“I believe it is in the Indigenous context that spatial justice is most closely tied to social justice.
“I believe it is in the Indigenous context that spatial justice is most closely tied to social justice.
That is because of land”
That is because of land”
La justice peut se définir comme un ensemble de valeurs morales, de règles, de pratiques et d’institutions sociales permettant de faire respecter ce qui est « juste » et « bon » aux yeux d’une société. Pour la plupart des peuples autochtones, ce concept englobant s’inscrit dans une pensée holiste. La justice concerne alors l’ensemble du monde, vivant et non vivant, dont l’équilibre doit être maintenu ou restauré. Les Amérindiens nord-américains résument souvent cette conceptualisation par la formule « all my relations » (l’ensemble des êtres et des choses avec lesquels je suis apparenté.e). La justice est appréhendée comme un processus de guérison (« healing ») et de rééquilibrage des relations au sein du monde (« a rebalancing of relationships ») (LaDuke, 1999 ; Whiteman, 2009).
Justice may be defined as a set of moral values, rules, practices, and social institutions that enforce what a society considers to be « fair » and « good ». For most Indigenous peoples, this inclusive concept is part of a holistic approach. Justice thus concerns the whole world, living and non-living, and its balance must be maintained or restored. U.S. American Indians often summarise this conceptualisation in the expression « all my relations » (all the beings and things to which I am related), and understand justice as a process for healing and rebalancing relationships in the world (LaDuke, 1999; Whiteman, 2009).
S’il est question de guérir et de rétablir un équilibre, c’est que les peuples autochtones, en tant que catégorie de pensée et d’action, sont nés d’une injustice destructrice et, de ce fait, fondatrice : la spoliation de leurs terres et de leurs droits – que ce soit dans le cadre de la colonisation européenne ou dans d’autres cadres de colonisation. Aussi la question de la justice est-elle prégnante, dans leur discours et dans celui des militants qui s’engagent à leurs côtés comme dans le champ des « études autochtones », car elle cristallise un conflit de légitimité qui demeure aujourd’hui indépassable entre Autochtones et non Autochtones. Les seconds – qui en tant que dominants ont eu historiquement le Droit de leur côté, puisqu’ils avaient le pouvoir d’édicter les lois – considèrent comme légitime, puisque légale, la préemption de terres préalablement autochtones. Les premiers, en revanche, la considèrent comme un vol et estiment donc légitimes leurs demandes de réparation, en dépit d’un droit qui ne reconnaît pas les injustices qu’ils dénoncent. Ainsi, en contexte autochtone comme ailleurs, « La notion de « droit », qu’il soit un « droit à » ou un « droit de », n’est pas forcément liée à la justice : elle est plus souvent associée à un sentiment d’injustice » (Landy, Moreau, 2015). En outre, pour les peuples autochtones, justice et justice spatiale sont étroitement liées, en raison de l’importance que prennent la terre et le territoire dans leur existence au quotidien et pour leur survie collective sur le long terme.
If healing and restoring balance are needed, it is because Indigenous peoples, as a category of thought and action, were born out of a destructive and, consequently, founding injustice: the dispossession of their lands and rights – in the context of either European or other types of colonisation. So the issue of justice is significant, in both their speech and that of militants who stand at their side, as in the field of Indigenous Peoples’ Studies, crystallising a conflict of legitimacy between Indigenous and non-Indigenous peoples, which still persists today. The latter, who, as the historically dominant peoples, had the law on their side, since they had the power to issue laws, consider it was legitimate, or legal, to take over lands where Indigenous peoples lived. The former, in contrast, consider it theft and, therefore, feel that their demands for compensation are legitimate, despite the fact that the law fails to recognise the injustices they denounce. Thus, in an indigenous context, as elsewhere, “The notion of a “right to” or “right of” is not necessarily linked with justice: it is more often associated with a feeling of injustice” (Landy, Moreau, 2015). Furthermore, for Indigenous peoples, justice and spatial justice are closely linked, due to the importance of the land in their daily lives and for their long-term survival as a community.
Pourtant, « la justice spatiale, ça nous dit rien », nous signalait l’une de nos interlocutrices ilnu[2]. La question des droits en relation avec la question du territoire, en revanche, faisait immédiatement sens pour elle. C’est que la justice spatiale constitue d’abord et avant tout un concept scientifique et une catégorie d’analyse pour comprendre et expliquer des réalités sociales[3]. En tant que telle, elle ne fait pas forcément partie du vocabulaire mobilisé par les acteurs autochtones eux-mêmes. C’est peut-être pour cette raison que, à notre connaissance, la thématique autochtone n’a encore été que peu abordée sous l’angle de la justice spatiale par les chercheur.e.s, que ce soit dans les sciences sociales (géographie comprise) ou dans le domaine du droit. Les travaux existants se focalisent plutôt sur les questions de droits, d’identité, de savoirs, d’espace vécu et de représentations, de transformations culturelles, de développement économique, d’éducation, d’émancipation politique et économique, de processus de réclamations territoriales, de santé et bien-être, et des difficultés sociales et sociétales en contexte de marginalité. Les réponses (une quinzaine) reçues suite à notre appel à textes confirment pourtant la valeur heuristique d’une telle approche. Mais comme dans d’autres champs d’études déjà explorés par Justice spatiale/Spatial Justice, dans le champ autochtone, cette valeur fait contraste avec l’incertitude qui l’entoure (cf. page d’accueil de la revue : « Qui sommes-nous ?, mai 2009 - http://www.jssj.org//qui-sommes-nous).
However, as one of our Ilnu research partner told us: « Spatial justice, it doesn’t mean anything to us »[2]. On the contrary, the issue of rights related to land was immediately meaningful to her. Spatial justice is, first and foremost, a scientific concept and an analytical category used to understand and explain social realities[3]. As such, it is not necessarily part of the vocabulary used by Indigenous peoples themselves. It is, perhaps, for this reason that, to our knowledge, the spatial justice angle of Indigenous peoples’ issues has received very little attention from researchers, either in social sciences (including geography) or law. Existing work focuses more on the issues of rights, identity, knowledge, experienced and perceived space, cultural transformations, economic development, education, political and economic emancipation, the land claims processes, health and welfare, and social and societal difficulties in a context of marginalisation. The responses (around fifteen) received following our Call for papers confirmed the heuristic value of this type of approach. However, as in other fields of study already explored by Justice spatiale/Spatial Justice, in the area of Indigenous Peoples’ Studies, this value is in contrast to the uncertainty surrounding it (see the journal’s homepage: “Who’s who?”, May 2009 – http://www.jssj.org//qui-sommes-nous).
L’objectif de ce numéro est donc, tout à la fois, d’éclairer la compréhension des revendications autochtones par une approche au prisme de la justice spatiale, et d’apporter une contribution à la réflexion au long cours que propose la revue sur cette notion, en examinant le sens qu’elle peut revêtir pour des peuples autochtones. Les contributions rassemblées ici concernent l’Afrique du Sud, la Bolivie, le Brésil, le Canada (en particulier le Québec mais aussi la région de Vancouver), les Etats-Unis (dont l’archipel d’Hawaii), le Mexique, l’Inde et la Nouvelle-Zélande, ainsi que cet espace particulier que sont les instances onusiennes, à Genève et à New York. Elles couvrent ainsi l’ensemble des continents concernés par les luttes autochtones, avec cependant une présence particulièrement forte des Amériques. Ceci explique sans doute que les problématiques évoquées dans ce dossier sont très souvent liées à la question de l’antériorité et aux spoliations territoriales mises en œuvre par les Etats européens dans le cadre de la colonisation de terres considérées comme « nouvelles », « vides », et donc bonnes à prendre.
The objective of this journal’s issue is, therefore, to elucidate the claims of Indigenous peoples by approaching them through the prism of spatial justice. Also, we hope to contribute to the long-term reflections developped by the journal on the concept of spatial justice, by examining the meaning it may have for Indigenous peoples. The contributions collected here deal with South Africa, Bolivia, Brazil, Canada (particularly Quebec, but also the Vancouver area), the United States (including the Hawaii archipelago), Mexico, India, and New Zealand, as well as the particular spaces represented by the UN bodies in Geneva and New York. They thus cover all of the continents concerned by the struggles of Indigenous peoples, with, however, a majority of papers discussing indigenous issues in the Americas. This certainly explains why the issues raised in this collection are very often linked to prior occupation and dispossession of land by European governments in the context of colonisation of territory considered « new », « empty », and, therefore, ripe for the taking.
« Peuples autochtones » et « autochtonie »
« Indigenous peoples » and « indigenousness »
Le terme « peuples autochtones » a vu le jour dans les Amériques dans les années 1970, dans le sillage des mobilisations des Amérindiens et de leur entrée sur la scène internationale. Soulignant leur antériorité sur le continent par rapport aux nouveaux arrivants européens et dénonçant l’oppression politique, la discrimination sociale et les processus d’usurpation foncière et de dépossession territoriale dont ils sont l’objet depuis plusieurs siècles, les Amérindiens revendiquaient leur statut de Sujet politique à l’intérieur des Etats qui les englobent, et la reconnaissance de droits collectifs et culturels allant au-delà de simples droits individuels de citoyenneté. Rapidement suivis dans cette démarche par les peuples d’Océanie et les Sâmes de Fennoscandie, ils furent, ensemble, le fer de lance du Groupe de travail sur les populations autochtones de l’Organisation des nations unies (ONU) créé en 1982. Le témoignage de Pierrette Birraux, dans la rubrique Espace public de ce numéro, éclaire les motivations et l’organisation interne de ce véritable forum international pour les peuples autochtones.
The term « Indigenous peoples » originated in the Americas in the 1970s, in the wake of the mobilisation of Native Americans and their emergence on the international stage. Emphasising their prior presence on the continent compared to the European newcomers and speaking out against political oppression, social discrimination, and the process of land-grabbing and territorial dispossession to which they had been subjected for several centuries, Americans Indians claimed their status as political subjects within the states they have been incorporated into. They also claimed the recognition of community and cultural rights, extending beyond simple individual rights to citizenship. They were rapidly followed in this approach by the peoples of Oceania and the Sami of Fennoscandia. Together, they were the spearhead of the United Nations (UN) Working Group on Indigenous Populations, set up in 1982. Pierrette Birraux’s testimonial, in the Public Space section of this issue, sheds light on the motivations and internal organisation of this veritable international forum for Indigenous peoples.
L’accomplissement principal de ce Groupe, à ce jour, est la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, adoptée en 2007 par l’Assemblée générale de l’ONU (résolution 61/295). Après les conventions n° 107 (1957) et n° 169 (1989) de l’Organisation internationale du travail (OIT), ce texte consacre la reconnaissance internationale des peuples autochtones. La relation unique à la terre, au territoire et à ses ressources, et son importance pour la survie des sociétés autochtones et pour les fondements tant spirituels que matériels de leurs identités culturelles est reconnue par l’ONU comme par l’OIT. Elle a été retenue comme un critère majeur pour distinguer les peuples autochtones d’autres minorités culturelles ou politiques (Daes, 2001).
Until now, the main success of this Group has been the Declaration on the Rights of Indigenous Peoples, adopted by the UN General Assembly in 2007 (resolution 61/295). In the wake of the International Labour Organization (ILO) conventions n° 107 (1957) and n° 169 (1989), this text enshrined international recognition for Indigenous peoples. A unique relationship with the land, territory, and its resources, its importance for the survival of indigenous societies, as well as both the spiritual and material substructure of their cultural identities has been recognised by the UN and the ILO. It was retained as a key criterion for distinguishing Indigenous peoples from other cultural or political minorities (Daes, 2001).
À une définition stricte, et plus encore à une liste, des peuples autochtones, le Groupe de travail a préféré une série de critères, qui ne doivent pas nécessairement être tous remplis ; la possibilité de s’y reconnaître est laissée à l’appréciation de chaque peuple. Il résulte de ce choix un certain flou, parfois interprété comme une faiblesse de la catégorie « peuples autochtones », en particulier lorsqu’elle est mobilisée en Asie et en Afrique où la notion d’antériorité est controversée. La notion est ainsi plus politique qu’analytique, ce qui est pleinement assumé par les rédacteurs de la Déclaration de 2007 comme par les éditrices de ce numéro.
Rather than a strict definition or a list of Indigenous peoples, the Working group preferred a set of criteria that do not necessarily all have to be met; their relevance is left up to the appreciation of each People concerned. This choice has resulted in a certain fuzziness, sometimes interpreted as a weakness of the category « Indigenous peoples », particularly in Asia and Africa contexts, where the concept of prior occupation is controversial. The fact that the concept is thus more political than analytical is fully accepted by the authors of the 2007 Declaration, as well as the editors of this issue.
Dans le mouvement de l’affirmation des peuples autochtones au niveau international, le terme d’« autochtonie » a émergé dans les milieux universitaires francophones pour exprimer l’idée qu’en plus de l’expérience partagée dans la durée de la marginalisation et de la discrimination, ces peuples ont en commun des caractéristiques culturelles et identitaires les distinguant des autres sociétés. Françoise Morin suggère que le Groupe de travail sur les populations autochtones a été le lieu de la construction d’une identité pan-autochtone, dont découle le concept d’autochtonie (cf. Morin, 1994 – entre autres). Bien que largement mobilisée par les chercheurs francophones, comme on le voit dans plusieurs articles de ce dossier, cette conception est loin de faire l’unanimité chez les concernés et ceux qui sont engagés à leurs côtés. On lui reproche en particulier de tendre à essentialiser ces peuples et à mettre au second plan le fait qu’ils sont distincts les uns des autres (voir Pierrette Birraux infra). L’enjeu de cette controverse épistémologique est politique. Regrouper sous une seule identité des peuples très différents contient le risque de nier, d’une part, l’historicité des peuples autochtones, d’autre part, l’importance des contextes locaux qui ont conduit à leur « fabrication » et dans lesquels leurs luttes s’inscrivent aujourd’hui.
During the movement to assert the rights of Indigenous peoples on an international level, the term « autochtonie » (indigenousness) emerged in French-speaking academic circles to express the idea that, in addition to a shared experience during the period of marginalisation and discrimination, these Peoples have a common identity and cultural characteristics that distinguish them from other societies. Françoise Morin suggested that the Working Group on Indigenous Populations offered an opportunity to build a pan-indigenous identity, that would form a basis for the concept of indigenousness (see Morin, 1994 – among others). As we shall see in several papers in this issue, although it has been widely explored by French-speaking researchers, this concept is far from being unanimously accepted among those concerned and their supporters. In particular, it is criticised for tending to essentialise these Peoples and ignore their differences (see: Pierrette Birraux infra). The stakes in this epistemological controversy are political. Gathering very different Peoples under a single identity runs the risk of denying, on the one hand, the historicity of indigenous peoples and, on the other hand, the importance of local contexts that led to their « production » and on which their struggles focus today.
Par ailleurs, dans le contexte français, la notion d’« autochtone » fait florès depuis le début du 21e siècle dans certains cercles militants marqués par le repli identitaire et le refus de l’Autre. Ces cercles, qui se situent à l’extrême droite de l’échiquier politique, s’emparent du terme pour s’auto-désigner en se construisant comme les victimes d’une immigration qui menacerait une identité française « de souche ». Cette récupération idéologique constitue un remarquable exemple de détournement, qu’il est aisé de débusquer dès que l’on fait l’effort de lire la Déclaration sur les droits des peuples autochtones. Elle n’en n’a pas moins eu pour effet de jeter un certain discrédit dans les milieux intellectuels et universitaires français sur les revendications de peuples durablement spoliés, discriminés et stigmatisés. Ces réactions négatives sont d’autant plus vives qu’elles se nourrissent aussi de l’attachement des chercheur.e.s à un modèle dit « républicain » qui, au nom de l’universalisme, se méfie des identités particulières.
In addition, in the French context, the « Indigenous people » concept has prospered since the beginning of 21st century in certain militant circles marked by identitarian withdrawal and the rejection of outsiders. These groups, on the extreme right of the political spectrum, have adopted this term to describe themselves as the victims of immigration that, in their opinion, threatens their identity as « native-born » French people. This ideological exploitation offers a remarkable example of misappropriation, which it is easy to unmask as soon as one makes the effort to read the Declaration on the Rights of Indigenous Peoples. However, among French intellectuals and academics, it has shed a certain discredit on the claims of peoples who have suffered dispossession, discrimination, and stigmatisation over a long period of time. These negative reactions are all the stronger as they also feed on researchers’ attachment to a « Republican » model, which mistrusts special identities in the name of universalist principles.
Ces critiques sont fondées sur une compréhension de la notion à partir du sens étymologique du terme « autochtone » : « qui est issu de la terre où il vit », « qui est d’ici ». Elles ignorent le contexte dans lequel ce terme, plutôt qu’un autre, a été choisi. Or, la notion s’est forgée dans un dialogue international et non franco-français, ni même francophone. Il s’agissait de rompre avec les qualificatifs méprisants et stigmatisants longtemps en usage : « naturels », « sauvages », « primitifs », « indigènes[4] », etc. Face à ces termes très négativement connotés, l’adjectif « autochtone », qui n’avait pratiquement jamais été employé jusque-là, a paru, pour la version française des textes internationaux à visée émancipatrice pour ces peuples, plus neutre, voire positif. S’appuyer sur son sens étymologique pour prétendre à son inanité revient à se replier sur une situation franco-française alors que la question des peuples autochtones se pose à l’échelle mondiale et appelle à un retour critique sur l’histoire des Européens dans leur rapport au reste du monde.
These criticisms are based on an understanding of this concept originating from the etymological meaning of the French word « autocthone » (indigenous): « born in the land where s/he lives », « who is from here ». They ignore the context in which this term was chosen rather than any other. In fact, the concept developed in an international dialogue, rather than in purely French, or even French-speaking, circles. The aim was to break away from the derogatory, stigmatising terms that were previously in common usage: « natives », « savages », « primitives », etc. In contrast to these terms, with their highly-negative connotations, the adjective « autocthone » (indigenous), which was hardly ever used in the past, seemed a more neutral, or even positive option for the French versions of international texts aimed at supporting emancipation for these peoples. Relying on its etymological meaning to claim its inanity amounts to turning inwards towards a purely French situation, whereas the issue of Indigenous peoples exists on a global scale and calls for a critical review of the history of the Europeans in their relations with the rest of the world.
De la reconnaissance internationale au recouvrement de droits au niveau national
From international recognition to recovering rights on a national level
Si les peuples qui s’identifient comme autochtones ont obtenu une relative reconnaissance internationale au cours des dernières décennies, et s’ils sont toujours plus nombreux à adopter une rhétorique « globalisante » qui leur permet d’exister sur la scène mondiale, leurs luttes se déploient concrètement aux échelles nationales et locales des Etats plutôt qu’aux Nations Unies. Par-delà les spécificités propres à chacune de ces luttes, elles ont néanmoins un objectif commun : l’obtention de formes d’autonomie (dans les champs de l’éducation, de la culture, de l’économie, de la gestion des territoires et de leurs ressources, etc.) – rarement la sécession. En d’autres termes, il s’agit d’obtenir un droit à l’auto-détermination sur des portions d'espace. Ces luttes portent aussi sur la reconnaissance des peuples autochtones comme Sujets historiques au sein des Etats-nations qui les englobent, ce qui doit leur permettre de prendre part aux décisions relatives à l’aménagement du territoire ou au contrôle et à l’utilisation des ressources naturelles, ou à toute autre action sur leurs territoires historiques, et ce quel que soit le statut juridique actuel des terres concernées (domaine public de l’Etat, propriété privée – autochtone ou non autochtone –, propriété collective – autochtone ou non autochtone).
While those who identify themselves as Indigenous peoples have obtained a degree of international recognition in recent decades, and increasing numbers of them have adopted a « globalising » rhetoric that gives them a presence on the world stage, their struggles actually take place on national and local levels, rather than at the United Nations. Beyond the specific features of each of these struggles, they nevertheless share a common objective: obtaining certain forms of autonomy (in education, culture, the economy, land and resource management, etc.) – but rarely secession. In other words, the aim is to obtain the right to self-determination in certain spaces. These struggles also focus on the recognition of Indigenous peoples as historical subjects within the nation-states that now encompass them, with the aim of enabling them to participate in decisions concerning regional development, the control and use of natural resources, or any other action on their historical lands, whatever the present legal status of the land concerned (state-owned, Indigenous or non-Indigenous private or community property).
Ces demandes sont particulièrement fortes dans les Amériques et en Océanie (Australie et Nouvelle-Zélande principalement). Là, la construction de la catégorie autochtone par la conquête coloniale a été marquée par une politique sévère de négation et d’« endiguement » (voir notamment la figure de la réserve en Amérique du Nord : Harris, 2002). Elle a pris, selon les cas et les époques, et parfois simultanément, la forme d’une séparation, politique et/ou spatiale, et/ou d’une assimilation violente, et ce, jusqu’à une période relativement récente (années 1960 ou 1970 selon les pays).
These demands are particularly strong in the Americas and Oceania (mainly Australia and New Zealand). In those areas, the construction of the « indigenous » category by colonial conquest was marked by a strict policy of negation and containment (see, in particular, the case of reservations in North America: Harris, 2002). At different times in history, and also sometimes simultaneously, this took the form of political and/or spatial separation, and/or forced assimilation, which continued until relatively recently (1960s or 1970s, depending on the country).
L’issue de ces revendications diffère d’un pays à l’autre. Comme le souligne Irène Bellier, certains peuples autochtones se sont vus reconnaître des droits par des traités historiques ou des conventions modernes (au Canada, par exemple), tandis que d’autres ont récemment (début des années 1990) vu leur existence inscrite dans les Constitutions politiques des Etats, notamment dans une douzaine de pays d’Amérique latine. En Asie et en Afrique cependant, la plupart des « petits peuples » demeurent dans des situations de non droit, discriminés, marginalisés et objets de politiques d’assimilation, se traduisant aussi bien par des formes d’invisibilisation sociale que par l’élimination physique (Bellier, 2006, p. 105). Au nom de leur marginalisation sociale, économique et politique, du fait d’une relation au territoire particulière qui induit une vision du monde et donc une identité culturelle distincte de celle de la société majoritaire, ces peuples peuvent s’auto-désigner comme autochtones. Cette identification est pour eux une ressource politique dont ils peuvent se saisir pour porter leurs revendications au niveau international, afin d’y trouver une reconnaissance et un appui qui pourront ensuite être mobilisés au niveau national.
The outcome of these claims varies from one country to another. As emphasised by Irène Bellier, some Indigenous peoples were recognised specific rights by historical treaties or modern agreements (e.g. in Canada), while the existence of others has recently (in the early 1990s) been enshrined in the political constitutions of various countries, notably around a dozen in Latin America. In Asia and Africa, however, most « minority peoples » remain in situations where they have no rights, face discrimination and marginalisation, and are targeted by assimilation policies, leading to forms of enforced social invisibility, as well as physical elimination (Bellier, 2006, p. 105). On the grounds of their social, economic, and political marginalisation, their relationship with a specific territory that gives them a different vision of the world and, therefore, their cultural identity, distinct from that of the majority society, these peoples may call themselves Indigenous peoples. This identification constitutes a political resource that they can use to present their claims on an international level, in order to obtain recognition and support, which they can then mobilise on a national level.
La Loi, l’Etat et les peuples autochtones
The Law, the State, and Indigenous peoples
Historiquement, la dépossession et la spoliation ont été réalisées, d’une part, dans la confrontation directe, souvent violente, d’autre part, par un ensemble de « technologies de pouvoir spatiales » (« spatial technologies of power ») (Sandercock, 2004, p. 118) ou de « technologies coloniales » (« colonial technologies ») (Matunga, 2013, p. 7) : l’arpentage, la cartographie, la toponymie, les procédures et pratiques d’aménagement du territoire, et les lois, tout particulièrement les lois régissant la propriété privée. Aujourd’hui, dans les Etats dont ils dépendent et dans lesquels ils vivent, les peuples autochtones doivent composer avec ces lois et avec des systèmes judiciaires élaborés par des sociétés autres, avec lesquelles ils entretiennent des relations de pouvoir inégales, de caractère colonial.
Historically, dispossession and spoliation occurred through direct, often violent, confrontation, as well as through « spatial technologies of power » (Sandercock, 2004, p. 118) and « colonial technologies » (Matunga, 2013, p. 7): surveying, place-naming and naming, cartography, procedures of regional planning, private property rights / private property rights. Today, in the states they depend on and where they live, Indigenous peoples have to cope with these laws and legal systems developed by other societies, with which they have an unequal, colonial-type, power relationship.
Aussi, les mobilisations autochtones, qui depuis les années 1970 s’affirment sur les scènes nationale et internationale, ont-elles tenté de renverser ce rapport de force, principalement de deux façons. D’une part, par l’organisation d’actions dans l’espace public : marches de protestation, blocages de route ou de ponts, occupation de facto ou symbolique de terres, etc. D’autre part, par le recours aux tribunaux, devant lesquels des faits de spoliations et/ou de discrimination relatifs à des cas précis ont été portés. On constate ainsi une tendance à la judiciarisation des revendications autochtones dans de nombreux Etats, soit le fait de traiter via les tribunaux des questions qui appelleraient en réalité des solutions politiques (Tremblay, 2000). Les procédures sont cependant complexes et coûteuses, et les démarches ne sont pas toujours couronnées de succès, loin s’en faut. Car les lois auxquelles les Autochtones se réfèrent n’ont le plus souvent pas été écrites dans le but de les protéger, mais bien de les déposséder. Etienne Rivard, à propos des plaintes déposées par les Métis au Québec, et June Lorenzo, à propos de celles déposées par les Pueblos Laguna en Arizona, font état dans ce dossier de ces difficultés.
The mobilisation of Indigenous peoples on the national and international stage since the 1970s has attempted to reverse this balance of power, mainly in two ways. Firstly, by organising public actions: protest marches, blocking roads or bridges, actually or symbolically occupying land, etc. Secondly, by taking legal action in the courts in specific cases of dispossession and/or discrimination. This has led to a trend towards seeking legal reparation for the claims of Indigenous peoples in many countries, often bringing before the courts issues that would really require political solutions (Tremblay, 2000). Legal proceedings are, however, complex and expensive and cases do not always have positive outcomes – far from it, as the laws under which Indigenous peoples claim some form of reparation were not usually written with the aim of protecting, but rather of dispossessing them. These difficulties are described in contributions by Etienne Rivard, on the cases brought by the Métis in Quebec, and June Lorenzo, on those of the Pueblos Laguna in Arizona.
Par ailleurs, certaines nations autochtones, au Canada, aux Etats-Unis, en Nouvelle-Zélande et en Australie, ont saisi les tribunaux en exploitant les possibilités du droit jurisprudentiel (common law) caractéristique des anciennes colonies britanniques. Quelques-unes ont réussi à faire valoir des droits issus de traités ou d’autres accords historiques signés de Nation à Nation, entre peuples autochtones et puissances coloniales européennes ou Etats naissants. Ainsi sont-elles parvenues à légitimer dans certains cas leur souveraineté, leur statut de Sujet au regard du droit international, et leur droit à l’autodétermination dans certains domaines de compétence à l’intérieur des pays concernés (Schulte-Tenckhoff, 1998 ; Gilbert, 2007, p. 585 ; Porter, 2010, p. 22-23).
Furthermore, some Indigenous Nations, in Canada, the United States, New Zealand, and Australia, have gone to the courts to take advantage of the possibilities of common law, characteristic of the former British colonies. Some have obtained recognition of rights based on treaties or other historical agreements, signed on a Nation to Nation basis, between Indigenous peoples and European colonial powers or new states. Thus, in some cases, they have managed to legitimise their sovereignty, their status as subjects in international law, and their right to self-determination in certain areas of competency within the countries concerned (Schulte-Tenckhoff, 1998; Gilbert, 2007, p. 585; Porter, 2010, p. 22-23).
D’une région et d’un peuple à l’autre, même au sein d’un même Etat, les situations sont très variables. Ainsi, en Nouvelle Zélande, la loi de 1975 – the Treaty of Waitangi Act – a reconnu au traité de Waitangi, signé en 1840 entre la plupart des iwis Māori et la Couronne britannique, un statut officiel au sein de la législation néo-zélandaise. La loi a confirmé sa validité juridique, ce qui permet aux Māori de porter plainte auprès d’un tribunal créé à ce seul effet – le Tribunal de Waitangi – pour toute violation du traité commise par les autorités pakeha (Britanniques puis Néo-Zélandaises) depuis 1840. Au Canada, la situation est plus contrastée. Certaines Premières Nations innues du Québec négocient depuis bientôt quarante ans un accord dont l’issue reste aujourd’hui incertaine (cf. l’entretien avec Hélène Boivin dans la rubrique Espace public de ce numéro), tandis que les Inuit ont obtenu une certaine autonomie et un droit de co-gestion des ressources dans leurs territoires historiques (parties nord des provinces de Terre-Neuve - Labrador et du Québec et des Territoires du nord-ouest, et territoire du Nunavut dans son ensemble). En revanche, au Chili et en Argentine, les Mapuche, qui ont eux aussi signé de nombreux traités entre le 17e et le 19e siècles, dans leur cas avec la Couronne espagnole, ne sont jusqu’à présent pas parvenus à les faire valoir, ni politiquement ni devant les tribunaux, malgré les nombreux efforts de militants, intellectuels et juristes mapuche depuis les années 1980 (Marimán, 2002 ; Schulte-Tenckhoff, 1994).
Situations vary considerably from one region and people to another, even within the same state. Thus, in New Zealand, the 1975 Treaty of Waitangi Act recognised the treaty of Waitangi, signed in 1840 by most of the Māori iwis and the British Crown, giving it official status in New Zealand legislation. The law confirmed the treaty’s legal validity, which enables Māori to bring cases before a court set up solely for this purpose – the Waitangi Tribunal – for any treaty violation committed by the Pakeha (British then New Zealand) authorities since 1840. In Canada, the situation is less clear. Some Innu First Nations in Quebec have been negotiating their land claims for nearly forty years and the outcome is still uncertain (see the interview with Hélène Boivin in the Public Space section of this issue), while the Inuit have obtained a certain level of autonomy and the right to joint-management of the resources on their historic lands (northern parts of Newfoundland, Labrador, and Quebec provinces and of the Northwest Territories, as well as the whole of the Nunavut territory). In contrast, in Chile and Argentina, the Mapuche, who also signed many treaties, with the Spanish Crown, throughout the 17th to 19th century have not yet managed to obtain recognition, either politically or in the courts, despite the tremendous efforts of militants, intellectuals, and Mapuche lawyers since the 1980s (Marimán, 2002; Schulte-Tenckhoff, 1994).
Et pour ce qui concerne la France, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) a publié le 23 février dernier (2017) un Communiqué de presse apportant un éclairage sur la situation spécifique peuples autochtones en outre-mer (en particulier les Kanaks, en Nouvelle Calédonie, et les Amérindiens, en Guyane française), et appelant l’Etat à clarifier sa position en faveur de la reconnaissance de ces peuples en tant que tels
As for France, the National Consultative Commission on Human Rights (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme – CNCDH) issued a press release on 23 February 2017 on the specific situation of Indigenous peoples in overseas territories (particularly the Kanaks, in New Caledonia, and the Amerindians, in French Guyana), calling on the government to clarify its position in favour of recognising these peoples.
Face à la violation de leurs droits et à la difficulté voire l’impossibilité de bénéficier de justes procès devant des tribunaux nationaux, de nombreux peuples autochtones ont aujourd’hui recours à une justice exercée à l’échelle internationale. Il faut ici mentionner le rôle essentiel joué par la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) dans des jugements historiques tels que celui de la communauté Mayagna (Sumo) Awas Tingni contre l’Etat du Nicaragua, rendu en 2001. Les juges de la CIDH ont reconnu les droits collectifs de la propriété de la terre des Awas Tingni, et leur ont donné la préséance sur ceux octroyés par l’Etat. Ce faisant, ils ont accepté de considérer la propriété non pas comme un titre légal mais comme une occupation prouvée culturellement, reconnaissant ainsi le caractère « ancestral » et « immémorial » de cette occupation, basée sur des modes de vie traditionnels. Ils ont aussi accepté que l’absence d’établissements humains stables ne remettait pas en cause l’occupation historique et continue de sociétés nomades sur un territoire (Hale, 2005). Même si la mise en œuvre de ce jugement s’est avérée problématique, se heurtant notamment à la résistance de certains acteurs locaux et nationaux (ibid.), il a constitué un geste significatif et sans précédent du régime international en faveur des droits culturels et collectifs autochtones et de la reconnaissance du titre ancestral (del Toro Huerta, 2010 ; Aguilar Cavallo, 2005).
Faced with violations of their rights and in view of the difficulty, or even impossibility, of obtaining a fair hearing in the national courts, many Indigenous peoples have now turned to international justice. It is important to here mention the key role played by the Interamerican Human Rights Commission (IACHR) in historic rulings, such as the Mayagna (Sumo) Awas Tingni Community versus the state of Nicaragua, handed down in 2001. The IACHR courts recognised community rights to ownership of the Awas Tingni lands and gave them precedence over rights granted by the state. In doing this, they agreed to consider property not as a legal title but as a culturally-proven occupation, thus recognising the « ancestral » and « timeless » nature of this occupation, based on a traditional way of life. They also ruled that the absence of stable human settlements did not cast doubt on the continuous, historic occupation of the territory by nomadic societies (Hale, 2005). Even if the implementation of this ruling has proved to be problematic, meeting resistance from some local and national stakeholders (ibid.), it constituted a significant, unprecedented gesture by an international body towards the cultural and community rights of Indigenous peoples and the recognition of ancestral ownership (del Toro Huerta, 2010; Aguilar Cavallo, 2005).
Enfin, il faut considérer que la justice en tant qu’application d’un ensemble de lois renvoie aussi à la justice telle que les Autochtones eux-mêmes la pratiquent. Certains pays d’Amérique latine, comme la Bolivie ou la Colombie, reconnaissent des formes de « pluralisme légal » et admettent l’existence d’une « diversité normative ». Les peuples autochtones ont ainsi obtenu le droit d’administrer des formes de justice coutumière à l’intérieur d’unités territoriales précises (Barrera, 2011 ; Van Cott, 2000). Des expérimentations sont également en cours au Canada pour ce qui relève de la petite délinquance, notamment dans le cadre des actes dépendant des cours territoriales au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest, les deux territoires dont la population est majoritairement autochtone (Inuit au Nunavut, Amérindiens et Inuit dans les Territoires du Nord-Ouest). Notons que ce sont souvent les politiques multiculturalistes mises en place dans de nombreux pays des Amériques et d’Océanie à partir des années 1970 qui ont permis ces formes de reconnaissance, symbolique et juridique, des droits collectifs et culturels des peuples autochtones, et de leurs identités.
Finally, justice should be considered as the application of a set of laws, which also resembles justice as practised by Indigenous peoples themselves. Some Latin American countries, like Bolivia and Colombia, recognise forms of « legal plurality » and accept the existence of a « normative diversity ». Indigenous peoples have thus obtained the right to administer certain forms of customary justice within specific territorial units (Barrera, 2011; Van Cott, 2000). Experiments are also in progress in Canada for cases of petty crime, particularly in the context of proceedings in Nunavut and in the Northwest Territories, where a majority of the population is indigenous (Inuit in Nunavut, First Nations and Inuit in the Northwest Territories). It is noteworthy that these forms of symbolic and legal recognition of community and cultural rights of Indigenous peoples, and of their identities, rose in the context of the multiculturalist policies introduced in many countries in the Americas and in Oceania, starting in the 1970s.
Dans tous les cas, quel que soit le niveau auquel justice est obtenue, cela relève, tout à la fois, d’une justice redistributive d’un côté, qui vise à traiter les inégalités et discriminations sociales, et à favoriser l’équité pour les Autochtones en termes d’opportunités économiques (accès à certains emplois, à l’aide au logement, à des bourses d’étude, etc.). Et d’une justice par la reconnaissance de l’Autre d’un autre côté, qui touche à des questions de représentations de l’espace, d’identités territoriales et de pratiques spatiales.
In all cases, irrespective of the level at which justice is obtained, on the one hand, it involves redistributive justice, aimed at dealing with inequality and social discrimination, and promoting fairness for Indigenous peoples in terms of economic opportunities (access to certain jobs, housing benefits, study grants and fellowships, etc.). On the other hand, justice involves the recognition of the Other and covers issues such as spatial representation, territorial identities, and spatial practices.
Des neuf textes publiés ici (six articles dans le dossier thématique et trois témoignages dans l’Espace public), émergent trois questions centrales. D’une part, le statut de l’espace dans les réclamations territoriales (land claims) est moins évident que l’on pourrait le penser à priori. Est-il l’objet, le sujet ou le médiateur de la justice demandée ? D’autre part, en situation de minorité culturelle et/ou politique, les peuples autochtones n’ont pas d’autre choix que de passer par le système judiciaire de la société majoritaire pour tenter d’obtenir justice. Se pose alors le problème de la rencontre entre des ontologies radicalement différentes. Enfin, les luttes autochtones amènent à s’interroger sur les formes que peut prendre la réparation de torts subis dans la longue voire très longue durée.
Three key questions emerge from the nine papers published here (six articles and three testimonials in the Public Space section. Firstly, the status of space in land claims is less obvious than it may initially appear. Is it the object, the subject, or the mediator in the justice that is seeked? Secondly, Indigenous peoples, as cultural and/or political minorities, have no other choice than to abide to the judicial system of the majority society to seek justice. This raises the problem of a mismatch between two, radically different, ontologies. Finally, the struggles of Indigenous peoples lead to a reflection on the possible forms of compensation for wrongs suffered over a long, or very long, period of time.
L’espace comme objet, comme médiateur, ou comme sujet de justice ?
Is space the object, the mediator, or the subject of justice?
Pour les peuples autochtones, l’espace – plus précisément la terre ou le territoire – constitue-t-il la finalité des demandes de justice ? Ou est-il plutôt le moyen par lequel justice peut être obtenue ? Autrement dit, les revendications de justice se cristallisent-t-elles sur la terre et le territoire parce que ceux-ci sont considérés comme essentiels à la survie culturelle et physique du groupe ? Et dans ce cas, l’espace est l’objet même des revendications. Ou bien parce qu’ils matérialisent ce qui relève de l’immatériel, à savoir la spoliation, la stigmatisation, la relégation et la dépréciation subies par les Autochtones ? Et dans ce cas, l’espace est un médiateur, il s’agit d’obtenir justice par l’espace. Ou enfin, à l’inverse, l’espace est-il le sujet de la justice demandée ? En d’autres termes, s’agit-il d’obtenir justice pour l’espace ?
For Indigenous peoples, does space – more specifically the land or territory – constitute the goal of calls for justice? Or is it rather a means for obtaining justice? In other words, do claims for justice focus on land and territory because they are considered essential for the cultural and physical survival of the group? In this case, space is the actual object of the claims. Or is it because they embody the immaterial aspects, i.e. dispossession, stigmatisation, relegation, and debasement suffered by Indigenous peoples? In this case, space is a mediator, used to obtain justice. Or, finally, on the contrary, is space the subject of the justice sought? In other words, is the aim to obtain justice for space?
L’espace comme objet. A première vue, les revendications autochtones semblent bien porter sur des portions d’espaces sur lesquels le recouvrement d’une forme collective – plus rarement individuelle – de propriété et/ou de souveraineté est réclamé au nom de la justice. Ainsi des Ohlones, premiers habitants de la baie de San Francisco, dont Benjamin Leclère relate les initiatives qu’ils déploient en vue de l’octroi de quelques hectares de propriété foncière à l’intérieur de ce qui est aujourd’hui une vaste région urbaine. Ainsi aussi des Tacana (Amazonie bolivienne) évoqués par Laetitia Perrier Bruslé, et des Métis du Québec[5], dont Etienne Rivard analyse les démarches entreprises auprès des tribunaux de la Province. Hélène Boivin détaille quant à elle, à partir de la situation des Ilnu de Mashteuiatsh, toutes les étapes et difficultés de ce type de processus.
Space as object. At first sight, the claims of Indigenous peoples clearly seem to focus on places where the recovery of the property and/or sovereignty of a community – or, more rarely, an individual – is claimed in the name of justice. Thus, Benjamin Leclère reports on the initiatives launched by the Ohlones, the first inhabitants of San Francisco Bay, to obtain a land grant of a few hectares within what has now become a vast urban area. This is also the issue for the Tacana (Bolivian Amazon) mentioned by Laetitia Perrier Bruslé, and the Métis of Quebec[4], whose efforts in the Provincial courts are analysed by Etienne Rivard. Hélène Boivin gives a detailed account of the situation of the Ilnu of Mashteuiatsh, describing all the stages in this type of process and the difficulties involved.
L’espace comme médiateur. Notre appel à textes – par son titre même – proposait d’aller au-delà de l’évidence des réclamations territoriales et de s’interroger sur la nature et la portée de la justice que les Autochtones réclament quand ils demandent réparation pour les terres et/ou territoires dont ils ont été dépossédés. Notre hypothèse initiale était que, au-delà de l’obtention d’une propriété ou d’une souveraineté sur leurs propres terres, l’enjeu est aussi, voire surtout, celui d’une reconnaissance pleine et entière de leur existence, de leurs différences culturelles et de leur citoyenneté dans les Etats dans lesquels ils vivent aujourd’hui. Autrement dit, nous postulions que la lutte pour la terre et le territoire est aussi une lutte symbolique pour la décolonisation des manières d’être-au-monde ou des « modes d’insertion dans l’univers » (Savard, 1980, p. 29). Les textes de Benjamin Leclère, à propos des Amérindiens qui habitent dans la baie de San Francisco mais qui, contrairement aux Ohlones, n’en sont pas originaires, de Kara Puketapu-Dentice et alii, à propos des Māori qui vivent dans la région urbaine de Wellington et des Amérindiens de Vancouver, et de Frédéric Landy et alii, à propos des Autochtones qui, en périphérie de Mumbai et du Cap vivent dans ou proches de parcs nationaux, s’inscrivent clairement dans cette perspective. En effet, ils montrent que l’objectif, pour ces communautés installées aux portes de très grandes villes, est surtout de voir pris en compte leurs savoirs, leurs valeurs, leurs aspirations, et leur présence tout court, dans l’aménagement urbain. Elles revendiquent ainsi leur droit à « être Autochtone dans la ville ». L’espace joue alors un rôle de médiateur, et la justice spatiale est ici un moyen pour parvenir à un monde plus juste.
Space as mediator. The very title of our Call for papers suggested that authors look beyond the obvious facts of territorial claims and investigate the type and scope of justice claimed by Indigenous peoples when they demand compensation for land and/or territories that have been taken away from them. Our initial hypothesis was that, beyond obtaining ownership or sovereignty over their own land, the issue was also, or even above all, the full recognition of their existence, their cultural differences, and their citizenship in the countries where they live today. In other words, we hypothesised that the struggle for land and territory was also a symbolic struggle for decolonisation of ways of being in the world or « modes of integration in the universe » (Savard, 1980, p. 29). This is clearly the case with the American Indians who live in the San Francisco Bay area but, unlike the Ohlones, were not originally from there (Leclère), as well as with the Māori who live in the Wellington urban area and First Nations living now in the Vancouver area (Puketapu-Dentice et. al.). Indigenous peoples who live in or around National parks on the outskirts of Mumbai and Cape Town also share a similar perspective and seek similar goals (Landy et. al.). Indeed, all these authors show that the objective of these communities who live in very large cities or in their vicinity is, above all, to ensure that their knowledge, values, aspirations, and, in short, their presence, are taken into account in urban planning and development. All thus claim their right to « be Indigenous peoples in the city ». In these cases, space plays the role of a mediator, and spatial justice is a means for achieving a fairer world.
L’espace comme sujet. Deux autres contributions à ce numéro développent cependant un tout autre point de vue, en mettant en avant une vision biocentrée du monde dans laquelle l’espace, et les lieux qui composent le territoire, sont pensés comme les sujets auxquels il faut rendre justice. Dans l’entretien qu’elle nous a accordé, la cartographe et géographe hawaiienne Renee Louis Pualani affirme : « Il ne s’agit pas de : « tout faire pour les hommes » ; mais de : « tout faire pour tout ». Il s’agit de considérer tous les processus naturels comme importants. Tous les animaux, tout… tout ce qu’il y a dans le monde a son importance. Et c’est aussi considérer que tout est intelligent. » Pour elle, il s’agit avant tout de réclamer une justice pour l’espace et pour le territoire, une conception qui renvoie à la vision holiste évoquée ci-dessus. Quant à June Lorenzo, avocate pueblo laguna investie dans le domaine des droits des peuples autochtones et dont la contribution dans ce numéro porte sur la reconnaissance des sites sacrés par l’Etat fédéral et l’État d’Arizona aux États-Unis, elle insiste sur l’« agentivité » de l’espace. S’appuyant à la fois sur les théories d’Edward Soja et sur des perspectives théoriques autochtones, elle suggère que l’espace constitue une force qui agit sur l’action sociale, et donc aussi sur la justice sociale. Si une telle posture peut sembler rejoindre les théories de l’acteur-réseau de Bruno Latour ou encore Michel Callon, notamment en ce qui concerne la place des non-humains, elle s’appuie cependant sur des conceptualisations propres aux ontologies autochtones. Dans cette optique, où l’espace est le sujet auquel justice doit être rendue, renoncer à la revendiquer n’est pas possible, car il en va de la responsabilité des humains de rétablir l’équilibre rompu par d’autres humains et d’agir pour le territoire, en particulier ses lieux sacrés.
Space as subject. Two other contributions in this issue, however, present a completely different approach, putting forward a biocentric world view, where spaces and places are seen as the subjects who should receive justice. In her interview, Hawaiian cartographer and geographer r Renee Louis Pualani states: « It is not all about doing everything for man, it is about doing everything for everything. So it’s considering all processes are important. All animals, all… whatever is in the world is important. And considering that they are intelligent ». For her, the aim is, above all, to claim justice for the land and for its places, an interpretation based on the holistic view mentioned above. June Lorenzo, a Pueblo Laguna lawyer involved in the field of Indigenous peoples’ rights, whose contribution in this issue deals with the recognition of sacred sites by the Federal government and the state of Arizona in the United States, emphasises the agency of space. On the basis of the theories put forward by Edward Soja and indigenous theoretical perspectives, she suggests that space constitutes a force that impacts social intervention and, consequently, social justice as well. While this approach may seem to echo the actor-network theories postulated by Bruno Latour and also Michel Callon, it is, however, based on conceptualisations specific to the ontologies of indigenous peoples, particularly concerning the place of non-humans. From this perspective, where space is the subject to which justice must be done, it is impossible to give up the claims, as it is the responsibility of humans to restore the balance upset by other humans and to act on behalf of the territory, especially its sacred sites.
Obtenir justice en se pliant aux termes de l’Autre
Obtaining justice by adopting the other party’s terms
L’entretien avec Hélène Boivin détaille toutes les étapes et difficultés de la négociation territoriale engagée par certaines des Premières Nations Innues du Québec avec les gouvernements québécois et canadien depuis bientôt quarante ans. Il montre notamment comment les Pekuakamiulnuatsh (Première Nationd Ilnu de Mashteuiatsh) sont contraints d’adopter une « grammaire moderne » du territoire (Gros, Dumoulin Kervran, 2011, p. 31) pour espérer être entendus. Pour assurer le succès de leurs revendications, ils n’ont d’autre choix que de formuler celles-ci en fonction des catégories de légitimation établies par la société majoritaire (Albert, 1997). Cette dernière impose ainsi, par ses lois et ses tribunaux, ses propres ontologies et idéologies territoriales, et ses propres catégories.
The interview with Hélène Boivin reviews all the stages and difficulties in the territorial negotiation launched by some Innu First Nations in Quebec with the Quebec and Canadian governments nearly forty years ago. In particular, it reveals how the Pekuakamiulnuatsh (Ilnu First Nation from Mashteuiatsh) were forced to adopt a « modern grammar » of land (Gros, Dumoulin Kervran, 2011, p. 31) before they could hope to be heard. To ensure the success of their claims, they had no other choice but to formulate them in terms of the legitimisation categories established by the majority society (Albert, 1997). The latter thus imposes, through its laws and courts, its own ontologies and territorial ideologies, as well as its own categories.
L’une des difficultés majeures à laquelle se heurtent les peuples autochtones qui portent leurs revendications devant les tribunaux est ce qu’Étienne Rivard, dans ce dossier, appelle le « fardeau documentaire », soit l’obligation qui incombe aux plaideurs d’apporter la preuve de leur occupation, dans la durée, des terres ou territoires dont ils demandent à recouvrer l’usage, la jouissance et/ou la propriété, afin que justice leur soit rendue. Or, comment faire lorsque l’on a été exproprié de longue date et que seule la mémoire orale, transmise de génération en génération, atteste d’une présence ancienne sur des lieux où l’on ne peut plus se rendre, et ce alors que les tribunaux favorisent toujours l’écrit ? Comment montrer que le lien n’a pas disparu malgré ces obstacles ? June Lorenzo souligne elle aussi ces difficultés, particulièrement vives à propos de la reconnaissance des sites sacrés. Comment faire, aussi, lorsque que les territoires ont été profondément transformés par les impacts cumulatifs de la colonisation, de l’exploitation intensive des ressources naturelles et du développement industriel (Desbiens [2013] 2015 ; Desbiens, Hirt, Pekuakamiulnuatsh Takuhikan, 2015) ?
One of the major difficulties faced by Indigenous peoples who take their claims to court is what Étienne Rivard, in his paper calls the « documentary burden” or the obligation for the plaintiffs to prove their long-term occupation of the land or territories of which they claim to recover the use, enjoyment, and/or ownership, in order to obtain justice. How can they do that when they were dispossessed a long time ago and they only have oral memories, handed down from generation to generation, to prove their ancestral presence in places where they are no longer allowed to go, when the courts always give preference to written documents? How can they show that the link has not disappeared despite these obstacles? June Lorenzo also emphasises these difficulties, which are particularly acute in cases concerning the recognition of sacred sites. What can be done when the land has undergone sweeping transformations due to the cumulative impacts of colonisation, intensive exploitation of natural resources, and industrial development (Desbiens 2013/2015; Desbiens, Hirt, Pekuakamiulnuatsh Takuhikan, 2015)?
Plus largement, les modes d’identification culturelle des peuples autochtones se construisent dans un contexte où le rapport de force leur est globalement défavorable et les soumet à de nombreuses projections identitaires. Le texte de Laetitia Perrier Bruslé, à partir du cas bolivien, met ainsi en évidence les injonctions d’authenticité auxquelles sont soumis les peuples autochtones, injonctions qui coïncident avec une certaine idée que la société non autochtone se fait du rapport autochtone au territoire et à l’environnement. Frédéric Landy et alii décrivent le même type de processus à l’œuvre au Mexique. Les Autochtones subissent ainsi une standardisation et une stéréotypisation de leurs identités. Pour être reconnu, il faut se conformer à un modèle de soi construit par d’autres. Benjamin Leclère montre quant à lui que la justice, lorsqu’elle est appliquée aux Autochtones, est fortement liée et limitée à des espaces particuliers dans lesquels la société majoritaire cherche à les assigner à territorialité. En Amérique du Nord, il est difficile pour les Amérindiens urbains de faire reconnaitre leur identité et leur droit à la ville en tant qu’Autochtones. Car, comme le suggère Leclère, les imaginaires dominants associent autochtonie et ruralité et perçoivent la ville comme l’espace du colon et de la « civilisation », dans lequel l’Autochtone n’a pas sa place, sauf à s’assimiler à la société majoritaire. La même situation s’observe d’ailleurs en Australie, où l’identité aborigène est reconnue… tant qu’elle reste dans le bush (la brousse). Autrement dit, la justice spatiale pour les peuples autochtones est aussi un droit à la visibilité, là où les traces de leur présence antérieure ont été effacées, comme là où leur présence n’était pas prévue. Pourtant, Puketapu-Dentice et. alii démontrent que les Autochtones sont parfaitement capables de créer des espaces porteurs de leurs valeurs dans des lieux qui ne sont pas traditionnellement autochtones, tels que les agglomérations urbaines. Cet enjeu de la visibilité renvoie à l’une des cinq formes de l’oppression identifiées par Iris Marion Young ; celle de l’impérialisme culturel, qui fait que le groupe dominant invisibilise le groupe dominé (Young, 1990 ; Gervais-Lambony, Dufaux, 2009).
In a broader view, the cultural identification modes of Indigenous peoples are being built in a context where the overall balance of power is against them and subjects them to many identity projections. Laetitia Perrier Bruslé’s paper, based on the Bolivian case, thus highlights the authenticity requirements to which Indigenous peoples are subjected, which coincide with a certain conception of the non-Indigenous society concerning the relationship between Indigenous peoples, their lands, and the environment. Frédéric Landy et al. describe the same type of process in Mexico. Indigenous peoples are subjected to standardisation and stereotyping of their identities. To achieve recognition, you have to conform to a model of yourself built by others. Benjamin Leclère shows that the spatial justice applied to Indigenous peoples is strongly linked and restricted to specific spaces where the majority society seeks to assign them territoriality. In North America, it is difficult for urban Native Americans to obtain recognition for their identity and rights to the city as Indigenous peoples. As Leclère suggested, the dominant imagination associates indigenousness with rural life and perceives the city as a space belonging to colonisers and « civilisation », where there is no room for Indigenous peoples, unless they assimilate into the majority society. Indeed, the same situation has been observed in Australia, where Aboriginal identity is recognised… as long as they stay in the bush. In other words, spatial justice for Indigenous peoples also implies the right to visibility, both where the signs of their former presence have been erased and where it is not expected. Yet, Kara Puketapu-Dentice et. al. clearly show that Indigenous peoples are perfectly capable of creating spaces fit to their values in non-traditional places such as urban settings. This issue of visibility brings us to one of the five faces of oppression, identified by Iris Marion Young: cultural imperialism, where the dominant group makes the dominated group invisible (Young, 1990; Gervais-Lambony, Dufaux, 2009).
Jusqu’où réclamer justice ? Que veut dire demander réparation ?
How far can claims for justice go? What does demanding reparation really mean?
La question de la réparation est mentionnée à de nombreuses reprises dans les textes réunis dans ce numéro, car elle est sous-jacente à la demande de justice spatiale.
The issue of compensation is mentioned on many occasions in the texts in this collection, as it is an underlying issue in demands for spatial justice.
Les peuples autochtones d’Afrique et d’Asie sont peu concernés par cette question. Pour eux, obtenir justice signifie surtout obtenir le droit de continuer à vivre selon des modes de vie marginalisés ou discriminés (nomadisme, chasse, pêche, cueillette, etc.), souvent sur des territoires qu’ils habitent de très longue date. Il s’agit alors, d’abord et avant tout, de garder et défendre des territoires menacés de l’intrusion de tiers. Il en va autrement pour les peuples autochtones des Amériques et d’Océanie, ou encore de Fennoscandie et de Sibérie, qui justifient leurs revendications au nom du principe d’antériorité, à savoir par le fait d’être les premiers habitants du territoire national, et parfois continental. L’enjeu majeur est pour eux d’obtenir réparation, par les Etats, des torts subis au cours de plusieurs siècles de domination coloniale, et notamment des territoires soustraits. Pour eux, la reconnaissance officielle de ces torts, qu’il est rare d’obtenir, est insuffisante.
This issue is of relatively little importance to Indigenous peoples in Africa and Asia. For them, justice means, above all, obtaining the right to continue to maintain a way of life that has been marginalised or discriminated against (nomadic, hunting, fishing, gathering, etc.), often on lands where they have lived for a very long time. In those cases, the main aim is to keep and defend lands that are threatened with intrusion by third parties. The situation is different for Indigenous peoples in the Americas and Oceania, or even Fennoscandia and Siberia, who justify their claims on the grounds of the principle of prior occupation, i.e. the fact that they were the first inhabitants of a country, or even a continent. The major issue for these peoples is to obtain compensation from governments for harm suffered during several centuries of colonial domination, particularly for land stolen from them. They feel that an official recognition of these wrongs, which is already difficult enough to obtain, is not enough.
Mais concrètement, qu’est-ce que réparation veut dire ? Et jusqu’où doit-elle aller? C’est là sans doute la question la plus épineuse en matière de justice spatiale à propos des peuples autochtones. La chercheure Wahpetunwan Dakota Waziyatawin Angela Wilson expose en termes très clairs les dimensions du problème :
But what does reparation mean, in practical terms? And how far should it go? This is certainly the thorniest issue related to spatial justice for Indigenous peoples. The Wahpetunwan Dakota Waziyatawin researcher, Angela Wilson, describes the problem in very clear terms:
« […] la justice spatiale pour les peuples autochtones exigerait un retour de ces terres volées. Toute autre solution ne sera jamais qu’un compromis en matière de justice, mais il est difficile d’imaginer le retour de chaque pouce de terre. Je crois vraiment que les Américains (non autochtones) seraient parfaitement prêts à nous exterminer tous complètement plutôt que d’accepter de retourner dans leurs divers pays d’origine et de nous rendre nos terres. D’où la question : « combien de terres doivent être rendues pour qu’il y ait un semblant de justice spatiale ? Peu de peuples autochtones pensent que nous avons été traités justement ou que ce que nous avons actuellement en termes de terres est une solution juste. Mais il y a peu voire pas d’accord sur ce que pourrait être une répartition juste des terres, car c’est une question que peu d’entre nous se sont autorisés à envisager. Nous avons autorisé les forces du colonialisme à influencer les paramètres de notre vision concernant la justice, et par conséquent la plupart d’entre nous ont des difficultés à imaginer un futur qui ne soit pas inscrit à l’intérieur des limites actuelles. » (entretien avec Wilson in Brown et al., 2007, p. 20 – trad. libre des éditrices)
“(..) spatial justice for Indigenous peoples would require a return of that stolen land. Anything less will always be a compromise of justice, but it is difficult to imagine the return of every inch of land. I really believe that (non-Native) Americans would be perfectly willing to completely exterminate all of us before agreeing to return to their various countries of ancestral origin and hand our lands back to us. So the question that immediately emerges is: how much land needs to be returned for there to be some semblance of spatial justice? Few Indigenous people believe that we have been treated justly or that what we currently have in terms of land-base represents a just solution. But there is little to no agreement about what a just land dispersal might look like, because this is a question that few of us have allowed ourselves to contemplate. We have allowed the forces of colonialism to impact the parameters of our vision regarding justice and, as a consequence, most of us have difficulty imagining a future not prescribed by current boundaries.” (Interview with Wilson in Brown et al., 2007, p. 20).
Dans leur grande majorité, les Autochtones spoliés n’aspirent pas à une récupération intégrale de leurs terres et territoires, comme en témoigne le cri du coeur de Renee Louis Pualani dans ce numéro. Un tel projet s’avère en effet chimérique compte tenu de l’étendue des espaces concernés, des profondes transformations que le processus de colonisation y a imposé, et du fait que les populations autochtones sont, sauf exception, devenues des minorités démographiques sur leurs propres territoires.
The vast majority of Indigenous peoples who have been dispossessed do not aspire to full recovery of their lands, as Renee Louis Pualani heartfelt comment in her interview with us exemplifies. Indeed, it would be illusory in view of the size of the territories concerned, the sweeping changes imposed on them by the colonisation process, and the fact that the Indigenous populations have, with rare exceptions, become demographic minorities on their own lands.
Quelle forme peut prendre alors la réparation ? Y-a-t-il une limite dans le temps pour les réparations territoriales ? Cette épineuse question est l’objet d’intenses différends entre les parties concernées. Iris Marion Young, dans son ouvrage posthume, propose des pistes de réflexion fondées sur les exemples des peuples autochtones américains et des descendants d’esclaves noirs. Selon elle, des réparations peuvent certes être demandées quand les victimes et les bourreaux sont toujours vivants (Young, 2011, p. 173 notamment). Il serait raisonnable, par exemple, d’imaginer le versement de compensations financières par une entreprise à des communautés autochtones dans le cas de l’exploitation des ressources naturelles de leur territoire ; ou encore des compensations comme celles versées par le Canada aux victimes des écoles résidentielles (Residential schools)[6]. Mais d’après Young, il n’en va pas de même quand le lien direct entre parties lésées et coupables est difficile à démontrer, parce qu’il s’étend sur plusieurs siècles et que les individus directement concernés sont décédés. Dans ce cas, imputer la faute à des acteurs particuliers s’avère compliqué, et souvent improductif. Quant à la détermination du montant d’une juste compensation, elle s’avère hautement problématique. Et l’on en revient à la question posée par Wilson : combien de terres devraient être rendues pour que justice soit faite ? C’est pourquoi Young propose plutôt de développer un sens de la responsabilité collective et de la mémoire historique pour favoriser des changements, et instaurer de meilleures relations entre groupes :
What form can compensation take in that case? Is there a time limit on compensation for lost lands? This thorny issue has led to intense disputes between the parties concerned. In her posthumous book, Iris Marion Young offered avenues for reflection based on examples from American Indigenous peoples and from the descendants of black slaves. Her work suggested that it was possible to demand compensation while the victims and perpetrators were still alive (Young, 2011, especially p. 173). It would be reasonable, for example, to imagine that companies would pay financial compensation to Indigenous communities in cases of exploitation of the natural resources on their lands; or even to the victims of Residential schools, as the Canadian Federal government recently did[5]. According to Young, however, the situation changes when it is difficult to demonstrate a direct link between the injured and guilty parties, as the situation extends over several centuries and the individuals directly concerned have died. In this case, it is very complicated, and often unproductive, to apportion blame to specific actors. Determining a fair amount for compensation is also highly problematic. This brings us back to the question raised by Wilson: how much land should be returned for justice to be satisfied? This is why Young suggested it would be better to develop a sense of collective responsibility and historical memory to promote change and foster improved relations between groups:
« La simple impossibilité de changer l’injustice historiquement faite, cependant, crée la responsabilité de s’en préoccuper, aujourd’hui, en tant que mémoire. Nous sommes responsables, dans le présent, de la façon dont nous relatons le passé. La façon dont les individus et les groupes, dans une société donnée, décident de narrer l’histoire d’injustices passées et de dire le lien, ou la rupture, qu’elle entretient avec le présent, en dit long sur la façon dont les membres de ladite société se sentent en relation les uns avec les autres aujourd’hui, et si et comment ils peuvent envisager un futur plus juste. Une société qui aspire à transformer les structures injustes de son présent a besoin de reconstituer son imaginaire historique, et le processus d’une telle reconstitution implique des luttes politiques, du débat, et la reconnaissance de perspectives différentes sur les récits et les enjeux. » (Young, 2011, p. 182 - trad. libre des éditrices)
“The mere unchangeability of historic injustice, however, generates a present responsibility to deal with it as memory. We are responsible in the present for how we narrate the past. How individuals and groups in the society decide to tell the story of past injustice and its connection to or break with the present says much about how members of the society relate to one another now and whether and how they can fashion a more just future. A society aiming to transform present structures of injustice requires a reconstitution of its historical imaginary, and the process of such reconstitution involves political contest, debate, and the acknowledgment of diverse perspectives on the stories and the stakes.” (Young, 2011, p. 182)
La réparation devrait ainsi se faire en trois temps : un premier temps de reconnaissance de l’injustice subie, un deuxième temps de questionnement du récit historique qui légitime l’injustice et empêche la réparation, et un troisième temps d’action consistant à modifier le récit historique officiel. Au Canada, dans le cas des pensionnats, les travaux de la Commission Truth and Reconciliation ont suivi ces trois étapes pour aboutir à un résultat jugé globalement satisfaisant par les victimes.
Compensation should thus be envisaged in three stages: an initial stage for recognition of the injustice suffered, a second stage, interrogating the historical narrative that legitimised the injustice and prevented reparation, and a third stage that consists of modifying the official historical narrative. In Canada, in the case of residential schools, the work of the Truth and Reconciliation Commission followed these three stages to produce a result that was globally considered satisfactory by the victims.
Par ailleurs, cette construction d’un récit historique prenant en compte la « vision des vaincus », pour reprendre le titre des travaux pionniers de Nathan Wachtel (1992 [1971]), n’annihile pas la nécessaire récupération d’au moins partie des territoires préemptés. Car la récupération d’un contrôle sur l’espace et le temps est primordiale pour réparer ce qui a été fondamentalement altéré par la colonisation (Hirt, à paraître). Dans la pratique, les demandes portent souvent sur l’extension de terres autochtones devenues trop petites pour assurer la subsistance du groupe, ou de territoires trop étriqués pour se projeter comme collectif. Par ailleurs, aux Etats-Unis, face à l’insuffisance des politiques de réparation, certaines tribus optent pour le rachat de terres avec leurs propres deniers. C’est la voie choisie notamment par celles qui disposent de revenus importants dégagés par les activités des casinos et autres maisons de jeu qu’elles ont ouverts sur leurs territoires. Une partie de l’argent est alors réinvesti dans ce rachat, ce qui favorise un véritable processus de décolonisation (Leclère dans ce numéro ; Treuer [2012] 2014). Pour Waziyatawin Angela Wilson cependant, le rachat de terres est « un remède qui a peu à voir avec quelque justice que ce soit » (Wilson in Brown et al, 2007, p. 22).
Furthermore, this construction of a historical narrative, taking into account the « vision of the vanquished », to quote the title of a pioneering work by Nathan Wachtel (1992 [1971]), does not eliminate the possibility of the necessary recovery of at least part of the disputed land. Indeed, the recovery of control over space and time is vital to redress a situation that was fundamentally deteriorated by colonisation (Hirt, forthcoming). In practice, demands often concern the extension of Indigenous peoples’ lands that have become too small to sustain the group, or to be considered as community land. In addition, in the United States, some tribes, frustrated by inadequate compensation policies, have chosen to buy back some of their land with their own money. In particular, this approach has been chosen by some of the tribes who derive important income from casinos and other gaming activities that they have opened on their own lands. Some of the money is reinvested in land, thus promoting a veritable decolonisation process (Leclère in this issue; Treuer 2014). Waziyatawin Angela Wilson feels, however, that buying back land is “a remedy that hardly suggests some kind of justice” (Wilson, in Brown et al, 2007, p. 22).
Pour conclure
To conclude
Appréhender les luttes des peuples autochtones au prisme de la justice spatiale permet ainsi de bien saisir l’ampleur de ce qui se joue dans les demandes de reconnaissance, et de mieux comprendre les positionnements de ceux qui, en dépit de leur statut de vaincus de l’histoire, ont refusé de disparaître. Les réponses reçues à notre appel à textes montrent à la fois l’intérêt pour le type d’approche proposé par la revue Justice spatiale/Spatial Justice et sa nouveauté pour les études autochtones. Nous espérons avoir ouvert un champ fécond de recherche, de réflexion et d’action.
Analysing the struggles of Indigenous peoples through the prism of spatial justice clarifies the extent of their demands for recognition and the issues at stake, as well as achieving a clearer understanding of the positions of those who, despite their status as the vanquished in history, have refused to vanish. The responses received to our Call for papers are indicative of both the interest in the type of approach Justice spatiale/Spatial Justice offers and its novelty in the field of Indigenous Peoples Studies. We hope we have opened up a fruitful area of research, reflection, and action.
Ce numéro réunit six analyses, émanant de géographes (quatre textes), d’aménagistes et d’urbanistes (un texte) et d’une juriste autochtone ; et les témoignages d’une géographe suisse, engagée depuis plusieurs décennies pour la reconnaissance des droits des peuples autochtones, d’une cartographe-géographe hawaiienne, et d’une responsable ilnu, coordinatrice des Affaires gouvernementales et stratégiques de sa communauté. On aurait souhaité une contribution plus importante des juristes. Sans doute leurs univers de référence sont-ils trop éloignés des nôtres pour que la rencontre puisse, pour l’instant du moins, vraiment se faire. Un travail étroit avec eux serait pourtant nécessaire pour aller plus loin dans les analyses esquissées ici.
This issue includes six papers in the Focus section, four written by geographers, one by urban and rural developers, and one by an Indigenous lawyer. It also includes three testimonials in the Public Space section, one from a Swiss geographer who has been working for the recognition of Indigenous peoples’ rights for several decades, and two from Indigenous women engaged in Indigenous struggles, one as cartographer and geographer operating from Hawaiʻi, and one from an Ilnu leader, coordinator for Governmental and strategic affairs in her community. We had hoped for a greater contribution from lawyers, but their framework is probably too distant from our own for our encounter to be a real possibility, for the moment at least. We need, however, to work closely with them to take the analyses sketched out in this collection to a deeper level.
On ne peut par ailleurs que regretter la place limitée faite ici aux situations des peuples autochtones d’Afrique et d’Asie. Celle-ci est à l’image du nombre très faible de recherches qui leurs sont consacrées. L’absence de l’Australie, en revanche, semble davantage le fruit du hasard dans la circulation de l’appel à textes. Quant à celle d’auteurs latino-américains, elle est sans doute imputable au fait qu’ils évoluent dans un autre univers linguistique. L’appel a bien été diffusé dans ces cercles, mais seul un texte – non retenu – nous a été envoyé.
It is also regrettable that little space is devoted here to the situations of Indigenous peoples in Africa and Asia. This reflects the very sparse research output on these peoples. The absence of Australia, however, seems to be more the result of the mysterious ways through which Calls for papers circulate, or not. The dearth of Latin-American authors is certainly due to the fact that they operate in a different linguistic universe. Our Call for papers definitely circulated in South America, but only one proposal was received, and eventually not selected.
Les lecteurs pourront aussi s’étonner de ne trouver ici aucun article traitant des cartographies autochtones, en dépit du fait que les cartes, outils par excellence de la colonisation, sont appropriées depuis plusieurs décennies par les peuples autochtones pour défendre leurs droits à la terre et au territoire, contester les imaginaires géographiques dominants, ainsi que pour influer sur les politiques publiques relatives au territoire. Peut-être faut-il attribuer cette absence des « contre-cartographies » (counter-mapping) autochtones au fait que, en la matière, l’essentiel a déjà été dit, comme en atteste l’importante littérature existante sur le sujet, en particulier anglophone (voir par exemple Louis Pualani et alii dir., 2012). Il reste en revanche à explorer les parallèles entre la production de contre-cartographies et la mobilisation par les acteurs autochtones des outils juridiques de la société majoritaire pour contraindre ses tribunaux à rendre justice à ses victimes. On peut y voir deux formes complémentaires de reconquête spatiale.
Readers may also be surprised not to find any paper on indigenous cartographies, despite the fact that maps, the quintessential tools of colonisation, have been appropriated for several decades by Indigenous peoples to claim their rights to the land and challenge the dominant geographical imagination, as well as influence public policies on land use. This absence of contributions discussing counter-mapping is probably due to the fact that the key points on this matter have already been covered, as shown by the large body of existing literature on the subject, particularly in English (see for example Louis Pualani et al. eds., 2012). But further work is required to explore the parallels between counter-mapping and the mobilisation by Indigenous peoples of the legal tools of the majority society to oblige its courts to give justice to its victims. This suggests the existence of two complementary forms of spatial reconquest.
Enfin, et notre appel à textes allait dans ce sens, on aurait pu s’attendre à recevoir des contributions interrogeant les conditions d’établissement de relations équitables entre le monde académique et les peuples autochtones. En effet, en contexte autochtone, les « cherchés » n’acceptent plus d’être de simples « objets » d’étude ; ils demandent à être reconnus comme Sujets et à prendre une part active dans l’élaboration et la conduite des projets (voir par exemple Collignon, 2010). Ces questions figurent en filigrane dans ce numéro, sans doute mériteraient-elles de faire l’objet d’un dossier à part entière. Car comme le souligne Renee Louis Pualani dans l’Espace public, à propos du Groupe de travail sur les peuples autochtones de l’Association américaine des géographes (Indigenous Peoples Specialty Group, American Association of Geographers), l’espace académique est l’un des espaces que les Autochtones doivent encore conquérir.
Finally, our Call for papers also encouraged contributions examining the conditions for establishing fair relations between the academic world and Indigenous peoples. Indeed, Indigenous peoples no longer accept the position of simple research « objects »; they demand to be recognised as subjects and play an active part in designing and running projects (see, for example: Collignon, 2010). These questions are implied in this issue, but they would certainly deserve to be the main topic of a future journal issue. As emphasised by Renee Louis Pualani in the Public Space section when she reflects on the Indigenous Peoples Specialty Group of the American Association of Geographers; academic space is one of the spaces left for Indigenous peoples to conquer.
A propos des auteures
About the authors
Béatrice Collignon est Professeure de géographie à l’Université Bordeaux Montaigne ; Irène Hirt est Chargée de Recherche au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique). Elles sont toutes deux membres de l’UMR 5319 Passages (Unité Mixte de Recherche, CNRS/universités)et du GDRI JUSTIP (Justice and Indigenous Peoples) créé par le CNRS le 1er janvier 2017.
Béatrice Collignon is a Professor at the Geography Department of Université Bordeaux Montaigne; Irène Hirt is a Research Fellow at the CNRS (National Centre for Scientific Research). They both are members of the CNRS Research Centre UMR 5319 Passages and of the newly installed CNRS International Research Group GDRI JUSTIP (Justice and Indigenous Peoples).
En tant qu’éditrices de ce numéro, nous souhaitons remercier tout particulièrement Janine Debanné, professeure en architecture à l’Université Carleton (Ottawa, Canada), pour son aide précieuse dans la traduction de l’appel à textes.
As editors of this issue, we would particularly like to thank Janine Debanné, Professor of Architecture at Carleton University (Ottawa, Canada), for her valuable help in translating the Call for papers.
Par ailleurs, le décès, ce 22 février 2017, d’Erica-Irene Daes, Docteure en droit de l’Université d’Athènes, nous rappelle l’importance de l’engagement des milieux académiques en faveur de la reconnaissance internationale des peuples autochtones. Présidente du Groupe de travail sur les populations autochtones des Nations Unies de 1984 à 2001 et rapporteur spécial, elle joua un rôle moteur dans la rédaction de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones puis dans son adoption par l’Assemblée générale de l’ONU il y a exactement dix ans.
Furthermore, the death of Erica-Irene Daes, Doctor of Laws at the University of Athens, on 22 February 2017, reminds us of the significant commitment of academics to the international recognition of Indigenous peoples. As chair and special rapporteur of the United Nations Working Group on Indigenous Populations from 1984 to 2001, she played a key role in drafting the Declaration on the Rights of Indigenous Peoples and its adoption by the UN General Assembly exactly ten years ago.
Pour citer cet article :
To quote this paper:
Béatrice Collignon, Irène Hirt, « Quand les peuples autochtones mobilisent l’espace pour réclamer justice » [“Claiming Space to Claim for Justice: the Indigenous Peoples‘ Geographical Agenda”, traduction : Christine Rychlewski], justice spatiale | spatial justice, n° 11 mars 2017 | march 2017, http://www.jssj.org/
Béatrice Collignon, Irène Hirt, « Quand les peuples autochtones mobilisent l’espace pour réclamer justice » [“Claiming Space to Claim for Justice: the Indigenous Peoples‘ Geographical Agenda”, traduction: Christine Rychlewski], justice spatiale | spatial justice, n° 11 mars 2017 | march 2017, http://www.jssj.org/
[3] Comprise comme « l’approche spatiale de la justice sociale » elle permet, selon Philippe Gervais Lambony et Frédéric Dufaux, de « replacer l’espace au centre de la réflexion sur les sociétés contemporaines » (2009, p. 11).
[3] Understood as a « spatial approach to social justice », according to Philippe Gervais Lambony and Frédéric Dufaux, it « repositions space at the heart of our reflection on contemporary societies » (2009, p. 11).
[4] En espagnol, le terme « indígena » ne revêt pas le même sens péjoratif qu’en français- à la différence de celui de « indio », raison pour laquelle le terme de « pueblo indígena » s’est imposé.
[4] The Métis, of mixed Native American/Euro-Canadian – most frequently French-Canadian – heritage are recognised by the state as one of the indigenous peoples of Canada.
[5] Les Métis, de parenté mixte Amérindienne/Euro-canadienne – le plus souvent franco-canadienne – sont reconnus par l’Etat comme l’un des peuples autochtones du Canada.
[5] Residential schools where generations of Canada First Nations and Inuit were sent, often by force, between the 1920s and 1970s, to receive an education and participate in extra-curricular activities with assimilationist aims. These schools were known for abuses of all types, including sexual, officially recognised in the findings of the Truth and Reconciliation Commission (2008-2015).
[6] Pensionnats dans lesquels des générations d’Amérindiens et d’Inuit du Canada ont été envoyés, souvent par la contrainte, des années 1920 à 1970, pour y recevoir une éducation scolaire et extra-scolaire à visée assimilationniste. Ces écoles ont été le lieu d’abus de tous ordres, y compris sexuels, reconnus officiellement à l’issue de l’enquête de la Commission Vérité et Réconciliation (2008-2015).