Introduction
Introduction
Jo cherchait une nouvelle maison. Ses collègues l’ont poussé à en acheter une, mais il était réticent à « risquer son avenir financier avec un prêt immobilier ». Il a décidé d’essayer une coopérative de logement et a trouvé « un refuge, ou… en tout cas un lieu différent du monde capitaliste habituel où, pour nombre d’associations de logement ou de propriétaires, tout est question d’argent et ils ne font pas toujours leur possible pour répondre aux besoins des gens ou ne serait-ce que donner un certain sens du vivre ensemble ». Jo a vu la coopérative comme un espace de justice dans une société où les besoins fondamentaux tournent « autour de l’argent ». Contrairement à la logique de marché concurrentielle d’exploitation, la coopérative offre à Jo sécurité et équité : un loyer modéré, une sécurité du bail, un espace où il se sent valorisé et des voisin·e·s qui prennent soin les uns des autres. Dix ans plus tard, Jo vit toujours dans la coopérative et n’a aucune intention de la quitter.
Jo was looking for a new home. His colleagues urged him to buy a house, but he was reluctant to “risk his financial future with a mortgage”. He decided to try a housing cooperative and found “a refuge, or… certainly a place that is different from the usual capitalist world where for a lot of housing associations or landlords it’s all about the money and they don’t always do what they can to meet people’s needs or at the very least give some sense of community”. Jo saw the cooperative as a pocket of justice in a society where basic needs are “all about the money”. In contrast to the competitive, exploitative market logic, the cooperative offered Jo safety and fairness: low rent, secure tenure, a community where he felt valued and neighbours who looked after each other. Ten years on, Jo still lived in the cooperative and had no intention to leave.
Jo n’est pas seul ; cet article est basé sur une recherche qui a révélé que de nombreux·ses membres d’habitat participatif[1] décrivent leur lieu de vie comme un safe space[2] et un espace de justice. Alors que cette configuration est courante sur le terrain, elle est étonnamment sous-théorisée dans la recherche. L’habitat participatif urbain est souvent décrit comme un environnement plus sûr face à l’anonymat des grandes villes, mais il est rarement conceptualisé comme un safe space. En outre, le néolibéralisme est un courant culturel et politique dominant qui impose insécurité, oppression et violence (Springer, Birch et MacLeavy, 2016), mais ce n’est pas pour autant que la recherche s’intéresse aux safe spaces induits par le néolibéralisme – contrairement à la foisonnante documentation à propos des safe spaces pour d’autres formes d’oppression telles que le sexisme, le racisme et l’homophobie (Mountz, 2017). Cet article rassemble les concepts de safe spaces et de justice sociale et les examine à travers le cas de l’habitat participatif. S’appuyant sur les travaux de Nancy Fraser, il plaide en faveur d’une lecture du safe space comme forme de justice. L’analyse s’appuie sur deux études de cas d’habitats participatifs au Royaume-Uni qui fonctionnent, bien qu’imparfaitement, comme des safe spaces et des espaces de justice.
Jo is not alone; this paper is based on research that found that many residents of communities that are managed by their members described their community as a safe and just space. Surprisingly, while this framing was common on the ground, it is under-theorised in the literature. Urban communities are popularly portrayed as safer environments than the anonymity of large cities, but they are rarely conceptualised as safe spaces. Moreover, neoliberalism is a dominant cultural and political current that inflicts insecurity, oppression and violence (Springer, Birch, and MacLeavy, 2016), but there is no literature on safe spaces from it—as opposed to the rich literature on safe spaces from other prevalent forms of oppression such as sexism, racism and homophobia (Mountz, 2017). This paper brings together the concepts of safe space and social justice and examines them through the case of community-led housing (CLH). Drawing on the work of Nancy Fraser, it argues for a reading of safe space as a form of justice. The argument draws on two case-study community-led housing in the UK, which operates as safe and just spaces, albeit imperfectly.
Le « néolibéralisme » est un terme volontairement générique (Clarke, 2008), mais sa portée permet de conceptualiser différentes expériences dans un cadre unique. Il est important de noter que ce concept est fidèle à l’image que se font les personnes elles-mêmes de leur habitat comme alternative au capitalisme. Le néolibéralisme s’est imbriqué dans de nombreux processus sociaux et culturels qui affectent leur vie : les politiques de logement néolibérales, comme les mesures d’austérité et la restructuration de l’État-providence (Hodkinson, Watt et Mooney, 2013 ; Levitas, 2012 ; Madden et Marcuse, 2016) ; le transfert des responsabilités de l’État aux collectivités locales (McKee, 2015b ; Williams, Goodwin et Cloke, 2014) ainsi que les orientations gouvernementales qui encouragent l’individualisme et l’accumulation d’actifs et conduisent à la honte de l’échec financier ou des modes de vie « non-ambitieux » (Chandler et Reid, 2016 ; Barnett et al., 2008 ; Nowicki, 2018 ; Wright, 2012). Dans la lignée de Simon Springer (2012), les différentes significations du néolibéralisme (politique, culturelle et de gouvernance) ont été conçues comme des formes mutuellement constitutives d’un même phénomène et, emboîtant le pas de James Ferguson (2009), j’ai saisi l’occasion d’utiliser les différents aspects du néolibéralisme pour mettre en évidence la relation entre eux.
Neoliberalism is a notoriously broad term (Clarke, 2008), but for the analytical purpose of this paper, its extensive reach made it instrumental in conceptualising different experiences within a single framework. Importantly, this concept was true to participants’ own framing of their communities as alternatives to capitalism. Neoliberalisation was interwoven into many of the social and cultural processes that affected participants’ lives: neoliberal housing policies, like austerity measures and restructuring of the welfare state (Hodkinson, Watt, and Mooney, 2013; Levitas, 2012; Madden and Marcuse, 2016); the roll-off of state responsibilities onto local communities (McKee, 2015b; Williams, Goodwin, and Cloke, 2014); and governmental aspects that encourage individualism and asset accumulation and lead to shame over financial failure or “non-aspirational” lifestyles (Chandler and Reid, 2016; Barnett et al., 2008; Nowicki, 2018; Wright, 2012). In line with Simon Springer (2012), different meanings of neoliberalism (policy, culture, governmentality) were conceived as mutually constitutive forms of the same phenomenon and taking my cue from James Ferguson (2009), I embraced the use of different aspects of neoliberalism as an opportunity to highlight the relationship between them.
L’habitat participatif est un terme générique qui désigne les projets de logement gérés démocratiquement par ses membres et qui impliquent souvent une structure de partage sans recherche de profit (Tummers, 2016). Les participant·e·s à la recherche, issus de deux types d’habitats participatifs, ont souligné l’importance du sentiment de sécurité lors de l’adhésion au projet : la sécurité financière, la sécurité du bail et le filet de sécurité qui caractérise l’habitat participatif. De nombreux·ses membres, comme Jo, ont opposé ces formes de sécurité à ce qu’ils appellent « monde extérieur », trouvant ainsi une sécurité et une protection contre les politiques et la culture néolibérales injustes. Cet article révèle les pratiques quotidiennes qui créent la sécurité et la justice, ainsi que la double position de l’habitat participatif : des safe spaces et des espaces de justice qui répondent aux injustices du néolibéralisme et aux espaces d’exclusion et d’inégalité.
Community-led housing is an umbrella term for housing projects that are managed democratically by members and often involve sharing and not-for-profit structure (Tummers, 2016). Research participants from two different communities emphasised the importance of security in joining: financial security, secured tenure and the community safety-net. Many members, like Jo, contrasted these forms of security to what they called “the world out there”, finding safety and protection from unjust neoliberal policies and culture. The paper reveals the daily practices that create safety and justice, as well as the dual position of CLH: safe and just spaces that respond to the injustices of neoliberalism, and spaces of exclusion and inequality.
Cet article comporte quatre parties. La première partie conceptualise ces safe spaces à travers le prisme de la justice spatiale, en s’appuyant sur la théorie de la justice de Fraser. Je développe ensuite le concept de safe spaces et d’espace de justice par rapport au contexte empirique : le secteur de l’habitat participatif dans le Royaume-Uni néolibéral. Après avoir présenté la recherche et les méthodes utilisées, la partie traitant des résultats se concentre sur l’étude de cas de deux types d’habitats participatifs et rend compte de la manière dont ils fonctionnent comme des safe spaces et des espaces de justice face aux insécurités du néolibéralisme. Cette partie affirme que ces habitats participatifs présentent des aspects matériels, émotionnels et politiques de la sécurité et de la justice ainsi que des complexités inhérentes qui les rendent peu sécurisants et justes.
The paper is in four parts. The first section conceptualises safe spaces through the lens of spatial justice, drawing on Nancy Fraser’s theory of justice. I then develop the concept of safe and just spaces in relation to the empirical context: the community-led housing sector in neoliberal UK. After introducing the research and the methods used, the findings section zooms in on two case study communities and reports on the ways they operate as safe and just spaces from the insecurities of neoliberalism. That section argues that communities feature material, emotional and political aspects of safety and justice, alongside inherent complexities that make them unsafe and unjust.
Le contexte théorique
Theoretical context
Les safe space, des espaces de justice
Safe spaces, just spaces
Le concept de safe space, qui trouve son origine dans le mouvement féministe sous la forme de refuges pour les victimes de viols et d’abus sexuels, a évolué vers diverses formes de protection contre l’oppression. Ces dernières années, le safe space est particulièrement lié aux communautés LGBTQI, offrant une alliance et une protection contre la violence homophobe et transphobe dans les universités et les centres sociaux (Fox, 2007). Les safe spaces existent également sous la forme de clubs universitaires pour les minorités, où les étudiant·e·s de couleur sont écouté·e·s dans des environnements à prédominance blanche et parfois hostiles (Deo, 2012). Dans le domaine de l’éducation, les enseignant·e·s plaident pour des salles de classe qui permettent aux étudiant·e·s de s’exprimer en toute sécurité physique et émotionnelle et de faire partie d’une communauté grandissante et audacieuse d’apprentissage. Dans ces conditions, les enseignant·e·s sont responsables de l’équité et de la protection des élèves marginalisé·e·s tel·le·s s que les LGBTQI et les personnes racisées (Barrett, 2012 ; Darrell, Littlefield et Washington, 2016 ; Stengel et Weems, 2010). Ce que tous les safe spaces ont en commun, c’est l’objectif d’offrir un refuge contre la violence ordinaire, d’être propices à l’ouverture, l’acceptation et l’expression de soi. Idéalement, c’est un espace où la logique hégémonique est déconstruite et où de nouvelles formes de relations se tissent (Polleta, 1999).
The concept of safe space, which originated in the Feminist movement in the form of shelters for victims of rape and abuse, has evolved into various forms of protection from oppression. In recent years “safe space” is particularly identified with LGBTQI communities, offering allyship and providing safety from homophobic and transphobic violence in universities and social centres (Fox, 2007). Safe spaces also exist as university minorities clubs, where students of colour can find understanding in predominantly White and sometimes hostile environments (Deo, 2012). In education, teachers advocate for classrooms that allow students physical and emotional safety to express themselves and be part of a thriving and adventurous learning community. In these settings, the teachers are responsible for fairness for—and protection of marginalised students such as LGBTQI and minority ethnic groups (Barrett, 2012; Darrell, Littlefield, and Washington, 2016; Stengel and Weems, 2010). What all safe spaces have in common is an aim to provide a refuge from mainstream violence, openness, acceptance and self-expression. Ideally, it is a space where hegemonic logic is deconstructed, and new forms of relationships are formed (Polleta, 1999).
La sécurité dans les safe spaces est assurée grâce à l’esprit critique, à des règles de base sensibles et à des pratiques de reconnaissance culturelle comme la reconnaissance des « élèves de couleur dont les perspectives et les expériences sont constamment minimisées » (Leonardo et Porter, 2010, p. 149). La sécurité est également obtenue par la ségrégation physique, en excluant les personnes et les comportements oppressifs (Deo, 2012 ; The Roestone Collective, 2014). Depuis peu, le safe space est utilisé au sens figuré pour désigner non pas un espace physique, mais un ensemble de pratiques dans la sphère publique, sur Internet ou en dehors. Ces pratiques consistent notamment à déclencher des avertissements (utilisés d’abord pour protéger les victimes de viols contre les traumatismes et dorénavant pour protéger d’autres membres de groupes opprimés) et l’interpellation de personnes de même que d’organisations jugées nuisibles. Ces safe spaces ont suscité des critiques sur les questions d’exclusion, de reconnaissance et de liberté d’expression, ainsi qu’un certain scepticisme quant à leurs avantages pour les groupes marginalisés (Barrett, 2012 ; Coleman, 2016 ; Gibson, 2019). Le présent article ne fait pas référence à ces espaces et pratiques sécuritaires, mais à des espaces qui offrent une sécurité tant physique qu’émotionnelle.
Safety in safe spaces is achieved through critical thinking, sensitive ground rules and practices of cultural recognition like acknowledging “students of color whose perspectives and experiences are consistently minimised” (Leonardo and Porter, 2010, p. 149). Safety is also achieved through physical segregation, by excluding oppressive people and behaviours (Deo, 2012; The Roestone Collective, 2014). Lately, safe space is used figuratively to denote not a physical space but a set of practices in the public sphere, on and offline. These practices include trigger warnings (used initially to protect rape victims from trauma and now used to protect other members of oppressed groups), and call-outs of individuals and organisations who are deemed harmful. Safe spaces, and particularly the latter type, attracted criticism around issues of exclusion, recognition and freedom of speech, as well as scepticism regarding their benefits for marginalised groups (Barrett, 2012; Coleman, 2016; Gibson, 2019). This paper does not refer to these safe spaces and practices, but to spaces that offer physical as well as emotional safety.
Le potentiel des safe spaces pour la justice sociale
Safe spaces’ potential for social justice
Tous les safe spaces ne fonctionnent pas comme des espaces de justice : certains n’apportent qu’une protection temporaire et partielle aux injustices d’une société peu sécurisante. Cependant, ils ont le potentiel de devenir plus, d’être « une façon de pratiquer la justice sociale qui reconnaît, souligne et, à certains égards, encourage la différence sociale » (The Roestone Collective, 2014, p. 1 360). Certain·e·s chercheur·e·s considèrent les safe spaces comme une préfiguration et affirment qu’en utilisant des pratiques et des logiques alternatives, les safe spaces peuvent aller au-delà de la protection temporaire et remettre en question les cultures dominantes (Polleta, 1999). Je soutiens qu’en maintenant une sécurité matérielle et émotionnelle durable et en cultivant une action plus forte, les safe spaces deviennent non seulement des safe spaces, mais aussi des espaces de justice, comme exprimé dans la théorie de la justice de Fraser. Cette dernière a identifié trois types distincts d’injustice : culturelle-symbolique, socio-économique et politique (Fraser, 2007). Les injustices culturelles-symboliques se manifestent par le manque de reconnaissance et de respect ; les injustices socio-économiques par la répartition inégale des richesses et l’injustice politique par une limitation de la voix et de l’action politiques. J’utilise ce modèle pour considérer le potentiel et les défauts des safe spaces comme des espaces de justice. En d’autres termes : plus l’espace couvre des aspects de la justice, plus il devient un safe space et un espace de justice.
Not all safe spaces function as just spaces: some only create temporary and partial relief from the injustices of an insecure society. However, they have potential to become more than that and be “a way of practising social justice that recognises, emphasises, and in some ways encourages social difference” (The Roestone Collective, 2014, p. 1.360). Some scholars view safe spaces as prefigurative and argue that by using alternative practices and logics, safe spaces can go beyond temporary relief and challenge mainstream cultures (Polleta, 1999). I contend that by maintaining lasting material and emotional safety and cultivating stronger agency, safe spaces become not only safe but just spaces, as articulated by Fraser’s theory of justice. She identified three distinct types of injustice: cultural-symbolic, socioeconomic, and political (Fraser, 2007). Cultural-symbolic injustices are manifested in nonrecognition and disrespect; socioeconomic injustices play out in the unequal distribution of resources, and political injustice denotes limitation of political voice and agency. I employ this model to consider the potential and shortcomings of safe spaces as just spaces. Simply put: the more aspects of justice the space provides for, the safer and more just it is.
La justice culturelle et symbolique est la force évidente des safe spaces. Le cœur même de ces espaces est une éthique de la diversité et de la reconnaissance (David et Hartal, 2018) où les membres des groupes marginalisés sont valorisé·e·s et protégé·e·s physiquement et émotionnellement d’un environnement hostile. L’insécurité physique découle directement d’un manque de reconnaissance puisque « certaines vies ne sont pas du tout considérées comme des vies […] Cela donne alors lieu à une violence physique qui, dans un certain sens, délivre le message de déshumanisation qui est déjà à l’œuvre dans la culture » (Butler, 2004, p. 25). La marginalisation culturelle et la violence qui en découle sont les principales raisons de l’établissement de safe spaces pour les personnes racisées et les personnes LGBTQI (Perry et Dyck, 2014, p. 52 ; Leonardo et Porter, 2010).
Cultural-symbolic justice is the obvious strength of safe spaces. The very heart of safe spaces is an ethics of diversity and recognition (David and Hartal, 2018), where members of marginalised groups are valued, and are physically and emotionally safe from a hostile environment. Physical insecurity stems directly from misrecognition, since “certain lives are not considered lives at all […] This then gives rise to a physical violence that in some sense delivers the message of dehumanisation which is already at work in the culture” (Butler, 2004, p. 25). Cultural marginalisation and the violence that comes with it are the main reasons to establish safe spaces for people of colour and LGBTQI people (Perry and Dyck, 2014, p. 52; Leonardo and Porter, 2010).
Les safe spaces tournés vers l’extérieur qui s’efforcent de concrétiser une vision de la justice peuvent accroître l’action politique ainsi que l’égalité et répondre au manque de respect. La reconnaissance est alors considérée non seulement comme un but en soi, mais aussi comme une exigence pour la construction de la solidarité et l’organisation politique (The Roestone Collective, 2014). Patricia Hill-Collins affirme que les safe spaces « améliorent notre capacité à participer à des projets de justice sociale… leur objectif global vise à coup sûr la création d’une société plus inclusive et plus juste » (White, 2012, p. 18).
Safe spaces that are outward-looking and work to realise a vision of justice can increase political agency and equality and respond to disrespect. Recognition is then considered not only an aim in itself but a requirement for solidarity building and political organising (The Roestone Collective, 2014). Patricia Hill-Collins argued that safe spaces “enhance our ability to participate in social justice projects… their overall purpose most certainly aims for a more inclusionary, just society” (White, 2012, p. 18).
La reconnaissance est la force des safe spaces mais aussi leur faiblesse potentielle. Lorsque l’accent est mis sur des identités particulières, il conduit à l’exclusion. L’exclusion et la séparation sont inhérentes aux safe spaces – ils sont safe parce qu’ils excluent les comportements et les personnes malveillantes. Mais l’exclusion peut être injuste lorsqu’elle reflète des préjugés répandus concernant la classe, le groupe racisé, le revenu et la situation de handicap ou de non-handicap (Fox, 2007 ; The Roestone Collective, 2014). De plus, Fraser a critiqué le tournant culturel du féminisme qui se concentre sur les politiques d’identité et de reconnaissance et s’éloigne des politiques de redistribution. Ce tournant, a-t-elle affirmé, « n’a que trop bien coïncidé avec un néolibéralisme hégémonique qui ne veut rien d’autre que réprimer la mémoire socialiste » (Fraser, 2017, p. 22). En effet, des études dans d’autres domaines ont montré que la reconnaissance culturelle ne garantit pas la justice distributive (Fisk, 2011).
Recognition is the strength of safe spaces, but also their potential weakness. Firstly, the focus on particular identities leads to exclusion. Exclusion and separation are inherent to safe spaces—they are safe because they exclude abusive behaviours and people. But exclusion can be unfair when it reflects prevalent prejudices regarding class, race, income and ability (Fox, 2007; The Roestone Collective, 2014). Moreover, Fraser criticised the cultural turn in feminism for its focus on identity politics and recognition and move away from politics of redistribution. This turn, she argued, “has dovetailed all too neatly with a hegemonic neoliberalism that wants nothing more than to repress socialist memory” (Fraser, 2017, p. 22). Indeed, studies in other fields found that cultural recognition does not guarantee distributive justice (Fisk, 2011).
Les safe spaces répondent à l’injustice socio-économique ou politique de manière complexe. La plupart du temps, ils font référence à l’oppression venant de tous les fronts, mais leur stratégie tourne autour de la reconnaissance et n’offrent, par conséquent, pas de protection directe contre l’injustice socio-économique et politique. Les safe spaces sont davantage considérés comme des refuges ou, au mieux, comme des espaces propices à l’action politique qui se déroule ailleurs. Les parties suivantes de l’article développent l’argument selon lequel l’habitat participatif peut être conceptualisé et vécu comme un safe space et un espace de justice, en répondant non seulement aux questions de reconnaissance, mais aussi aux injustices socio-économiques et politiques.
Safe spaces respond to socioeconomic or political injustice in complex ways. Mostly, safe spaces refer to oppression on all fronts, but their strategy revolves around recognition and therefore, do not offer direct protection from socioeconomic and political injustice. Safe spaces are seen more as havens or, at best, as enabling spaces for political action that takes place elsewhere. The following sections develop the argument that community-led housing can be conceptualised and experienced as safe and just spaces, which respond not only to issues of recognition but also to socioeconomic and political injustice.
Le contexte empirique
Empirical context
L’habitat participatif : défier le néolibéralisme et créer des refuges
CLH: Challenging neoliberalism and creating safe-havens
Cette partie se concentre sur le contexte empirique de cet article : l’habitat participatif dans le Royaume-Uni néolibéral. L’habitat participatif peut lutter contre les insécurités et les injustices du logement contemporain en offrant un safe space et un espace de justice. Je soutiens que ses actions pour contrer les diverses formes d’injustice dans la société néolibérale et son potentiel pour offrir des espaces de justice devraient être théorisées dans une perspective de justice, en se basant sur la théorie de Fraser.
This section focuses on the empirical context for this paper—Community-led Housing (CLH) in neoliberal UK. CLH can challenge the insecurities and injustices of contemporary housing by offering a safer and more just space. I contend that their actions to counter various forms of injustice in neoliberal society and their potential to become spaces of justice should be theorised through a justice perspective, using Fraser’s theory of justice.
Les projets d’habitat participatif sont des initiatives citoyennes qui se concentrent généralement sur la valeur d’usage des biens immobiliers plutôt que sur leur valeur d’échange (Madden et Marcuse, 2016) et sont de nature collective. Jo Gooding et Tom Johnston proposent une définition utile de l’habitat participatif, à savoir « des biens immobiliers qui sont développés et/ou gérés par la population locale ou les habitant·e·s, dans des structures organisationnelles à but non lucratif. Sa structure varie, mais sa gouvernance doit être supervisée par des personnes vivant ou travaillant dans l’habitat participatif ou qui en sont les bénéficiaires direct·e·s. L’habitat participatif fait généralement référence à une petite zone géographique identifiée d’appartenance ou d’association » (Gooding et Johnston, 2015, p. 15). Ses membres sont généralement satisfait·e·s du niveau élevé de sécurité, des normes de service et du sentiment d’appartenance (Bliss, 2009 ; Chatterton, 2013 ; Lang et Novy, 2013).
CLH projects are grassroots initiatives that generally focus on homes’ use-value rather than their exchange-value (Madden and Marcuse, 2016), and are collective in nature. Jo Gooding and Tom Johnston offer a useful definition for CLH as “homes that are developed and/or managed by local people or residents, in not for private profit organisational structures. Organisational structure varies but governance should be overseen by people who either live or work in the locality of benefit or are direct beneficiaries. Community housing generally refers to a small geographic identified area of belonging or association” (Gooding and Johnston, 2015, p. 15). Residents of CLH are typically satisfied with the high level of security, service standards and sense of ownership (Bliss, 2009; Chatterton, 2013; Lang and Novy, 2013).
L’habitat participatif est une réponse à une crise. Il a refait surface au cours des dernières années en raison de la récession économique (Tummers, 2016 ; Varvarousis et Kallis, 2016) et notamment la hausse des prix de l’immobilier qui entraîne une gentrification et des difficultés pour un public croissant d’acheter ou de louer des logements décents et abordables (Field, 2014). En ce qui concerne les relations sociales, cette réémergence de l’habitat participatif peut être comprise à la lumière du constat de Zygmunt Bauman (2007) : plus l’environnement devient incertain, plus il apparaît nécessaire de garantir la sécurité de l’habitat.
CLH is a response to a crisis, and its renewal in recent years can be attributed to economic recession (Tummers, 2016; Varvarousis and Kallis, 2016), including rising house prices which leads to gentrification and difficulties for growing publics to buy or rent decent, affordable homes (Field, 2014). In terms of social relations, the re-emergence of CLH can be understood in light of Zygmunt Bauman’s (2007) observation that as communities become less assured, there is a growing effort to ensure them.
Au Royaume-Uni, les modèles les plus courants de l’habitat participatif sont les coopératives de logement, les organismes fonciers solidaires et le cohabitat. Il existe actuellement au Royaume-Uni plus de 600 coopératives de logement, 253 organismes fonciers solidaires, 20 cohabitats et bien d’autres projets en développement. Chaque modèle et chaque projet est différent : ils peuvent être urbains ou ruraux, neufs ou rénovés, collectifs ou privés, socialement diversifiés ou homogènes, abordables ou non, nécessitant une très faible implication ou au contraire plus d’engagement – comme la participation régulière à des réunions et des repas partagés (Chatterton, 2013 ; Field, 2015 ; Bliss, 2016 ; Jarvis et al., 2016). D’une manière générale, les coopératives et les organismes fonciers solidaires sont abordables, mais ils varient en termes de participation directe et de sentiment d’appartenance (Fernández Arrigoitia, 2017 ; Engelsman, Rowe et Southern, 2016 ; Rowlands, 2009), tandis que les cohabitats sont plus chers mais mettent l’accent sur la participation et le lien social (Chatterton, 2010 ; Jarvis, 2011).
In the UK, the most common models of CLH are housing cooperatives, community land trusts and cohousing. At present, there are over 600 housing cooperatives in the UK, 253 community land trusts and 20 cohousing projects, with many more in development stages. Each model and each project are different: they may be urban or rural, new built or retrofitted, collectively or privately owned, socially diverse or homogenous, affordable or not, require very little involvement or high commitment like regular participation in meetings and shared meals (Chatterton, 2013; Field, 2015; Bliss, 2016; Jarvis et al., 2016). Generally speaking, cooperatives and CLTs tend to be affordable but vary in direct participation and a sense of community (Fernández Arrigoitia, 2017; Engelsman, Rowe, and Southern, 2016; Rowlands, 2009), while cohousing communities are less affordable but emphasise participation and social connection (Chatterton, 2010; Jarvis, 2011).
Les trois aspects de la sécurité et de la justice dans l’habitat participatif
Three aspects of safety and justice in community-led housing
Au Royaume-Uni, la néolibéralisation du logement se manifeste dans la politique, la culture et la gouvernance (Larner, 2000 ; Springer, 2012). Les participant·e·s à l’étude de cas ont d’ailleurs abordé tous ces aspects. Pendant la recherche (2016-2017), deux événements majeurs ont révélé la précarité du logement : les mesures d’austérité en vigueur et la « très néolibérale tragédie » de l’incendie des tours Grenfell, en juin 2017, qui a coûté la vie à 72 personnes (Hodkinson, 2018, p. 6). Stuart Hodkinson dénonce les politiques néolibérales qui ont conduit à l’incendie de cette tour de logements sociaux : la privatisation et la commercialisation des logements qui induisent une gestion dangereusement spéculative ; la déréglementation et la réduction des dépenses en matière de sécurité incendie qui compromettent la sécurité des locataires ; la gentrification qui a « probablement amené » à choisir un revêtement inflammable, car esthétiquement plus attrayant, et l’impossibilité de reloger les locataires à faible revenu dans le même quartier. Ces politiques ont non seulement rendu le logement dangereux, mais ont également mis les victimes dans une position structurellement précaire dans leurs tentatives de relogement (Hodkinson, 2018, p. 6).
In the UK, the neoliberalisation of housing is manifested in policy, culture and governmentality (Larner, 2000; Springer, 2012), and research participants referred to all of these aspects. At the time of research (2016-2017), two major events marked housing insecurity: the ongoing austerity measures and the “very neoliberal tragedy” of the fire at Grenfell Towers on June 2017, which claimed the lives of 72 people (Hodkinson, 2018, p. 6). Stuart Hodkinson points at the neoliberal policies that contributed to the fire in this social housing tower block: privatisation and commercialisation of housing, which led to dangerously profit-based management; deregulation and cuts to public expenditure on fire safety, which led to compromising tenants’ safety; and gentrification, which “arguably underpinned” the flammable cladding of the tower in order to make it more aesthetically appealing, and the inability to house the low-income tenants in their area after the fire. These policies not only made housing unsafe but also put the victims in a structurally precarious position in their attempts to be rehoused (Hodkinson, 2018, p. 6).
Selon le document de synthèse de McGrath, Griffin et Mundy (2016, p. 47), les politiques d’austérité ont un impact grave et avéré sur la santé mentale, en particulier en termes de « honte, de peur et de méfiance, d’instabilité, d’insécurité et de sentiment d’être pris au piège et impuissant ». Notons que tous ces éléments ont été, dans une certaine mesure, compensés dans les types d’habitat participatifs étudiés. En connaissant ses voisin·e·s et en travaillant ensemble, la méfiance a fait place à la confiance. L’insécurité et l’instabilité ont été remplacées par un loyer garanti sur le long terme. L’impuissance face à l’État et au marché a été partiellement compensée par une action au sein de la communauté. Ces éléments sont en corrélation avec la théorie de la justice de Fraser et ses trois piliers que sont la reconnaissance, la redistribution et la voix politique. Il était donc naturel et pertinent d’utiliser ce cadre théorique pour analyser les résultats de la recherche. Le reste de cette partie de l’article démontre que l’habitat participatif peut être un safe space et un espace de justice selon le modèle de Fraser face au néolibéralisme, tout en formulant des critiques sur le secteur de l’habitat participatif pour chaque aspect de la justice.
According to McGrath, Griffin, and Mundy’s briefing paper (2016, p. 47), austerity policies have a severe and evidenced impact on mental health, especially in terms of “shame, fear and distrust, instability and insecurity and being trapped and powerless”. Interestingly, all these elements were countered to some extent in the case study communities. Distrust was replaced by trust through knowing neighbours and working with them; insecurity and instability replaced by long term, secured rent; and powerlessness in relation to the state and the market was partly compensated through agency within the community. These elements correlate to Fraser’s theory of justice, with its three pillars of recognition, redistribution and political voice. It was therefore natural and productive to employ this theoretical framework to analyse the findings. The remaining of this section develops the argument that CLH can be a just and safe space from neoliberalism according to Fraser’s model, while also engaging with critiques on the CLH sector for each aspect of justice.
Tout d’abord, en matière d’injustice socio-économique, la néolibéralisation du logement est basée sur une concurrence inégale et la marchandisation du logement qui conduisent à l’inégalité en ce qui concerne le logement (Madden et Marcuse, 2016). Plus précisément au Royaume-Uni, les politiques néolibérales remplacent la redistribution de l’aide sociale par des réductions importantes dans les dépenses publiques et en particulier des collectivités locales. Ces mesures touchent surtout les personnes vulnérables et les communautés les plus pauvres (Levitas, 2012 ; Lowndes et Pratchett, 2012) et augmentent l’anxiété et l’insécurité dans toute la société (Atkinson, 2013) en raison de la spéculation financière et de l’insécurité de l’emploi (Goodin et Le Grand, 2016). L’habitat participatif peut répondre à ces formes d’injustice par son caractère non lucratif, en offrant des logements abordables et sécurisants et, par conséquent, une sécurité contre les caprices du marché ou la cupidité des propriétaires.
Firstly, in terms of socioeconomic injustice, neoliberalisation of housing is based on competition on uneven terrain and commodification of housing, which leads to housing inequality (Madden and Marcuse, 2016). More specifically in the UK, neoliberal policies replace welfare redistribution with significant cuts to public spending and particularly to local government. These measures affect vulnerable individuals and the poorest communities the most (Levitas, 2012; Lowndes and Pratchett, 2012), and increase anxiety and insecurity throughout society (Atkinson, 2013) as a result of financial speculation and work insecurity (Goodin and Le Grand, 2016). CLH can respond to these forms of injustice by their not-for-profit nature, offering affordable and secure housing and therefore safety from the whims of the market or the greed of landlords.
L’habitat participatif est un secteur diversifié, qui comprend des projets abordables et chers, privés mais gérés collectivement, ainsi que diverses formes de modèles de propriété mutuelle et collective. Deux modèles en particulier peuvent offrir une plus grande justice distributive : les organismes fonciers solidaires et les coopératives de logement. Les organismes fonciers solidaires peuvent résister à la gentrification en détenant la terre comme bien communautaire sans rechercher de profit en garantissant une accessibilité financière à long terme et un contrôle participatif pérenne (Moore et McKee, 2012 ; Thompson, 2015 ; pour une analyse critique des organismes fonciers solidaires, voir Engelsman, Rowe et Southern, 2016). Dans le même ordre d’idées, Maja Hojer Bruun (2015) suggère de considérer les coopératives de logement comme un bien public et les membres des coopératives comme les gardien·ne·s s de ce bien. Cette conceptualisation implique la responsabilité pour les membres de maintenir leur coopérative comme une option accessible et abordable pour les futurs locataires.
CLH is a diverse sector, which includes affordable and expensive projects; privately owned but collectively managed, as well as various forms of mutual and collective ownership models. Two models in particular can offer greater distributive justice: Community Land Trusts (CLTs) and cooperatives. CLTs can resist gentrification by holding the land as a community asset that is not for private profit, and ensures long term affordability and community control in perpetuity (Moore and McKee, 2012; Thompson, 2015; for a critical analysis of CLT see Engelsman, Rowe and Southern, 2016). In a similar vein, Maja Hojer Bruun (2015) suggests viewing housing cooperatives as a public asset, and members of cooperatives as guardians of this asset. This conceptualisation entails a responsibility for members to maintain their cooperative as an accessible and affordable option for future tenants.
Le deuxième aspect de la justice dans le modèle de Fraser est culturel-symbolique. Dans une société capitaliste, les choix de logement impliquent de calculer le retour sur investissement, le positionnement social, ainsi que l’aspiration à l’indépendance par l’accession à la propriété (Allen, 2008 ; Kleinhans et Elsinga, 2010). Celles et ceux qui ne peuvent pas faire de valorisation financière sont considéré·e·s comme des « consommateurs ratés » (Skeggs et Loveday, 2012) qui manquent de goût et de standing. De nombreux·ses chercheur·e·s ont noté que la logique individualiste et concurrentielle du néolibéralisme ainsi que la restructuration de l’État-providence ont accru les sentiments d’isolement, d’aliénation, de honte et d’impuissance (Bauman, 2007 ; Kiersey, 2009 ; Madden et Marcuse, 2016 ; Mykhnenko, 2016 ; Springer, 2011). Voici les éléments qui montrent que l’habitat participatif est bien placé pour s’attaquer au problème en mettant l’accent sur la valeur d’usage des logements plutôt que sur leur valeur marchande.
The second aspect of justice in Fraser’s model is cultural-symbolic. In a capitalist society, housing choices involve calculating return on investment and social positioning, as well as aspiration for independence through home ownership (Allen, 2008; Kleinhans and Elsinga, 2010). Those who cannot make valued choices are seen as “failed consumers” (Skeggs and Loveday, 2012) who lack taste and status. Many scholars noted that the individualistic and competitive rationale of neoliberalism and the restructuring of the welfare state increased feelings of isolation, alienation, shame and powerlessness (Bauman, 2007; Kiersey, 2009; Madden and Marcuse, 2016; Mykhnenko, 2016; Springer, 2011). These are the elements that CLH is well-positioned to tackle through emphasis on use-value of homes rather than their market value.
Les critiques de l’habitat participatif portent sur la désaffiliation et l’exclusion dans ces logements, point qu’il partage avec les gated communities (Chiodelli, 2015). Le logement en cohabitat, en particulier, a tendance à être homogène en termes « de richesse, de classe sociale, de groupe ethnique, d’éducation et d’attitudes » (Williams, 2005, p. 154 ; pour des résultats similaires en France, voir Bresson et Denefle, 2016). Cela suggère que certains de ces développements sont exclusifs et ne profitent qu’aux nanti·e·s – mais d’autres types sont plus diversifiés et inclusifs. C’est pourquoi, bien que le logement en habitat participatif ait souvent une vision coopérative de la société, il risque de promouvoir l’inégalité, en favorisant ceux qui ont suffisamment de temps, de compétences et de richesse pour s’engager dans le bénévolat et investir dans la construction d’un habitat participatif (Garciano, 2011 ; Moore et McKee, 2012 ; Wallace, Ford et Quilgars, 2013). En outre, certaines critiques affirment que l’éthique de base de l’habitat participatif fait le jeu du néolibéralisme en réduisant les responsabilités de l’État (Jacobs et Manzi, 2013).
Critiques of CLH are concerned with disaffiliation and exclusion in CLH—the common features of community-led housing and gated communities (Chiodelli, 2015). Cohousing communities, in particular, tend to be homogenous in terms of “affluence, social class, race, education and attitudes” (Williams, 2005, p. 154; for similar findings in France, see Bresson and Denefle, 2016). This suggests that some of these developments are exclusive and benefit the affluent alone—but other types are more diverse and inclusive. Therefore, although CLH projects often have a cooperative vision for society, they risk promoting inequality, favouring those with enough time, skill and wealth to engage in volunteering and invest in building a community (Garciano, 2011; Moore and McKee, 2012; Wallace, Ford, and Quilgars, 2013). Moreover, some critiques argue that CLH’s grassroots ethos plays into the hand of the neoliberal desire to roll back the state’s responsibilities (Jacobs and Manzi, 2013).
Le troisième aspect de la justice dans le modèle de Fraser est la voix politique. Le néolibéralisme et les mesures d’austérité en particulier sont connus pour causer un sentiment d’inaction (McGrath, Griffin et Mundy, 2016), une ignorance des processus politiques, une résilience croissante (Chandler et Reid, 2016) et l’acceptation de la logique hégémonique comme vérité (Weidner, 2009). Ces phénomènes sont le résultat de la marchandisation du gouvernement et de la société (Wrenn, 2014) et du développement d’une relation contractuelle entre le gouvernement et le peuple, considéré comme des consommateurs individuels autonomes (Crossan et al., 2016). Dans ce contexte néolibéral, comme Aihwa Ong l’a dit crûment : le gouvernement « n’a plus d’intérêt à prendre soin de chaque citoyen préférant qu’il ou elle agisse comme un sujet libre qui s’auto-accomplit et s’appuie sur une action autonome pour faire face aux insécurités mondiales » (Ong, 2006, p. 501). Dans l’habitat participatif, les personnes ont une plus grande influence sur leur environnement et sur les décisions qui affectent leur vie. De plus, certaines études ont montré qu’elles ont tendance à être plus actives en dehors de leur environnement (Jones, 2017 ; Poley, 2007) – affirmation confirmée par cette recherche.
The third aspect of justice in Fraser’s model is political voice. Neoliberalism and austerity measures in particular are known to inflict a sense of lack of agency (McGrath, Griffin, and Mundy, 2016), ignorance about political processes and growing resilience (Chandler and Reid, 2016) and acceptance of the hegemonic logic as truth (Weidner, 2009). These phenomena are the result of the marketisation of government and society (Wrenn, 2014) and development of a contractual relationship between the government and people, who are reconceptualised as autonomous individual consumers (Crossan et al., 2016). In this neoliberal setting, as Aihwa Ong bluntly put it, the government is “no longer interested in taking care of every citizen [preferring] him/her to act as a free subject who self-actualises and relies on autonomous action to confront global insecurities” (Ong, 2006, p. 501). In CLH, members have a greater influence on their community and decision-making that affects their lives. Moreover, some studies showed that members of CLH tend to be more active beyond their communities (Jones, 2017; Poley, 2007)—a claim that was affirmed by this research.
Cependant, la justice politique selon Fraser exige l’inclusion. Le potentiel des petits groupes à renforcer les capacités de changement social et les questions d’exclusion sont abordés de manière similaire dans les études sur les safe spaces et celles sur l’habitat participatif (Polleta, 1999 ; Brown et Pickerill, 2009 ; The Roestone Collective, 2014 ; Read, 2009 ; Chiodelli, 2015 ; DeFilippis et al., 2019 ; Williams, 2005 ; Sargisson, 2007). Créer un habitat participatif entraîne inévitablement une certaine séparation entre les membres et les autres. Il est controversé de croire que l’habitat participatif peut remettre en cause le système actuel et l’avis des chercheur·e·s diverge sur le positionnement de l’habitat participatif par rapport au capital : en dehors de la logique spéculative du marché (Ruiu, 2014), au sein de celle-ci (Chiodelli, 2015, quelque part entre les deux (Sargisson, 2012 ; Jarvis, 2015), avec un pied dans chacune (Chatterton, 2013). La diversité de l’habitat participatif ne permet pas de porter un jugement global sur son potentiel.
However, political justice according to Fraser requires inclusion. Small groups’ potential to build capacity for social change and issues of exclusion are discussed in similar ways both in the safe space literature and in CLH studies (Polleta, 1999; Brown and Pickerill, 2009; The Roestone Collective, 2014; Read, 2009; Chiodelli, 2015; DeFilippis et al., 2019; Williams, 2005; Sargisson, 2007). Creating a community inevitably entails some separation between members and non-members. The extent to which CLH can pose a challenge to the current system is a matter of controversy and scholars differ in their views on these projects’ position vis-à-vis capital: outside the speculative logic of the market (Ruiu, 2014), well within it (Chiodelli, 2015), somewhere in between (Sargisson, 2012; Jarvis, 2015) or with a foot in both camps (Chatterton, 2013). The diversity of CLH makes it impossible to offer a blanket judgment on its potential.
Dans l’ensemble, l’habitat participatif peut offrir stabilité et sécurité dans un environnement instable et peu sûr. Selon les termes de Fraser, il peut offrir reconnaissance et respect, répartition équitable et voix politique. Mais la réalisation de ce potentiel, comme le montre cette étude, peut être compliquée.
Overall, CLH has potential to offer stability and security in an insecure and unstable environment. In Fraser’s terms, they can offer recognition and respect, fair distribution and political voice. But realising this potential, as this study shows, can be complicated.
Le travail de recherche et la méthodologie
Research and methods
Cet article est basé sur une étude qualitative approfondie de deux types d’habitats participatifs au Royaume-Uni, menée en 2017. Chacun propose des logements sociaux abordables mais ils sont par ailleurs très différents. Beechtree est une coopérative de logement dans un quartier du centre-ville du nord de l’Angleterre. La coopérative possède environ quarante logements de tailles différentes. Elle existe depuis plus de quarante ans, abritant une population intergénérationnelle et diversifiée. Le deuxième, Seagull, est un nouveau projet de cohabitat dans une zone rurale du sud de l’Angleterre, encore en développement au moment de la rédaction du présent article. La population est entièrement blanche et la plupart de ses membres ont plus de 50 ans.
The paper is based on in-depth qualitative research of two community-led housing projects in the UK, conducted in 2017. Both projects offered affordable social housing but were otherwise very different: Beechtree is a housing cooperative in an inner-city neighbourhood in the North of England. The cooperative owns about 40 housing units of various sizes, and has been operating for over 40 years, housing an intergenerational and diverse community. The second community, Seagull, is an emerging cohousing project in a rural area in the South of England, which was still in the development process at the time of writing. The community is entirely White and most of the members are over 50.
Le travail de recherche a nécessité plusieurs jours de visite et une correspondance électronique avec les membres du nouveau projet de cohabitat et huit mois d’interaction intensive avec la coopérative établie. Dans les deux cas, la méthodologie a inclus des entretiens individuels et collectifs, des séances participatives, un travail d’observation et la participation aux événements sociaux, aux assemblées générales, ainsi qu’aux réunions de comité. Trente-trois entretiens semi-structurés ont été menés – onze avec des membres du projet de cohabitat (sur vingt membres) et vingt-trois avec des membres de la coopérative (sur trente-six membres). Les noms des habitats participatifs ainsi que ceux des membres ont été modifiés afin de préserver leur anonymat.
The research engagement involved several day visits and email correspondence with the emerging cohousing community, and 8-month intensive interaction with the established cooperative. In both communities methods included individual and group interviews, participatory sessions, observations and participant observation of social events and general meetings, as well as observations of committee meetings. Thirty-three semi-structured interviews were conducted – 11 with members of the cohousing group (out of 20 members), and 23 with cooperative members (out of 36 members). Communities’ names have been changed and where participants are quoted they were anonymised and their names changed.
L’échantillonnage, la structure et la stratégie des entretiens ont été instruits par une approche critique réaliste (Manzano, 2016), axée sur « ce qui fonctionne » pour différentes personnes dans différentes circonstances (Pawson, 2013). Ainsi, tout en étant ouverts aux perceptions et aux expériences des participant·e·s, les entretiens n’ont pas supposé une « naïveté délibérée » à propos des projets. Les entretiens ont ensuite révélé plusieurs thèmes principaux, dont le thème inattendu de safe space, qui a émergé indépendamment dans les deux groupes. Une fois le thème apparu, il a été inclus dans les entretiens suivants afin de construire une théorie sur l’habitat participatif.
The interviews’ sampling, structure and strategy were instructed by a critical realist approach (Manzano, 2016), focusing on “what works” for different people in different circumstances (Pawson, 2013). So while being open to participants’ perceptions and experiences, the interviews did not assume a “deliberate naiveté” about the projects. The interviews then revealed several main themes, including the unanticipated theme of safe space, which emerged independently in the two communities. Once the theme emerged, it was included in following interviews to build a theory about the community together with members.
Sécurité matérielle et émotionnelle dans l’habitat participatif
Material and emotional safety in community-led housing
Les études de cas montrent comment l’habitat participatif peut fonctionner comme une alternative au logement précaire en matière de sécurité et de justice. Les participants à l’étude ont mentionné trois formes de sécurité dans leur logement : matérielle, émotionnelle et administrative. Elles correspondent aux formes de justice décrites par Fraser : socio-économique, culturelle-symbolique et politique. Les participant·e·s ont souvent fait référence à trois formes de « sécurité matérielle » dans l’habitat participatif : la sécurité du bail, l’accessibilité économique et le bon entretien. Iels ont aussi évoqué trois aspects de la « sécurité émotionnelle » : l’entraide, la solidarité et la tolérance et ont distingué leur habitat sécurisant et solidaire du monde aliéné « de l’extérieur ». Le troisième aspect de la sécurité est l’action et le contrôle accrus de l’habitat par des procédures démocratiques de fonctionnement. Cette partie de l’article commence par les conclusions concernant la sécurité matérielle, puis débat des points de vue des participant·e·s sur la sécurité émotionnelle et explique le lien synergique qui se joue dans la prise de décision au sein de l’habitat participatif. Elle se termine par une critique sur les complexités de la sécurité dans l’habitat participatif : l’exclusion, l’inégalité et l’exploitation du système.
The case studies show how community-led housing can function as just and safe alternatives to insecure housing. Members mentioned three forms of safety in their communities: material, emotional, and procedural. These aspects of safety correlate to Fraser’s forms of justice: socioeconomic, cultural-symbolic, and political. Members often referred to three forms of material safety in CLH: secured tenure, affordability, and good maintenance. Members contrasted their safe, supportive communities to the alienated world “out there”, and mentioned three aspects of emotional safety: mutual aid, supportive community, and tolerance. The third aspect of safety was increased agency and control through the communities’ democratic procedures. This section begins with findings regarding material safety, continues to discuss participants’ views on emotional safety, and explains the synergetic connection between the two as they play out in communities’ decision-making. The section ends with a critique of the complexities of safety in the communities: exclusion, inequality, and exploitation of the system.
Créer la sécurité matérielle, répondre à l’injustice socio-économique
Creating material safety, responding to socioeconomic injustice
« C’est un moyen pour moi de vivre dans un lieu abordable avec une sécurité à long terme et de ne pas avoir à craindre d’être expulsé par un propriétaire privé. » (David, coopérative Beechtree)
“It’s a way for me to live somewhere affordably with a long-term security and don’t have to be worried about being evicted by a private landlord.” (David, Beechtree Co-op)
Rejoindre un habitat participatif peut sembler une démarche idéaliste aux yeux des personnes venant de l’extérieur, mais de nombreux·ses membres de la coopérative ont admis que, bien qu’iels soutiennent l’éthique de la coopérative, Beechtree était avant tout financièrement intéressant. Choisir cette modalité d’habitat n’est pas un choix évident dans une société capitaliste. Afin d’expliquer pourquoi iels considèrent que l’habitat participatif est une option plus sécurisante que la location ou la propriété privée, j’évoque leurs expériences dans le contexte du Royaume-Uni néolibéral et de sa crise du logement.
Joining a CLH project may seem like an idealistic move to outsiders, but many cooperative members admitted that although they support the cooperative’s ethos, Beechtree was above all financially attractive. This is not an obvious choice in a capitalist society. In order to explain why members considered CLH a safer option than private rent or ownership, I discuss their experiences in the context of neoliberal UK and its housing crisis.
Molly, mère célibataire de deux enfants et membre du nouveau projet de cohabitat Seagull, a dû quitter la location de son appartement de trois chambres et emménager dans un appartement avec une seule chambre. Elle partageait une chambre avec sa fille adolescente tandis que son fils dormait dans le salon. Elle plaisantait en disant que ce déménagement a été une bonne occasion de se débarrasser de beaucoup d’affaires qu’ils avaient accumulées : « Il [le propriétaire] voulait beaucoup augmenter le loyer. Pour cet appartement de trois chambres, il pouvait en demander jusqu’à 750 £, 800 £. Et je… […] ne pouvais pas [obtenir de logement social] parce que […] vous ne pouvez pas vous retrouver à la rue et ensuite espérer un logement social. Mais maintenant, je suis – nous sommes officiellement trop nombreux parce que nous sommes trois. Donc […] je suis éligible. »
Molly, a single mother of two and a member of Seagull emerging cohousing group, had to leave her three-bedroom privately rented flat and move into a one-bedroom flat in a different private house. She shared a room with her teenage daughter while her son slept in the living room, and joked that the move was a good opportunity to declutter all the possessions they have accumulated: “He [the landlord] wanted it to go up much more, and he can get much more, he can get £750, £800 for that three bed. And I… […] couldn’t [be housed in social housing] because […] you can’t make yourself homeless and then expect social housing. But now I’m—we’re officially overcrowded because there are three of us in here. So […] I’ve got the status to be housed.”
Pour des personnes comme Molly, la perspective d’emménager dans un projet de cohabitat abordable représente une protection contre une augmentation soudaine du loyer, puisque le niveau des loyers est accepté par tou·te·s les membres ; et comme il n’y a pas de profit à réaliser, l’augmentation du loyer reste modérée. De plus, comme le loyer est réinvesti dans l’habitat, l’entretien peut être fait à un niveau relativement élevé. De nombreux·ses membres d’habitat participatif ayant participé aux études de cas ont mentionné l’entretien comme un facteur important – non seulement en ce qui concerne la sécurité et la commodité, mais aussi en matière de propriété et d’appartenance. Le fait que leur logement corresponde à leur goût fait de leur logement un chez-soi (Madden et Marcuse, 2016).
For members like Molly, the prospects of moving into an affordable cohousing project meant protection from sudden rent raise, since rents level will be agreed by all members; and since there is no private profit to be made, rent raise should be moderate. Moreover, since rent will be invested back in the housing project, maintenance can be done to a relatively high standard. Many members of the case studies communities mentioned maintenance as an important factor—not only in terms of safety and convenience but also in terms of ownership and belonging; having their house done to their taste made their houses a home (Madden and Marcuse, 2016).
Les inquiétudes concernant la sécurité et l’entretien, les expulsions et les propriétaires tyranniques augmentent à mesure que l’austérité s’intensifie et que le secteur du logement public se réduit (Hodkinson, 2019 ; Watt et Minton, 2016). Ce phénomène se produit dans de nombreux secteurs, toutes classes sociales, tous groupes racisés et toutes tranches d’âge confondus (Clapham et al., 2010 ; McKee, 2012 ; Lund, 2013), bien que certains groupes soient touchés de manière disproportionnée par la néolibéralisation du logement (Finney et Harries, 2013), comme les travailleur·euse·s à faible revenu (souvent migrants) (Field, 2014).
Concerns about safety and maintenance, eviction and tyrannical landlords are rising as austerity deepens and the public housing sector shrinks (Hodkinson, 2019; Watt and Minton, 2016). This occurs across many sectors, social classes, ethnic groups and age groups (Clapham et al., 2010; McKee, 2012; Lund, 2013), although some ethnic and age groups are affected disproportionally by the neoliberalisation of housing (Finney and Harries, 2013), for example, low income (often migrants) workers (Field, 2014).
Face à la crise actuelle du logement, les participant·e·s aux deux études de cas ont trouvé des moyens de rendre le logement abordable, soit en collaborant avec une association locale de logement, soit simplement en étant propriétaires sans toutefois rechercher le profit. Les deux études de cas comptent un nombre important de personnes qui reçoivent une aide ou des allocations logement, mais, contrairement aux locataires de logements privés ou sociaux, iels peuvent s’attendre à des baux de location sans restriction (Robinson et Walshaw, 2014). Dans la coopérative de Beechtree, 61 % des membres sont resté·e·s pendant plus de dix ans. C’est nettement plus que la moyenne dans le secteur privé locatif, où la durée médiane d’un bail est d’environ dix-huit mois et la durée moyenne de quatre ans (Alakeson, 2013). Cela reflète à la fois le manque d’options abordables dans le secteur privé et le niveau élevé de sécurité dans la coopérative, comme le suggère l’exemple ci-dessous.
In the face of this ongoing housing crisis, the case-studies communities found ways to make housing affordable, either through collaboration with a local housing association or by owning the properties outright and not-for-profit. The two communities had a significant number of members who received some income support or housing benefits, but unlike tenants in private or social rent, they could expect unrestricted tenancy agreements (Robinson and Walshaw, 2014). In Beechtree cooperative, 61% of members stayed for over ten years. This is significantly more than the average in the private rent sector, where the median rented tenancy is about eighteen months, and the mean length is four years (Alakeson, 2013). This reflects both a lack of other affordable options (like private ownership) and the high level of security in the community, as the example below suggests.
Daniel vit dans la coopérative depuis treize ans. Il a été rejoint par sa femme puis par leurs enfants. L’accession à la propriété ne l’intéressait pas : « En fait, nous avons un droit de jouissance comme si nous étions propriétaires de la maison, sans aucune des responsabilités – y compris personnelles. Nos réparations sont faites, et elles ne nous coûtent pratiquement rien. […] Vous savez [quand vous achetez avec un prêt] – vous n’êtes pas propriétaire de la maison – c’est [la banque] Halifax qui l’est, alors ».
Daniel has been living in the cooperative for thirteen years, joined by his wife and later their children. Daniel was not interested in home ownership: “effectively we have a secured tenure as if you own the house, with none of the liabilities, really—personal liabilities. Our repairs get done, and they don’t cost us anything really. […] And like [when you buy with a mortgage]—you don’t own the house—the Halifax [bank] owns your house, you know.”
Comme Daniel, un nombre important de membres sont réticent·e·s à prendre des risques financiers pour être propriétaire et estiment que la coopérative est une option plus sûre. C’est un point de vue inhabituel, car le marché capitaliste est animé par l’idée que la forme la plus sûre et la plus rentable est la propriété (Flint, 2003). Mais les recherches montrent que même l’accession pure et simple à la propriété ne garantit pas la sécurité ou le bien-être. De nombreux logements insalubres au Royaume-Uni appartiennent à des propriétaires privé·e·s (Bramley, Munro, Pawson et al., 2004) et dans les années précédant la recherche, les propriétaires pauvres représentaient jusqu’à 37 % (Tunstall et al., 2013). Ces dernier·ère·s peuvent souffrir de la gentrification, perdre leurs réseaux de soutien et leur sentiment d’appartenance (Watt, 2013) ou risquer la saisie de leur bien s’iels ne sont pas en mesure de payer leur prêt (Wallace, Anwen et Rhodes, 2014). Au moment de la recherche (2016-2017), le Royaume-Uni est confronté à une crise du logement : les prix sont élevés, le marché caractérisé par une baisse du nombre de primo-accédant·e·s et de jeunes propriétaires (ONS Digital, 2015) et une augmentation du nombre de locataires privé·e·s avec enfants (DECC, 2015). Afin de promouvoir l’accession à la propriété, le gouvernement lance des programmes d’accession à la propriété plus abordables (plutôt qu’un plus grand nombre de logements sociaux ou la réglementation des loyers privés). L’habitat participatif va sans aucun doute à l’encontre du courant dominant.
Like Daniel, a significant number of members were reluctant to take financial risks in order to own a house and felt that the cooperative was a safer option. This is an unusual view; the capitalist market is driven by the idea that the most secure and cost-effective form of tenure is ownership (Flint, 2003). But research shows that even outright homeownership does not guarantee safety or wellbeing. Many of the substandard dwellings in the UK are privately owned (Bramley, Munro, Pawson et al., 2004), and in the years just before the research, homeowners were up to 37% of those in poverty (Tunstall et al., 2013). Poor homeowners may suffer from gentrification and lose their support networks and sense of belonging (Watt, 2013), or face repossession if they are unable to pay their mortgage (Wallace, Anwen, and Rhodes, 2014). At the time of research (2016-2017), the UK faced a housing crisis: prices were high and the market was characterised by a decline in the number of first-time buyers, decreasing numbers of younger homeowners (ONS Digital, 2015) and increasing numbers of private renters with children (DECC, 2015). Attempting to promote homeownership, the government initiated more affordable ownership schemes (rather than more social housing or regulated private rent). The communities were undoubtedly going against the mainstream.
Assurer la sécurité émotionnelle et la justice symbolique
Providing emotional safety and symbolic justice
« Je suis plus attentive aux détails quand j’achète un jean que je ne l’ai été pour acheter cette maison. La plupart des gens ne parlent pas des logements mais des relations. » (Iris, Seagull cohousing).
“I bought jeans with more attention to details than this house. Most people don’t talk about the houses but about relationships.” (Iris, Seagull cohousing)
Pour les membres d’habitat participatif, la sécurité émotionnelle est presque aussi importante que la sécurité matérielle. Cette partie révèle des aspects de la sécurité émotionnelle dans la coopérative de Beechtree et le projet de cohabitat de Seagull : le sens de la communauté et le sentiment d’appartenance, l’entraide et la tolérance. Ces aspects sont à mettre en corrélation avec les formes culturelles et symboliques de la justice de Fraser en accordant une reconnaissance aux personnes marginalisées et vulnérables.
Emotional safety was almost as important to members as material safety. This section reveals aspects of emotional safety in Beechtree and Seagull communities: a sense of community and belonging, mutual aid and tolerance. These aspects correlate with Fraser’s cultural-symbolic forms of justice by providing recognition to marginalised and vulnerable members.
Tout d’abord, et surtout, le fait de connaître et de faire confiance à ses voisin·e·s a fait de l’habitat participatif un safe space. Hannah, membre de la coopérative, a déclaré « On se sent plus en sécurité sur le plan émotionnel. […] Je suppose qu’il n’est pas habituel d’avoir autant de gens que vous connaissez un peu et avec qui vous êtes en quelque sorte des ami·e·s qui vivent si près de vous ». Les activités sociales comme les fêtes et les soirées cinéma, ainsi que l’entraide au quotidien, permettent de maintenir les liens sociaux et renforcent l’engagement des membres les un·e·s envers les autres : « Les liens sociaux que vous établissez valent de l’or. Si c’était une propriété privée, il n’y aurait pas de sentiment de sécurité ni de liens entre voisin·e·s […] et l’habitat fonctionne mieux si nous nous entendons. […]. Peu importe la personne, la personnalité ou le milieu, on est tous ensemble. » (Adrian, coopérative Beechtree)
Firstly, and most importantly, knowing and trusting their neighbours made the community a safe space for members. Hannah, a cooperative member, said: “it feels emotionally safer. […] I guess it’s not usual to have so many people that you know a bit and you’re kind of friends with living so close to you.” Social activities like parties and film nights and the daily acts of mutual aid maintained the social bonds that enhanced members’ commitment to each other: “The social connections you make is gold dust; if this was private property, there were no possibilities for security or connections between neighbours […] and the house works better if we all get on. […] It is something that brings really different people together, different personalities, background, whatever” (Adrian, Beechtree co-op).
Le fait de percevoir le logement comme une unité plutôt que comme un ensemble d’appartements individuels a fait de la coopérative une entité plus forte et a rendu ses membres plus confiant·e·s sur le plan émotionnel. Ces résultats font écho aux études sur les bénéfices de l’entraide pour la santé mentale et la sécurité émotionnelle des aidant·e·s et des aidé.e.s : aider les autres accroît le sentiment de valeur, de sens, d’appartenance et d’action des personnes (Post, 2007 ; Schwartz et al., 2003).
Perceiving the entire house as a unit rather than a collection of individual flats made the cooperative a stronger community and made members emotionally safer. These findings echoed studies on the benefits of mutual aid to givers’ and receivers’ mental health and emotional safety: helping others increases people’s sense of worth, meaning, belonging and agency (Post, 2007; Schwartz et al., 2003).
Le deuxième aspect de la sécurité concerne les personnes appartenant à des groupes particulièrement vulnérables : parents isolés, personnes en situation de handicap et personnes âgées. Selon les membres de logement participatif, la vie en communauté offre une solution plus globale que les solutions individualistes et commercialisées telles que le recours aux soins privés, aux maisons de santé ou aux gated communities. En ce qui concerne la justice, l’habitat participatif offre reconnaissance et respect là où la société offre souvent discrimination et manque de respect.
The second aspect of safety focuses on people of particularly vulnerable groups: single parents, disabled and older population. Community life, members felt, offers a more holistic solution than individualistic and marketised solutions such as private care, care homes or gated communities. In terms of justice, the communities offered recognition and respect where society often offers discrimination and disrespect.
Les personnes âgées sont probablement celles qui font l’objet des recherches les plus approfondies au sujet des avantages de l’habitat participatif (Scanlon et Fernández Arrigoitia, 2015 ; Glass et Vander Platts, 2013). Les participant·e·s à l’étude considèrent la vie en habitat participatif comme un moyen de lutter contre l’isolement. Les membres plus âgé·e·s sans enfants ou avec des enfants à l’étranger trouvent que l’habitat participatif peut assurer certains soins normalement assurés par la famille. L’habitat participatif est généralement considéré comme un filet de sécurité plus cohérent et plus complet que les soins individuels, souvent rémunérés : « Le filet de sécurité dans le [projet de cohabitat pour personnes âgées] est les membres eux-mêmes, tandis que dans d’autres types de communautés de retraités, il existe un filet de sécurité organisationnel interne, axé sur les services » (Glass et Vander Platts, 2013, p. 429). Pour Gail, 64 ans, le cohabitat est une stratégie pour un vieillissement réussi : « il s’agit d’un système qui sera plus efficace que le modèle actuel des soins en institution et à domicile, car pour moi, c’est un mauvais système ». Ses parents, dit-elle, ont fait de « mauvais choix » lors de leur retraite : déménager dans une maison isolée qui implique une dépendance totale à une voiture, sans aucun accès aux magasins, à la culture ou à leurs proches. Ils étaient isolés et devaient faire appel une aide à domicile. Gail voulait quelque chose de mieux.
Older people are probably the most thoroughly researched in relation to benefits from community-led housing (Scanlon and Fernández Arrigoitia, 2015; Glass and Vander Platts, 2013). Participants saw community life as a way to tackle social isolation, and older members with no children or with children abroad found the community could provide some elements of care that would usually be provided by the family. Communities are generally seen as a more consistent and holistic safety-net than individuals, often paid, care: “the safety net in the [elder cohousing project] is the residents themselves, while in other types of retirement communities, there is an internal organisational, service-oriented safety net” (Glass and Vander Platts, 2013, p. 429). For Gail, age 64, cohousing was a strategy for successful ageing: “[a] set up for ageing people that will be more successful than the current model of, you know, residential care and care at home, because for me that’s a poor system”. Her parents, she said, made “poor choices” on their retirement: moving to a remote house that meant complete dependence on a car, with no access to shops, culture or nearby neighbours. They were isolated and had to employ a carer at home. Gail wanted something better.
La situation de handicap est une autre raison de chercher un habitat participatif, car garantissant un environnement favorable. Pour Iris, mère célibataire d’un jeune adulte en situation de handicap, déménager dans un cohabitat était une alternative à « n’avoir dans sa vie que des aidant·e·s rémunéré·e·s », avec qui elle considère que les relations sont impersonnelles et limitées. Elle a estimé que le cohabitat offrait à son fils « de nombreux avantages en termes de liberté, le fait que les gens le connaissent sur le plan personnel (…) et que je serai moi-même soutenue ». Selon Iris, son fils était isolé après son retour des soins pendant la journée, où il n’avait rencontré que des travailleur·se·s professionnel·le·s et d’autres jeunes en situation de handicap. Ses voisin·ne·s n’avaient pas fait d’effort particulier pour le connaître et le comprendre, et elle n’en attendait rien d’autre.
Disability was another reason to look for a supportive community. For Iris, a single mother to a disabled young adult, moving into cohousing was an alternative to “having to only have paid carers in his life”, which she saw as an impersonal and limited relationship. She felt the community offered “loads of benefits in terms of his freedom, the fact that people would know him on a much more personal level […] and there will be support for me”. Her son, said Iris, was isolated after his return from care during the day, where he only met professional workers and other disabled young people. Her current neighbours did not make a special effort to know and understand him, and she did not expect anything else.
Le troisième aspect de la sécurité émotionnelle est le fait de ne pas avoir honte. Connor, de la coopérative de Beechtree, a décrit la honte qui entoure l’attente culturelle de posséder un logement : « Dans ce pays, on vous rabâche qu’il faut être propriétaire, même si vous vous tuez à la tâche, que payer le prêt chaque mois vous fait à peine rentrer dans vos frais. Il faut être propriétaire : “Oh, la location c’est pour les loosers” – c’est la mentalité dans ce pays ».
The third aspect of emotional safety was protection from shame. Connor from Beechtree cooperative described the shame around cultural expectation to own a house: “In this country you’re told and encouraged you should own your own home, even if the mortgage breaks your fucking back, even if paying the amount out every month practically does you in. You have to be a home owner: ‘Oh, renting is for losers’—that’s the mentality in this country.”
La coopérative de logement offre un espace de protection contre le manque de respect. Ses membres sont entouré·e·s de personnes partageant les mêmes idées. Au sein de la coopérative, on a considéré que Connor avait fait un choix judicieux en matière de logement et il n’a jamais été jugé en fonction de sa situation financière. Pour en revenir au rapport de McGrath, Griffin et Mundy, les conclusions montrent que là où la société inflige de la honte, la communauté créée un safe space, « [permettant] une sécurité et une aisance temporaires, donnant la possibilité de créer un foyer, un espace où l’on peut être “véritablement soi-même” » (David et Hartal, 2018, p. 6).
The cooperative offered a safe space from disrespect, where members were surrounded by like-minded people. Within the community, Connor was reassured that he made a sensible housing choice and was never judged according to his financial status. Returning to McGrath, Griffin, and Mundy’s report (2016), the findings shows that where society inflicted shame, the community created a safe space, “[allowing] for temporary safety and ease, and enable the possibility of creating a home, a space of being ‘one’s true self’” (David and Hartal, 2018, p. 6).
La sécurité dans la prise de décision démocratique : construire une justice politique
Safety in democratic decision-making: building political justice
« Je n’ai pas voulu vivre dans une coopérative, mais maintenant que j’y vis, je pense que c’est important politiquement, surtout à cause de la taxe de séjour, l’austérité, etc. » (David, coopérative Beechtree)
“I didn’t set out to live in a co-op, but now I live here, think it’s important politically, especially with the bedroom tax, austerity, etc.” (David, Beechtree Co-op)
Ce qui a fait de l’habitat participatif un safe space, c’est l’interaction entre la structure organisationnelle formelle et la culture informelle de l’attention portée aux autres. La structure organisationnelle garantit une prise de décision démocratique et une propriété collective sans recherche de profit. Ces qualités structurelles permettent aux membres de faire preuve de flexibilité, de prendre des décisions sans privilégier le profit financier et de s’organiser pour résister aux politiques de logement néolibérales. Voici trois exemples de sécurité dans les relations sociales et de justice dans le cadre des processus décisionnels donnant la parole aux personnes vulnérables. Ces exemples montrent des procédés qui offrent non pas l’impartialité, mais la reconnaissance de la différence et l’engagement pour le bien-être des personnes au-delà des profits.
What made the communities a safe space was the interplay between the formal organisational structure and the informal culture of care. The organisational structure guaranteed democratic decision-making and collective ownership that is not-for-profit. These structural qualities allowed members to exercise flexibility, make decisions that did not prioritise financial profit, and organise politically to resist neoliberal housing policies. The following are three examples of safety in cooperative social relations, and justice in fair decision-making processes that give voice to vulnerable members. These examples show procedural justice that offers not impartiality but recognition of difference, and commitment to members” wellbeing above profits.
Le premier exemple est la résistance de la coopérative de Beechtree à la restructuration de l’aide sociale connue sous le nom de « taxe de séjour » qui a été introduite en 2013. Cette réforme a réduit l’éligibilité aux allocations logement pour les locataires sociaux « considérés comme consommant trop de logements (14 % avec une seule chambre et 25 % pour plus d’une) » (Gibb, 2015). En raison de cette politique, les personnes dépendant des allocations logement ont eu non seulement du mal à rester chez elles, mais également à trouver des alternatives appropriées. La coopérative de logement a décidé de résister à cette législation en absorbant le manque à gagner pour les personnes concernées. Cela a entraîné une perte substantielle et continue de revenus locatifs, mais les membres de la coopérative ont fièrement soutenu cette initiative.
The first example is Beechtree cooperative’s resistance to welfare restructuring known as the “bedroom tax” which was introduced in 2013. This reform reduced eligibility to housing benefits for social tenants “deemed to be consuming too much housing (14% for one spare bedroom and 25% for more than one)” (Gibb, 2015). As a result of this policy, tenants relying on housing benefits struggled to stay in their homes but equally struggled to find suitable alternatives. The cooperative decided to resist this legislation by absorbing the shortfall for people who were affected. This entailed a substantial ongoing loss of rent income, but members of the community proudly supported this move.
Le deuxième exemple est l’approche de Beechtree en matière d’arriérés. L’agent administratif de la coopérative qui travaillait auparavant dans le logement social a déclaré « [la coopérative] est beaucoup moins stricte sur les arriérés que ne le serait un bailleur social classique. Des arriérés assez importants sont tolérés si le contact avec le locataire est maintenu et des preuves qu’il essaie de les rembourser sont apportées ». Mes observations ont montré que la flexibilité dans le traitement des arriérés était appliquée lorsque les membres étaient perçu·e·s comme agissant de bonne foi. Dans ce cas, des mesures discrétionnaires sont volontiers prises. Hannah, membre de la coopérative, a déclaré que cela rend l’espace sécurisant : « Je pense que certaines personnes dans cette coopérative auraient vraiment du mal à trouver un logement indépendant […] la coopérative donne ce petit coup de pouce supplémentaire […]. Vous savez, un voisin qui veille sur eux, une sorte de… un peu de flexibilité s’ils ne parviennent pas à payer leur loyer à temps ». La structure juridique de la coopérative implique que les propriétés sont détenues collectivement sans but lucratif et les politiques approuvées démocratiquement. La structure sociale s’est donné une marge de manœuvre, en mettant en œuvre des politiques souples et indulgentes, en créant un espace de justice pour les personnes vulnérables.
The second example is Beechtree’s approach to arrears. The cooperative’s administrative worker, who previously worked in social housing, said: “[The co-op] is a lot less strict on arrears than a conventional social landlord would be. Quite substantial arrears will be tolerated if there is some contact with the tenant and some evidence that they are trying to pay them back.” My observations showed that flexibility in dealing with arrears was practised when members were perceived as acting in good faith; in such cases, discretionary measures were happily approved. Member Hannah said this made the community a safe space: “I think some people in this co-op would really struggle in independent housing […] the co-op gives this little bit of extra support […]. You know, a neighbour who got an eye on them, kind of… a little bit of flexibility if they don’t manage to pay their rent on time.” The cooperative legal structure meant that properties were owned collectively not-for-profit, and policies agreed democratically. The social structure carved out room for manœuvre, implementing policies in a flexible and forgiving manner, creating space of justice for the vulnerable.
Le troisième exemple est celui du cohabitat de Seagull qui s’est révélé s’adapter extraordinairement aux besoins de ses membres. Deux de ses membres étaient atteint·e·s d’une maladie environnementale, ce qui signifie qu’iels étaient affecté·e·s par « des produits chimiques courant dans l’environnement à des niveaux réputés pourtant “sûrs” » (Coyle, 2004, p. 62). IEls souffraient également d’hypersensibilité électromagnétique, un état « associé à une dégradation de l’état de santé général, une augmentation de la détresse, un recours accru aux services de santé et des troubles dans le fonctionnement professionnel et social » (Rubin, Nieto-Hernandez et Wessely, 2010, p. 2). Pour rendre le développement du projet de cohabitat plus inclusif, les membres ont convenu qu’une maison aurait une peinture (plus chère) sans produits chimiques et aucune connexion Wi-Fi pour protéger des champs électromagnétiques. Cette décision a limité la possibilité de louer des logements dans cette maison. C’est d’autant plus inhabituel que la maladie est rare et qu’au moment de l’étude, il n’y avait aucune preuve scientifique (Rubin, Nieto-Hernandez et Wessely, 2010). La décision de tenir compte de ces besoins au détriment de la logique du marché induit un niveau de confiance exceptionnel.
The third example is from Seagull cohousing community, which was extraordinarily adaptive to members’ needs. Two members were environmentally ill, which meant they were affected by “everyday chemicals in the environment at levels politically conceived to be ‘safe’” (Coyle, 2004, p. 62). They also suffered from electromagnetic hypersensitivity, a condition “associated with decrements in general health status, increased levels of distress, increased levels of health service use, and impairments in occupational and social functioning” (Rubin, Nieto-Hernandez et Wessely, 2010, p. 2). To make the development more inclusive, members agreed that one house will have (more expensive) chemical-free paints and no wi-fi connection to protect from electromagnetic fields. This decision limited the ability to rent units in this house. It is even more unusual considering that the condition is rare, and at the time of the study had no scientific evidence (Rubin, Nieto-Hernandez, and Wessely, 2010). The decision to accommodate these needs against the market logic suggests an exceptional level of trust.
La volonté et la capacité des membres d’habitat participatif à prendre des décisions qui ne sont pas motivées par des considérations économiques en font un lieu sécurisant pour leurs locataires. Cette synergie entre une structure qui assure une prise de décision démocratique et des relations donnant un sentiment de communauté est essentielle à la création de safe space et d’espace de justice face au néolibéralisme.
The communities’ willingness and ability to make decisions that were not economically driven made them a safe place for their tenants. This synergy between a structure that ensures democratic decision-making and relationships that create a sense of community is vital to the creation of a just and safe space from neoliberalism.
La complexité de la sécurité dans l’habitat participatif
Complexities of safety in CLH
« Nous sommes très, très ouverts, mais il y a eu des moments où les gens en ont profité. » (Daniel, coopérative Beechtree)
“We’re very, very open, but there’s been points where people have taken really bad liberties with that.” (Daniel, Beechtree co-op)
Aucun espace n’est entièrement sécurisant ; certain·e·s soutiennent que le terme même de safe space est trompeur, car il est essentiellement irréaliste (Wallin-Ruschman et Patka, 2016). Cette partie identifie deux domaines d’insécurité et d’injustices potentielles dans les études de cas : la dynamique du pouvoir au sein de l’habitat participatif et la nature intrinsèquement exclusive du safe space qui peut entraver l’étendue de son potentiel de transformation politique.
No space is entirely safe; some argue that the very term “safe space” is misleading because it is essentially unrealistic (Wallin-Ruschman and Patka, 2016). This section identifies two areas of potential insecurity and injustice in the case studies: power dynamics within the community, and the inherently exclusive nature of safe space which may hinder its potential for broader political transformation.
Les safe spaces reposent sur le travail relationnel (The Roestone Collective, 2014) et donc les relations dysfonctionnelles menacent leur nature protectrice. Les habitats participatifs étudiés disposaient de procédures pour accompagner leurs membres en cas de litige et proposaient une médiation ou une intervention lorsque des sanctions étaient nécessaires. En apparence, ces mesures pourraient faire de l’habitat participatif un safe space face au harcèlement, mais son succès a été limité. La crainte d’un conflit dans un petit habitat participatif a souvent conduit ses membres à supporter le harcèlement pendant des années avant d’agir. Il est bien connu dans la recherche féministe que les petites communautés peuvent être étouffantes et faire pression sur les membres afin qu’iels se conforment (Young, 1990). Ce fut le cas pour Stéphanie, qui a cessé de participer aux réunions suite aux agressions quotidiennes d’autres membres. Le mécanisme interne de résolution des conflits ne lui a pas été d’un grand secours. La pression des pairs peut également rendre la vie en communauté stressante et non sécurisante. Certains membres se sont sentis marginalisé·e·s et impuissant·e·s dans la « tyrannie de l’absence de structure » des dynamiques sociales informelles (Freeman, 1970). Trois membres de la coopérative Beechtree ont évoqué la difficulté d’exprimer des opinions impopulaires. Olivia a déclaré : « Si vous vous y opposez, ils se retourneront contre vous – cette chose qu’ils appellent “ils”… / Ruth : La clique… / Steph : Il y a certainement un groupe de personnes qui mène la danse. / Ruth : Mais nous avons tous un vote, nous pouvons tous aller aux réunions ».
Safe spaces rely on relational work (The Roestone Collective, 2014), and therefore dysfunctional relationships make spaces unsafe. The case studies communities had procedures to support members in disputes and offered mediation or intervention where sanctions were needed. Ostensibly, these measures could make the community a safer space from bullying, but its success was limited. Fear of conflict in a small community often led members to put up with bullying for years before acting on it. It is well recognised in Feminist literature that small communities can be oppressive and pressurise members to conform (Young, 1990). This was the case for Stephanie, who stopped attending community meetings following daily aggressions from other members. The internal conflict-resolution mechanism was not helpful for her. Peer pressure could also make community living stressful and unsafe. Some members felt marginalised and powerless in the “tyranny of structurelessness” (Freeman, 1970) of informal social dynamics. Three members of Beechtree cooperative discussed the difficulty to voice unpopular opinions. Olivia said: “if you speak up against it they will turn out against you—that thing that’s ‘they’. / Ruth: The clique – / Steph: There’s certainly a group of people who’ve been running the show. / Ruth: But we all have a vote, we can all go to meetings.”
Cet échange démontre la tension entre les procédures formelles et la dynamique informelle du pouvoir. Les membres les moins populaires pourraient se sentir aliéné·e·s, restreint·e·s ou exclu·e·s.
This exchange demonstrates the tension between the formal procedures and informal power dynamics. Less popular members could feel alienated, restricted or excluded.
La deuxième limite des safe spaces est leur propre périmètre, qui en restreint non seulement le nombre de bénéficiaires, mais aussi son impact potentiel. Le succès des safe spaces se mesure à son organisation politique et à sa politique de transformation (The Roestone Collective, 2014). Mais souvent les safe spaces ne parviennent pas à atteindre cet objectif ambitieux. Cette partie examine deux des limites des safe spaces de l’habitat participatif dans la quête d’une plus grande justice sociale : l’exclusion et le repli sur soi. Comme mentionné ci-dessus, l’habitat participatif est un secteur diversifié, et certaines formes sont plus inclusives, abordables ou sociables que d’autres. Les types d’habitats participatifs étudiés diffèrent dans leur relation à la société : la coopérative Beechtree était déjà établie et ses membres ont travaillé dur pour la maintenir, tandis que Seagull était encore en train de se former et de s’adresser à des membres potentiels. De plus, Beechtree se trouve dans une grande ville multiculturelle, tandis que le cohabitat Seagull est situé dans une petite ville rurale britannique dans laquelle la population est presque entièrement blanche. Ces différences ont affecté leur position sur la diversité et leur niveau d’engagement.
The second limit to safe spaces is their own boundaries, limiting not only the number of beneficiaries from the safe space, but also its potential for wider impact. Political organising and transformative politics are considered the benchmark for safe spaces’ success (The Roestone Collective, 2014). But safe spaces often fail to realise this ambitious goal. This section discusses two limitations of CLH safe spaces in a quest for greater social justice: exclusion and inward lookingness. As mentioned above, the CLH sector is diverse, and some forms of CLH are more inclusive, affordable or sociable. The case studies differed in their relationship with wider society: Beechtree was already established and members worked hard to maintain it, while the Seagull group was still forming and reaching out to potential members. Moreover, Beechtree cooperative was in a large, multicultural city, while Seagull cohousing project was in a small and almost entirely White British rural town. These differences affected their position on diversity and their level of community engagement.
De nombreux projets d’habitat participatif ne sont pas diversifiés. Bien que les logements soient accessibles, ils sont confrontés à d’autres aspects de la diversité. Le cohabitat Seagull attire principalement des personnes âgées ; la coopérative Beechtree, située dans un quartier sud-asiatique, compte principalement des membres britanniques blanc·he·s (bien que la minorité de membres noir·e·s soit proportionnelle à celle de la société britannique en général). L’homogénéité a été renforcée par la stratégie de recrutement de bouche à oreille au sein de cercles sociaux similaires. Du point de vue de la sécurité, il s’agit d’une stratégie raisonnable mais du point de vue de la justice sociale, elle est exclusive. La diversité dans l’habitat participatif est une question importante qui dépasse le cadre du présent article (pour une étude approfondie, voir Arbell, 2020). Je me concentre ici sur l’impact de l’habitat participatif sur la société, et c’est là que les deux cas diffèrent.
Many CLH projects are not diverse. Although the case study communities were affordable, they grappled with other aspects of diversity. Seagull cohousing attracted mainly older people; Beechtree cooperative, set in a South-Asian neighbourhood, had mainly white British members (although the minority Black members was similar to that of the general UK society). Homogeneity was increased by the word-of-mouth recruitment strategy within similar social circles. From a safety perspective, this is a reasonable strategy; but from a social justice perspective it appears exclusive. Diversity in CLH is an important issue beyond the scope of this paper (for an elaborate discussion see Arbell, 2020). Here I focus on the communities’ impact on society, and this is where the two communities differ.
Force est de constater que le nouveau projet de cohabitat est plus optimiste quant à son potentiel de changement qu’une coopérative désabusée qui fonctionne depuis des décennies avec un succès à la portée limitée. Les membres des coopératives ont souvent fait remarquer que même leurs voisin·e·s immédiat·e·s ne savaient pas ce qu’était une coopérative de logement et n’avaient jamais essayé d’en devenir membres. Cela n’a pourtant pas diminué l’engagement politique des membres de la coopérative. Cependant, contrairement aux organismes fonciers solidaires dans l’étude de James DeFilippis et al. (2019), qui ont rejeté la politisation de leur développement, les membres de Beechtree pensaient généralement que leur projet avait un potentiel politique plus important qu’iels ne pouvaient le réaliser.
It may not come as a surprise that the emerging group was more optimistic about its potential for change than a disillusioned community that has been running for decades with limited success in making waves. Cooperative members often commented that even their immediate neighbours did not know what a cooperative was and never tried to become members. This did not diminish their political commitment, though: unlike the CLTs in DeFilippis et al.’s study (2019), who rejected politicisation of their development, Beechtree members generally believed their project had greater political potential than they could realise.
Les membres du cohabitat Seagull sont tourné·e·s vers l’extérieur, comme le souligne l’un de ses membres, Gail : « l’enjeu principal pour moi est de commencer à remettre en cause le statu quo. Je ne pense pas que les [partis] politiques puissent jamais renverser le système, je pense qu’il faut créer des modèles différents et montrer vraiment aux gens qu’il y a une autre façon de faire ». Gail a présenté le cohabitat comme un espace de préfiguration, en ce sens qu’il « [réalise] la vie comme on le souhaite, à la fois pour expérimenter de meilleures pratiques et pour faire avancer le changement » (Cooper, 2017, p. 335). Cette orientation des membres de Seagull vers l’extérieur s’est également révélée lorsque le terrain adjacent au leur a été mis en vente, iels ont alors décidé de développer une deuxième phase pour leur projet. Il s’agit d’une entreprise considérable : la plupart des projets de cohabitat ne parviennent pas à établir un cohabitat, encore moins deux. Anna a expliqué leur décision : « Si nous ne l’achetons pas, quelqu’un d’autre le fera – ce pourrait être un promoteur privé ».
Members of Seagull cohousing were outward-looking, as Gail’s representative quote indicates: “the main driver for me is to start to challenge the status quo. I don’t think through [party] politics there’ll ever be able to overthrow the system, I think it has to come from making different models and really showing people that there is a different way.” Gail articulated the cohousing community as a prefigurative space, in the sense that it “[performs] life as it is wished for, both to experience better practice and to advance change” (Cooper, 2017, p. 335). Cohousing members were outward-looking; when the site adjacent to theirs went on sale, members decided to develop a second phase to their cohousing project. This is a tremendous undertaking: most cohousing projects fail to establish one community, let alone two. Explaining their decision, Anna said: “well if we don’t [buy it] somebody else will—it could just be a private developer.”
De leur côté, les membres de la coopérative Beechtree ont tendance à soutenir que sa valeur politique réside dans le fait de servir leurs propres membres. David a déclaré : « fournir des logements décents et bon marché est politique, non ? », et Heather a expliqué que « la politique qui tend à être la plus durable est celle qui est enracinée dans nos intérêts plutôt que de faire campagne autour d’un barrage quelque part ailleurs ou autre chose du genre ».
Members of the cooperative, on the other hand, tend to argue that the political value of the projects lies in serving their own members. David said: “providing cheap, decent affordable housing is political, isn’t it?” and Heather explained that “the politics that tends to be the most long-lasting is that which is rooted in your interests rather than campaigning around some dam somewhere else or something like that.”
Les critiques de l’habitat participatif opposent deux arguments majeurs. Premièrement, l’« habitat participatif » est souvent utilisé pour justifier la restructuration néolibérale de l’aide sociale plutôt que pour amorcer un changement social vers une société plus juste (McKee, 2015a) et les chercheur·e·s s’inquiètent de la convergence de l’habitat participatif et de la volonté néolibérale de déresponsabiliser l’État (Jacobs et Manzi, 2013). Deuxièmement, comme en réponse à l’argumentation de David, DeFillipis soutient que « ceux d’entre nous qui sont au cœur des questions de justice sociale ne devraient pas minimiser l’importance de permettre aux personnes à faible revenu d’accéder à un logement décent et stable alors qu’elles en seraient autrement exclues. Mais nous sommes surtout intéressés à explorer s’il y a des moments de transformation, que nous considérons comme des éléments de construction vers d’autres mondes » (DeFilippis et al., 2019, p. 6).
Critics of CLH evoke two main counters to members’ rationale. Firstly, “community” is often used as a cover for neoliberal welfare restructuring rather than a social change towards a just society (McKee, 2015a), and scholars are concerned about the common features of community-led housing and the neoliberal desire to withdraw state’s responsibilities (Jacobs and Manzi, 2013). Secondly, as in response to David’s argument, DeFillipis argues that “those of us centrally concerned with issues of social justice should not minimise the importance of getting low-income people into decent, stable housing when they would otherwise be excluded from it. But we are most interested in exploring if there are moments of transformation, which we see as building blocks towards other worlds (DeFilippis et al., 2019, p. 6).
Toutes ces complexités rendent-elles vraiment paradoxaux les safe spaces de l’habitat participatif, comme le soutient le collectif Roestone (2014) ? Pas nécessairement. Le Safe Space doit être considéré comme un but plutôt qu’un objectif réalisable ; un concept utile pour les espaces préfiguratifs défiant les logiques hégémoniques. Les membres ont admis que leurs attentes élevées ont parfois conduit à des déceptions ; comme l’a dit Ruth, membre de la coopérative : « Je pense que c’est probablement un endroit moins critique et plus tolérant que le monde extérieur. Mais ça n’envoie pas toujours du rêve. »
Do all these complexities make CLH safe spaces truly paradoxical, as the Roestone Collective argues (The Roestone Collective, 2014)? Not necessarily. Safe space should be seen as an aim rather than an achievable goal; a useful concept for prefigurative spaces challenging hegemonic logics. Community members admitted that their high expectations sometimes led to disappointment; as cooperative member Ruth said: “I think it probably is a less judgmental and a more tolerant place than the outside world. But it still doesn’t live up to unicorns skipping through the meadow.”
Conclusion
Conclusion
Cet article propose une nouvelle conceptualisation du safe space et apporte trois arguments interdépendants : 1. les safe spaces ont la capacité de devenir des espaces de justice lorsqu’ils répondent aux trois aspects de l’injustice (socio-économique, culturel-symbolique et politique) ; 2. la violence néolibérale devrait être reconnue comme un type de violence qui nécessite des safe spaces protégeant des insécurités du néolibéralisme (marchés axés sur le profit, manque de considération à l’égard des pauvres, isolement et individualisation) ; 3. l’habitat participatif peut être un exemple d’un tel espace. Il s’agit d’une contribution aux études menées sur les injustices du néolibéralisme et sur les safe spaces contre d’autres formes d’oppression.
This paper offers a new conceptualisation of safe space and contributes three interrelated arguments to the literature: 1. safe spaces can become just spaces when they respond to three aspects of injustice (socioeconomic, cultural-symbolic and political); 2. Neoliberal violence should be recognised as a type of violence that requires safe spaces protecting people from the insecurities of neoliberalism (profit-driven markets, disrespect for the poor, isolation and individualization); 3. Community-led housing can be an example of such a space. This is a novel addition to a large body of literature on the injustices of neoliberalism and on safe spaces from other forms of oppression.
Les études de cas ont montré que les membres se sentaient particulièrement en sécurité dans leur habitat participatif, et ont révélé les pratiques qui en faisaient des safe spaces et des espaces de justice avec trois aspects de la sécurité : matériel, émotionnel et politique. Ces aspects sont en corrélation avec les aspects de l’(in)justice de Fraser : répartition, reconnaissance et voix politique. Le cadre normatif de Fraser met en évidence le « potentiel » de justice de l’habitat participatif, même s’il n’est pas toujours réalisé. En matière de justice distributive, l’habitat participatif offre des logements abordables, sécurisants et sans recherche de profit. En ce qui concerne la reconnaissance, il apporte respect et soutien aux membres de tous horizons et les protège de la honte dans une société concurrentielle et matérialiste. Il offre également la stabilité et la sécurité dans un environnement en constante évolution. Sur le plan politique, les membres ont pu s’exprimer sur des décisions importantes concernant leur logement, qu’il s’agisse des loyers, des adaptations pour les personnes en situation de handicap ou de l’adhésion des membres et de leur départ. Enfin et surtout, je soutiens que la combinaison entre une structure organisationnelle démocratique à but non lucratif et une structure sociale coopérative et solidaire a conduit à des procédures et des décisions politiques justes qui placent les membres avant le profit financier. C’est ce qui ressort dans le soutien apporté aux victimes de la taxe de séjour ou dans la flexibilité discrétionnaire en matière d’arriérés.
The case studies showed that members felt particularly safe in their communities, and revealed the practices that made them just and safe spaces by offering three aspects of safety: material, emotional and political. These aspects correlate to Fraser’s aspects of (in)justice: distribution, recognition and political voice. Fraser’s normative framework highlights the potential for justice in CLH, although it is not always realised. In terms of distributive justice, the communities offered affordable and not-for-profit secured housing. In terms of recognition, communities provided respect and support to members of all walks of life and protection from shame in a competitive and materialist society. They also offered stability and security in an ever-changing environment. Politically, members had a voice regarding important decisions on their housing, from rent rates and disability adaptations to membership and its termination. Finally, and importantly, I argue that the combination of a democratic, non-profit organisational structure and a cooperative and supportive social structure led to just political procedures and decisions that put members before financial profit. This was evident in the examples of support for bedroom tax victims or discretionary flexibility on arrears.
Outre les avantages de l’habitat participatif, des complexités ont également été identifiées. Les safe spaces sont imparfaits, et pour maintenir la sécurité, l’exclusion est vitale. Comme le reconnaît la littérature, les safe spaces reproduisent souvent diverses formes d’exclusion et d’oppression injustes, telles que le racisme. En outre, la dynamique de pouvoir entre les membres peut conduire à l’injustice et aux abus. D’autres difficultés concernant l’habitat participatif en tant que safe spaces sont liées à leur potentiel de repli sur soi plutôt qu’à leur capacité à servir de point de départ à un changement social plus global. Les membres affirment néanmoins que l’organisation collective visant à améliorer le logement et la solidarité ont une valeur politique importante en soi. Tous les projets d’habitat participatif ne sont pas similaires : certains sont financièrement ou socialement exclusifs, d’autres offrent peu de liens et de participation sociaux. Trouver le bon équilibre est un défi afin de devenir non seulement un safe space mais aussi espace de justice.
Alongside the advantages of CLH, complexities were also identified. Safe spaces are imperfect; in order to maintain safety, exclusion is vital; as recognised in the literature, safe spaces often reproduce various forms of unjust exclusion and oppression, such as racism. Moreover, power dynamics among members could lead to injustice and abuse. Other complexities regarding CLH as safe spaces relate to their potential to be inward-looking rather than a starting point for wider social change. However, members tend to argue that collective organisation for improved housing and a supportive community had important political value in themselves. Not all CLH projects are similar: some are financially or socially exclusive, some offer little social connection and participation. Finding the right balance is a challenge for CLH on its way to become not only safe but also just.
À mesure que la société devient instable, avec des menaces allant de la montée du populisme à la crise climatique, le besoin de safe spaces et d’espaces de justice se fera de plus en plus sentir. Naomi Klein a souligné la montée des « zones vertes » – des safe spaces, luxueux et exclusifs pour les élites au milieu de zones sinistrées pauvres (Klein, 2017). L’habitat participatif propose un modèle différent de safe space et d’espace de justice pour vivre ensemble. Il est par conséquent possible de développer le concept d’habitat participatif comme un safe space, plus juste et inclusif, et explorer davantage le concept de safe spaces face au néolibéralisme – non seulement espaces de contestation, mais aussi espaces nourriciers qui permettent de rompre avec la logique de marché généralisée de la société néolibérale.
As society becomes insecure, with threats ranging from rising populism to climate crisis, there will be more need for safe and just space. Naomi Klein pointed at the rising of “Green Zones”—luxurious and exclusive safe spaces for the elites in the midst of disaster areas affecting the poor (Klein, 2017). CLH offers a different, community-led model of a just and safe space. There is therefore scope to develop the concept of community-led housing as a safe, just and inclusive space, and to further explore the concept of safe spaces from neoliberalism—not only spaces of contestation but also nourishing spaces which allow members a break from the widespread market logic of neoliberal society.
Note
Note
Tous les entretiens ont eu lieu en 2017, et lorsque des citations d’entretiens apparaissent, elles ont été réalisées au cours de cette même année.
All interviews took place in 2017, and where interview quotes appear they were conducted during that year.
Remerciements
Acknowledgments
J’exprime ma reconnaissance à Lucie Middlemiss et Paul Chatterton pour leur soutien et leurs suggestions utiles dans la première version de ce manuscrit. Les relecteurs anonymes et l’équipe éditoriale qui ont poussé à développer et préciser les arguments critiques sont chaleureusement remerciés.
The author is grateful to Lucie Middlemiss and Paul Chatterton for their support and helpful comments on the early version of this manuscript. I would also like to thank the anonymous reviewers and the editorial team who challenged me to think critically about my arguments and helped me clarify the piece.
Pour citer cet article
To quote this article
Arbell Yael, “‘A place that is different from the usual capitalist world’: the potential of Community-led housing as safe and just spaces” [« “Un lieu différent du monde capitaliste habituel” : le potentiel de l’habitat participatif en tant que safe space et espace de justice sociale »], Justice spatiale | Spatial Justice, no 16, 2021 (http://www.jssj.org/article/un-lieu-different-du-monde-capitaliste-habituel-le-potentiel-de-lhabitat-participatif-en-tant-que-safe-space-et-espace-de-justice-sociale/).
Arbell Yael, “‘A place that is different from the usual capitalist world’: the potential of Community-led housing as safe and just spaces” [« “Un lieu différent du monde capitaliste habituel” : le potentiel de l’habitat participatif en tant que safe space et espace de justice sociale »], Justice spatiale | Spatial Justice, no 16, 2021 (http://www.jssj.org/article/un-lieu-different-du-monde-capitaliste-habituel-le-potentiel-de-lhabitat-participatif-en-tant-que-safe-space-et-espace-de-justice-sociale/).
[1] Le terme « Community-led housing » qui recouvre dans cet article le cohabitat, les coopératives d’habitat et les organismes fonciers solidaires a été traduit par « habitat participatif ».
[2] Le terme « Safe Space » renvoie à des lieux ou des configurations qui offrent une protection et favorisent l’empowerment des personnes subissant une oppression régulière et une marginalisation par la société dominante et devant faire face à des comportements nocifs.