Néolibéralisme de province : un cas d’étude

Provincial Neoliberalism: A Case Study

1. L’impact du néolibéralisme sur la ville

1. Neoliberalism’s impact on the city

Au cours de la dernière décennie, le fossé s’est creusé de manière patente entre les politiques socioéconomiques actuelles et la doctrine néolibérale originale. Les formules utopiques de Hayek (1960) ou de Friedman (1962) prônaient un retrait quasi total de l’État pour laisser agir les mécanismes dits vertueux du libre marché. Or la gouvernementalité du libéralisme avancé (Hindess, 2008 ; Miller, Rose, 2008) est tout sauf un laissez-faire : à tous les niveaux de gouvernement, de celui de l’individu (Ong, 2006 ; Nadesan, 2008) jusqu’à celui de l’échelle globale (Larner, Walters, 2008), elle met en œuvre une série de processus réglementaires, de dispositifs de sécurité (Foucault, 2004), de formes d’interventionnisme, tournés vers la marchandisation de toutes les sphères sociales.

Over the last decade, the distance between current socio-economic policies and the original neoliberal doctrine has become increasingly obvious. The utopian formulas of Hayek (1960) and Friedman (1962) called for a near total withdrawal of the State to allow the virtuous mechanisms of the free market to work. However, the governmentality of advanced liberalism (Hindess, 2008; Miller, Rose, 2008) is everything but laissez-faire. At every level of government – from the individual (Ong, 2006; Nadesan, 2008) to the global (Larner, Walters, 2008) – it implements a series of regulatory processes, security devices (Foucault, 2004), and interventionisms directed toward the marketing of every social sphere.

L’attention s’est focalisée sur les transformations de la ville néolibérale pour deux raisons principales :

Attention was focussed on the transformations of the neoliberal city for two main reasons:

La première concerne l’importance politique que les principaux pays européens ont accordé au contexte urbain en adoptant une série de réformes (Le Galès, 2011 ; Di Gaetano, Storm, 2003). Dans le cadre de la redéfinition des responsabilités entre les gouvernements nationaux, supranationaux et locaux, ces réformes ont rendu plus visible et frappant le lien entre la gouvernance urbaine et la population. En outre, les infrastructures institutionnelles des gouvernements locaux ont été restructurées dans le but de promouvoir l’intégration entre les activités de l’administration publique et le capital privé. L’accent a été mis sur les processus de gouvernance urbaine engageant une série de restructurations du pouvoir qui visent à construire de nouvelles modalités gouvernementales, communément appelées réseaux, dotés au niveau local, de leurs propres centres névralgiques, leurs destinataires et leurs propres mécanismes de légitimation. Les villes deviennent ainsi des laboratoires pour des modèles de développement endogène fondés sur la mobilisation et l’empowerment de toutes les ressources présentes. Ces évolutions ont été considérées par Harvey (1989b) comme un passage du managerialisme à l’entrepreneurialisme urbain qui marque la nécessité pour les villes d’agir comme des entrepreneurs compétitifs afin d’attirer des capitaux privés, des investissements, des touristes et de nouveaux habitants.

The first concerns the political importance that the main European countries have placed on the urban context by adopting an entire series of reforms (Le Galès, 2011; Di Gaetano, Storm, 2003). In a context of redefining responsibilities among national, supranational and local governments, these reforms made the link between urban governance and the population more widely visible and striking. Moreover, the institutional infrastructures of local governments were restructured for the purpose of promoting the integration of government activities and private capital. The emphasis placed on the urban governance processes summarizes a string of power restructurings aimed at creating new government procedures, commonly called networks, having their own local nerve centres, recipients and legitimization mechanisms. The cities thus become laboratories for endogenous development models based on the mobilization and empowerment of all existing resources. Harvey (1989b) deemed these aspects to be the passage from managerialism to urban entrepreneurialism and that they stress the necessity for cities to act like competitive entrepreneurs in order to attract private capital, investments, tourists and new residents.

La seconde raison est interne aux sciences sociales. Elle provient du constat que la fin de la période fordiste et keynésienne n’a pas correspondu à un paradigme socio-économique homogène mais plutôt à une longue phase de restructurations instables, variées et contradictoires (Amin, 1994 ; Jessop, 2002a ; Peck, 2010 ; Brenner, Peck, Theodore, 2010). Parallèlement à la destruction progressive des structures keynésiennes, à partir des années quatre-vingt-dix, a commencé une phase plus proprement créative du néolibéralisme. Cette période a conduit à une série de tentatives visant à affirmer les logiques du marché, aussi bien qu’à en limiter les défaillances éventuelles et les conséquences sociales et économiques insoutenables. L’espace urbain joue un rôle fondamental comme théâtre privilégié des changements en cours : les villes deviennent les « arènes » des projets politiques néolibéraux (Brenner et Theodore, 2002) et acquièrent, en même temps, une fonction prépondérante dans la reproduction des processus de néolibéralisation (Peck et Tickell, 2002).

The second group of reasons, found in the social sciences, comes from the observation that the end of Keynesian Fordism did not correspond to a homogeneous socio-economic paradigm but rather to a long phase of unstable, varied and contradictory restructurings (Amin, 1994; Jessop, 2002; Peck, 2010; Brenner, Peck, Theodore, 2010). Parallel to the gradual destruction of Keynesian structures, in the 1990s a more distinctively creative phase of neoliberalism began. This period led to a string of attempts aiming to affirm market logics, as well as to limit its potential failings and the unsustainable social and economic consequences. The urban space plays a fundamental role as the preferred theatre of the changes in progress. The cities become the “arenas” of neoliberal political plans (Brenner, Theodore, 2002) and at the same time acquire a prominent function in the reproduction of neoliberalization processes (Peck, Tickell, 2002).

Dans son impact sur la ville, le néolibéralisme révèle ses capacités métamorphiques et son pouvoir d’adaptation à des contextes socio-économiques et institutionnels spécifiques (Brenner, Peck, Theodore, 2009 et 2011), ainsi que sa capacité à coexister facilement avec d’autres idéaux-typiques de gouvernement : le néo-autoritarisme, le néo-communautarisme, le néo-étatisme, etc. (Jessop, 2002b ; Krinsky, 2007). Les transformations urbaines ne sont pas le simple effet d’une unique formule centrée sur la spontanéité du marché. Elles dépendent fortement du contexte dans lequel elles s’inscrivent et dont elles reflètent les spécificités. Mais elles reflètent aussi les conflits et les compromis mis en œuvre pour garantir un climat favorable aux capitaux privés. Les transitions entre les structures héritées et les stratégies actuelles de régulation représentent donc des moments fondamentaux pour l’étude de l’enracinement et de la territorialisation des préceptes néolibéraux (Brenner et Theodore, 2002b ; Peck et Tickell, 2002).

Neoliberalism’s impact on the city reveals its metamorphic abilities and its power to adapt to specific socio-economic and institutional contexts (Brenner et al., 2009, 2011), as well as its easy coexistence with other main government ideal types: neo-authoritarianism, neo-communitarianism, neo-stateism, etc. (Jessop, 2002b; Krinsky, 2007). Urban transformations are not the mere effect of a single formula focussed on market spontaneity. Rather, they have a strong dependence on the context whose specificities they reflect, but also the conflicts and compromises implemented to guarantee a favourable climate for private capital. The transitions between the structures inherited from the past and present-day regulatory strategies are thus essential to studying how neoliberal precepts took root and its territorialization (Brenner and Theodore, 2002b; Peck and Tickell, 2002).

Malgré la variété des pratiques néolibérales, on peut trouver des dénominateurs communs à ce processus : en premier lieu le démantèlement progressif des agences publiques chargées de répondre aux besoins sociaux et de fournir des services à la collectivité (Colombo, 2013) ; l’augmentation des dispositifs de contrôle et de surveillance des espaces avec comme conséquence une polarisation socio-spatiale accrue (Davis, 1990) ; la managérialisation des institutions, concomitante du développement d’agences hybrides publiques-privées pour la gestion des services (Clarke, 2004) et enfin la réduction progressive des espaces publics, érodés par la spéculation immobilière (Palidda, 2011).

Despite the variety of neoliberal practices, common denominators can be found; first, the gradual dismantling of public agencies responsible for fulfilling social needs and providing services to the community (Colombo, 2013); the increase in devices for the monitoring and surveillance of spaces resulting in socio-spatial polarization (Davis, 1990); the managerialization of institutions along with the development of hybrid public-private agencies for managing services (Clarke, 2004) and finally, the gradual reduction of public spaces, eroded by real estate speculation (Palidda, 2011).

Le rôle des agents économiques privés devient central : leurs investissements sont considérés comme le moteur nécessaire au développement de la ville. En dépit du non interventionnisme étatique professé par les théories néolibérales, les acteurs privés ont bénéficié au niveau local du soutien politique et économique des gouvernements du capitalisme avancé, tout comme ce fut le cas dans la finance mondiale (Harvey, 2005, 2006 ; Saad-Filho, Johnston, 2005 ; Howard, King, 2008 ; Gallino, 2011).

The role of private economic agents becomes central. Their investments are considered the driving force necessary to the city’s development. Despite the state non-interventionism professed by neoliberal theories, private actors at every level of government and in world finance alike, have benefited from advanced capitalist governments’ political and economic support (Harvey, 2005, 2006; Saad-Filho, Johnston, 2005; Howard, King, 2008; Gallino, 2011).

Le paysage urbain qui en dérive est fragmenté et chaotique. Le développement de la ville est sans lien avec la planification et dépend plutôt des choix des investisseurs (Dear, Flusty, 1998). Le plan de la ville devient un ensemble de lieux indépendants : un « archipel » d’espaces (Soja, 2000), socialement homogènes et contrôlés, tels que les gated communities, les parcs à thème ou les quartiers gentrifiés, nouveaux symboles des inégalités sociales.

The resulting urban landscape is fragmented and chaotic. The city’s development has no link with planning and instead depends on the fortuitous choices of investors (Dear, Flusty, 1998). The city’s plan becomes a collection of independent places, an “archipelago” of spaces (Soja, 2000), socially homogeneous and controlled, such as gated communities, theme parks and gentrified neighbourhoods – the new symbols of social inequalities.

 

 

2. Une ville de province comme cas d’étude

2. A provincial city as a case study

La plupart des études récentes ont mis l’accent sur la pénétration du néolibéralisme dans les grands centres urbains. Toutefois, il est également utile d’enquêter sur des espaces de dimensions plus réduites, en particulier dans le contexte européen qui a historiquement privilégié une urbanisation de villes petites et moyennes (Mumford, 1961). Le cas italien est paradigmatique : selon les résultats provisoires du recensement 2011, seulement 11,78% de la population habite dans des villes de plus de 500 000 habitants (données ISTAT ; demo.istat.it). Les territoires urbains qui dominent dans l’économie mondiale et qui arrivent à rivaliser pour la division spatiale du travail et de la consommation, ainsi que pour la redistribution des ressources et des fonctions de commandement (Harvey, 1985) ne sont certainement pas les seuls intéressés par les logiques néolibérales. Même les plus petits centres urbains souffrent de l’influence des « mantras » de la privatisation et de la déréglementation (Harvey, 2000 : 176) et ils doivent se réinventer suite à la réduction des transferts monétaires provenant de l’État et à la redéfinition des responsabilités et des tâches gouvernementales.

Most of the recent studies have emphasized neoliberalism’s penetration of major urban centres. However, it is also useful to investigate smaller spaces, particularly in the European context, which has historically favoured urban planning based on small and medium-sized cities (Mumford, 1961). Italy can serve as a paradigm. According to the preliminary results of the 2011 census, only 11.78% of the population lives in cities with a population greater than 500,000 (Data ISTAT; demo.istat.it). The urban territories that dominate in the world economy, competing for the spatial division of work and consumption as well as for the redistribution of resources and command functions (Harvey, 1985) are certainly not the only ones interested in neoliberal logics. Even the smallest urban centres suffer from the influence of the “mantras” privatization and deregulation (Harvey, 2000: 176) and they must reinvent themselves following the reduction of monetary transfers coming from the state and greater government responsibilities and tasks.

Au niveau local, l’une des principales caractéristiques du cadre de légitimation des pratiques néolibérales consiste à attribuer les transformations socioéconomiques à des phénomènes macro et exogènes tels que la mondialisation, la délocalisation des activités manufacturières, la crise économique, la tertiarisation ou la financiarisation de l’économie. Ces références à des processus extra-locaux peuvent contribuer à considérer les changements des villes en termes déterministes et, par conséquent, à occulter les choix de gestion de la chose publique qui les ont encouragés. Cela a pour effet immédiat une dépolitisation des questions sociales. En effet, les facteurs externes sembleraient changer les destins des espaces urbains presque comme un deus ex machina qui agit au-dessus de la volonté des classes dominantes locales. Concentrer l’analyse sur des réalités de dimensions modestes permet de mettre en évidence et de façon très claire les stratégies et les responsabilités qui sont à la base des processus de néolibéralisation.

At the local level, we note one of the main characteristics of the legitimization framework of neoliberal practices: the habit of attributing socio-economic transformations to exogenous macro phenomena such as globalization, the offshoring of manufacturing, the current economic crisis, the tertiarization or the financialization of the economy. The references to extra-local processes can contribute to examining the changes in the cities in determinist terms and subsequently, obscuring the specific management choices of the public institutions that also encouraged them. This has the immediate effect of depoliticizing the social questions. External factors would seem to change the fates of urban spaces almost like a deus ex machina acting regardless of the will of the local dominant classes. Focussing the analysis on realities of modest dimensions allows us instead to very clearly highlight the strategies and responsibilities forming the foundation of neoliberalization processes.

L’objectif de cet article est ainsi de documenter la transformation néolibérale d’un petit centre urbain italien. Chef-lieu du département homonyme, Savone est une ville de 60 000 habitants et une agglomération d’environ 100 000 habitants. Surplombant la mer Ligure, elle est située à 40 kilomètres de Gênes et à environ 150 kilomètres de Turin et de Nice. Stratégiquement située dans le « triangle industriel » Turin-Gênes-Milan, elle a développé après la Seconde Guerre mondiale une économie fondée sur l’industrie sidérurgique et métallurgique, ainsi que sur les activités portuaires. Politiquement dominée par le Parti Communiste Italien, Savone reste une ville ouvrière et industrielle jusqu’aux années quatre-vingts. La ville entre alors dans une longue période de crise économique et démographique : les industries ferment, le taux de chômage augmente, la population baisse et vieillit. La diminution de la population s’est concentrée au summum de la crise industrielle, entre 1975 et 1990, lorsque les jeunes ménages commençaient à s’établir dans les grands centres urbains voisins (Turin, Milan, Gênes). Ce phénomène, conjugué à un taux de fécondité bien inférieur à celui du renouvellement démographique, a provoqué un net vieillissement de la population. Savone, en 2010, occupait la deuxième place pour son taux de vieillesse (pop. ≥ 65 ans / pop. 0-14 X 100) parmi les chefs-lieux des départements italiens (265,89) et détenait la valeur la plus haute (47,46) pour ce qui concerne le taux de dépendance vieillesse (pop. ≥ 65 ans / pop. 15-64 X 100). Le taux de fécondité était de 35,87 pour mille et le taux de natalité de 7,5, pour des valeurs nationales bien plus élevées (40,59 et 9,29) (données ISTAT ; sitis.istat.it/sitis/html/).

The objective of this article is to illustrate the neoliberal transformation of a small urban centre in Italy. Capital of the administrative district of the same name, Savona is a city of 60,000 inhabitants and an agglomeration of approximately 100,000. The city overlooks the Ligurian Sea, is 40 kilometres from Genoa, and approximately 150 km from both Turin and Nice. Strategically situated in the Turin-Genoa-Milan “industrial triangle”, after World War II Savona developed an economy based on the steel and metallurgy industry and activity focussed around the port. In a political situation dominated by the Italian Communist Party, Savona remained a working-class industrial city until the 1980s. The city then entered a long economic and demographic crisis: industries closed down, unemployment rose, and the population decreased and was aging. The decrease in the population was concentrated at the peak of the industrial crisis, between 1975 and 1990, when young households began to settle in the nearby major urban centres (Turin, Milan, Genoa). This phenomenon, coupled with a fertility rate well below that of demographic replacement, caused a net aging of the population. In 2010, Savona had the second highest aging rate (pop. ≥ 65 years/pop. 0-14 x 100) of all Italy’s district capitals (265.89) and had the oldest workforce (pop. ≥ 65 years/pop. 15064 x 100). The fertility rate was 35.87°/°° and the birth rate 7.5 compared to much higher national figures (40, 59 and 9.29) (Data ISTAT; sitis.istat.it/sitis/html/).

Le cas de Savone renvoie, à une échelle réduite, aux transformations urbaines de quelques-uns des principaux centres de la Méditerranée qui ont considéré leur waterfront comme le pivot de leur développement urbain : Barcelone, Valence, Gênes, Marseille, Naples (Palidda, 2011). Dans la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix, Savone se tourne vers un nouveau modèle de développement, fondé sur la production de logements, et qui privilégie le tertiaire avancé et le tourisme. Ce changement de vocation a été fortement voulu par la classe dirigeante locale, qui se caractérise par trois traits principaux : la stabilité du pouvoir politique, le rapprochement progressif entre les pouvoirs politique et économique, la convergence des plus grands groupes d’entrepreneurs locaux vers l’immobilier.

Savona’s urban transformation is a smaller-scale reflection of some of the main centres on the Mediterranean that have considered their waterfront the keystone of their urban development: Barcelona, Valencia, Genoa, Marseille, Naples (Palidda, 2011). In the second half of the 1990s, Savona turned toward a new development model based on residential construction and, at the rhetorical level, on the advanced tertiary and tourism industries. This change of tradition was greatly desired by the local leading class, which is characterized by three main elements: stability of political power, the gradual linking of political and economic power, and the convergence of the largest groups of local entrepreneurs toward real estate.

Premièrement, depuis la Seconde Guerre mondiale les conseils municipaux ont toujours été, sauf en une occasion, dominés par la gauche (reflet de la structure du Parlement). Les maires étaient membres du PCI (Parti Communiste Italien) puis de son héritier, le PD (Parti Démocratique). Pour ceux qui croient que le néolibéralisme est l’apanage des forces politiques conservatrices, Savone (appelée « la ville rouge » jusqu’à la fin des années quatre-vingts) constitue donc un contre-exemple. Deuxièmement, depuis les années quatre-vingt-dix, une osmose entre acteurs politiques et économiques qui a orienté les transformations urbaines. En témoignent les affiliations des maires : le maire de Savone de 1998 à 2005 était président de la Ligue des coopératives du secteur du bâtiment ; le maire actuel était président de la société publique IPS (Investimenti Produttivi Savonesi), chargée de transformer une zone industrielle du centre-ville en galerie marchande afin de distribuer les fonds publics à des entreprises privées ; le futur candidat de gauche à la mairie, avant d’entrer en politique, était secrétaire général du syndicat le plus important du pays, fortement critiqué par ailleurs pour ne pas s’être opposé à la désindustrialisation dans la zone portuaire. En ce qui concerne les acteurs économiques, au cours des vingt dernières années, les groupes d’entrepreneurs locaux ont commencé à investir dans le secteur immobilier : c’est le cas de la multinationale Demont opérant dans la sidérurgie et la construction navale, du GF Group, leader mondial dans l’import-export de fruits et légumes et du Campostano Group, opérant dans les services portuaires. L’Autorité Portuaire elle-même a fortement poussé au développement résidentiel des zones industrielles du port.

First of all, after the Second World War, the city councils, with a single exception, were always on the left wing of Parliament. The mayors were from the PCI (Italian Communist Party) at first and with its demise, its heir, the PD (Democratic Party). For those who think conservative political forces have a monopoly on neoliberalism, Savona – called the “red city” until the late 1980s – is a counter example of neoliberal penetration. Secondly, since the 1990s, urban transformations were carried out through a merging of political and economic actors. This connection is well represented by the mayors. The mayor in office from 1998 to 2005 was president of the “League of Cooperatives [Lega Nazionale delle Cooperative e Mutue]”, operating in the construction sector; the current mayor was president of the government corporation IPS (Investimenti Produttivi Savonesi) which is responsible for the conversion of a downtown industrial area into a shopping gallery, with the objective of distributing public funds to private enterprise. The future candidate for mayor, who was left-wing prior to entering politics, was the secretary of the most important union in the jurisdiction, management of which was severely criticized for not having opposed the deindustrialization of the port area. With regard to economic actors, over the last 20 years, local business groups have started to invest in the real estate sector. This includes the multinational Demont, which operates in the steel and shipbuilding industry; the GF Group, world leader in the import and export of fruits and vegetables; the Campostano Group, operating in port services. The Port Authority itself pushed hard for residential development of the port’s industrial areas.

Les réflexions présentées ici sont le résultat d’une recherche que nous avons menée entre 2007 et 2012, dans un double but. Nous avons d’abord voulu révéler la contingence des choix opérés par les classes dirigeantes, en montrant que ces choix n’étaient pas les seuls possibles. En second lieu, le but était de raisonner sur le lien entre l’élimination du patrimoine industriel et la spéculation immobilière. Le déplacement du centre de gravité économique a été concomitant du processus de privatisation qui a touché non seulement les biens et les services publics mais, plus largement, la planification urbaine. L’assertion néolibérale selon laquelle l’initiative économique privée doit être privilégiée au détriment de l’action de l’administration publique a conduit à une légitimation politique immédiate de n’importe quelle stratégie privée. Après avoir recueilli les données démographiques, politiques et économiques et après avoir réalisé des entretiens avec des témoins privilégiés, nous avons construit une base de données comprenant environ 6 000 articles d’un journal local relatifs à la période 1997-2011. Les résultats de l’analyse sont détaillés dans Colombo, Laterza, et Porcu (2012). Tous les articles analysés et cités ici sont tirés du quotidien Il Secolo XIX.

The reflections presented here are the findings of research conducted from 2007 to 2012 with a two-fold objective. We first wanted to show the circumstances of the choices made by the leaders, showing that these choices were not the only options. Secondly, the purpose was to think through the link between the elimination of the industrial heritage and real estate speculation. The displacement of the economic centre of gravity was both a privatization process – that affected not only public goods and services – but more greatly, urban planning. The neoliberal assertion that private economic initiatives must be given preference to the detriment of government actions, led to immediate political legitimization of any and all private strategies. After having gathered demographic, political and economic data and interviewed preferred witnesses, we created a database of approximately 6,000 local newspaper articles on the period from 1997 to 2011. The findings of the analysis are reported in detail in the text Paradossi Urbani (Colombo et al., 2012). This research included Luca Arrigoni, Erika Cappello and Francesco Laterza, who we wish to thank. All the articles analyzed and quoted here are from the newspaper Il Secolo XIX.

Le cas de l’Italsider, industrie sidérurgique qui marque l’histoire économique de la ville depuis la seconde moitié du XIXe siècle, est emblématique des transformations néolibérales et des relations entre coalitions politiques et acteurs économiques. L’usine, bien qu’encore en état de fonctionner (Lugaro, 2007), a en effet été désaffectée pour laisser la place à un immeuble imposant en forme de demi-lune, conçu par l’architecte Ricardo Bofill. Elle avait été achetée début 1999 par l’Omsav, société possédée à 30% par l’Ilva (publique) et à 70% par des particuliers (Penner, 2010). Parmi ces derniers, on retrouve des personnalités de premier plan de la vie économique et politique de la ville, comme les Présidents de la Ligue des coopératives et de l’Union Industrielle. Une partie des entrepreneurs de l’Omsav apparaît dans une société immobilière créée en 1991 ayant pour but le réaménagement des espaces industriels de l’Italsider. La localisation stratégique des terrains (environ 55 000 m² et des bâtiments situés en plein centre-ville et avec vue sur la mer) les rendait particulièrement attractifs, et faisait entrevoir des opérations spéculatives qui en auraient démultiplié la valeur. En 1994, l’usine ferma ses portes de manière si suspecte que cela attira l’attention du Parquet de Savone. La connivence des institutions politiques avec les particuliers avait permis le changement d’affectation du sol, alors que le règlement de planification urbaine n’autorisait pas un usage résidentiel.

In this regard, the case of the steel company, Italsider, which has been part of the city’s economic history since the mid-19th century, is representative of the neoliberal transformations and relationships between political coalitions and economic actors. The plant had fallen into disuse although it was still operational (Lugaro, 2007), to make way for an imposing crescent-shaped building designed by the architect Ricardo Bofill. In 1999, the plant was bought by OMSAV, a company made up 30% by Ilva (public) and 70% by private individuals (Penner, 2010). Among the latter, we find the names of the city’s economic and political leaders, like the presidents of the “League of Cooperatives” and the “Industrial Union”. A percentage of OMSAV’s entrepreneurs is part of a real estate company formed in 1991 for the purpose of redeveloping Italsider’s industrial spaces. The strategic position of the roughly 55,000 m² of land and buildings, right downtown and with a view of the sea, made them particularly attractive, giving a glimpse of the speculation that would presumably have multiplied their value. The plant closed its doors while still manufacturing and in such a suspicious manner that it drew the attention of the Public Prosecutor’s office in Savona in 1994. The political institutions in complicity with private individuals made zoning of the land possible even though urban planning regulations did not allow residential use.

 

 

3. Spéculation et croissance urbaine

3. Speculation and urban growth

Entre le début des années quatre-vingts et 1997, la construction de logements à Savone reste à peu près stationnaire. En 1997, un nouvel ensemble résidentiel est inauguré. C’est le début d’une phase d’expansion : en l’espace de quatre ans, on jette les bases économiques et politiques d’une augmentation significative de la production de logements. Le climat est bipartisan : l’administration municipale est de centre gauche, mais le premier document synoptique de planification urbaine (Piano Pluriennale di Attuazione 1998-2002) est un héritage de l’administration précédente, de centre droit. Le Plan prévoit environ 1 000 nouveaux logements, dont 2/3 haut de gamme, une prévision amplement dépassée par l’expansion urbaine des quinze années suivantes.

Between the early 1980s and 1997, residential construction in Savona remained nearly stagnant. In 1997, a new residential complex was launched. This was the start of a very busy time. In the space of four years, the economic and political foundations were laid for a major increase in residential construction. The climate was bipartisan: the municipal government was centre-left but the main urban planning master plan (Piano Pluriennale di Attuazione 1998-2002 [Multi-year implementation plan 1998-2002]) was inherited from the previous, centre-right administration. The Plan forecast approximately 1,000 new housing units, 2/3 of which high-end; this forecast was greatly exceeded by urban expansion over the next 15 years.

L’impact sur la géographie de la ville est considérable et concerne tous les quartiers. Les immeubles de logement remplacent les usines désaffectées. Les différentes initiatives immobilières prennent, ironiquement, les noms des industries précédentes : ex-Metalmetron, ex-Balbontin, ex-Italsider, ex-Magrini, etc. L’exemple de Savone rappelle les considérations de H. Lefebvre (1970) quant au remplacement, dans la production de l’espace, de l’industrialisation par l’urbanisation. Si les processus urbains peuvent être compris à partir du mode de production et d’accumulation du capital (Harvey 1978, 1985, 1989), il est clair qu’ici la crise de l’industrie a été la condition nécessaire à une vaste coulée de béton. Les trajectoires nouvelles et instables de la division géographique du travail, consécutives aux processus globaux de néolibéralisation des années quatre-vingts, ont placé les entrepreneurs locaux devant un dilemme : investir dans la compétitivité d’entreprises encore techniquement à l’avant-garde dans l’industrie, le commerce international ou les services portuaires ou bien devenir une classe de rentiers, en exploitant leur position de pouvoir et les propriétés foncières qu’ils avaient accumulées.

The impact on the city’s geography is considerable and affected every neighbourhood. Residential buildings replaced factories that were no longer in use. The various real estate initiatives ironically took the names of the industries that preceded them: ex-Metalmetro, ex-Balbontin, ex-Italisider, ex-Magrini, etc. The example of Savona recalls Lefebvre’s considerations (1970) regarding the replacement of industry by urbanization in the production of space. If urban processes can be understood on the basis of the method of capital production and accumulation (Harvey 1978, 1985, 1989), it is clear that here the industrial crisis was the necessary condition for a vast flow of concrete. The new, unstable trajectories of the geographic division of work, resulting from the global neoliberalization processes of the 1980s, faced local entrepreneurs with a dilemma: whether to invest in the competitiveness of companies that were still technically in the avant-garde of the industry and international trade, or port services or indeed, to become a class of rentiers, taking advantage of their position of power and accumulated land holdings.

La disparition progressive du secteur primaire a créé directement le surplus de capital à réinvestir dans ce que D. Harvey appelle le circuit secondaire de l’accumulation. Il ne s’agit pas proprement de suraccumulation mais de l’abandon de l’industrie qui, en fait, a libéré les capitaux nécessaires. En outre, la démolition des actifs des entreprises industrielles a offert à la spéculation de vastes territoires, dont le changement d’affectation a produit d’énormes profits. Ce surplus du capital, absorbé par le territoire (spatio-temporal fix selon Harvey, 2003), n’a plus aucun sens social ni économique, étant en plus complètement improductif quant au capital total. Néanmoins, cela a représenté une énorme occasion d’enrichissement pour les investisseurs locaux.

The gradual disappearance of the primary sector directly created a surplus of capital to be reinvested in what Harvey called the secondary circuit of accumulation. This is not over accumulation per se but the abandonment of industry, which effectively freed up the necessary capital. Moreover, the razing of industrial companies’ assets provided vast areas of space for speculation and the change in designation produced enormous profits. This surplus of capital, absorbed by the territory – a spatio-temporal fix (Harvey, 2003) – no longer makes social or economic sense, being moreover completely unproductive with regard to total capital. Nonetheless, this was a huge opportunity for local investors to get rich.

L’expansion urbaine de Savone suit ainsi les lignes de l’urbanisation néolibérale, devenue au niveau international l’une des trajectoires majeures de l’expansion du capital (Miró Vives, 2011). Il existe un lien étroit entre particuliers et administration publique, une forte complémentarité entre pouvoir économique et pouvoir politique, ou, en d’autres termes, entre marché et État. Afin de créer un climat favorable aux investissements, le gouvernement local a été le promoteur direct de projets immobiliers. C’est pourquoi, la participation à des projets de requalification urbaine, ministériels (PRUSST, Piano di Riqualificazione Urbana e Sviluppo Sostenibile del Territorio, 1999 ; Contratto di Quartiere, 2004), régionaux (Programma Operativo Regionale de 2008) et communautaires (Urban II, 2000) n’a pas comme seul but celui d’obtenir des financements[1]. L’objectif principal est plutôt de construire un nouveau schéma de gouvernance des rapports entre la municipalité et les entrepreneurs locaux, afin de contourner les procédures bureaucratiques de durée habituellement indéterminée et, par conséquent, de réduire les risques d’investissement. La participation à ces projets a permis non seulement de canaliser les forces économiques du territoire vers le secteur immobilier, mais elle a aussi été une condition nécessaire pour des interventions importantes sur le tissu urbain en l’absence d’un plan général d’urbanisme. Après l’adoption du Plan Local d’Urbanisme de 1977, s’est ouverte une période 34 ans de planification par instruments de programmation extraordinaires (Urbinati, 2012).

Savona’s urban expansion follows neoliberal lines of town planning, which has become one of the most important trajectories of capital expansion worldwide (Miró Vives, 2011). There is a close connection between private individuals and government, a strong complementarity between economic power and political power, or, in other words, between the market and the state. In order to create an investment-friendly atmosphere, the local government directly promoted real estate projects. That is why obtaining financing was not the only goal of participation in ministerial (PRUSST, Piano di Riqualificazione Urbana e Sviluppo Sostenibile del Territorio [Urban repurposing and sustainable development of the territory] of 1999; Contratto di Quartiere [tr. Neighbourhood contract] of 2004, regional (Programma Operativo Regionale de 2008 [2008 Regional operations plan]) and community (Urban II of 2000) urban redevelopment projects[1]. The main objective rather was to create a new plan for governing the relationship between the municipality and local entrepreneurs, for cutting through the endless red tape and as a result, reducing investment risks. Participation in these projects made it possible not only to channel the area’s economic strength toward the real estate sector, but was also a necessary condition for major interventions on the urban fabric due to the absence of an urban development master plan. After the 1977 Local City Development Master Plan, a 34-year period of special planning instruments followed (Urbinati, 2012).

Les conséquences sont paradoxales, comme l’indique le rapport entre la démographie et les volumes résidentiels construits. La population résidente à Savone qui avait augmenté tout au long du siècle dernier, commence à baisser à partir des années 1970. Cette tendance se poursuit jusqu’au début du XXIe siècle, quand la population se stabilise autour de 62 000 habitants. Bien que le taux d’accroissement naturel continue à être négatif, le taux d’accroissement démographique augmente du fait de l’afflux de population étrangère, qui entre 2002 et 2012 augmente de 413%. Sur une longue période, la chute démographiqueest cependant significative : entre 1971 et 2012, la population passe de 79 809 à 62 786 habitants, soit une baisse de 21,3% (données ISTAT : demo.istat.it ; sitis.istat.it/sitis/html/ ; dati.istat.it/Index.aspx). Si l’utilité socioéconomique d’un logement est liée au fait d’être habité, les résultats pour les nouveaux ensembles résidentiels devraient être proches de zéro. Pourtant, les permis de construire délivrés par la municipalité entre 1996 et 2011 s’élèvent à près 550 000 mètres cubes[2] pour le secteur résidentiel (graphique 1). Une analyse de la presse permet de mesurer qu’au cours de la période 1997-2011 un volume de 163 440 m² de logements privés a été réalisé. De nouvelles interventions pour 115 820 logements privés supplémentaires et 30 000 m² de logement public sont prévus (Tremila case vuote. Alleanza anti-cemento, 10 mai 2011). Soulignons en outre que la sur-offre d’habitations ne couvre pas tous les segments de la demande réelle. Au cours de la dernière décennie, la demande de logements sociaux a augmenté de façon exponentielle, alors que les appartements vides en ville sont estimés entre 3500 et 5000 unités (voir Colombo 2012)

The consequences are paradoxical, as indicated in the ratio between demographics and the number of residential units built. The resident population of Savona grew throughout the last century, dropping starting in the 1970s. This negative trend continued until the early 21st century when the population stabilized around an average of 62,000. Although the natural growth rate continued to be negative, the population grew due to the influx of foreigners, whose numbers rose 413% between 2002 and 2012. Over a long period, however, the population decreased significantly: between 1971 and 2012, it went from 79,809 to 62,786, i.e. a 21.3% drop (ISTAT data (demo.istat.it; sitis.istat.it/sitis/html/; dati.istat.it/Index.aspx). If the socio-economic benefit of a housing unit is related to its being inhabited, the outcomes for the new residential complexes should be close to 0. However, building permits for nearly 550,000m3 of residential construction[2] were issued by the municipality between 1996 and 2011 (Graph 1). An analysis by the press estimates that during the 1997-2011 period, 163 440 m² of private dwellings were built. New interventions for 115,820 additional private dwellings and 30,000 m² for public housing are (Tremila case vuote. Alleanza anti-cemento [3,000 empty houses, anti-cement alliance], May 10, 2011). We moreover stress that the over-supply of dwellings does not cover all segments of the actual demand. Over the last decade, applications for social housing have risen exponentially, while there are an estimated 3,500 to 5,000 empty apartments in the city (see Colombo 2012).

Graphique 1. Permis de construire pour des logements (nouvelles constructions + agrandissements), 1996- 2011, données en mètres cubes

Graph 1. Residential building permits (new construction and additions), 1996- 2011, in cubic metres

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Sources : élaboré par les auteurs à partir de données ISTAT et Settore Pianificazione Territoriale e Ambientale Comune di Savona

Sources: Our calculations using ISTAT and Settore Pianificazione Territoriale e Ambientale Comune di Savona [City of Savona Land Use and Environmental Planning Department] data

En supposant que le parc de logements représente l’offre, et le nombre de résidants la demande, on devrait donc s’attendre à une longue baisse des prix qui mènerait à un prix d’équilibre toujours plus bas.

Supposing that the housing stock represents the supply and the number of residents, the demand, one should expect a long drop in prices to arrive at an ever-lower equilibrium price. Graph 2 and Table 1 show the evolution of the selling price of various types of dwelling according to two sources of data.

Graphique 2. Valeurs moyennes (€/m2) des logements en vente dans certains quartiers de Savone, 2001-2011

Graph 2. Average value (€/m2) of homes for sale in certain neighbourhoods of Savona, 2001-2011

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Source : élaboré par les auteurs à partir de données de la Federazione Italiana Agenti Immobiliari Professionali

Source: Our calculations using data from the Federazione Italiana Agenti Immobiliari Professionali [tr. Italian Federation of Professional Real Estate Agents]

Tableau 1. Valeurs (€/m²) pour trois types de logements, 1996-2010

Table 1. Values (€/m²) for three housing samples, 1996-2010

tableau 1_frtableau 1_ en

Source : élaboré par les auteurs à partir de données Agenzia del Territorio-Osservatorio del Mercato Immobiliare 

Source: Our calculations using data from the Agenzia del Territorio-Osservatorio del Mercato Immobiliare [tr. Territorial Agency-Real Estate Market Observatory]

Or malgré une légère baisse au cours des cinq dernières années, due à la saturation du marché local et aux effets de la crise économique, toutes les valeurs ont augmenté et, dans certains cas, elles ont plus que doublé. Le graphique 2 et le tableau 1 montrent l’évolution du prix de vente des différents types d’habitation, selon deux sources de données. Alors que le marché est devenu atone (Nomisma, 2011), les prix ne montrent aucun signe de cette situation et restent à un niveau élevé. Mais ces valeurs pourront-elles être maintenues ?

Despite a slight drop in the last five years, due to the saturation of the local market and the effects of the economic crisis, all values rose and, in some cases, more than doubled. While the market went flat (Nomisma, 2011), prices showed no sign of this and remained high. But can these values be maintained?

Si Savone, après la crise industrielle, a suivi une stratégie économique, celle-ci s’est fondée sur une hyper évaluation de son patrimoine immobilier. Les habitants, pour près de 80% propriétaires du logement où ils résident, sont tout à coup devenus plus riches. Toutefois, les analyses immobilières indiquent que la valeur d’un logement dépend en grande partie de l’attractivité d’un territoire (Thomsett, Kahr, 2007 ; Thrall, 2002). À Savone, à la suite de la baisse démographique et de l’augmentation de l’offre de logements, de plus en plus, les immeubles ont tendance à rester vides. Pour l’avenir, se pose une fausse alternative : ou bien l’on accroît l’attractivité du lieu en baissant la valeur des logements, ou alors, on renonce à attirer de nouveaux résidants et donc les prix des immeubles baisseront en raison de l’impossibilité de les vendre. Dans les deux cas, la population sera appauvrie.

If Savona followed an economic strategy after the industrial crisis, it was based on the hyper-evaluation of its real estate. The residents, nearly 80% of whom are the owners of the home they live in, suddenly became richer. However, real estate analyses indicate that the value of a home is in great part dependent upon the attractiveness of the area (Thomsett, Kahr, 2007; Thrall, 2002). In Savona, following the drop in population and the increase in the housing supply, more and more buildings are staying empty. For the future, a false alternative is offered: either make the place more attractive by lowering the price of the houses or give up on attracting new residents and thus real estate prices will drop due to the impossibility of selling them. In both cases, the population will be made poorer.

Cette question renvoie aux changements dans la stratification sociale. La reconversion socio-économique était fondée sur l’idée de faire de la ville un lieu plus attrayant pour les classes aisées. En parallèle, l’abandon du secteur manufacturier et la tertiarisation de l’économie, ici comme ailleurs, ont comporté une perte de la valeur (économique et politique) du capital variable. En 2009, seulement 5% de la population en âge de travailler et 9% de la population active étaient employés dans le secteur industriel. Il n’y avait que 2 entreprises manufacturières de plus de 50 salariés. Le passage vers les activités tertiaires a concerné le commerce (26,6%), la restauration (8,4%), les activités immobilières, professionnelles et informatiques (25,9%). Les employés dans le secteur du bâtiment représentent 11,6% de la population active (données Archivio Statistico Imprese Attive). Dans le département de Savone, les activités industrielles employaient 15 052 travailleurs en 1991. Vingt ans après, ce nombre est de 9072 salariés (données ISTAT). Le résultat de la reconversion est une augmentation de la polarisation sociale : l’ancienne classe ouvrière, autrefois protégée par un système de protection sociale fort, se désagrège dans une nouvelle prolétarisation. Selon les données de l’Observatoire du marché du travail du département, en 2011, 76,62% des nouveaux contrats de travail sont atypiques ou à durée déterminée ; ce pourcentage s’élève à 86,32 pour la classe d’âge 21 - 30 ans. Une autre question préoccupante est celle de la population inactive en âge de travailler, qui dépasse les 53% (Ufficio Economico CGIL Liguria 2012 : 31). Le taux d’emploi était de 62,1% en 2011 (données Istat) ; sur une population active d’environ 118 000 personnes, 19 933 étaient inscrites à l’Agence de l’emploi du département (données Provincia di Savona). En outre, le travail dissimulé continue à augmenter, comme le confirme l’agence chargée des contrôles : en 2010, sur 784 entreprises visitées, dans 75% des cas, des irrégularités ont été constatées (Ufficio Economico CGIL Liguria, 2011 : 23). Les luxueux appartements seront-ils achetés par les jeunes travailleurs précaires, les travailleurs au noir du tertiaire ou les migrants pour la plupart employés dans l’industrie du bâtiment ou dans l’assistance à domicile aux personnes âgées ? Parmi les acheteurs des appartements de l’immeuble en forme de demi-lune évoqué précédemment, apparaissent les noms d’entrepreneurs du secteur du bâtiment, d’architectes, de haut dirigeants, de politiciens, d’avocats locaux (on en trouve une liste incomplète dans l’article « Ecco il Crescent, 115 alloggi da nababbi ma anche spazi unici », 3 octobre 2010).

This matter echoes the changes in social stratification. The socio-economic reconversion was based on the idea of making the city a more attractive place for the well-to-do. At the same time, the abandonment of the manufacturing sector and the economy’s conversion to the tertiary sector, here as elsewhere, included a loss of value – economic and political alike – of the variable capital. In 2009, only 5% of the working age population and 9% of the working population was employed in manufacturing. There were only 2 manufacturing companies with more than 50 on the payroll. The move to tertiary activities affected commerce (26.6% of workers), the food business (8.4%), real estate, professional and computer science activities (25.9%). There are many employees in the building sector (11.6%) (data from the Archivio Statistico Imprese Attive). In the administrative district of Savona, in 1991 manufacturing employed 15,052 workers whereas 20 years later, that number is 9,072 (ISTAT data). The result is an increase in social polarization where the former working class, that used to be protected by a strong social system, disintegrates in a new proletarianization. According to the data of the labour market observatory of the administrative area, in 2011, 76.62% of new employment contracts are atypical or determinate; this percentage climbs to 86.32% for those 21 to 30 years of age. Another worrying question is that of the population that is working age but not working, which is over 53% (Ufficio Economic CGIL Liguria 2012:31). The employment rate was 62.1% in 2011 (ISTAT data); of a working age population of roughly 118,000, 19,933 were registered with the department’s employment agency (Provincia di Savona data). Moreover, under-the-table work continues to grow, as confirmed by the agency responsible for control. In 2010, of 784 companies visited, irregularities were pointed out in 75% (Ufficio Economico CGIL Liguria, 2011 : 23).Will the newly-built luxury apartments be purchased by the young workers without job security, those working in the tertiary industry’s black market, or migrants who for the most part are employed in the construction industry or homecare for the elderly? Among the buyers of the apartments in the crescent-shaped building already mentioned, are the names of construction entrepreneurs, architects, senior managers, politicians and local lawyers (an incomplete list can be found in the article “Ecco il Crescent, 115 alloggi da nababbi ma anche spazi unici” [tr.: Here is the Crescent, 115 homes for the wealthy but single spaces, too], October 3, 2010).

Il n’est pas possible de penser l’urbanisation sans considérer les activités productives sur un territoire. Cela entraîne une spirale de sous-consommation, évidente sur le marché immobilier ainsi que dans les couloirs déserts des centres commerciaux qui ont été ouverts à un rythme soutenu dans les environs de la ville. Si les cycles de production et de valorisation des marchandises sont avides de foncier, Savone, coincée entre les montagnes et la mer, n’a non plus beaucoup d’espaces libres. Le foncier a été absorbé par le processus de destruction non créatrice qui a irrévocablement transformé le territoire en le remplissant d’infrastructures a-sociales, c’est à dire d’immeubles sans habitants. Aujourd’hui, on pourrait penser avec regret aux complexes industriels délaissés par leurs propriétaires, passés à la spéculation immobilière, car bien qu’abandonnés, ils auraient pu être promis à quelque avenir socio-économique plutôt que de subir la simple, lente et inexorable dévaluation des nouveaux bâtiments construits.

It is impossible, however, to imagine an urban development plan that is unaware of the necessity of manufacturing. This entails an under-consumption spiral, that is obvious on the real estate market as well as in the empty shopping centres that were opened at a steady pace in the area surrounding the city. If the manufacturing and valorisation of goods cycles gobble up land, Savona, which is wedged between the mountains and the sea, doesn’t have much more free space. The existing land was absorbed by the uncreative destruction process, which irrevocably changed the territory by filling it with asocial infrastructure, i.e. buildings without inhabitants. Today, we could think with regret about the industrial complexes abandoned by their owners, that have gone on to real estate speculation, because although abandoned, the complexes could have been promised to some socio-economic future rather than undergo the simple, slow and inexorable devaluation of the newly built buildings.

Le manque de transparence lors des prises de décisions et l’absence d’une opinion publique informée comme de débat public sont quelques-unes des conditions qui ont favorisé l’affirmation presque incontestée d’une économie du béton, absolument réfractaire à une urbanisation à dimension redistributive sous forme d’ouvrages et d’infrastructures publics. Ce gaspillage du territoire, de l’environnement et de ses ressources économiques renvoie au rapport entre l’espace et la justice spatiale dans le cadre plus vaste de la justice sociale (Marcuse, 2009). Il est la conséquence directe d’un partenariat public-privé en mesure de conjuguer le contrôle du discours public, l’influence du capital et la gestion de l’administration publique.

The lack of transparency in the decision-making process and the absence of an informed public opinion and public debate, are some of the conditions that fostered the nearly uncontested affirmation of a “cement” economy, that is absolutely impervious to urban planning with a redistributive dimension in the form of public works and infrastructure. This waste of territory, the environment and its economic resources echoes the relationship between space and spatial justice in the broader context of social justice (Marcuse, 2009). It is the direct consequence of a public-private partnership able to combine control of public discourse, the influence of capital and the management of government.

 

 

4. Discours de légitimation

4. Legitimization rhetoric

À Savone, les changements urbains des dernières décennies ont été soutenus par un ensemble de discours et de rhétoriques constitués d’arguments redondants. Un premier topos concerne la nécessité de la reconversion. Il s’appuie sur une dichotomie. D’un côté on a la ville du passé, « grise » selon le maire de l’époque (Savona deve cambiare mentalità, 9 mai 2004), « boutiquière, fermée et triste », pour un professionnel des services portuaires également entrepreneur du bâtiment (« Questa città deve osare di più, 6 avril 1997 ; Non capisco chi ha votato contro », 6 mars 2002). C’est la ville à dépasser. De l’autre, on a la ville qu’il faut réaliser, un « pôle d’attraction » avec un « rôle de premier plan, une fonction de catalyseur » selon le Président de la Ligue des coopératives alors en fonction (« Tentato dal palazzo? », 15 juin 1997). Cette dichotomie est commune aux discours de toutes les classes dirigeantes, quelle que soit leur position sur l’échiquier politique. Les métaphores d’un passé défini en termes de déclin et de stagnation abondent : Savone est décrite comme une ville dans une « situation de lente agonie » par son maire à la fin des années 1990 (« consiglio ci sono forze che rallentano lo sviluppo », 10 juin 1999), une ville « en stand by, à la recherche d’un futur à partir duquel se remettre en jeu » et en proie à « un déclin qui semblait inévitable, incapable d’attirer des investissements publics et privés » par l’un de ses successeurs dans les années 2000 (« Berruti, come cambio la città, 19 janvier 2006 et « Berruti : 10 pillole ad uso degli elettori », 21 janvier 2006). Elle est assimilée à « des bas-fonds » (« Fuksas : Ecco il mio porto turistico », 26 mai 2006), décrite comme « en crise » par le secrétaire du département du PD (« Le Torri Bofill come Punta Perotti », 25 mai 2006). À cette image du passé, certaines de ses maires opposent l’image « d’une ville en transformation » (« Berruti : 10 pillole ad uso degli elettori », 21 janvier 2006), « un nouveau cycle de développement équilibré (...) une nouvelle phase de prospérité » (« Il nostro è un progetto di sviluppo equilibrato », 19 mai 2001), et « un processus de réaction face au déclin » (« Il sindaco chiede ai giovani idee per rinnovare la città », 12 mai 2009).

In Savona, the urban changes of recent decades were supported by a set of narratives and rhetoric on superfluous topics. The first theme involved the necessity of reconversion. The dichotomy of a “grey”[3]city from the past, “of shopkeepers, closed and sad”[4], to be overcome, and the city that must be created, a “focal point” with a “first rate role, serving as a catalyst”[5], is the what all the leaders are saying, regardless of their position on the political chessboard. The metaphors of a past defined in terms of decline and stagnation abound. Savona is described as a city in a “[tr.] situation of slow agony”[6], “on stand by, looking for an idea about the future for getting back in the game” and “in what would seem to be an inevitable decline, unable to attract public or private investment” [7], “at rock bottom”[8], “in crisis”[9]. This image of the past is countered with “[tr.] a city in transformation”[10], “a new cycle of balanced development…a new phase of prosperity[11], “a response process in the face of decline”[12].

Cette périodisation normative (passé à surmonter – futur prospère à poursuivre) fait référence à deux moments distincts de l’histoire de Savone : la crise industrielle des années quatre-vingts et quatre-vingt-dix est opposée à la phase de rénovation urbaine, inaugurée par les grandes interventions sur la ville. Ce n’est pas par hasard que la dichotomie entre les deux périodes est si claire : plus le passé est dégradé, plus il est légitime de déclarer la fin de l’industrie pour laisser la place à des activités immobilières plus rentables. Pour contrer la crise de l’industrie, il faut rechercher de nouvelles fonctions, en particulier (au moins sur le plan rhétorique) la fonction touristique. L’arrivée des navires Costa Crociere, qui a conduit à la construction d’un nouveau terminal dans la vieille darse en 2003, a fait passer le trafic de passagers à 1 307 003 unités (données Savona Port Authority). Mais ces touristes sont seulement de passage : le nombre des séjours atteint 165 390, plaçant Savone à la 11ème place dans le département (données Regione Liguria). De nouveaux « symboles de la renaissance », des immeubles résidentiels pour les classes aisées. Comme l’affirme le Président de la Ligue des coopératives au sujet des nouveaux bâtiments résidentiels : « Savone a faim de logements, mais ça n’est pas seulement une question d’habitations à loyer modéré. Il y a une demande de niveau plus élevé, capable de détourner les capitaux » (« Una torre sulla città », 11 janvier 1997). Des lieux anonymes où consommer, ont été construits dans les zones urbaines désindustrialisées, définies comme le « symbole de la dégradation de la ville » (« Savona deve cambiare mentalità », 9 mai 2004). La rhétorique de la reconversion devient le fondement même de la spéculation immobilière, ce qui permet, en peu de temps, une accumulation de capital beaucoup plus importante que celle qui serait liée à l’installation de nouvelles activités de production.

This normative periodization(the declining past to be overcome – prosperous future to be pursued) refers to two distinct times in Savona’s history: The industrial crisis of the 1980s and 90s is compared to the urban renewal stage, initiated by the major interventions on the city. It is not by chance that the dichotomy between the two periods is so clear: the more the past is degraded, the more legitimate it is to declare the end of manufacturing to clear the way for more profitable real estate activities. New uses must be sought to counter the manufacturing crisis, particularly – at least from a rhetorical perspective – tourism. Arrival of the Costa Cruises ships, which led to the construction of a new terminal at the old pier in 2003, increased passenger traffic to 1,307,003 (Savona Port Authority data). But these tourists are often just passing through: the number of stays hit 165,390. This data puts Savona in 11th place in the district (Regione Ligura data). New “symbols of rebirth”, residential buildings for the well-to-do and anonymous places for consumption, were built in the de-industrialized urban areas, described as the “symbol of the city’s degradation”[13]. As the President of the League of Cooperatives states, regarding the new residential buildings, “Savona is hungry for housing but not just moderate rent housing. There is a higher level demand, able to divert capital”, Una torre sulla città [tr.: A tower over the city], January 11, 1997. The reconversion rhetoric thus became the very basis of real estate speculation, which quickly made possible the accumulation of much more capital than would the installation of new manufacturing activities.

En l’absence de plan d’urbanisme, le sort de la ville est en effet confié aux visions personnelles d’architectes de réputation mondiale, présentés dans les discours de l’élite urbaine comme des prophètes du développement auxquels il faut s’en remettre aveuglément. « Il y a des milliers de projets de ports, mais celui de Savone a fait le tour du monde car il contient la tour de Fuksas » (« Martedì Fuksas in Comune per presentare il tornado », 30 janvier 2007) ; « ce phare est une intuition géniale (...) Fuksas est un professionnel (...). Pour Savone il a pensé à cette solution unique qui doit être pour nous un motif d’orgueil et une opportunité », a déclaré le président de l’Autorité Portuaire. « Ce n’est pas un projet : c’est un œuf de Colomb. (...) C’est quelque chose d’absolument spécial et original. Il suffit de penser à l’idée de la mer qui à nouveau arrive jusqu’à la côte : ce n’est pas génial ? (...) Avant, on risquait d’être envahi par une série de petits immeubles, maintenant nous avons ce phare futuriste qui nous distinguera » (« Canavese : è un’intuizione geniale, Parodi ; Non perdiamo quest’occasione », 17 juin 2006, commentaire du maire d’une petite ville des environs). De même, l’apport de l’initiative privée est considéré comme providentiel ; les investissements dans la ville sont définis comme une « injection de ressources et de confiance » (« Ecco ‘sua altezza’, la Torre di San Michele », 20 mars 1997, commentaire du maire en fonction de 1994 à 1998), nécessaires au renouvellement urbain et au futur de la ville : « ou on décide de s’arrêter, ou pour les travaux publics, il faut recourir au capital privé », déclare le maire (« È arrivata la fase delle decisioni », 22 août 2008).

In the absence of an urban development master plan, the city’s fate is in effect entrusted to the personal visions of world famous architects, represented in the urban elite’s speeches as prophets of development to be blindly trusted. “There are thousands of port projects, but Savona’s is going to be known around the world because it has Fuksas’ tower”[14], “[tr.]; this light tower is a stroke of genius… Fuksas is a professional…. He thought up a unique solution for Savona which should be a point of pride to us and an opportunity,” declared the president of the Port Authority in office at the time. “This is not a plan, it’s like Columbus breaking the egg….It’s something absolutely special and original. All you have to do is imagine the sea coming up to the shore again. Isn’t that brilliant?… Before, there was a danger of being overrun by a string of small buildings; now we have this futuristic light house that makes us stand out”[15]. Similarly, the private initiative’s contribution is considered miraculous. The investments in the city are described as a “shot of resources and confidence”[16] that were necessary for urban renewal and the city’s future. “Either we decide to stop or if we decide in favour of public works, private capital is necessary,” declared the mayor[17].

La collaboration avec le secteur privé implique la renonciation à une direction publique du développement, abandonnée aux intérêts des entrepreneurs. Le but principal de leurs interventions est le profit, auquel sont subordonnés les biens d’intérêt commun, tels que le patrimoine historique ou le milieu naturel. L’arrêt des travaux de requalification de la darse pour sauvegarder les biens archéologiques a été commenté en ces termes par un entrepreneur local : « Il y a la Direction [des Beaux-arts et biens archéologiques] et il y a des contraintes. Mais nous aussi avons une contrainte, celle des comptes économiques, qui dépendent du temps » (« Questa città deve osare di più », 6 avril 1997); à ce propos, le conseiller municipal alors chargé de l’urbanisme a déclaré : « on ne peut congeler pour l’éternité des zones entières tout simplement parce qu’elles conservent des vestiges, sans doute modestes, du passé » (« Vietato scavare sotto la città », 9 février 1997). On considère aussi avec mépris les contraintes de l’environnement. Dans les commentaires d’un autre entrepreneur local, une espèce marine à protéger est appelée péjorativement une « moule » : « Nous parlons d’une opération de 120 millions. On ne peut pas l’évaluer en faisant des discours sur les moules (...). L’opération économique doit continuer, je ne suis pas un bienfaiteur qui investit pour le plaisir » (« Il nuovo progetto? Sarà pronto in un mese », 12 décembre 2009).

Collaboration with the private sector involves waiving public direction of the development, abandoned in favour of entrepreneurs’ interests. Their main goal is profit, with the common good such as historic heritage or the natural environment of secondary importance. Stoppage of the dock repurposing work for protecting archaeological objects on site thus drew the following comment from a local entrepreneur: “[tr.] There is the Directorate [Fine Arts and Archaeological Property] and there are constraints. But we have a constraint, too, the bottom line, which is time-sensitive.”[18] In this regard, the city counsellor responsible for city planning at the time stated, “[tr.] We can’t eternally freeze entire areas simply because they preserve vestiges from the past, that are undoubtedly fairly insignificant”[19]. Environmental constraints were also disdained. In the comments of another local entrepreneur, a protected marine species was pejoratively described as “mussels”: “[tr.] We’re talking about a 120 million euro operation. It can’t be evaluated talking about mussels….The economic operation is what has to continue; I’m not a philanthropist investing for the fun of it.”[20]

Il y a aussi un prix à payer du point de vue des usages de l’espace public. La ville n’est pas accueillante de la même manière pour tous ses habitants : les changements apportés limitent l’accès aux espaces publics pour qui ne se conforme pas à la nouvelle esthétique urbaine. À Savone, si les croisiéristes ou les jeunes de la movida sont bien accueillis, un autre traitement est réservé aux mendiants, aux sans abris ou aux jeunes qui ne consomment pas, mais qui jouent au ballon sur les places de la ville. Bien que toutes ces usages de l’espace public soient licites, certains d’entre elles sont considérés comme plus légitimes que d’autres et s’imposent grâce à la combinaison entre transformations de l’espace physique et pratiques de contrôle (Davis, 1990 ; Mitchell, 2003).

There is also a price to be paid from the perspective of uses of public space. The city is not welcoming in the same way for all residents: the changes made lead to limited access to public spaces for those who do not fit in with the updated urban aesthetic. Though cruise passengers and hip young people are welcome in Savona, it is a different story for beggars, the homeless and non-consuming youth that prefer to play ball in the city’s piazzas. Although all the uses are permissible, some are deemed more legitimate than others and attract attention thanks to the combination of transformations of the physical space and control practices. (Davis, 1990; Mitchell, 2003).

Les immeubles édifiés pour les classes aisées deviennent la métaphore des changements des dernières décennies : la tour résidentielle de Ricardo Bofill devient « l’occasion de doter Savone du symbole de son entrée dans l’an 2000, tout comme la Tour Eiffel a représenté Paris au vingtième siècle » selon le Président du département (« Quell’area dobbiamo costruire un’opera-simbolo di Savona » 2000, 8 décembre 2000). Les édifices et les résidences de béton et de verre se dressent au-dessus les unes des autres comme pour démontrer la transformation élitaire du territoire.

The buildings built for the well-off have become the metaphor of the changes in recent decades. Ricardo Bofill’s residential tower became “the opportunity to symbolize Savona’s entrance into the year 2000, just as the Eiffel Tower represented Paris in the 20th century.”[21]. The concrete and glass apartment buildings rise above the others as if to show the area’s elitarian transformation.

Le réaménagement de la ville a été tellement insoutenable que dans certains cas, il a fallu se rendre à l’évidence : la seule alternative à une « ville qui rétrécit », a affirmé un des maires de Savone (« Una torre sulla città », 11 janvier 1997), est la construction de nouveaux immeubles ; face à la baisse démographique et à l’augmentation du nombre de logements vides, il faut attirer de nouveaux résidants pour occuper les habitations construites. On tombe donc dans une sorte de tautologie de la spéculation immobilière.

The city’s redevelopment was so unsustainable that in certain cases, the rhetoric had to amount to proof. The only alternative to a “shrinking” city[22], according to the mayor of Savona, is the construction of new buildings; in response to the drop in population and the rise in the number of empty houses, new residents must be attracted to occupy the dwellings built. A sort of real estate speculation tautology is fallen into.

Tous ces discours semblent bien faibles face au vide que laisse symboliquement cette économie du ciment. En atteste la quête sans fin d’un projet de marketing urbain destiné à refonder l’image de la ville, tâche difficile à accomplir si on la fonde presque uniquement sur un urbanisme résidentiel. Peu importe quoi, il fallait réaliser quelque chose, comme certains l’ont soutenu, attribuant à la reconversion urbaine un pouvoir quasiment magique : « Savone (...) doit s’inventer un projet-phare lié au tourisme, qui créera de nouveaux emplois » (commentaire des syndicats, « Un parco acquatico sulle aree Orsa 2000 », 17 novembre 1999). En fait, les discours et les représentations n’ont pas réussi à construire un nouveau symbole pour la ville, et les édifices les plus anciens (la forteresse du Priamar ou la tour du Port) disparaissent presque parmi les nouveaux bâtiments qui les dominent en hauteur. Le projet de réaménagement de Savone a échoué, tant dans les faits que sur le plan rhétorique. Quand les discours faiblissent, les pratiques d’appropriation et de domination de l’espace réapparaissent clairement, dans ce contexte urbain de province où les moellons s’empilent les uns sur les autres.

The rhetoric also weakens in relation to the symbolic vacuum of a cement-based economy, as shown by the exhausting search for a project intended to brand the renewed city, a difficult task to carry out if it is based solely on residential town planning. It did not matter what, something had to be done, as a number of individuals maintained, attributing nearly magical power to the conversion: “[tr.] Savona… must create itself a tourism-related flagship project that will create new jobs”[23]. The speeches and lobbying were unsuccessful in building a new symbol of the city, while the oldest buildings (the Priamar fortress and the port tower) nearly disappear among the new buildings towering over them. Savona’s redevelopment plan failed, both factually and rhetorically. When the rhetoric weakens, the practices for the appropriation and domination of space appear clearly in this small urban context piling rubble upon rubble.

 

 

Conclusion

Conclusion

À Savone, en l’absence d’un plan général d’urbanisme, des programmes complexes (Urban, PRUSST, Contratto di quartiere, POR) ont été utilisés pour établir des partenariats entre les institutions et les acteurs privés et pour accélérer les procédures administratives, habituellement lentes. Mais il a manqué une planification, à la fois urbaine et économique. Les dynamiques démographiques n’exigeaient pas une augmentation des programmes résidentiels dans une ville ayant des milliers de logements vides et peu d’espace pour des activités de production. Les investissements privés, présentés par les politiciens locaux comme la seule solution possible à la crise de la ville, ont eu un caractère spéculatif et se sont concentrés sur les zones qui, de par leur position dans la ville, permettaient la construction de logements haut de gamme et de résidences secondaires. Le réaménagement des zones industrielles a été justifié par l’idée du changement de vocation de la ville, qui du secteur primaire aurait dû évoluer vers le tourisme et le tertiaire avancé. Cette transformation reste jusqu’ici purement rhétorique : le nombre de touristes n’a pas augmenté et l’économie de la connaissance et de l’innovation n’est présente que dans les discours des représentants des institutions.

In Savona, in the absence of a town planning master plan, complex programs (Urban, PRUSST, Contratto di quartiere, POR) were used to establish solid partnerships between institutions and private actors and to speed up the normally lengthy administrative procedures. But there was no planning, whether urban or economic. The demographic dynamics did not require more housing programs in a city having thousands of empty dwellings and little space for manufacturing activities. Private investments, presented by local politicians as being the only possibly solution to the city’s crisis, were speculative in nature and were concentrated in areas which due to their location in the city, made it possible to build high-end primary residences as well as secondary homes for non-residents. The redevelopment of the manufacturing areas was justified by the idea of changing the city from its primary-sector tradition to tourism and the advanced tertiary sector. To date, this has been achieved from a purely rhetorical perspective. The number of tourists has not grown and the knowledge and innovation-based economy only exists in the speeches of institutional representatives.

Dario Colombo a rédigé les paragraphes 1 et 3 et Manuela Porcu les paragraphes 2 et 4. Nos remerciements vont à Claudine Montfollet pour la révision du français. Ce travail de recherche a associé Luca Arrigoni, Erika Cappello et Francesco Laterza, auxquels nous adressons nos remerciements.

Dario Colombo wrote paragraphs 1 and 3. Manuela Porcu wrote paragraphs 2 and 4. We wish to thank Claudine Montfollet for reviewing the French.

A propos des auteurs : Dario Colombo, Università di Genova-Dipartimento di Scienze della Formazione et Manuela Porcu, Università di Cagliari-Dipartimento di Giurisprudenza.

About the Authors: Dario Colombo, Università di Genova-Dipartimento di Scienze della Formazione. Manuela Porcu, Università di Cagliari-Dipartimento di Giurisprudenza

Pour citer cet article : Dario Colombo et Manuela Porcu, « Néolibéralisme de province : un cas d’étude », justice spatiale | spatial justice, n° 6 juin 2014, http://www.jssj.org/

To quote this article: Dario Colombo, Manuela Porcu, « Provincial Neoliberalism: A Case Study », justice spatiale | spatial justice, n° 6 june 2014, http://www.jssj.org/

[1] Le PRUSST a été le cadre légal et administratif du réaménagement du port. Face à un financement public d’environ 2,5 millions d’euro, le plan a intéressé 22 entreprises privées et des investissements de plus de 500 millions. (comune.savona.it). Le POR porte sur les mêmes zones, avec des investissements de plus de 300 millions, dont seulement 20% sont constitués d’investissements publics. Un autre exemple est le Contratto di Quartiere Savona-Ponente, qui a procuré à la ville 8 millions de fonds régionaux. Ce programme comprenait le réaménagement de la Metalmetron, une usine métallurgique qui avait fait faillite en 1991 et avait été remplacée par le centre commercial « Le Officine », construit grâce à un investissement privé de près de 100 millions et à un changement d’affectation du sol contesté (données Archivio del Comune di Savona).

[1] PRUSST was the legal and administrative framework for redevelopment of the port. Compared to approximately €2.5 M in public funding, the plan involved 22 private companies investing over €500 M (commune.savona.it). The POR operates over the same areas with over €300 M in investments, only 20% of which from the public sector. Another example is the Contratto di Quartiere Savona-Ponente, which procured €8 M. in regional funding for the city. This program included redevelopment of the Metalmetron, a metal works that had gone bankrupt in 1991 and was replaced by the “Le Officine” shopping centre with nearly €100 M in private investment and a contested rezoning of the land (data from the City of Savona archives).

[2]En Italie, on mesure les progrès de la construction en mètres cubes et non en mètres carrés, unité utilisée surtout pour la vente des logements. Par mètre cube on entend le volume occupé dans l’espace par une construction.

[2] New construction in Italy is usually measured in cubic rather than square metres, which is the unit mostly used for selling homes. By cubic metre, the volume a structure occupies in space is what is intended.

 

[3] Savona deve cambiare mentalità [Savona has to change its attitude], May 9, 2004, comment by the mayor in office at the time.

 

[4] Questa città deve osare di più [tr. This city has to dare more], April 6 1997; Non capisco chi ha votato contro [tr.: I don’t understand who voted no.], March 6, 2002, comments of a port services professional and construction entrepreneur..

 

[5] Tentato dal palazzo?, June 15, 1997, comment by the President of the League of Cooperatives in office at the time.

 

[6]In consiglio ci sono forze che rallentano lo sviluppo [tr.: There are forces slowing down development on the council], June10, 1999, comment of the mayor then in office.

 

[7]Berruti, come cambio la città [Berruti, how I’m changing the city], January 19, 2006; Berruti: 10 pillole ad uso degli elettori [Berruti: 10 pills for the voters], January 21, 2006, comments by the mayor in office.

 

[8]Fuksas : Ecco il mio porto turistico [tr.: Here is my tourist port], May 26, 2006.

 

[9]Le Torri Bofill come Punta Perotti [The Bofill Towers like Punta Perotti], May 25, 2006, comment of the secretary of the PD department.

 

[10]Berruti: 10 pillole ad uso degli elettori, January 21, 2006

 

[11]Il nostro è un progetto di sviluppo equilibrato [tr.: ours is a balanced development plan], May 19, 2001, comment of the mayor then in office.

 

[12] Il sindaco chiede ai giovani idee per rinnovare la città [tr. The mayor asks youth for ideas for renewing the city], May 12, 2009, comment of the mayor then in office

 

[13]Savona deve cambiare mentalità [tr.: Savona has to change its attitude], May 9, 2004.

 

[14]Martedì Fuksas in Comune per presentare il tornado [tr.: Tuesday Fuksas at City Hall to introduce the ‘tornado’], January 30, 2007.

 

[15]Canavese : è un’intuizione geniale, Parodi ; Non perdiamo quest’occasione [tr.:, Canavese: a brilliant idea, Parodi; Let’s not miss this opportunity] June 17, 2006, comment of a mayor of a small nearby city

 

[16]Ecco ‘sua altezza’, la Torre di San Michele [Translator’s note: Play on the word “altezza (height) and ‘your “highness”: “Here, ‘your highness’, the Tower of San Michele] , March 20, 1997, comment of the mayor in office from 1994 to 1998

 

[17]È arrivata la fase delle decisioni [tr.: The decision-making phase has arrived], August 22, 2008.

 

[18] Questa città deve osare di più [tr. This city must be more daring], April 6, 1997.

 

[19]Vietato scavare sotto la città [tr.: Digging under the city prohibited], February 9, 1997.

 

[20]Il nuovo progetto? Sarà pronto in un mese [tr.: The new plan? It’ll be ready in a month], December 12, 2009

 

[21]In quell’area dobbiamo costruire un’opera-simbolo di Savona 2000 [tr.: We must build a ‘Savona 2000’ symbol in that area], December 8, 2000, comment of the departmental President in office at the time.

 

[22]Una torre sulla città [A tower over the city], January 11, 1997.

[23]Un parco acquatico sulle aree Orsa 2000 [tr. A water park on the Orsa 2000 areas], November 17, 1999, comment by the unions.

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