades de una acción y un pensamiento amplio y transversal.

Un tercer eje de interrogación de las cartografías desde la perspectiva de la justicia espacial es el relacionado con los procedimientos a través de los cuales, dichas representaciones fueron imaginadas, diseñadas y producidas. Nos interesamos en las investigaciones destinadas a documentar y analizar las formas en que se producen los mapas, principalmente en el contexto de procesos judiciales y asuntos públicos. Más precisamente, queremos estudiar qué instancias de interacción, con qué tipos de relaciones de poder y qué estrategias de participación de los actores se ponen en marcha. Teniendo en cuenta también que el mapa es una herramienta fundamental en la producción del espacio, tanto en contextos urbanos como rurales, es fundamental comprender con mayor precisión cómo su uso permite o no un uso más o menos justo, equilibrado, democrático y plural de un territorio determinado. Con una actitud interpretativa y analítica, nos interesan contribuciones que se interroguen las razones por las cuáles un mapa ha sido producido, o que lo piensan como el resultado de un proceso en el que intervienen varios actores, intereses y técnicas. Estos distintos objetivos determinan cómo cada representación utiliza el lenguaje cartográfico a lo largo de todo el proceso de creación. Esto incluye experimentaciones creativas con los datos espaciales, formatos digitales interactivos, así como distintas escalas de análisis y representación. El mapa como objeto también puede ser analizado en sus interacciones; esto es, deteniéndonos en el análisis de los circuitos por medio de los cuales dichas representaciones circulan. En este punto, nos interesan particularmente investigaciones y estudios de caso que den cuenta de cómo las cartografías son utilizadas como herramienta de advocacy, visibilidad y acción en ámbitos como los judiciales, los museográficos y artísticos, y el de las políticas públicas y los debates sobre el desarrollo.

Sin pretender cubrir la gran diversidad de aspectos que pueden involucrar un diálogo entre la cartografía y la justicia espacial, proponemos en este número al menos delinear una hoja de ruta para su problematización:

Eje 1. Prácticas que permiten visualizar, problematizar o cuestionar situaciones de injusticia espacial

- Experiencias cartográficas para la promoción de la justicia espacial, desde distintas finalidades y procesos sociales.

- Experiencias de desarrollo de cartografías que dialogan con los procesos judiciales o con los medios de comunicación masivos o comunitarios.

- Problematizaciones de las cartografías hegemónicas como herramienta para la justicia social.

- Procesos cartográficos comunitarios de resistencia y recuperación de las memorias colectivas.

Eje 2. La cartografía y la justicia espacial: un vínculo en transformación permanente

- Disputas en la propia forma de entender la cartografía, especialmente a través de los giros ontológicos, indígenas, queer, relacional o de las movilidades.

- Desarrollos conceptuales alrededor de la cartografía en relación con las (in)justicias espaciales.

- Innovaciones metodológicas y tecnológicas en el uso de las cartografías contra las injusticias espaciales.

- Efectos y potencialidades de los Sistemas de Información Geográfica a distintas escalas.

Eje 3. Cartografías como objetos, narrativas y representaciones

- Cartografías que contribuyeron a poner en evidencia relaciones de injusticia socio-espacial.

- Circuitos en la circulación de mapas a diferentes escalas.

- Análisis que pongan en evidencia los efectos performativos de la producción y circulación de determinadas producciones cartográficas.

Este número especial se construye sobre las experiencias de los integrantes del equipo proponente. Situadas en diferentes latitudes y a diferentes escalas, estas experiencias articulan los ámbitos académicos, las redes colaborativas, la investigación participativa, el campo jurídico y el debate público. Valoramos el proceso y el resultado, nos impulsa el propósito de construir un campo de debate y desarrollo académico.

Instrucciones para autor@s

Los artículos en francés o español (7.000 palabras máximo; bibliografía y resumen incluidos) o en inglés (6.000 palabras máximo; bibliografía y resumen incluidos) deben enviarse a la revista así como al equipo de coordinación del número (direcciones abajo).

La revista acepta el envío de artículos en español, francés o inglés.

Los autores y autoras deberán enviar sus artículos completos a los coordinadores del número temático antes del 31 de marzo de 2025. La publicación está prevista para 2026.

Justice spatiale | Spatial Justice es una revista bilingüe revisada por pares. Los artículos pueden basarse en un estudio de caso u ofrecer una perspectiva más teórica. La revista utiliza revisión doble ciego, lo que implica que todos los artículos se revisan de forma anónima. Respete por favor las recomendaciones para autores que están disponibles en línea en el sitio web de la revista: http://www.jssj.org/recommandations-aux-auteurs/.

Los autores y autoras que tengan dudas sobre la pertinencia de su propuesta pueden contactar con el equipo de coordinación del número especial.

Equipo de coordinación y contactos

Carlos Salamanca Villamizar: CONICET-Instituto de Geografía de la Universidad de Buenos Aires. Director de la Diplomatura Prácticas Cartográficas en América Latina, Universidad Nacional de Rosario (Argentina) - Universidad Javeriana (Cali, Colombia).

Nuria Benach Rovira: profesora de Geografía en la Universidad de Barcelona, integrante del grupo Espais Crítics.

Nuria Font Casaneca: investigadora postdoctoral en la Universidad Pompeu Fabra y Profesora Asociada en la Universidad de Barcelona, miembro del grupo Espais Crítics.

Manuel Bayón: investigador en el Colegio de México, doctorando en el Karlsruhe Institute of Technology, parte del Colectivo de Geografía Crítica del Ecuador

 

Les propositions d'article sont à envoyer
pour le 31 mars 2025 à

Submit your articles
before March 31, 2025 to

Bibliographie

References

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