« Manifestement... », Introduction du dossier thématique « Justice spatiale et environnement », JSSJ, n° 2, 2010.
Introduction to the Theme « Spatial Justice and Environment »
Dossier dirigé par Sophie Moreau, Université Paris Est et Jean Gardin, Université Paris 1 - Panthéon Sorbonne
Sophie Moreau and Jean Gardin (eds.)
avec la collaboration de David Blanchon, Université Paris Ouest Nanterre et Dominic Lapointe, Université de Québec.
with the collaboration of David Blanchon, Université Paris Ouest Nanterre and Dominic Lapointe, Université de Rimouski, Canada.
... la justice est dans l'air du temps. Dans un contexte de crise économique mondiale et de réduction des dépenses publiques, la justice s'est imposée dans le débat politique. Dans le jardin académique, la justice fleurit également, et la justice environnementale tout particulièrement. En 2009, Antipode vol 41, n°5, décrit cette remarquable production : entre 2004 et 2009, 425 articles de sciences sociales sur la justice environnementale et pas moins de 7 numéros spéciaux, en se limitant aux publications anglophones. Cette abondance éditoriale provient notamment d'analyses conduites hors du berceau d'origine états-unien de la justice environnementale, particulièrement dans les pays émergents (Mc Donald 2002, William et al, 2006), ou en Europe (Cornut et al, 2007). En France, sous des vocables divers, le croisement des inégalités sociales et écologiques, a donné lieu à des publications aussi récentes qu'abondantes, avec notamment sur les 3 dernières années Villalba et al (coord.) 2007 ; Deleage (coord.), 2008 ; Deboudt et al (coord.), 2008 ; Flipo (coord.), 2009.
… Justice is in. In a context of global economic crisis and cuts in public spending, justice has become a major element in political debate. In academia, the literature on justice, and environmental justice in particular, is blooming. In 2009, Antipode Vol 41, n° 5, described this remarkable production: between 2004 and 2009, 425 social science articles on environmental justice and no fewer than seven special issues, and this is only limited to English publications. This literature increasingly comes from beyond the birthplace of environmental justice, the US, from emerging countries (McDonald, 2002, William et al, 2006) or Europe (Cornut et al, 2007). In France, under a variety of forms, the intersection of social and ecological inequalities has been the object of many recent publications, including in the last 3 years Villalba et al (ed) 2007; Deleage (ed), 2008 ; Deboudt et al (ed), 2008; Flipo (ed),2009.
Ces travaux récents ont éclairé une série de convergences : l'essor au Sud d'un environnementalisme de lutte proche de l'environmental justice nord-américaine des débuts (Martinez-Alier, 2002), la rencontre des luttes sociales et écologiques qui s'étaient, notamment en France, longtemps ignorées (Theys, 2007, Deléage, 2007) et la globalisation des questions environnementales dans un contexte de crise écologique mondiale (Dahan, 2009). Les auteurs ont aussi souligné le brouillage des contours de la notion, redéfinie en fonction des contextes où elle est utilisée (Walker et al, 2006), et ceci alors même qu'elle a fait l'objet d'une consolidation conceptuelle, intégrant les apports des grandes théories de la justice contemporaine (Schlosberg, 2003, 2007). Ce paradoxe invite à réfléchir sur le risque de dilution, voire de dévoiement de la justice environnementale, dans ce contexte de profusion éditoriale.
Recent work shows a number of convergences: the rise in countries of the global South of a combative environmentalism resembling the original environmental justice movement in North America (Martinez-Alier, 2002), the growing links between social and ecological struggles which, particularly in France, tended to ignore each other (Theys, 2007, Deleage, 2007) and the globalization of environmental issues in a context of global ecological crisis (Dahan, 2009). Analysts have also highlighted the blurring of the boundaries of the concept, redefined according to the contexts where it is used (Walker et al, 2006), and this even as it has been through a conceptual fine-tuning, incorporating contributions of major contemporary theories of justice (Schlosberg, 2003, 2007). This paradox invites reflection on the risk that environmental justice become diluted, or even led astray, in this editorial overflow.
Car la multiplication des publications sur le sujet nous semble révélatrice d'un glissement politique de la notion. La justice environnementale fut à l'origine une arme de contestation des inégalités sociales croisées aux inégalités environnementales. Elle fut aussi très rapidement un champ académique d'analyse de ces inégalités souvent en support aux revendications des mouvements de la base (Cole et Foster, 2001). Mais si les textes rassemblés ici témoignent de ce que les processus d'exploitation des ressources naturelles se poursuivent et génèrent des inégalités sociales et spatiales, ils illustrent peu les luttes menées pour combattre ces injustices. Au contraire, ils montrent combien la justice environnementale est devenue un principe de gestion de ces inégalités. La justice environnementale s'est institutionnalisée, et a élaboré des modèles théoriques et pratiques travaillant à l'acceptabilité des inégalités sociales et des dégradations écologiques associées. Ces politiques ou stratégies « justes », souvent normatives et empêtrées dans un tissu de contradictions, ne remettent pas en cause les processus créateurs des inégalités auxquelles elles prétendent remédier, et peuvent en porter de nouvelles.
The increase in publications on the subject seems indicative of a political shift of the concept. Environmental justice was originally a weapon to denounce the overlap of social inequalities and environmental inequality. It also rapidly became a field of academic analysis of these inequalities, that often supported the claims of grassroots movements (Cole and Foster, 2001). But while the texts collected here demonstrate that the process of exploitation of natural resources continues and generate social and spatial inequalities, they say little of the struggles to fight these injustices. They show how environmental justice has become a principle of management of these inequalities. Environmental justice has become institutionalized, and has developed theoretical and applied models that tend to render acceptable social inequality and environmental degradation. « Fair » policies or strategies, often normative and entangled in a web of contradictions, do not challenge the processes that create the inequalities they claim to address, and may even cause new ones.
La justice environnementale est-elle alors devenue un instrument de modernisation et d'extension du capitalisme (Harvey, 1996), un instrument de gestion de la dégradation de nos lieux, et de nos conditions et de nos moyens d'existence et de la permanence, voire du creusement, des inégalités sociales? Face à la diffusion de modèles environnementaux, comment, et peut-on penser des justices environnementales qui ne se poseraient pas en modèles ? Ce sont donc précisément les politiques ou stratégies de gestion de l'environnement, qu'elles visent l'exploitation ou la protection des ressources naturelles, la régulation des dégradations écologiques ou l'atténuation des inégalités sociales, que nous voudrions questionner. L'ambition de cette introduction n'est bien sûr pas d'en dresser une liste et une critique exhaustive, mais d'exposer les apports originaux des articles réunis dans ce recueil, notamment ceux qui relèvent de la critique des modèles spatiaux de gestion de l'environnement.
Has environmental justice then become an instrument of modernization and expansion of capitalism (Harvey, 1996), a management tool for the degradation of our places, our living conditions and our livelihoods, and does it therefore contribute to entrench or worsen social inequality? While environmental models spread worldwide, how can we think up understandings of environmental justice that do not aim to become models? Policies or strategies for environmental management need addressing, whether their aim be protection or exploitation of natural resources, control of environmental degradation or mitigation of social inequalities. This introduction cannot list and review them all, but aims to underline the original contributions of papers in this issue, in particular in terms of a critique of spatial models in environmental management.
1. Productions d'injustices et de justices environnementales
1. Production of environmental injustice and justice
Les textes de ce recueil s'intéressent à différents processus de production d'injustices ou de justices environnementales. Un premier groupe présente, dans les sociétés du Sud, en Afrique subsaharienne, des figures diamétralement opposées d'injustices sociales corrélées à l'environnement.
The texts in this issue deal with various production processes of environmental injustice or justice. A first lot presents diametrically opposed forms of social injustice related to the environment in countries of the South, in sub-saharan Africa.
P. Rey dépeint une gestion raisonnable des ressources naturelles, qui pourrait passer pour idyllique si elle n'était obtenue grâce à un ordre social lignager aussi dur qu'injuste. Les relations du système social et politique à l'environnement sont ici interprétées de façon fonctionnaliste : la gestion précautionneuse des terres cultivables, des forêts, des mangroves, par un système d'interdits rituels et de répartition inique entre les différents groupes sociaux, permet à l'ordre social local de se reproduire, et aux dominants de conserver le pouvoir et la suprématie économique. Cette utopie renversée ne vaut cependant que dans une représentation insulaire de cet espace, mettant entre parenthèses les dynamiques régionales, nationales et globales du capitalisme. A l'opposé, L. Gagnol et A. Afane décrivent comment, pour l'extraction d'uranium, le géant français du nucléaire AREVA gère stratégiquement la dévastation des parcours nomades au Niger, grâce à la clôture de l'espace pastoral saharien en parcelles à l'accès réservé, conduisant de fait à la disparition du nomadisme ainsi qu'à la dégradation des milieux arides.
P. Rey depicts a reasonable management of natural resources, which could appear idyllic if it weren’t based on a social order, emphasizing lineage, as harsh as it is unjust. The relationship between the social system and the environment is interpreted in a functionalist perspective: the cautious management of farmland, forests, mangroves through a system of ritual prohibitions and unfair distribution among different social groups allows for the reproduction of the local social order, and maintains the power of the dominant groups as well as their economic supremacy. This counter-utopia only functions if that space is considered in isolation, by bracketing the regional, national and global dynamics of capitalism. In contrast, L. Gagnol and A. Afane describe how, for the extraction of uranium, the French nuclear firm AREVA strategically manages the devastation of nomadic trails in Niger, by enclosing pastoral land in the Sahara, leading to the disappearance of nomadism and the degradation of drylands.
Dans les deux cas, ces histoires d'injustices résistent à une lecture simpliste et manichéenne. Au Niger, le géant français nucléaire AREVA incarne le nouvel essor du capitalisme mondialisé en Afrique, et la course des puissances industrielles du Nord et de Chine pour les matières premières du Sud. Il ferait un méchant idéal si l'Etat nigérien, une partie de la société pastorale, ou l'élite politique de l'insurrection touarègue, ne soutenaient activement la dynamique territoriale de fermeture, menée au nom de la décentralisation administrative, de l'autonomie politique, du « développement ». A contrario, l'article de P. Rey fait un pied de nez à ceux qui idéaliseraient « la tradition » comme modèle de gestion équilibrée des ressources naturelles, relançant ainsi un débat déjà bien nourri en Inde (Gadgil et al, 1992). Comme B. Bret le souligne dans la réponse adressée au texte de P. Rey (voir la rubrique Espace Public de ce numéro), conserver l'environnement, c'est conserver un ensemble de rapports politiques et sociaux, et en Guinée maritime, ce serait aussi conserver un système inégalitaire et inique. Cette contradiction est symptomatique de ce que Sachs (1999) appelle la double crise de l'environnement et de la justice, crises inversement reliées l'une à l'autre. Ainsi, les tentatives de solutionner la crise de l'environnement a le potentiel d'aggraver la crise de justice et inversement. La quête pour la justice environnementale (Bullard, 2005) ne peut qu'être une tentative pour atteindre la quadrature du cercle. La protection de la nature est ainsi questionnée pour ses effets potentiels d'exclusion sociale et spatiale. A ce titre, d'autres mécanismes auraient pu être analysés, mettant en cause les relations Nord/Sud et la nouvelle économie verte. On a ainsi regretté l'absence de textes analysant du point de vue de la justice le cas de pays qui, comme l'Ouganda, exproprient leurs paysans et détruisent leurs terroirs pour les mettre à la disposition des grandes entreprises européennes ou nord-américaines pour reboiser en eucalyptus et compenser leurs émissions de carbone (Jindal 2006).
In both cases, these stories of injustice resist a simplistic and manichean analysis. In Niger, the firm AREVA epitomizes the irruption of global capitalism in Africa, and the race between the industrial powers of the North, and China, for raw materials from the South. It would be an ideal villain if the State of Niger, part of the pastoral society, or the political elite of the Tuareg rebellion, were not actively supporting the enclosures, conducted in the name of administrative decentralization, autonomy policy and « development ». By contrast, the article by P. Rey opposes the idealization of « tradition » as a model of balanced management of natural resources, recalling a debate which took place in India (Gadgil et al, 1992). As B. Bret says in his reply to the text of P. Rey (see « Public Space » in this issue), preserving the environment also means preserving a set of political and social relationships, and in coastal Guinea, that would mean preserving an unequal and unjust system. This contradiction is symptomatic of what Sachs (1999) called the twin crises of environment and justice: attempts to solve the environmental crisis has the potential to aggravate the crisis of justice and vice versa. The quest for environmental justice (Bullard, 2005) can only be an attempt to achieve the impossible. The protection of nature is likely to cause social and spatial exclusion. Other mechanisms involving North-South relations and the new green economy could have been addressed, and we regret the absence of proposals dealing with countries like Uganda where peasants are expropriated and their lands destroyed to be made available to large companies from Europe and North America for reforestation with eucalyptus in order to offset their carbon emissions (Jindal 2006).
Point commun de ces textes, au Niger ou en Guinée, aucune voix ne semble s'élever pour dénoncer ces processus d'exclusion en cours associés à l'environnement, et réclamer la régulation de l'exploitation capitaliste de la nature, ou l'atténuation des inégalités sociales. Au contraire, les auteurs soulignent l'un le caractère consensuel de l'ordre social guinéen, l'autre le soutien que la fermeture de l'espace pastoral trouve dans la société nomade nigérienne. Aucune voix de protestation, si ce n'est celles des auteurs mêmes de ces textes. Dans les suds profonds africains, la justice environnementale n'est donc pour l'heure au mieux qu'un courant académique. Ainsi, à Madagascar, dans un contexte d'extension des aires protégées et de développement des grandes exploitations agricoles, les questions de justice environnementale ont du mal à émerger, et c'est en Europe que se forme un réseau de justice environnementale dénonçant les expulsions des paysans dans ce pays. La situation aurait sans doute été autre dans des pays émergeants, autrement pris dans les mailles de leurs contradictions entre exigences de développement industriel et intégration des normes environnementales, et où les mouvements locaux de défense des environnementalismes paysans sont parfois anciens, et actifs, comme en Inde (R. Shiva in Cornut 2007).
Neither in Niger nor in Guinea is any voice raised to denounce the ongoing process of exclusion associated with the environment, and call for the regulation of capitalistic exploitation of nature, or the mitigation of social inequalities. Instead, our authors stress the consensual nature of the social order in Guinea and the support that the enclosures of rangeland receive from within Niger’s nomadic society. No voice of protest speaks up, except in these very texts. In the « deep South » of Africa, environmental justice is at most an academic concern. In the case of Madagascar, where protected areas are being extended and large farms developed, it is in Europe that a network of environmental justice arose to denounce the eviction of peasants. The situation would probably be different in emerging countries, with a different balance between the demands for industrial development and the integration of environmental standards, and where local movements of peasant environmentalism are sometimes well-established and active, as in India (R. Shiva in Cornut 2007).
L'autre groupe de textes (S. Fol et G. Pflieger, J. Gobert, N. Lewis et al, G. Faburel) est consacré à des études de cas menées dans des pays du Nord (San Francisco, Detroit, France rurale, ou urbaine). Au contraire des articles précédents, ces textes ne s'intéressent guère aux processus à l'origine des dégradations environnementales ou des inégalités sociales. Par exemple, à Detroit, de façon significative, les acteurs de l'aménagement construisent des ponts pour faire passer les camions puisqu'il y a des marchandises à transporter, et ceci, même si les acteurs locaux doutent de l'intérêt de ces grands équipements pour sortir la ville et sa région de la crise.
The other group of texts (Fol and G. S. Pflieger, J. Gobert, N. Lewis et al, G. Faburel,) is devoted to case studies in the global North (San Francisco, Detroit, rural or urban France). Unlike previous articles, these texts pay little attention to processes causing environmental degradation and social inequality. For example, in Detroit, significantly, the authorities build bridges for truck traffic because there are goods to be transported, even as local actors question the value of these large facilities to solve local economic difficulties.
Par contre, ces textes montrent que le partage des biens et des maux sociaux et environnementaux est régulé sous la forme d'une justice environnementale fortement institutionnalisée (Etats-Unis) ou en cours d'institutionnalisation (France). Aux Etats-Unis, la justice environnementale a été, et est encore un vecteur de lutte (Bullard et al, 2000 ; Faber et al, 2001). Mais, pour S. Fol et G. Pflieger, à San Francisco, elle sert essentiellement de cadre à l'expression de revendications sociales classiques de réduction des inégalités. J. Gobert établit pour Detroit un bilan critique de l'action distributive opérée par les politiques publiques, y compris lorsqu'elles se conforment aux canons d'une forme de justice dite procédurale, c'est-à-dire lorsque les compensations à une nouvelle nuisance sont négociées avec les habitants. Mais à San Francisco comme à Detroit, les auteurs montrent que la justice environnementale est une préoccupation du pouvoir qui cherche, en prenant la tête de ces initiatives, à déminer le terrain, via participation, accords ou compensations. De son côté, G. Faburel s'interroge sur le manque de portage politique des inégalités environnementales dans les villes françaises, et l'attribue au fait que les questions de justice environnementale sont conçues de façon normative et technique dans le cadre des politiques publiques. Enfin, l'article de N. Lewis et al montre que la problématique de la justice environnementale peut servir de fil d'Ariane pour relire toute la logique des aides agri-environnementales perçues par les agriculteurs de Dordogne au nom de la durabilité sociale et environnementale.
On the other hand, these texts show that the distribution of property and social and environmental ills is regulated by forms of environmental justice either strongly institutionalized (as in the United States) or in the process of institutionalization (as in France). In the United States, environmental justice has been and is still the locus of struggles (Bullard et al, 2000, Faber et al, 2001). But according to S. Fol and S. G. Pflieger, in San Francisco it operates mainly as a forum for the expression of standard social demands to reduce inequality. J. Gobert, working on Detroit, gives a critical assessment of the distributive action made by public policies, even when these comply with what is known as procedural justice, that is, when the compensations for a new nuisance are negotiated with the residents. But in San Francisco as in Detroit, the authors show that environmental justice is a concern for the authorities who seek, by taking the lead in these initiatives, to clear the field, through participation agreements or compensation. G. Faburel’s paper considers the relative lack of interest for environmental inequalities on the part of French authorities, and attributes this to the fact that they are instrumentalized by public policy (MEDD, 2007) and conceived of as prescriptive and technical. Finally, the article by N. Lewis et al. shows how environmental justice can be used to re-interpret the whole logic of environmental aid received by farmers in the Dordogne in the name of social and environmental sustainability.
2. Une Justice environnementale de gouvernement
2. Environmental Justice at governmental level
Ces textes traduisent donc la progression des dévastations écologiques et des processus d'exclusion sociale, et simultanément la progression de la justice environnementale comme instrument de gestion de ces crises. Ils illustrent ainsi un courant gestionnaire de l'environnementalisme d'aujourd'hui, courant certes pluriel et hétérogène, mais qui correspond à ce que D. Harvey nomme la modernisation écologique des pouvoirs (Harvey, 1996, Mol et al, 2009 ) ou J. Martinez-Alier le « gospel of eco-efficiency » (Martinez-Alier, 2002). Cet environnementalisme intègre les préoccupations de justice sociale, tente de réduire la fracture entre les écologistes radicaux et les gestionnaires de l'environnement industriel. Cette justice environnementale de gouvernement, élaborée en termes gestionnaires implique tôt ou tard de poser la question de la justice environnementale en termes économiques et monétaires. La monétarisation de la question environnementale, notamment dans le courant de l'économie écologique, s'éloigne fortement de la conception de l'environnement portée par le mouvement de la justice environnementale qui a vu le jour aux États-Unis. Le mouvement pour la justice environnementale refusait de poser la question de la distribution des maux environnementaux en termes monétaires (Harvey, 1996). Ainsi, tôt ou tard, le calcul des coûts et bénéfices des usages de l'environnement et des dégradations environnementales impose une logique de marché qui évacue l'expérience des dégradations environnementales vécue par les populations marginales. Il y a donc glissement de l'écologie d'une science de contestation à une science de gouvernement. Cette transition illustre bien le caractère dialectique du juste et de l'injuste : la justice, comme moteur de contestation de l'ordre social, comme valeur universelle, utopique, fondatrice d'une bonne société, inspirant l'élaboration de modèles théoriques et pratiques pour construire, maintenir et reproduire un ordre social.
These papers reflect both the progress of ecological devastation and social exclusion processes, and the simultaneous rise of environmental justice, as an instrument to manage these crises. Thus they illustrate a managerial form of environmentalism, although this form of environmentalism is plural and heterogeneous, and falls within what D. Harvey called the ecological modernization of power (Harvey, 1996, Mol et al, 2009) or J. Martinez-Alier the « gospel of eco-efficiency » (Martinez-Alier, 2002). This environmentalism incorporates social justice concerns, attempts to bridge the divide between radical environmentalists and managers of the industrial environment. Environmental Justice at governmental level, developed in managerial terms, sooner or later poses the question of environmental justice in economic and monetary terms. The monetization of environmental issues, especially in the framework of ecological economics, departs significantly from the approach to the environment brought by the environmental justice movement in the United States, which refused to frame the question of the distribution of environmental ills in monetary terms (Harvey, 1996). The calculation of costs and benefits of environmental practices and environmental degradation brings about a market logic that takes no account of the experience of environmental degradation as lived by marginal populations. It is a shift for ecology from critical science to a science of government. This transition illustrates the dialectical relation of just and unjust,: justice begins as a challenge to the social order, as a universal, utopian value aiming to establish a good society, but alo inspires theoretical and applied models to build, maintain and reproduce another social order.
C'est cette dynamique que les études de cas présentées ici illustrent, faisant ainsi écho à ce que l'on observe à l'échelle globale, à travers la gestion des questions climatiques. Celles-ci représentaient initialement un champ d'élargissement de la justice environnementale car, pour une fois, il s'agissait de lutter contre les causes (la production de gaz à effet de serre) pour éviter des conséquences environnementales et sociales. Mais, nous suivons A. Dahan (Dahan, 2009) lorsqu'elle écrit que les pays du Sud (notamment les émergeants) ont appris à jouer avec les modèles environnementaux globaux qu'ils ont longtemps récusés, et qu'ils ont alors participé à la transformation de ces mêmes modèles. Au sommet sur le climat mondial de Copenhague, il fallait afficher des objectifs gestionnaires, comme si tout le monde était d'accord sur le fond, et comme s'il y avait un objet gérable. Comment gérer ? Comment gérer l'ingérable développement industriel? Comment au moins pouvoir prétendre à le gérer ? La réponse proposée est de faire un pas de plus vers le gouvernement mondial, seul à même de faire passer la planète pour un mécanisme d'horlogerie à remonter et à entretenir (Riesel, Semprun 2008). A ce sujet, il est piquant de constater que la lutte des climato-sceptiques menés en France par Claude Allègre passe par une critique de l'abstraction que représente l'établissement d'une température moyenne globale et la généralité hasardeuse du concept de climat mondial (Rittaud 2010) Cette critique pourrait être extrapolée à d'autres modélisations, d'autres quantifications, et serait prometteuse de bien des reconfigurations politiques. Mais cette remise en cause n'aura pas lieu car si les climato-sceptiques critiquent la modélisation climatique c'est pour sauver une autre globalisation : celle de la science positiviste, du progrès, de l'industrie et de la technique. Il n'y a donc sous le « climate-gate », aucune contradiction réelle remettant en cause la « croissance verte », ou le « green capitalism » ( Riesel et al. opus cité. Flipo et al. 2009).
It is this dynamic that the case studies presented here illustrate, echoing what is observed on a global scale, through the management of climate issues. These initially represented a stretch of the idea of environmental justice because for once it was used to fight against causes (the production of greenhouse gases) to avoid environmental and social consequences. But we agree with A. Dahan (Dahan, 2009) who argues that countries in the global South (including emerging markets) have learned to play with global environmental models they long objected to, and that they have contributed to transform these models. At the Copenhagen summit on global change, what were discussed were practical targets, as if everyone had already agreed on the basic issues and as if there was a way to manage change. But how does one manage unmanageable industrial development, how does one even keep up the pretence of doing so? One possible answer is to take a step closer to world government, which enables one to picture the planet as a clock to crank up and maintain (Riesel, Semprun 2008). Interestingly, sceptics of climate change, among whom Claude Allègre, in France, criticize the level of abstraction of a global mean temperature and more generally the idea of a « global » climate (Rittaud 2010). One could extend this critique to other models and other quantifications, which would call for wide-ranging changes in political premises. But this remains unlikely, because if climate change sceptics criticize climate modeling, it is in order to save another globalization, that of positivistic science, progress, industry and technology. The so-called « climate-gate » therefore implies no real challenge to « green growth », or « green capitalism » (Riesel et al. 2008. Flipo et al. 2009).
Cette justice environnementale de gouvernement atténue donc peu la dégradation des environnements ou les inégalités sociales qui y sont corrélées, comme si elle permettait surtout de travailler à maintenir l'ordre politique, économique et social existant, en améliorant l'acceptabilité des nuisances ou des inégalités, tout en occultant les choix politiques, économiques et techniques qui les ont engendrées (Harvey, 1996 ; Swyngedouw et al 2003). Elle en est venue à représenter une voie d'extension du pouvoir sur l'environnement, permettant de ce fait de contrôler davantage les rapports sociaux.
Environmental Justice at governmental level therefore does little to fight environmental degradation or the resulting social inequalities, and tends to perpetuate the political, economic and social status quo by making negative impacts or inequalities more acceptable while obscuring the political, economic and technical choices that produced them (Harvey, 1996; Swyngedouw et al 2003). It has come to represent a way of extending authority over the environment, thereby allowing for greater control over social relations.
Les textes de S. Fol et G. Plieger, de J. Gobert, de N. Lewis et al, dans ce numéro sont assez parlants, puisqu'ils pointent surtout le manque d'efficacité, et les contradictions des actions de justice environnementale. Alors que la justice environnementale de lutte permettait d'imposer la reconnaissance de la dimension sociale et éthique de la gestion de l'environnement (Agyeman, 2003), la justice environnementale de gestion, comme le développement durable, semble énoncer des contradictions qu'elle est impuissante à gommer (Theys, 2002). Trois textes seulement replacent d'ailleurs la justice environnementale dans le cadre du développement durable, P. Rey et B. Bret, pour dénoncer la déconnection entre le caractère juste ou injuste d'un système social, et la durabilité d'un système écologique, N. Lewis pour démontrer les contradictions des aides agri-environnementales, qui confortent les inégalités existantes tant d'un point de vue social qu'environnemental.
The papers by S. Fol and G. Plieger, J. Gobert, N. Lewis et al in this issue point to the inefficiencies and contradictions of action for environmental justice. While environmental justice struggles allowed to impose the recognition of the social and ethical dimensions of environmental management (Agyeman, 2003), environmental justice management, much as sustainable development, seems to be built on contradictions that can’t be solved (Theys, 2002). Only three of the papers position environmental justice in the framework of sustainable development: P. Rey and B. Bret, denouncing the disconnect between the character of a just or unjust social system, and the sustainability of an ecological system, and N. Lewis to demonstrate the contradictions of agri-environment, which reinforces existing inequalities both in social and in environmental terms.
C'est ainsi que nous nous dirigeons doucement vers une société mondiale supposée juste, mais indécente. Juste en ce qu'elle entend partager justement les biens et les maux environnementaux. Indécente en ce que la dégradation n'est pas freinée, mais permise par la standardisation d'une norme environnementale industrielle (Gardin, 2010), et que l'exclusion sociale perdure.
So we are moving slowly towards a global society supposedly just, or fair, but indecent. Just because it pretends to distribute environmental goods and evils fairly. Indecent in that the degradation is not stopped, but allowed by the standardization of industrial environmental norms (Gardin, 2010), and that social exclusion continues.
Analysant plusieurs exemples de politiques ou stratégies de gestion de l'environnement empreintes de justice, les textes de ce recueil soulèvent trois grands problèmes qui permettent de comprendre pourquoi les modèles théoriques et pratiques de gestion juste de l'environnement peuvent porter des germes d'injustice.
Based on a few examples of policies or strategies for environmental management based on notions of justice, the papers in this issue underline three major problems that help explain why the theoretical models and practical management of the environment may sow the seeds of injustice.
3. Justices discordantes
3. Discordant justices
Un élément récurrent de ces textes, c'est la critique d'une norme et une théorie universelle de justice. Une recette universelle de justice ne peut qu'accompagner l'universalisation d'un certain type d'exploitation, qu'un seul type de destruction des rapports au monde, qu'un seul type contre de multiples. Car les articles présentés insistent surtout sur les contradictions des valeurs de justice : entre valeurs empiriques et théoriques, entre le local et l'universel. Ils illustrent ainsi assez bien la justice a-normale (« ab-normal justice ») dont parle N. Fraser (Fraser, 2008) pour évoquer les difficultés posées par le règlement de certains conflits à l'échelle globale, entre Nord et Sud en particulier (voir le compte rendu de cet ouvrage dans ce numéro).
A recurring feature in these papers is the critique of a standard and universal theory of justice. A call for a universal form of justice can only accompany the universalization of a certain type of exploitation, only one type of destruction of relationships with the world, only one type against multiple ones. The papers presented in this issue stress all the contradictions of the values of justice: between empirical and theoretical, between the local and universal. They exemplify N. Fraser’s idea of « ab-normal justice » (Fraser, 2008) to discuss the difficulties in resolving some conflicts at the global level, between North and South in particular (see the review of this book in this issue).
Deux articles se réfèrent plus précisément à la théorie de la justice de John Rawls. Ils minimisent ou récusent la portée pratique de cette théorie en même temps qu'ils soulignent en creux sa forte capacité de récupération idéologique. Le texte de N. Lewis et al est exemplaire à ce titre, puisqu'il montre les contradictions inhérentes entre d'une part les définitions empiriques de la justice (la justice associée au mérite, la justice comme égalité), et certains aspects de la justice comme équité de la théorie rawlsienne. La contradiction profonde à vouloir rémunérer les agriculteurs en fonction de leur mérite environnemental, tout en revendiquant un principe d'égalité seul à même de freiner le dépeuplement rural, débouche sur des aides peu efficaces, qui finalement renforcent les inégalités de richesse entre exploitants agricoles.
Two articles refer specifically to John Rawls’s theory of justice. They downplay or reject the practical implications of this theory and show how susceptible it is to ideological instrumentalization. The text by N. Lewis et al. is exemplary in this respect since it demonstrates the inherent contradictions between, on the one hand, the empirical definitions of justice (justice associated with merit, justice as equality), and some aspects of justice as fairness according to the Rawlsian theory, on the other. The fundamental contradiction in wanting to pay farmers according to their environmental merit, while asserting a principle of equality, as the only way to curb rural depopulation, leads to ineffective assistance, which ultimately reinforces the inequalities between farmers.
Pour P. Rey, la théorie de la justice rawlsienne inspire des politiques supposées justes, mais qui par le biais du marché, ont des effets inégalitaires encore plus grands que le mode « traditionnel » d'accès aux ressources naturelles. Pourtant, dans le premier numéro de Justice Spatiale-Spatial Justice, B. Bret partait du besoin d'une théorie universelle de la justice qui permettrait de qualifier moralement les faits sociaux (Bret, 2009), et affirmait que la théorie de la justice de J. Rawls remplit ce rôle. Mais ici, pour P. Rey, si la théorie de J. Rawls permet de comprendre le caractère inique d'une organisation sociale et politique, celle de Guinée maritime, cela ne suffit pas pourtant à la condamner moralement. Il justifie cette position par différents arguments : le fait que cette société soit consensuelle (ce à quoi B. Bret répond que ce n'est pas parce qu'un ordre social n'est pas contesté qu'il est bon) ; et surtout le fait que cette société ait de « bonnes pratiques environnementales ». Ce dernier argument prend chez P. Rey de la valeur dans un contexte africain où les systèmes locaux ont longtemps été considérés comme inaptes à gérer les ressources naturelles. En défendant la gestion de l'environnement par les sociétés guinéennes, P. Rey réhabilite aussi la société locale, parce qu'elle est la société dominée, et celle qui résiste, contre un système de domination historique colonial et postcolonial.
For P. Rey, Rawls’s theory inspires policies which claim to be fair, but which are supposed to operate via the market and therefore have uneven and unfair effects greater than the « traditional » modes of access to natural resources. In the first issue of Justice spatiale -Spatial Justice, B. Bret pleaded for a universal theory of justice that would qualify morally social facts (Bret, 2009), and asserted that Rawls’s was likely to play this role. Yet for P. Rey, if Rawls’s theory allows us to understand the unfairness of a social and political organization, that of Maritime Guinea, it is not sufficient to condemn it morally. He argues this in various ways: first by stating that that this society is consensual (a point to which Bret B. responded that it is not because a social order is not contested that it is good), and secondly by showing that this society has « sound » environmental practices. This is particularly meaningful in an African context, where an assumption prevails that local systems are unfit to manage natural resources. In defending the environmental management of a Guinean community, P. Rey also takes sides with the local society, because it is a dominated society, which resists a system of historic colonial and post-colonial domination.
L'inclination en faveur des perdants contre les gagnants est manifeste dans ce texte, ainsi que dans celui de L. Gagnol et A. Afane, et contraste avec l'absence de sentiment d'injustice dans les sociétés étudiées. Si l'on se passe de théorie universelle de justice, et si les sociétés locales acceptent exclusion et inégalités, où est l'injustice ? Quelle que soit l'origine de cet engagement, dans un certain romantisme culturaliste et traditionaliste, dans l'affection du géographe pour son objet d'étude, dans un esprit vertueux, il apparaît mal armé théoriquement. Doit-on alors considérer cette position comme une forme de partialité, invalidant le discours scientifique porté par l'auteur ? Ou l'assumer et la tenir comme propice à révéler des phénomènes sociaux qui sinon n'auraient pas été mis en évidence ? Nous penchons pour la dernière alternative, surtout si l'on pense à l'intérêt des conclusions tirées à partir du positionnement de L. Gagnol et A. Afane, auteurs « combattant pour la justice ».
This paper evinces a fondness for the underdog, as does that by L. Gagnol and A. Afane, which contrasts with the lack of a sense of injustice in the societies studied. In the absence of a universal theory of justice, and if local societies are acceptant of exclusion and inequality, where is the injustice? This willingness to take sides may have its origin in a culturalist and traditionalist romanticism, in the affection of the geographer for his or her object of study or in a virtuous mind, it appears theoretically ill-grounded. Should we then consider this position as a form of bias, invalidating the scientific discourse carried by the author? Or accept it as likely to reveal social realities that might otherwise have remained hidden? We favor the latter alternative, especially if one considers the interest of the conclusions drawn from the position of L. Gagnol and A. Afane, authors committed to justice.
4. L'environnement, matière politique
4. The environment as political matter
Il n'aura pas échappé aux lecteurs que les textes de ce numéro élargissent les problématiques de justice environnementale à des sphères très diverses. Si le motif classique des inégalités urbaines, sociales et environnementales revient aux Etats-Unis et en France, les autres auteurs interrogent aussi les politiques publiques agricoles, la préservation ou l'exploitation des ressources naturelles, les réformes foncières et administratives, l'autonomie politique touarègue. L'environnement est, selon les cas, défini comme cadre de vie ou comme ressource, parfois les deux en même temps, comme dans l'étude sur la Dordogne de N. Lewis et al. Dans tous les cas, les auteurs s'intéressent beaucoup à l'environnement comme construction sociale.
The articles in this issue illustrate the wide range of the notion of environmental justice. Beyond classical themes such as urban, social and environmental inequality in the United States and France, agricultural policies, the preservation and exploitation of natural resources, land and administrative reforms, Tuareg political autonomy are all examined critically from this perspective. The environment may be defined as a place to live or as a resource, sometimes both at the same time, as in the study on the Dordogne by N. Lewis et al., but it is always most fruitfully analyzed as a social construction.
Chez P. Rey, ou L. Gagnol et A. Afane, l'environnement est certes un ensemble de ressources naturelles, mais traitées pour leurs valeurs sociales et politiques. G. Faburel propose pour comprendre les injustices environnementales de considérer la valeur affective de l'environnement, les espaces vécus ou perçus, les modalités d'habiter les lieux, rejoignant en cela A. Berque, qui voudrait trouver dans cette relation très spécifique les bases d'une nouvelle éthique de l'environnement (Berque, 1996). C'est selon lui à cette condition que la thématique environnementale peut véritablement devenir objet politique. Il est effectivement impossible de se pencher sérieusement sur les principes qui guident la distribution des biens sociaux et environnementaux sans tenir compte du contexte social associé aux injustices. Selon Young (1990), c'est une erreur de réduire la justice sociale à la seule question de la redistribution, car ce sont des processus sociaux et des relations de pouvoir qui conditionnent qui reçoit quoi et qui est laissé pour compte. Les principes qui guident la redistribution sont donc le produit des conditions sociales, culturelles, symboliques et institutionnelles de la société. Les relations et les usages de l'environnement relèvent d'enjeux culturels et identitaires où certaines formes d'environnementalismes prédominent sur celles des groupes marginalisés, que ce soit par la classe ou la race (Pulido, 1996). Les décisions en matière d'environnement et d'usages du territoire font écho aux structures de pouvoir de la société, structures qui défavorisent les communautés à faible revenu et de couleur. Ainsi, les luttes pour la justice environnementale relèveraient aussi d'enjeux de reconnaissance identitaire et culturelle (Pulido, 1996) qui s'expriment dans la spécificité des relations au territoire et à l'environnement (Pena, 2005). Toutefois, il y a danger de justifier, comme dans le cas de la Guinée, des situations injustes au noms de la reconnaissance d'une relation culturelle à l'environnement ou encore, d'évacuer la dimension environnementale au profit du social.
For P. Rey, or L. Gagnol and A. Afane, the environment is a set of natural resources, but seen through their social and political values. G. Faburel proposes to understand environmental injustice by considering the emotional value of the environment, lived or perceived spaces, the ways in which one inhabits places. This converges with A. Berque’s thought, who sees this relationship as the foundation of a new environmental ethic (Berque, 1996). According to him it is on this condition that the environmental theme can really become a political object. It is actually impossible to seriously address the principles that guide the distribution of social and environmental goods without taking into account the social context associated with injustice. According to Young (1990), it is a mistake to reduce social justice to the single issue of redistribution, because there are social processes and power relations that determine who gets what and who is left behind. The principles that guide the redistribution are the product of social, cultural, symbolic and institutional dimensions of society. Uses of the environment have to do with issues of culture and identity, with some forms of environmentalism gaining over those of groups marginalized on grounds of class or race (Pulido, 1996). Decisions on environmental and land uses echo the power structures of society, structures that disadvantage low-income communities and communities of color. Thus, struggles for environmental justice issues also fall within the scope of recognition and cultural identity (Pulido, 1996) that are expressed in specific relationships with land and the environment (Pena, 2005). However, we should be alert to the risk involved in justifying, as in the case of Guinea, unfair situations in the name of recognition of a cultural relationship to the environment, or in letting social issues obscure environmental ones.
A Detroit, si le point de départ des négociations menées par les habitants de quartiers défavorisés se situe dans les nuisances apportées par de grands équipements urbains, leur objectif est bien plus vaste puisqu'il recouvre différents aspects, sociaux et économiques de la crise urbaine. S. Fol et G. Pflieger traitent à San Francisco de l'accès aux transports urbains des pauvres, mais comme les politiques d'aménagement sont examinées en Californie sous l'angle de la justice environnementale, voici l'accès aux transports urbains devenu problème d'environnement, quand bien même leurs nuisances sont à peine évoquées. Dans ces deux contributions, la question éthique se limite au droit à la ville pour les citadins les plus dénués de « capabilités » pour reprendre la catégorie d'Amartya Sen. L'argument environnemental y apparaît soit comme un cosmétique, soit comme un prétexte qui devrait imposer une problématique sociale plus radicale et plus large.
In Detroit, the starting point for negotiations by inhabitants of deprived neighborhoods lies in the negative impact of large urban facilities, but their brief is much broader because it covers various social and economic aspects of urban crisis. S. Fol and G. Pflieger discuss the access of poor people in the San Francisco area to urban transportation, but as the field is subject to environmental justice screening in the California, access to urban transport is treated as an environmental problem, even if its environmental impact is barely mentioned. In these two contributions, the ethical question is limited to the right to the city for the citizens most deprived of « capabilities » to use Amartya Sen’s phrase. The environmental argument appears either as cosmetic or as a pretext to skirt a broader social issue.
Certains verront dans cette socialisation de l'environnement la marque d'une dilution du concept : l'environnement considéré non plus comme composé d'objets de nature mais comme le grand fourre-tout des représentations sociales. Certes, mais d'un autre point de vue, nous pouvons aussi considérer que c'est là un exemple assez net de déplacement de la frontière entre nature et culture, champ des sciences et champ de la politique. Cette reconnaissance du caractère culturel et contingent du partage nature/culture induit une zone de flou qui demande pour le moins à être observée. C'est là l'originalité la plus intéressante de la question environnementale en matière de justice, car cette zone de flou est le lieu même du politique. A l'heure des nano et biotechnologies, elle est le lieu où se décide de l'humanité des êtres. A l'heure du fichage généralisé des individus et de la gestion scientifique des flux d'énergie, de matière et d'humains, elle est le lieu où s'élargit la part inhumaine de l'humain chosifié. S'il y a lutte pour la justice, c'est bien en ce point là, par exemple dans les campagnes indiennes résistant aux OGM (Shiva in Cornut 2007. Opus cité), que l'on impose au nom du droit à se nourrir ou du droit des agriculteurs à être compétitifs, y compris en zone aride, et ce, en détruisant le rapport des paysans avec leurs semences (Assayag 2005). De même, sur cette même frontière entre nature et culture, il y a bien aussi lutte pour les critères de justice dans les établissements scolaires résistant contre l'identification biométrique (Pièces et Main d'œuvre 2008). Dans ces établissements où la reconnaissance par des machines de l'empreinte palmaires des élèves donne accès à la cantine, l'identification biométrique se pare des vêtements de la justice puisqu'il s'agit d'éviter que des resquilleurs de 14 ans viennent manger gratuitement.
Some might argue that this socialization of environmental issues is in fact a dilution of the concept, the environment being no longer considered as composed of objects of nature but as the great catch-all of social representations. It may be so, but from another point of view, we can also see this as a fairly clear example of moving the boundary between nature and culture, the scientific and the political. To acknowledge the cultural and contingent nature of the nature / culture divide may seem confusing, but seems necessary. Maybe the most interesting question regarding environmental justice is this gray area that happens to be the place of politics. In the era of nano and biotechnology, it is the place where questions essential to humanity are posed. In a time of increased surveillance, when flows, be they of energy, goods or people, are subject to scientific control, it is the place where the human is redefined and may resist objectification. If there is a struggle for justice, it is at this point, in the Indian campaigns against GMOs (Shiva in Cornut 2007), and in schools resisting biometric identification (Pièces et Main d’œuvre 2008). Hence the importance of asking the question: what justice? And justice for whom? And not to assume what is legal is necessarily also fair. Fighting for justice requires to fight against ideologies of justice, questioning the validity and application of principles of universal justice. We impose GMOs in the name of food security or the right for farmers to compete, including in arid zones. It requires biometrics in school canteens under the pretext of justice: after all, there are many 14 years old free-riders.
A chaque étape franchie par la modernité technologique brouillant ce qui relève du sujet et ce qui relève de l'objet, la voix « de gauche » s'élève pour réclamer justice. Mais les exemples précédents montrent que cette justice se résume souvent à ce que cette modernité technologique soit mise au service de tous, et ce, de manière certifiée par des mesures de contrôle précises et répétées. Les idéologies de la justice posent donc que pour être effective, celle-ci réclame un corps social toujours plus transparent. Or tout ce qui est réellement gagné ou perdu par les gens au moment où se modifie le rapport à la nature et à la liberté, tout ceci est bien sûr complètement invisible du point de vue de la mesure comptable. L'enfant qui s'indigne et dit « ce n'est pas juste » n'est pas rawlsien sans le savoir. Son indignation ne relève d'aucune comptabilité. Son avis ne peut guère être pris en compte.
Every time modern technology tends to blur the divide between the subject and the object, the voice of the Left is heard calling for this technology to be harnessed to serve everyone, in a way guaranteed by specific control measures. Every time, this contributes to the objectification of human beings, in the name of the justice made possible by the objectivity of the measure. The ideologies of justice posit that to be effective, it requires an ever more transparent social body. Now all that is really won or lost by people when the relationship to nature and freedom is changed, is completely invisible from the perspective of accountancy. The indignant child shouting « it’s not fair » is not Rawlsian unknowingly. Her or his indignation does not fall into any accounts. Her opinion can hardly be taken into account.
5. Justice environnementale et justice spatiale : fermeture contre fluidité
5. Environmental justice and spatial justice: closing vs. fluidity
La justice environnementale a d'emblée été spatiale puisque les inégalités environnementales ont d'abord été décrites, perçues et vécues dans l'espace, à travers d'inégales distributions de nuisances, et le recouvrement spatial des discriminations (Holifield, 2009 ; Soja 2009). On cherchera ici à lire les formes spatiales des injustices ou justices environnementales, en suivant l'hypothèse que l'espace et ses formes d'organisation sont une matrice dans laquelle les inégalités sociales se produisent, et pas seulement le résultat de ces inégalités (Gervais-Lambony, 2009 ; Gervais-Lambony et al 2009).
Environmental justice was always spatial since environmental inequalities were first described, perceived and experienced in space, through uneven distributions of impacts and the spatial overlap of discriminations (Holifield, 2009; Soja 2009). We seek here to read the spatial forms of environmental justice or injustice, relying on the assumption that space and its forms of organization are a matrix in which social inequalities are produced, not just the result of these inequalities (Gervais-Lambony, 2009; Gervais-Lambony et al 2009).
L'environnement, défini comme un donné physique, oblige à penser de nouvelles spatialités, telles que la mise en relation par des flux, de matières premières ou de particules, d'espaces qui ne sont pas forcément contigus, le jeu combiné et contradictoire de phénomènes se produisant à ou analysés à des échelles différentes (Walker, 2009). Mais ici, les auteurs insistent sur des dimensions de l'environnement dont la territorialisation, au sens de délimitation, n'est pas évidente.
The environment, defined as a physical given, forces us to think new forms of spatiality, such as relations established by the flow of raw materials or particles, spaces that are not necessarily contiguous, the combined and contradictory phenomena occurring at or analyzed at different scales (Walker, 2009). But the authors of the papers presented here insist on dimensions of the environment that are not easy to map or to delineate.
G. Faburel montre combien les « ségrégations environnementales » soit le recouvrement des discriminations sociales et environnementales ne se laissent pas facilement circonscrire et territorialiser. En île de France, en termes environnementaux, les riches ne sont pas forcément les plus favorisés. Si on cherche des indicateurs écologiques mesurables (pollution de l'air, distance aux espaces verts...), ils sont même souvent en position de se considérer comme victimes (Beucher et al, 2008). Les textes interrogent aussi la bonne focale, pour traiter des inégalités environnementales. La question de l'emboîtement des échelles de l'environnement, et des contradictions éventuelles entre ces échelles (Zuindeau, 2008, Agyeman 2009) est traitée ici au niveau des échelles de la ville. Si le niveau local est capital pour percevoir les inégalités environnementales urbaines, les auteurs montrent qu'il faut le dépasser, travailler aux échelles de l'agglomération, voire de la région, pour y remédier. G. Faburel réhabilite même la notion de « milieu », apte selon lui à faire comprendre les dimensions physiques et subjectives de l'environnement. A la réflexion sur les échelles répond une interrogation sur les temporalités de l'environnement. J. Gobert pour Detroit reprend l'idée d'un environnement palimpseste, affecté d'une valeur patrimoniale. Ainsi, penser de nouveaux équipements de transport à Detroit pour les riverains, impose de penser la ville et la crise urbaine dans son histoire. C'est donc le temps long de l'environnement que les auteurs cherchent à valoriser.
G. Faburel shows how « environmental segregation », ie, the overlap of environmental and social discrimination, can’t be easily identified and mapped. In Ile-de-France, the rich are not necessarily in the most favored environments. If we look for measurable environmental indicators (air pollution, distance to parks …), they are often actually likely to be considered as victims (Beucher et al, 2008). The texts also question the right focal to address environmental inequalities. The issue of interlocking scales of the environment, and possible contradictions between these scales (Zuindeau, 2008, Agyeman, 2009) is treated here at the level of urban areas. While the local level is vital to collect urban environmental inequality data, the authors show that we must move beyond them, and work at the scales of the urban area or urban region to grasp it fully. G. Faburel sees the notion of « milieu » as suitable to understand the physical and subjective dimensions of the environment. Beyond the issue of scale, there is that of the temporalities of the environment. J. Gobert uses the idea of a palimpsest environment, containing forms of spatial heritage, about Detroit. Planning new transportation facilities for local residents in Detroit implies thinking of the city and the urban crisis in a historical perspective. A long-term perspective proves invaluable in such studies.
Alors que l'environnement est de plus en plus décrit comme une matière profonde, impliquant une réflexion sur la communicabilité des échelles et le jeu différentiel des temporalités, les politiques concrètes semblent se traduire par une fermeture de l'espace.
While the environment is increasingly described as a « profound » matter, best understood at different scales and in different time-frames, actual policies seem to result in a closure of space.
En effet, un leitmotiv de ces textes est la métaphore de la fermeture spatiale, à travers la clôture ou le zonage, associé à celui de la fragmentation et du rétrécissement. Il est interprété à la fois comme une conséquence, et un révélateur de situations de crises socio-environnementales, et comme une des causalités de ces crises.
Indeed, a recurring theme of these papers is the metaphor of the enclosure of space, through fencing or zoning, combined with fragmentation and shrinkage. It is interpreted as both a consequence and an indicator of socio-environmental crises, and as one of the causalities of these crises.
Aux Etats-Unis, ce paradigme spatial est illustré par J. Gobert, qui reprend les métaphores de la ville « rétrécie » ou « perforée » pour décrire la crise urbaine de Detroit. Les articles de S. Fol et G. Pflieger, ou de J. Gobert, dénoncent également la fragmentation des pouvoirs et des échelles spatiales de décision à San Francisco ou à Detroit, qui empêchent de prendre la mesure des inégalités environnementales, de leurs causalités, et donc d'y remédier. La fragmentation territoriale et politique a dans les deux cas un corollaire : l'absence d'une autorité capable de garantir les accords conclus. En matière de justice environnementale, les études de cas montrent que ce qui manque c'est cette autorité judiciaire, garante de la validité, sur le fond et sur la forme, des accords négociés.
In the U.S., this spatial paradigm is illustrated by J. Gobert, who uses the metaphors of the city as « shrunk » or « perforated » to describe the urban crisis in Detroit. The papers by S. Fol and G. Pflieger, or J. Gobert, also bemoan the fragmentation of power and decision-making in San Francisco and Detroit, which do not allow to take the full measure of environmental inequalities, determine their causes, and possible solutions. The territorial and political fragmentation, in both cases, results in the absence of an authority likely to guarantee the agreements. In terms of environmental justice, case studies show that what is lacking is the judicial authority, which guarantees the validity on the merits and the form of negotiated agreements.
En Afrique, les textes de P. Rey, et de L. Gagnol et A. Afane, identifient les politiques d'enclosures en Afrique, associées au partage ou à la redistribution des ressources naturelles et à l'essor de modes d'exploitation intensifs comme un facteur d'exclusion à part entière. Ce processus de fermeture spatiale signe le rétrécissement des terroirs paysans ou des territoires nomades, et la disparition des mécanismes de fluidité qui offraient une marge de jeu et de régulation aux pratiques agricoles et aux inégalités sociales (André et al). Parce qu'il permet une exploitation intensive des ressources naturelles, en interdisant des pratiques extensives fondées sur la mobilité, il est aussi une des étapes de la dégradation de ces ressources naturelles, ce qu'il compense en créant des périmètres protégés. Ainsi, le découpage du monde en espaces réservés, construit une mosaïque de territoires différenciés, où des espaces dégradés peuvent côtoyer des espaces protégés, des espaces de richesse des poches de pauvreté.
In Africa, the papers by P. Rey, and L. Gagnol and A. Afane, identify policies of enclosure in Africa, coupled with the sharing or redistribution of natural resources and the development of intensive farming systems, as a factor of social exclusion. The process of enclosure narrows down farmland or nomadic areas, and the disappearance of mechanisms that offered leeway and control over agricultural practices and social inequalities (André et al). Because it allows for intensive exploitation of natural resources by prohibiting practices based on extensive mobility, it is also a step toward the degradation of natural resources, which it seeks to compensate by creating preserved areas. Dividing up space creates a mosaic of differentiated areas, where degraded areas can be close to protected areas, areas of wealth alongside pockets of poverty.
La fermeture spatiale permet aussi une approche comptable des biens ou des maux environnementaux. Elle participe soit à la dégradation, soit à la protection des environnements, mais toujours à la représentation de la raréfaction. Présentées comme remèdes aux crises écologiques ou sociales, ces politiques de clôture sont aussi un instrument qui valide et entretient la construction idéelle de la crise.
The enclosure of space also provides an accounting approach for environmental goods and burdens. It is involved in the degradation or the protection of environments, but always contributes to a sense of space as a rarefying resource. While they are presented as remedies for environmental or social crises, these enclosure policies are also a tool that validates and maintains the ideal constructs of the crisis.
Dans le numéro précédent de Justice spatiale | Spatial Justice, L. Brawley proposait de chercher à identifier les formes spatiales du néo-libéralisme, particulièrement dans les espaces urbains nord-américains (Brawley, 2009). On peut effectivement considérer ce processus de délimitation territoriale comme caractéristique du libéralisme mondialisé: le découpage, la fermeture et la fragmentation de l'espace, pour mieux l'exploiter, le distribuer entre les acteurs sociaux, mieux l'échanger. On rejoindra aussi cet auteur, quand elle montre comment la crise économique, ici écologique, permet de renforcer les actions de clôtures. Mais ces formes spatiales nous semblent relever non pas simplement du néo-libéralisme, ni même du capitalisme, mais plutôt de la progression historique de l'économie industrielle. En Afrique, l'émergence de cette conception géométrique du territoire, privilégiant des espaces bien délimités, aisément cartographiables à l'aide des SIG, trouve ses racines dès l'époque coloniale et semble effectivement réactivée par la dynamique de réorganisation des pouvoirs et de participation accrue à la mondialisation économique (Antheaume 2005). Que penser des propositions formulées en termes de justice environnementale sur ce point ? Hélas, qu'elles s'accommodent ou justifient trop souvent les enclosures, comme si la « démocratie de propriétaires » (Property-owning Democracy ) que John Rawls appelait de ses vœux (Rawls 2003 p. 188) pouvait représenter un horizon désirable pour la planète.
In the previous issue of Justice Spatiale | Spatial Justice, L. Brawley suggested to try to identify the spatial forms of neo-liberalism, particularly in urban areas in North America (Brawley, 2009). You can actually see this process of territorial demarcation as a feature of globalized liberalism: delimitation, closure and fragmentation of space to use it better, distribute it among social agents and exchange it more efficiently. We agree with Brawley when she shows how the economic crisis (ecological in our case) reinforces actions tending to close spaces. But these spatial patterns we observed do not seem to be merely neo-liberal, or even capitalistic, and reflect the historical progression of the industrial economy more generally. In Africa, the emergence of a geometric understanding of territories, focusing on well-defined areas, easy to map using GIS, has its roots in the colonial era and seems to have been reactivated by the reorganization of power and increased participation in economic globalization (Antheaume). What do models of environmental justice have to say on this point? Unfortunately, they often advocate living with enclosures, or even justify them, as if the « democracy of landowners » (Property-owning Democracy) that John Rawls called for (Rawls 2003 p. 188) could represent a desirable horizon for the planet.
Conclusion
Conclusion
Si la justice est dans l'air du temps, la critique des modèles de justice environnementale l'est donc manifestement tout autant. Ce qui émerge peut-être du sommet de Copenhague, c'est la contestation d'un mode de gestion et l'aspiration à d'autres modèles. On peut s'en réjouir, car la critique est sans doute féconde pour penser la complexité de la justice, des environnements et des politiques spatialisées. De ce point de vue, le sommet de Copenhague ne peut être considéré comme un échec, car le débat s'est nettement décentré. Mais l'on peut aussi s'en inquiéter, car si les modèles de gestion et de justice sont mauvais, nous demeurons loin d'en avoir identifié d'alternatifs. Va-t-on, en critiquant la justice gestionnaire vers un monde encore plus chaotique et inégalitaire ?
If justice is trendy, criticism of the models of environmental justice is equally in. What emerges perhaps from the Copenhagen summit is a challenge to a certain mode of environmental management and an aspiration to different models. This is a reason to rejoice, because the criticism is probably helpful to develop new understandings of the complexity of justice, the environment and spatial policies. From this point of view, the Copenhagen summit cannot be considered an outright failure, because the terms of the debate were modified. But there are also reasons to worry because if the models of environmental management and justice are wrong, we have no alternative models as yet. Criticizing a managerial view of justice may well just contribute to a more chaotic and unequal world.
Pour citer cet article
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Sophie Moreau | Jean Gardin
Sophie Moreau | Jean Gardin